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Quelques thèses sur la question syndicale en vue d’un large débat

10 avril 2010, 15:41, par marek

ROUTINE CORPORATISTE
A l’heure où nous écrivons, les travailleurs de la presse continuent à tenir bon. Leurs piquets de grève sont prêts à défendre avec acharnement les lieux de travail.

Ceci explique aussi pourquoi le gouvernement n’a pas fait intervenir la police, comme il l’avait fait pour la grève des rotativistes. Cette fois, il risque une collision qui pourrait mettre le feu aux poudres dans toute la région parisienne.

Ne pouvant briser la grève par la force, il reste neutre... en déclarant que la politique gouvernementale interdit toute hausse des salaires !

On comprend que le gouvernement interdise aux patrons des journaux l’augmentation des salaires ; car, en réalité, dans ce conflit, il ne s’agit pas seulement des ouvriers de la Presse, D’UNE catégorie de salariés. Le fond de la lutte n’est pas entre les catégories de salariés et leurs patrons respectifs, mais entre la classe laborieuse et la politique gouvernementale de blocage des salaires.

Pour obtenir gain de cause, les grévistes doivent donc faire capituler le gouvernement, briser sa politique de blocage des salaires. Car il y a une opposition irréductible entre l’objectif de la lutte (l’augmentation du salaire horaire, l’atténuation de l’exploitation patronale, voulues par toute la classe ouvrière), et la politique gouvernementale qui veut sauvegarder intacte l’exploitation patronale. C’est pour cela que l’enjeu des grèves, briser la politique gouvernementale de blocage des salaires en faveur du patronat, concerne, au-dessus des catégories et des corporations, toute la classe ouvrière, tous les salariés.

Les dirigeants du Syndicat du Livre le savent : un essai d’étendre le mouvement, tout au moins aux ouvriers des imprimeries du Labeur, a été fait par un tract non officiel. Mais il fut suivi aussitôt par un autre appel, publié par le "Syndicat général du Livre et des industries connexes de la région parisienne", qui s’adresse ainsi à tous les ouvriers imprimeurs : "...Pour le moment, restez calmes et disciplinés, attendez les mots d’ordre de vos organisations syndicales... Courage et confiance".

Cet appel au calme et à la discipline équivaut pratiquement à isoler la grève des ouvriers de la Presse, à les laisser seuls dans leur mouvement. D’où vient cette scission d’un mouvement qui englobe les travailleurs d’une même industrie ?

Des discussions avec les représentants syndicaux, il ressort que personne ne se fait d’illusions sur la portée des grèves fractionnées, et que les revendications de telle ou telle catégorie, qui sont en réalité celles de toute la classe ouvrière, ne peuvent recevoir une solution qu’en opposant au bloc gouvernemental la force unie de toute la classe ouvrière.

Les responsables syndicaux préfèrent cependant faire la politique de l’autruche, en essayant de consoler les ouvriers avec des formules : "Nous nous débrouillerons dans notre catégorie..." "La position de la C.G.T. c’est grignoter peu à peu chacun pour soi..." Les ouvriers connaissent les résultats obtenus jusqu’à présent par cette méthode : ce sont leurs salaires qui ont été grignotés par l’Etat. Et devant le décalage croissant entre les salaires et le coût de la vie, le "débrouillage" ne fait que camoufler ce déca-lage, et non l’atténuer.

C’est parce que les responsables syndicaux capitulent qu’ils sont obligés de donner des prétextes corporatistes aux ouvriers et de disperser ainsi leurs forces. Et c’est dans ces conditions que les responsables syndicaux du Livre, qui se targuent de leur indépendance vis-à-vis des partis, ont recommandé, sous la pression personnelle de Hénaff, le "calme" aux autres corporations du Livre qui auraient pu se solidariser avec les ouvriers de la Presse.

Les raisons qu’ils donnent : "Les métallurgistes ne nous suivraient pas, ils sont derrière Hénaff", "la C.G.T. est contre nous", ne sont que des prétextes dûs à leurs conceptions étroites. Car en réalité, comme le prouve l’exemple de l’attitude des travailleurs de chez Citroën ou Renault vis-à-vis des bureaucrates staliniens, ou l’attitude des ouvriers grévistes de la Presse vis-à-vis du "vénérable Cachin", ce ne sont pas les travailleurs du rang qui se laissent aujourd’hui intimider par les Hénaff.

Les prétextes donnés par les dirigeants syndicaux du Livre révèlent en réalité qu’ils n’ont pas le courage de mener la lutte que la situation d’aujourd’hui exige, parce que celle-ci implique une rupture complète avec leurs traditions de routine syndicale. Et comme on peut multiplier cet exemple par cent et par mille, on comprend pourquoi l’effort de millions d’ouvriers, depuis 1934, n’a pas abouti à un résultat définitif pour la classe ouvrière.

A. MATHIEU.

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