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Novembre 1918 : Quand la révolution allemande mettait fin à la guerre

28 septembre 2009, 09:57, par Max

Le 15 janvier 1919, à Berlin, l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg portait un dernier coup mortel aux soulèvements révolutionnaires qui, depuis plusieurs semaines, embrasaient l’Allemagne.

L’HOMME qui prit les dernières dispositions en vue du meurtre de Karl et de Rosa, un certain commandant Waldemar Pabst, siégeait alors à l’hôtel Eden, à Berlin, où était installé l’état-major de la division de cavalerie de la garde. Des extraits des Mémoires qu’il avait entrepris d’écrire sont maintenant révélés. La rédaction de cette autobiographie resta inachevée, Pabst étant mort en 1970, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Dans les fragments connus aujourd’hui (1), Waldemar Pabst rapporte qu’il avait agi sur l’injonction directe du personnage qui, en janvier 1919, commandait les troupes gouvernementales allemandes, le dirigeant social-démocrate Gustav Noske.

S’adressant à Pabst, Noske lui avait en effet clairement demandé d’intervenir contre Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. « Il faut que quelqu’un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d’état de nuire », s’était-il écrié.

Waldemar Pabst fit alors appréhender Karl et Rosa. Ils lui furent livrés à l’hôtel Eden. Pabst écrit : « Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. Qu’il faille les tuer, ni M. Noske ni moi-même n’en avions le moindre doute ».

Pabst appela Noske au téléphone pour le consulter. « S’il vous plaît, donnez moi des ordres m’indiquant comment procéder. »

" Comment ? » répondit Noske. « Ce n’est pas mon affaire. C’est au général (probablement von Lüttwitz) de le dire ; ce sont ses prisonniers ».

Selon un autre témoignage (2), Pabst aurait objecté qu’il n’obtiendrait rien de von Lüttwitz. Et Noske aurait conclu : « Alors, à vous de prendre la responsabilité de ce qu’il faut faire ».

Un second document, inédit jusqu’ici, est une lettre que Waldemar Pabst avait écrite à l’éditeur Heinrich Seewald, qui était intéressé à l’éventuelle publication des Mémoires du commandant. On y lit : « Si j’ouvre la bouche après m’être tu pendant cinquante ans, ça va faire un raffut destructeur pour le parti social-démocrate. »

Dès leur arrivée à l’hôtel Eden, Karl et Rosa y avaient été accueillis par des hurlements injurieux et par des brutalités. Des coups de crosse de fusil avaient blessé Karl au visage et il saignait abondamment.

Après sa communication téléphonique avec Gustav Noske, Pabst rassembla parmi ses hommes deux commandos de tueurs. Liebknecht fut remis entre les mains du premier que commandait le lieutenant Pflugk-Hartung. Le second, qui était aux ordres du lieutenant Vogel, prit en charge Rosa. A quelques minutes d’intervalle, deux voitures enlevèrent les deux prisonniers et se dirigèrent vers le bois du Tiergarten.

La première s’arrêta bientôt. Karl fut sommé d’en descendre. Il fut abattu d’une balle dans la nuque. Son corps fut ensuite transporté à la morgue, où on le fit admettre sous la mention : « Cadavre d’un inconnu ».

Quant à Rosa, dès le départ de l’hôtel Eden, un coup de feu lui perfora la tempe. Au pont de Lichtenstein, elle fut jetée dans le Landwehrkanal. Son corps ne fut repêché que plusieurs mois plus tard, et l’autopsie ne permit pas de dire si les brutalités, le coup de feu ou la noyade furent la cause du décès.

Les assassins ne furent pratiquement pas inquiétés. Six d’entre eux eurent seulement à comparaître devant un tribunal composé d’officiers prussiens qui acceptèrent sans difficulté la version selon laquelle Karl Liebknecht aurait été tué « au cours d’une tentative de fuite », et Rosa, victime d’un « septième homme » inconnu.

Gustav Noske qui, entre-temps avait été nommé ministre de la Reichswehr, n’avait plus rien à redouter d’une « enquête » ainsi bâclée.

Le chien sanguinaire

Qu’il ait fallu mettre au compte de Noske l’effroyable répression opposée à la révolution allemande de 1918, nul n’en pouvait douter. Il avait déclaré lui-même à l’époque : « Il faut que quelqu’un soit le chien sanguinaire, et je n’ai pas peur de cette responsabilité. »

Le dernier article de Karl Liebknecht, écrit quelques heures avant sa mort et intitulé « Malgré tout », accusait d’ailleurs explicitement Noske. Karl écrivait : « La bourgeoisie française a fourni les bourreaux de 1848 et de 1871. La bourgeoisie allemande n’a pas à se salir les mains ; les sociaux-démocrates accomplissent sa sale besogne ; son Cavaignac, son Gallifet s’appelle Noske. »

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