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Quelle était la raison du génocide rwandais ? Pour les classes dirigeantes rwandaises ? Et pour l’impérialisme français ?

5 mai 2014, 13:11

Au Rwanda comme ailleurs en Afrique, c’est l’explosion économique puis sociale et politique. En 1980, les cours des matières premières s’effondrent, l’étain d’abord puis le café et le thé. Les prêts consentis par les organismes mondiaux de la finance amènent le FMI à imposer un plan d’ajustement structurel draconien. C’est la spirale de l’endettement pour rembourser la dette. De 1976 à 1994, la dette extérieure est multipliée par 20. D’autant qu’une catastrophe n’arrivant jamais seule, le franc rwandais dévalué de 67 %, les prix des biens importés explosent ( + 79 % pour l’essence). Le FMI impose donc le gel des salaires, les licenciements dans la fonction publique et bloque le prix du café à l’export. Dans le même esprit, les sociétés étrangères connaissent une baisse des plus sensibles des impôts alors même que les taxes sur la consommation sont augmentées. Toutes les couches de la population sont touchées, en particulier les jeunes qui n’ont rien à perdre et vont constituer un réservoir de recrues pour les milices hutu et l’armée. Le mécontentement est profond et les frustrations nombreuses ; en effet, le régime a été incapable de développer une industrie nationale et des services publics, son caractère ruralisant et catholique l’a amené à refuser d’introduire un contrôle des naissances, l’explosion démographique se traduit par conséquent, par un manque de terres et l’apparition massive d’un sous prolétariat désoeuvré. L’épidémie du SIDA qui sévit rend fou et sans espoir les démunis. Les riches face à la masse appauvrie sont par ailleurs de plus en plus riches et plus rapaces : en 1982, 10 % des plus riches prélevaient 20 % du revenu rural ; en 1994, c’est 51 % du revenu rural qui est accaparé par cette couche des 10 % les plus riches, sans compter la corruption et les revenus " compradore " qu’elle empoche.

Le pouvoir ne reste pas indifférent, pour autant, vis-à-vis de cette montée des périls, face à la rage sociale qui monte, le seul frein étant la vindicte raciste, l’enrôlement dans l’armée est plus efficace. Les dépenses militaires triplent de 1990 à 1992.

Pour calmer ses sueurs froides, le régime étend sa répression à tout le pays, 8 000 suspects sont jetés en prison.

Face au soulèvement social, le régime dictatorial fait semblant de jeter du lest : la liberté de la presse est rétablie, le pluripartisme autorisé, les partis d’opposition accèdent au gouvernement. Ce n’est qu’une façade, un intermède en attendant de préparer la riposte.

Les Forces Armées Rwandaises passent en 4 ans de 5 000 à 50 000 hommes. Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée de 1991 à 1995, justifie cette politique d’armement massif, d’encadrement et de formation des FAR par la " nécessité de sécuriser les Etats alliés ", d’ailleurs, Raison d’Etat oblige " en politique on fait avec ce que l’on a ". Plus grave, de 1991 à 1994, des machettes, des pics, des haches, des faux, des serpes sont achetées en masse. Beaucoup plus tard, la commission sénatoriale belge révélera que 3 365 568 kg de ces matériels ont été acquis pour 4 671 583 dollars.

En 1992, sont créées les milices hutu interahamwe (ceux qui agissent ensemble… et tueront ensemble) puis les Comités de Défense de la République (les CDR) et à l’intérieur de ceux-ci émerge le Hutu Power. Les 10 commandements du Hutu, un véritable évangile de haine contre " les cafards, les cancrelats et leurs complices " sont largement diffusés. Mais l’écrit n’est guère satisfaisant pour toucher, mobiliser les masses en particulier les jeunes. Le clan élyséen et l’Akazu ont une idée géniale. A côté de Radio Rwanda trop officielle, il suffit de créer une radio indépendante (!), de copier la formule NRJ, la musique, les chansons populaires seront ponctuées d’appels aux meurtres. Radio des Mille collines naît en 1993, elle touchera des milliers d’auditeurs et effectivement elle sera terriblement efficace. A chaque fois que les négociations se traduisent par une ouverture politique vers la paix, des tueries et des pogroms la compromettent. Ainsi, en octobre 1993, la Croix Rouge dénombrera plus de 100 000 victimes.

Le 6 avril toujours, dans la soirée, le génocide a commencé. Des groupes de militaires et de miliciens, munis de listes, entament méthodiquement le massacre des Tutsi et des " Hutu complices ". Simultanément des tueries débutent dans différentes préfectures frontalières, les machettes sortent des caches pour être distribuées. Radio Mille Collines prêche la " nécessité de faire le travail " au nom de " l’autodéfense civile ". " Ce sont des antéchrist, c’est une race de gens très mauvais. Je ne sais comment Dieu va nous aider à les exterminer… Mais continuons à les exterminer… Venez chers amis, félicitons-nous ! Dieu est juste !… (chants)… Il faut éradiquer les cafards, les rats, les serpents, procéder au balayage des feuilles sèches de bananiers avant de les brûler … (chants) ". Les autorités locales réticentes sont éliminées, les écoles deviennent des abattoirs, des lieux d’aménagement de charniers. Les gens armés rabattent le gibier humain débusqué, les miliciens armés de machettes " font le travail ", les diplomates chargés de justifier les tueries les présentent, dans les enceintes de l’ONU, comme des mouvements populaires spontanés. Si l’hystérie est sans conteste collective, l’ethnicide a été une affaire de cadres avant d’être un vécu rural.

Bilan, après quelques mois, 1 million de morts dont la moitié de Tutsi représentant les ¾ de ceux qui résidaient encore au Rwanda ou qui y étaient revenus dans l’espoir du retour à la paix.

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