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Débats sur les conflits, le syndicalisme, le droit des salariés, les luttes ouvrières

9 décembre 2012, 18:14

Dans les négociations patronat/syndicats/gouvernement, voilà le projet du MEDEF :

« Agir sur les contrats de travail. » Ou comment flexibiliser le contrat à durée indéterminé

  Le Medef propose, au 
motif d’inciter «  au retour à l’emploi  », de rétablir 
la dégressivité des allocations chômage.

Même des experts proches du 
patronat ont démontré que la dégressivité des allocations d’assurance chômage n’avait aucun effet positif sur le retour à l’emploi.

  Il propose d’élargir le recours 
au CDI de chantier ou pour une mission déterminée.

Le patronat veut faire du CDI 
le premier contrat précaire. Et il souhaite qu’il n’y ait pas de licenciement économique en cas de rupture de contrat.

  Le patronat envisage la généralisation d’un CDI intermittent.

Aujourd’hui, cela nécessite un accord collectif, or, le patronat voudrait le négocier en direct avec le salarié, ce qui revient à contourner les syndicats. Le salarié serait aussi à la disposition de l’employeur pour peu d’heures de travail garanties.

  Le document essaye de réduire les possibilités de recourir au juge, en limitant les poursuites à douze mois au lieu de cinq ans actuellement. Le patronat voudrait aussi restreindre les indemnités en cas de condamnation de l’entreprise pour licenciement sans motif réel et sérieux.

Il est aujourd’hui impossible de fixer un plafond aux indemnités, le juge doit réparer l’entier préjudice. De plus, le plancher d’indemnisation existant est trop souvent considéré comme une limite maximum par les juges. La loi prévoit déjà un système d’indemnisation différencié selon la taille de l’entreprise.

  Le Medef ne s’arrête pas en si bon chemin. Il envisage de réécrire la loi sur les licenciements pour mettre fin à la jurisprudence selon laquelle l’énoncé des motifs de la lettre de licenciement fixe les cadres du litige.

Le Medef envisage de compléter oralement les motifs invoqués dans la lettre de licenciement afin de rendre le licenciement moins contestable devant le tribunal. Il remettrait ainsi en cause le droit à la défense du salarié.

« Anticiper les évolutions de l’activité, de l’emploi. » Ou comment limiter les compétences des représentants du personnel

  Le Medef souhaite renforcer l’information des instances représentatives du personnel pour qu’elle soient moins dispersée et mieux partagée, en créant une base de données.

Cette proposition avait déjà été faite dans une négociation antérieure. Cette base de données devait concerner toutes les entreprises ; or, cela ne se ferait que pour celles de 300 salariés et plus.

  Le patronat évoque aussi l’expérimentation d’un compte individuel de formation attaché à la personne.

Pas sûr que la fusion de deux dispositifs différents, celle du CIF (congé individuel de formation) et du DIF (droit individuel à la formation), augmente le droit à la formation des salariés ?

  Le document propose de déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur peut fixer la confidentialité des informations et le secret des affaires.

Le patron pourrait brandir la confidentialité à tout bout de champ et dissuader les syndicalistes de communiquer des informations aux salariés dans le but de les mobiliser.

« Se mobiliser en faveur du maintien dans l’emploi. » Ou comment institutionnaliser
le chantage à l’emploi

  On retrouve les 
fameux accords de compétitivité-emploi, 
c’est-à-dire de modulation du temps de travail ou du salaire dans les entreprises en difficulté, soi-disant pour maintenir l’emploi. Ils sont rebaptisés «  accords de maintien dans l’emploi  ».

Le Medef veut faire primer l’accord collectif sur le contrat de travail. Ce qui est le plus flagrant dans le texte, c’est que si le salarié n’accepte pas ces dispositions, le licenciement ne serait pas économique, mais pour un motif créé de toutes pièces : le «  refus de se voir appliquer un accord collectif  ». La convention 158 de l’OIT précise que le licenciement doit être «  causé  », donc le patronat cherche à trouver un motif pour contourner le licenciement économique et ses obligations légales. En effet, en cas de refus du dispositif par dix salariés dans l’entreprise, le patronat veut éviter à tout prix de payer un plan social. En matière de droit, il n’y a qu’un seul précédent où l’accord collectif supplante le contrat de travail. C’est la loi Aubry sur les 35 heures. Dans ce cas, il s’agissait en principe d’un progrès social.

  En contrepartie à l’effort demandé au salarié, on ne trouve qu’une référence à «  une clause de retour à bonne fortune  ».

Il n’y a pas de trace de maintien dans l’emploi du salarié ou de limitation de la distribution de dividendes en cas d’accord de compétitivité-emploi. Même s’il y avait des engagements de maintien dans l’emploi, le juge pourrait toujours valider le licenciement.

  Le patronat souhaite faire de ces accords de compétitivité un accord majoritaire.

Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cela engagerait la responsabilité des syndicats à signer un tel texte. Si, ensuite, les salariés le refusent et sont licenciés, c’est un piège pour les syndicats.

« Repenser les procédures de licenciement économique. » Ou comment le sécuriser

  En cas de non-conclusion des accords, le patronat propose de modifier le contrat de travail dans le cadre «  d’un plan de redéploiement  ». Si le salarié refuse, c’est la rupture de contrat pour motif personnel.

Alors qu’aujourd’hui, le contrat de travail s’impose à l’employeur, le patronat pourrait ainsi le modifier beaucoup plus facilement.

  Le patronat veut aussi redéfinir le licenciement économique. Le périmètre d’appréciation du motif économique pourrait être modifié et se limiter à un «  centre de profit  ».

Normalement, le motif économique s’apprécie au niveau du groupe et le juge observe ce qui se passe dans un secteur d’activité. Là, le patron pourrait se permettre de mettre en faillite une entité pour qu’on ne puisse pas remettre en cause le motif économique du licenciement et améliorer sa compétitivité.

  Le Medef souhaite réduire les procédures, les enfermer dans des délais très courts et restreindre les expertises.

Le texte parle même d’experts choisis par accord entre le comité d’entreprise et l’employeur : ce serait la fin de l’expertise indépendante.

  Le texte propose également une homologation de la procédure de licenciement économique par l’administration.

La contestation du licenciement se ferait devant la juridiction administrative que le patronat estime peut-être moins favorable aux salariés. En tout cas, ces juridictions sont moins à l’aise avec ce genre de question.

  Le Medef souhaite que le plan social ne soit plus contestable en justice.

S’il fait l’objet d’un accord majoritaire, le salarié ne pourrait plus porter le litige devant le tribunal.

  Le patronat pose comme priorité le reclassement, avec des offres que le salarié doit accepter sous peine de voir réduites ses allocations de chômage, sans recours possible devant un juge.

On manque d’informations pour définir ce que sont les offres valables de reclassement. On revient à ce réflexe de propriété du patron, qui veut imposer ses décisions en dépit des règles légales.

  Dans le document, il y a cette notion de « quitus reclassement ».

Cela veut dire que le salarié et le patron sont quittes en cas de reclassement. «  Je te reclasse, donc tu renonces à toute procédure contre le licenciement.  » Toutes les dispositions réclamées par le Medef visent à éviter que le salarié puisse saisir le juge, ce qui pose des problèmes législatifs au niveau du droit international et du droit communautaire. «  On retrouve ici tous leurs leitmotivs : éviter le juge et faire que l’accord collectif, conclu par les partenaires sociaux s’impose à la loi. Et en plus, l’employeur souhaiterait modifier le contrat de travail à sa guise  », conclut Anne Braun, juriste à la CGT.

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