dimanche 16 janvier 2011
L’Union de la Méditerranée n’était rien d’autre qu’un nouveau type de pré carré français...
Voilà ce qu’écrit la presse bourgeoise français sur les bonnes affaires en Tunisie :
En termes d’emplois et d’investissements, la France est le premier partenaire étranger de la Tunisie devant l’Italie et l’Allemagne, avec 1.250 entreprises françaises et 106.000 emplois. Sa faible présence dans la prospection d’hydrocarbures, secteur très capitalistique, lui vaut toutefois la troisième place en termes de capitaux investis, derrière les Emirats arabes unis et le Royaume-Uni. « Les entreprises qui sont amenées à se déplacer dans le pays suivent avec attention les émeutes tout en restant calmes, indique un observateur français, basé à Tunis. Certaines maisons mères prennent par ailleurs le pouls de la situation pour leurs filiales ». Certains intérêts économiques français sont anciens. D’autres, prometteurs, sont en devenir. Les trois quarts des entreprises françaises dans le pays font de la délocalisation de proximité en exportant de l’industrie ou des services pour le marché européen. Dans les secteurs du textile-habillement-cuir (500 entreprises) et surtout les industries mécaniques, électriques et électroniques -premier poste d’exportation du pays -avec Valeo, Faurecia, Sagem ou EADS (via sa filiale Aerolia Tunisie). Les services ne sont pas en reste avec les centres d’appels et les sociétés de services informatiques. Bureaux d’études et d’ingénierie commencent à émerger, aux côtés de la centaine de cabinets de conseil déjà installés.
Au-delà de ces secteurs dédiés à l’exportation, les grands noms du CAC40 présents en Tunisie s’intéressent directement au marché tunisien, voire algérien et libyen. Comme Air Liquide, Danone, Renault, PSA, Sanofi Aventis, Total ou d’autres. Les entreprises s’implantent souvent en partenariat avec des groupes locaux, quitte à n’avoir qu’une participation minoritaire -comme Carrefour et Géant Casino. Les banques françaises (BNP Paribas, Société générale, BPCE) sont présentes, les assureurs aussi -Groupama détient 35 % du capital de la STAR, premier assureur du pays. Dans les télécoms, Orange Tunisie a décroché en 2009 la troisième licence de téléphonie mobile et la deuxième de téléphonie fixe.
Les entreprises françaises sont aussi sur les rangs pour remporter des contrats, notamment dans l’énergie et les transports. La centrale à gaz qui doit voir le jour entre Tunis et Bizerte (400 millions d’euros) pourrait intéresser Alstom et General Electric France. Dans le Cap Bon, à la pointe nord-est de la Tunisie, le vaste projet ELMED visant à relier la Tunisie et la Sicile suscite l’intérêt de GDF Suez et EDF. De l’ordre de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros), il pourrait être lancé en 2011 ou 2012. Les transports sont l’autre secteur prometteur pour les investisseurs. Le projet de réseau ferroviaire rapide (RFR) de Tunis, inspiré du RER parisien, doit démarrer cette année. Alstom et Colas Rail sont candidates à l’appel d’offres sur la signalisation et l’équipement de la voie. Le matériel roulant intéresse Bombardier France. Le projet RFR doit surtout se poursuivre sur environ dix ans, soit à terme un potentiel de contrats de 2 milliards d’euros. L’attribution des premières tranches sera donc déterminante pour des entreprises qui espèrent, ensuite, emporter les suivantes.
C’est fou les bonnes affaires qu’on a pu faire ensemble sur le dos du peuple tunisien
Il n’y a pas une France démocratique qui verrait d’un bon oeil la démocratie venir au Maghreb. C’est avec l’aide de "la France", c’est-à-dire de la bourgeoisie que des dictatures s’y sont mises en place.
Niger, Côte d’Ivoire, Haïti et maintenant Tunisie et Liban : la France, qui a d’importants intérêts dans chacun de ces pays, est confrontée au défi de voir les crises qui les secouent accentuer encore sa perte d’influence sur la scène internationale.
Tous les experts s’accordent à dire que chacun de ces points chauds a "son propre calendrier, sa propre logique" qui nécessite "une réponse sur mesure".
Mais "le fait que ces cinq pays, à des titres et pour des motifs différents, soient en crise n’est pas une bonne nouvelle pour la France", convient Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
"Quand vous avez cinq pays en difficulté dans lesquels vous comptez énormément, vous êtes plus ou moins directement en difficulté", résume ce spécialiste des questions diplomatiques. "La France a dans ces cinq pays un poids qu’elle n’a pas dans d’autres".
"Ces Etats sont des pays où la France a une influence mais il y a bien d’autres Etats concernés par leurs problèmes", relativise Philippe Moreau-Defarges, expert de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Au Niger, pays stratégique pour Paris en raison de ses gisements d’uranium et où des Français sont enlevés, voire tués, par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), les intérêts de la France sont visés très explicitement.
Conséquence : le Sahel, zone d’influence post-coloniale naturelle pour Paris, se vide progressivement de ses Français.
En Tunisie, ex-protectorat français, les émeutes et leur répression sanglante ont fait mercredi une première victime française, un enseignant franco-tunisien. La forte présence française et les enjeux économiques qui alimentent une relation bilatérale privilégiée pourraient souffrir de la déstabilisation du pays si elle perdure.
"La révolte se fait non pas contre la France mais contre le régime", note Pascal Boniface. Mais le vent "pourrait tourner si la France apparaît aux yeux de l’opinion tunisienne trop liée au régime du président ben Ali".
Paris a tardé à réagir fortement face à cette révolte sociale inédite par son ampleur pour s’aligner finalement sur la plupart des pays occidentaux en condamnant "l’utilisation disproportionnée de la violence" contre les manifestants.
La Côte d’Ivoire, où deux hommes - le président sortant Laurent Gbagbo et celui que la communauté internationale reconnaît comme vainqueur de la dernière élection présidentielle, Alassane Ouattara - se disputent le pouvoir, représente aussi une sphère d’influence économique très importante pour Paris.
Dans ce pays, où de grandes entreprises françaises jouent un rôle majeur, "il y a une situation qui n’est pas bonne". "Mais si elle se décantait, si un régime plus stable redynamisait le pays et l’économie ivoirienne, elle pourrait au contraire être favorable à la France", juge le directeur de l’Iris.
Plus pessimiste, Philippe Moreau-Defarges considère que l’influence française dans le monde, déjà en recul, est condamnée à diminuer encore avec les multiples crises touchant des pays proches de la France.
Il va y avoir "à nouveau une baisse d’influence française", prédit-il en évoquant "la fin d’une ère post-coloniale". "Toutes les diplomaties qui avaient de l’influence sont dans le collimateur", ajoute-t-il, en citant les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
En Haïti, autre pays francophone qui se perd dans une crise politique après avoir été frappé par un terrible un séisme il y a un an, comme au Liban menacé d’une nouvelle guerre civile après la chute du gouvernement, les diplomates français voient aussi leurs efforts bien malmenés.
Voici un rappel des principales appréciations des dirigeants français pendant les 23 ans de règne de Zine El Abidine Ben Ali :
1989 : le 5 juin, le président socialiste François Mitterrand, en visite à Tunis et interrogé sur les aspects répressifs du code de la presse en Tunisie, affirme que "depuis le 7 novembre 1987 (date de l’accession au pouvoir du président Ben Ali), beaucoup de gens se sont retrouvés en liberté, plusieurs courants d’opinion existent".
1991 : le 11 juillet, François Mitterrand, en visite à Tunis : "La Tunisie est un pays accueillant et les Français auraient bien tort de s’écarter de ce chemin favorable aux vacances".
1995 : le 6 octobre, le président de droite Jacques Chirac, lors d’une visite d’Etat de deux jours à Tunis, affirme que le président Ben Ali a engagé son pays "sur la voie de la modernisation, de la démocratie et de la paix sociale". Il ajoute que la Tunisie est en "marche vers le progrès et la construction d’un Etat de droit", assurant que "les avancées" vers la démocratie se font jour après jour.
1997 : à l’occasion de la visite d’Etat à Paris du président Ben Ali, les 20 et 21 octobre, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin appelle "à une ouverture plus grande aux valeurs de la démocratie et du pluralisme".
De son côté, le président Jacques Chirac continue de vanter les "profondes réformes" qui ont "renforcé la démocratie, le pluralisme et les droits de l’homme".
2003 : le 3 décembre, à Paris, Jacques Chirac déclare, à propos de l’avocate et opposante Radia Nasraoui en grève de la faim à Tunis que "le premier des droits de l’Homme, c’est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays".
2008 : le 28 avril, le président de droite Nicolas Sarkozy, en visite d’Etat en Tunisie, déclare : "Certains sont bien sévères avec la Tunisie, qui développe sur bien des points l’ouverture et la tolérance (...). L’espace des libertés progresse. Ce sont des signaux encourageants que je veux saluer".
Le 30 avril, Nicolas Sarkozy salue une nouvelle fois les progrès accomplis en Tunisie : "Tout n’est pas parfait en Tunisie, certes (...), mais je veux le dire aussi parce que je le pense, quel pays peut s’enorgueillir d’avoir autant avancé en un demi-siècle sur la voie du progrès, sur la voie de la tolérance et sur la voie de la raison ?"
2009 : le 10 novembre, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, issu de la gauche, se dit "déçu" par le régime tunisien après des arrestations de journalistes, dont l’opposant Taoufik Ben Brik. "Quand on a été élu pour la cinquième fois et qu’on dirige ce pays avec habileté, je pense que c’est inutile", affirme le ministre, un mois après la réelection du président Ben Ali avec 89,62% des voix.
2011 : Le 11 janvier, trois jours avant la chute de Ben Ali et alors que les victimes de la répression se comptent par dizaines, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, assure devant le Parlement que la Tunisie peut compter, si elle le souhaite, du "savoir faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité" pour "régler des situations sécuritaires de ce type".