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Renault est condamné pour mort d’homme

vendredi 18 décembre 2009

Devant le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Nanterre, la veuve d’Antonio, notre camarade du Technocentre qui s’était suicidé le 20 octobre 2006 au travail, poursuivait la direction de Renault pour faute inexcusable. Depuis, la direction a changé de discours mais pas de comportement. Elle a fait des efforts médiatiques mais a toujours rejeté sa responsabilité. L’avocate de la veuve d’Antonio a rappelé la pression qui régnait avec le « Contrat Ghosn » : doublement de la gamme, 800.000 véhicules de plus et 6% de marge, le tout sans effectif supplémentaire. En refusant de reconnaître sa responsabilité, Renault persiste et signe, comme on vient de le revoir récemment avec un nouveau suicide, encore une fois d’un travailleur du Technocentre.

Trois ans après le suicide d’Antonio B., ingénieur chez Renault, le constructeur automobile a été condamné jeudi pour « faute inexcusable ». Une condamnation qui imposera désormais à l’entreprise de prendre en charge l’intégralité de la rente versée à la famille de ce salarié de 39 ans, qui s’était défenestré du 5e étage du bâtiment principal du technocentre de Renault à Guyancourt, le 20 octobre 2006.

Le salarié s’était défenestré du 5e étage bâtiment principal du Technocentre de Renault à Guyancourt (Yvelines). Technocentre ou en quelques mois trois autres salariés se sont suicidés.
La Caisse primaire d’assurance-maladie avait auparavant reconnu le « caractère professionnel » de ce suicide.

Le TASS a estimé que le groupe automobile aurait « dû avoir avoir conscience du danger auquel (ce salarié) était exposé dans le cadre de son activité professionnelle » et qu’il « n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié » de ce risque. Malgré les alertes lancés par les collègues de l’ingénieur à la hiérarchie, le médecin du travail n’a pas été alerté.

Au-delà du cas du drame de ce salarié, le tribunal a également pointé « l’augmentation de la charge de travail des salariés » et la « forte exigence de rentabilité » à l’égard des salariés. Des éléments qu’une enquête commanditée par le groupe lui-même a confirmé.

Si la famille tenait essentiellement à la reconnaissance de la responsabilité de Renault, le TASS n’en est pas resté là. Il a fixé au maximum la majoration de rente allouée à la veuve et à son fils. Renault devra également verser un euro de préjudice moral.

Cette décision, qui reconnaît la pleine responsabilité de Renault dans le décès d’Antonio B., était ardemment souhaitée par la famille du défunt. « Mon fils doit savoir que son père n’était pas fou, mais qu’il s’est fait broyer par une entreprise qui s’appelle Renault » a déclaré aujourd’hui Sylvie T., la veuve du défunt, sur France info, insistant sur le fait que « sans cette organisation du travail, [s]on mari serait aujourd’hui encore en vie ».

Un euro symbolique

Lorsqu’un officier de police lui a appris la terrible nouvelle, Sylvie T. n’a « pas été si surprise » a-t-elle déclaré à la présidente et aux assesseurs au début du procès. L’activité professionnelle de son mari était devenue chaque jour plus envahissante, jusqu’à être une véritable cause de souffrance. C’est un homme amaigri, répétant sans cesse « être nul » qu’a décrit la plaignante.

C’est pourquoi, après avoir obtenu que la mort de son mari soit reconnue comme accident du travail par la sécurité sociale, Sylvie T. avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre pour faire reconnaître la responsabilité de Renault. La condamnation du constructeur majorera la rente versée au maximum, à laquelle s’ajoutera un euro symbolique de dommages et intérêts demandé par la famille.

Encore un suicide à Renault !

Un ingénieur de 51 ans travaillant depuis six ans au Technocentre s’est suicidé. Avant même de savoir des détails, la direction s’est encore une fois défaussée de sa responsabilité. Il n’a pas fallu longtemps pour que Renault doive ravaler ses discours sur sa grande capacité à régler les problèmes de stress dans l’entreprise. Renault se prétendait modèle désormais sur ce plan et affirmait prendre en compte le stress des salariés. En réalité, rien de changé aux causes de stress et les suicides du Technocentre ne sont toujours par reconnus comme tels par la direction, même s’ils se sont produit sur le lieu de travail et dans des conditions sans équivoque.

Renault et Telecom : en quête de scores !

Les entretiens individuels Technologia ont repris à Renault. On peut imaginer que le but de cette enquête serait de s’assurer du stress des salariés. Ce n’est pas ce que dit son responsable Jean-Claude Delgènes, interviewé par la presse, qui déclarait : "Notre but n’était pas d’évaluer le stress des salariés (…) Notre mission commence, mais on peut d’ores et déjà observer une nette amélioration des conditions de travail. L’objectif était de remettre l’homme au cœur du processus et de rétablir le dialogue. C’est en bonne voie". Cette société, cabinet en expertise pour les patrons (pas pour les salariés) a trouvé un fromage à exploiter avec le stress et les suicides mais se moque complètement des salariés. Demander à Renault de s’occuper la lutte contre le stress, c’est demander à l’incendiaire de commanditer l’enquête !

La preuve que ça rapporte, c’est que le patron de France-Telecom, Lombard, responsable par sa politique de nombreux suicides, a déclaré qu’il avait fait aussi appel à Technologia, très efficace … au service des patrons. Pourquoi croire à une direction, qu’elle soit de Renault ou des Telecom, qui prétend enquêter sur les causes de suicides dans une entreprise qui vise à les virer, aux Telecom car ils veulent se débarrasser d’anciens fonctionnaires et à Renault parce que le premier objectif de l’entreprise est d’obtenir des départs « volontaires » !

* * *

Alors qu’un nouveau salarié du Technocentre s’est suicidé, Patrick Pelata a déclaré : « On ne peut pas jouer sur toutes les dimensions de la vie des gens, mais on peut jouer sur la dimension de la vie au travail. » Le patron parle de notre vie comme s’il s’agissait d’un jeu. Pelata ne vaut pas plus cher que Lombard. Les syndicats vont encore discutailler avec lui sur les suicides. Compter sur les responsables de mort d’homme pour les sauver, c’est demander aux incendiaires de « jouer » les pompiers !

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Une fois de plus, la direction prétend qu’un suicide n’a rien à voir avec le travail à Renault. Pourtant, une fois de plus Pelata, comme il le reconnaît, a « joué sur la dimension de la vie au travail ». Il affirme que ce salarié était en « mobilité préparée ». En fait, il était passé de chef de service à adjoint du chef de service et était en train de passer à pilote. Belle promotion.

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On les connaît les mesures de la direction pour lutter contre le stress : fermer de sites, imposer des mutations forcées, nous obliger à naviguer, nous changer de secteur, d’emploi ou d’activité, nous dégoûter en semant le trouble dans l’organisation du travail et nous imposer la charge de travail de cinq jours en quatre. Inutile après d’enquêter…

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On ne peut que relever les écrits des syndicats concernant le dernier suicide et leur alignement sur le patron. La CGT conclue son tract par un « Nous faisons nôtres les propos de Patrick Pelata » et « prend acte de l’attitude humble de la direction, très différente de ce qu’on a connu à une époque ». C’est au point que le même tract cite deux fois les propos de Pelata. Et parle de « début de prise en compte au moins verbale ». Mais, même verbalement la direction n’a reconnu de cause professionnelle d’aucun des suicides. Où est le changement ?

Quant à la CFDT, elle écrit : « La CFDT partage le diagnostic de Mr Pelata (…) C’est bien la direction qui a eu la démarche de mettre en place une commission paritaire (…) La CFDT ne partagera pas plus longtemps [donc elle a partagé jusque là ?] Les lenteurs et faux-semblants qui se cachent derrière ce dossier. La CFDT n’a pas à rougir de son implication « visible et invisible » depuis trois ans auprès des salariés. »

Quant à nous, nous les trouvons très impliqués aux côtés de la direction ces syndicats censés défendre les intérêts des travailleurs, ce qui dans les circonstances, ressemble surtout à du syndicalisme patronal.

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Même si les syndicats acceptent de participer à des réunions de négociations avec les responsables de morts d’homme comme à France Telecom, ce n’est pas la collaboration de classe qui peut soigner des maux de la lutte des classes. Car tous les Lombard de la planète, c’est bien la lutte des classes qu’ils mènent. Et consciemment ! N’en déplaise aux réformistes qui sont toujours à pleurer sur le sort des prolétaires, ces derniers ont tout à fait la force de faire autre chose que de se plaindre par une enquête ou par des négociations menées par des syndicats fanatiques de l’accord ...

Les travailleurs de Telecom par exemple ont la force de décider d’arrêter le travail, non pas pour protester, non pas pour supplier que les patrons deviennent humains. Pour s’organiser, pour décider. Décider, à Telecom ou ailleurs, que tout changement de poste, d’emploi, d’affectation d’un salarié devra être co-signée par l’organisation des travailleurs, c’est-à-dire par des comités de travailleurs élus et révocables. Face aux suicides dus aux pressions inadmissibles des patrons comme face aux licenciements, face à l’exploitation, ce qui nous manque le plus c’est d’être organisés pour décider nous-mêmes des questions qui nous concernent directement.

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