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Tout va très bien madame la banquière ?

jeudi 5 novembre 2009

Les banques nous annoncent un présent radieux et affirment espérer un avenir aussi radieux. qu’en est-il en fait ?

Des USA à l’Allemagne et à la Suisse

La CIT, banque américaine des PME, vient de faire faillite. Aux USA, vendredi 30 octobre, neuf banques régionales ont ainsi fermé boutique, portant à 98 le nombre des faillites d’établissements financiers depuis le début de l’année. Bank of America va devoir augmenter son capital. En annonçant, jeudi 5 novembre au matin, qu’elle conserverait bas ses taux pendant une longue période, la banque fédérale a indirectement révélé son inquiétude sur la fragilité d’un secteur bancaire surtout bénéficiaire du retour de la spéculation et d’une reprise mécanique de l’industrie, qui reconstitue ses stocks.

Commerzbank et UBS sont en baisse. Commerzbank a inscrit une perte de 1,055 milliard d’euros entre juillet et septembre. En Suisse, la banque UBS est en train de carrément boire la tasse... Pour UBS, les résultats donnaient une perte nette de 207 millions de francs, et des sorties de capitaux de 16,4 milliards d’euros.

Grande Bretagne

En Angleterre, les banques, massivement soutenues par l’Etat, viennent de boire à nouveau la tasse d’une façon quasi générale. La Lloyds a dû être recapitalisée. à hauteur de soixante milliards d’euros. RBS, qui s’est déjà séparée d’un employé sur dix soit 16.000 salariés depuis le début de la crise, licencie 1700 employés. Center for Economics and Business Research annonce 60.000 suppressions d’emploi dans le secteur entre 2008 et 2009. Northern Rock et Royal bank of Scotland ainsi que Lloyds Banking Group sont quasi démantelées.

La banque britannique Royal Bank of Scotland (RBS), possédée à 70% par le gouvernement, a annoncé lundi la suppression de 3.700 emplois dans son réseau de succursales britanniques, dans le cadre de la restructuration de ses activités de détail dans le pays.

Ces suppressions d’emplois, qui commenceront en mai, représentent 14% des effectifs concernés. Elles n’ont pas de rapport avec les cessions que devrait annoncer la banque mardi, dans le cadre des demandes de la Commission européenne en échange de l’aide reçue depuis le début de la crise.

Les banques de Sa Majesté ne sont pas en aussi bonne santé que leurs profits récents pourraient le suggérer. A tel point que le gouvernement britannique devrait annoncer dès demain une nouvelle injection de 30,5 milliards de livres (33,8 milliards d’euros environ) dans Royal Bank of Scotland (RBS) et Lloyd’s, deux des principales banques du pays. Selon le Telegraph, cela porterait à 65 milliards de livres les aides directes déjà octroyées au secteur outre-Manche depuis le début de la crise, sans compter les dizaines de milliards mobilisés pour garantir des actifs risqués. C’est aussi l’équivalent, selon le quotidien, un montant de 500 livres par britannique, qui vient presque doubler la mise initiale des citoyens. Les marchés financiers ne sont pas pour autant tombés des nues, car la rumeur couvait depuis longtemps. En revanche, les spécialistes sont un peu plus étonnés par la fermeté du gouvernement dans ce dossier, à l’heure où ça et là dans le monde, les gouvernants ont tendance à abandonner leurs bonnes résolutions sur l’assainissement du secteur bancaire.

Pour le Telegraph, le Chancelier de l’Echiquier (le Ministre des finances) Alastair Darling va également annoncer cette semaine sa volonté de créer trois nouvelles banques de détail à partir des actifs de Lloyds, RBS et Northern Rock, les trois établissements dont il contrôle tout ou partie significative du capital. Les fonds récupérés par la Lloyds et RBS de ces scissions pourraient leur permettre de racheter l’aide de l’Etat et de repartir sur de bonnes bases. Surtout, de nouveaux acteurs entreraient dans le paysage bancaire britannique, si possible en provenance d’autres secteurs bien que les autorités ne repoussent pas l’idée d’une arrivée d’établissements étrangers sur son sol. La banque espagnole Santander, d’une vigueur étonnante depuis le début de la crise, est souvent citée comme candidate à un débarquement au Royaume-Uni. L’objectif est d’atténuer le risque systémique né de la centralisation du secteur autour de quelques grands acteurs omnipotents, dont les compétences allaient du livret pour personnes à faibles ressources financières aux montages complexes pour clients fortunés, en passant par l’assurance ou la banque d’affaires.

En attendant, les grands établissements bancaires se nourrissent eux-mêmes : la spéculation aidant, ils reconstituent leurs marges en profitant des bas taux. Après s’être grassement rémunéré sur le prêt aux Etats criblés de dette, la dernière technique à la mode pour profiter des largesses de la réserve fédérale s’appelle le Carry Trade. Elle consiste à emprunter dans une monnaie à taux très bas (dollar, euro...) et prêter à un taux plafond à l’autre bout du monde. En Inde ou en Australie, les taux supérieurs à 5% permettent des culbutes phénoménales, sans risque que les autorités mettent leurs nez dans les transations...

Pour booster leurs résultats, les banques spéculatives n’ont pas besoin de l’économie réelle (sauf des chômeurs, auxquelles elles peuvent refiler les dernières subprimes) : leurs circuits de rémunération sont totalement déconnectés. Exemple : en conseillant Burlington Northern Sante Fe dans son rachat par Warren Buffet, Goldman Sachs pourrait toucher une petite commission d’un monstrueux gâteau de 44 milliards de dollars !

Alors d’où viennent les profits mirifiques annoncés par certaines grandes banques en France ?

Sans reprise économique, sans reprise des investissements, elles annoncent des profits fabuleux, remboursent leurs dettes à l’Etat.

Et en effet, la Société Générale a annoncé un bénéfice net de 426 millions d’euros pour le troisième trimestre, soit... 132% d’augmentation par rapport au trimestre précédent.
De la spéculation et des fonds d’Etat utilisés pour spéculer ou pour prêter à des tarifs élevés.

Il est difficile de croire qu’il y a un an, les banquiers frôlaient la faillite au point de solliciter des aides massives auprès de l’état. Au total, 21 milliards ont été débloqués pour les grandes banques françaises. Depuis le retour des profits, enregistrés dès cette année, c’est la course contre la montre pour rembourser ces prêts. Objectif : s’affranchir de l’état qui en tant que prêteur joue les pères la vertu.*

Résultat, depuis fin septembre, BNP Paribas puis la Société Générale ont annoncé des augmentations de capital pour rembourser l’État français. Puis c’était au tour du Crédit Agricole de leur emboîter le pas. Aujourd’hui est un jour symbolique puisque BNP Paribas rembourse sa dette de 5,3 milliards à Bercy pour effacer son ardoise.

Depuis six mois, "tout monte !", constate Patrick Artus, responsable de la recherche économique chez Natixis. Selon lui, il s’agit de spéculation car ces hausses, souvent spectaculaires - la Bourse de Shanghaï a progressé de 63 % depuis le 1er janvier -, sont déconnectées de la réalité économique. "A la Bourse de Taïwan, les valeurs des actions représentent 100 fois les bénéfices des sociétés, 90 fois en Australie, contre 13 fois à la Bourse de Paris", souligne l’économiste.

Pour M. Artus, cette bulle serait le fruit de l’abondance de liquidités issues notamment des plans de relance et de soutien lancés en 2008. Pour endiguer la crise, les banques centrales ont d’une certaine manière "fait marcher la planche à billets", explique-t-il, en ouvrant les vannes du crédit via des politiques monétaires accommodantes avec des taux d’intérêt proches de zéro et en achetant des titres, parfois toxiques, afin de soulager les établissements financiers. Les Etats, de leur côté, se sont endettés en empruntant sur les marchés des montagnes de dette. Les économistes de Barclays calculent qu’il s’émettra en 2009 pour 1 300 milliards de dollars (875 milliards d’euros) de bons du Trésor américains et quelque 900 milliards de dollars de titres d’emprunts en Europe.

"La liquidité mondiale n’a jamais progressé aussi vite, souligne M. Artus. De 1990 à 2007 la monnaie en circulation, estimée sur la base des bilans des banques centrales, progressait de 15 % par an en moyenne ; aujourd’hui, le rythme est de plus de 30 %."

"En 1990, la base monétaire représentait 4 % du produit intérieur brut (PIB) mondial ; aujourd’hui, c’est 21 % !", souligne M. Artus. Pour placer cet argent, les investisseurs achètent tour à tour des actifs sur le marché immobilier, sur celui des matières premières, des actions ou des obligations notamment "souveraines" - émises par des Etats - car jugées moins risquées. On a ainsi des "bulles sauteuses", explique M. Artus, où la spéculation se concentre sur un marché avant de se nicher ailleurs.

Or, de l’avis de nombreux experts, si les banques engrangent à nouveau des milliards, c’est qu’elles ont renoué avec le démon de la spéculation, concourant ainsi à la formation d’une nouvelle bulle boursière (le CAC 40 a gagné plus de 50 % depuis mars dernier). Moribondes il y a un an, les banques n’ont pas coupé les robinets du crédit. Elles ont bien continué à prêter de l’argent aux particuliers (en durcissant les conditions d’octroi) et aux entreprises, les PME ayant toutefois le plus grand mal à se faire entendre, si l’on en juge le nombre de dossiers envoyés au médiateur du crédit. Mais là encore, les banques s’en sont bien sorties, prêtant à 4 % alors qu’elles n’empruntaient « qu’à » 1 % auprès des marchés.
Dernier reproche à l’encontre des banques : elles ont bien profité des aides de l’Etat. Certes, Bercy a encaissé plusieurs centaines de millions d’intérêt en contrepartie des milliards débloqués. Mais en remboursant les aides publiques au plus vite, les banques ont coupé l’herbe sous le pied du gouvernement, lui ôtant la possibilité de réaliser une plus-value qui aurait pu lui rapporter jusqu’à… 12 milliards d’euros.

Les profits actuels sont fondés sur des actifs pourris et sur des spéculation aussi hasardeuses qu’en 2008. Elles ne font que préparer de nouvelles explosions de bulles spéculatives et de nouveaux effondrements, encore plus importants que les précédents. Les problèmes actuels du système ne sont pas dus à des défauts ou à des exagérations, ni des banquiers, ni des financiers, ni à une incohérence des Etats incapables d’imposer d’autres pratiques aux banquiers et spéculateurs. La limite du système est atteinte et il ne peut rebondir que sur des bases mensongères pour mieux s’effondrer à nouveau. Il ne tient que grâce à des emplâtres sur jambe de bois. Il ne remarchera plus même si tout est fait pour le faire durer...

Messages

  • La Société Générale tire
    la sonnette d’alarme
    .
    lefigaro.fr | JDF | 20.11.2009 | Mise à jour : 18H19
    Dans un rapport adressé à ses clients, la banque française les appelle à dessiner une stratégie d’investissements de défense afin de se préparer à l’explosion éventuelle de nouvelles bulles financières.

    Le pire pourrait être devant nous. C’est une des hypothèses qui ressortent d’un rapport de la Société Générale, intitulé « le pire scénario de la dette », selon lequel les récents plans de sauvetage mis en place par les gouvernements mondiaux ont simplement transféré des passifs du secteur privé au secteur public, créant une nouvelle série de problèmes. Premier d’entre eux, le déficit. « Le niveau de la dette paraît tout à fait insoutenable à long terme. Nous avons pratiquement atteint un point de non retour en ce qui concerne la dette publique », précise le rapport de 68 pages.

    L’endettement global est beaucoup trop élevé dans la plupart des économies des pays développés, par rapport à leur PIB. Aux Etats-Unis et dans l’UE, la dette publique représentera ainsi 125% du PIB dans deux ans. Au Royaume-Uni, elle s’élèvera à 105% et au Japon, à 270%. Le problème de la dette sous-jacente est plus important qu’il n’était après la seconde Guerre Mondiale, alors que les taux nominaux étaient similaires. Sauf que cette fois-ci, les gouvernements seront pris à la gorge, le vieillissement de la population rendant plus difficile qu’auparavant l’effacement de cette dette avec la croissance. Les pays émergents ne seraient pas non plus épargnés, même si leur marge de maneouvre sera plus importante qu’au sein des grandes économies occidentales.

    Parmi les pires scénarios envisagés, le rapport évoque une nouvelle chute des marchés, une inflation galopante ainsi qu’une forte chute du dollar. Or quand la crise bat son plein, tout le monde se retourne vers la valeur refuge par excellence, l’or. Dans ce contexte, le prix du métal jaune atteindrait des sommets jamais vus. En plus du métal jaune, le rapport table qu’une autre valeur refuge devrait tirer son épingle du jeu, les denrées alimentaires. A contrario, la banque conseille de se désengager du dollar et des valeurs cycliques, telles que les technologiques ou celles liées au secteur de l’automobile.

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