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Les classes dirigeantes sur le sentier de la guerre (forum)

samedi 24 janvier 2009, par Robert Paris

Cet texte, originellement un éditorial, devient un sujet de forum.

Merci à tous les participants.

La guerre, une solution face à la crise

Editorial :

Les classes dirigeantes sont sur le chemin de la guerre

Aujourd’hui, avec la crise du système capitaliste, les divisions des peuples, les guerres civiles, les guerres locales, régionales ou mondiales vont être des moyens pour les classes dirigeantes de détourner les crises sociales, un exutoire pour la révolte des peuples. Les capitalistes n’ont pas d’illusion sur les possibilités de reprise économique et aucune intention de payer individuellement pour une remise illusoire sur les rails. Ce sont les Etats qui sont chargés de dépenser des sommes folles pour retarder l’effondrement et désamorcer les crises sociales et politiques en faisant croire à une reprise.

Ils vont lancer de nouveaux affrontements internes et externes. Contre des ethnies ou des minorités en Afrique. Contre les Noirs et les Juifs aux USA. La crise entraîne partout de nouveaux bruits de bottes. Contre les Palestiniens pour l’Etat israélien qui connaît une grave crise économique et sociale. En Chine, contre le Japon accusé de pomper le pétrole sous-marin de ses côtes, car le pouvoir chinois est menacé par la crise qui commence à se traduire en licenciements massifs et en fermetures d’entreprises. En Russie, contre l’Ukraine accusée de voler le gaz russe. D’autres pays, comme le Brésil, ne savent pas encore contre qui tourner leurs armes mais commencent à s’armer massivement.

Le cas d’Israël en est un très bon exemple. Ce pays connaît une grave crise économique et sociale dans laquelle la population travailleuse est victime de sacrifices de grande ampleur entraînant des mouvements sociaux et une contestation sans précédent. Corruption, abus de pouvoir, discrédit généralisé se sont transformé en une révolte contre les dirigeants avec la guerre criminelle et sans raison contre le Liban. En lançant la guerre contre Gaza, ces classes dirigeantes israéliennes, discréditées, ont espéré se refaire une popularité.

Un autre point commun entre la guerre d’Israël et les autres conflits de l’impérialisme : le prétexte du terrorisme guerrier contre les peuples est toujours la lutte contre le terrorisme. La lutte contre le terrorisme a toujours été un prétexte pour les puissances impérialistes comme pour les Etats qui mènent des politiques en sa faveur comme le fait Israël au Moyen-Orient. Al Qaida, actuelle bête noire des USA et de ses alliés occidentaux, a été fondé en tant que mouvement islamiste par … les USA. Ben Laden était alors un agent très bien payé de la CIA. Comme l’était aussi Saddam Hussein.

Loin d’en finir avec le Hamas à Gaza ou avec le Hezbollah au Liban, l’Etat d’Israël n’a fait, par ses guerres, que leur donner du crédit. Et ce n’est pas la première fois. Quand l’Etat d’Israël voulait isoler le Fatah, il avait aidé le Hamas à gagner du crédit.

La guerre d’Israël contre Gaza a le même caractère que les guerres d’Irak ou d’Afghanistan. Elles visent toutes à maintenir la domination de l’impérialisme sur le monde et pas du tout à protéger des populations contre le terrorisme. Que fait l’armée française en Afghanistan ? Certainement pas protéger le peuple afghan contre ses ennemis, ni protéger la population française qui risque, au contraire, de payer un jour par des attentats les crimes de ses classes dirigeantes dans cette région.

Mais la guerre qui nous attend, tout de suite, c’est la guerre sociale contre les travailleurs : pour leur faire accepter de faire les frais de la crise du système par le biais de licenciements, de précarisation générale des salariés, de chômage partiel généralisé. Les salaires seront eux aussi attaqués au moment même où on déverse des centaines de milliards aux capitalistes et aux banquiers, il n’y aura plus d’argent pour les salariés, pour les chômeurs ni pour les services publics !

Bien des travailleurs se sentent désarmés face à une catastrophe d’aussi grande ampleur. Pourtant, la politique de Sarkozy comme des autres chefs d’Etat du monde montrent la crainte des réactions des travailleurs que ressentent les classes dirigeantes. Nous sommes une force internationale, une classe bien plus nombreuse et bien plus forte que les capitalistes aujourd’hui partout discrédités.

Tout dépendra de notre réaction face aux attaques anti-sociales à venir. Si nous savons ne pas attacher notre avenir aux lois d’un capitalisme complètement à bout de souffle, la classe ouvrière peut non seulement sauver son propre avenir mais représenter une véritable perspective pour tous les opprimés.

Et rappelons-nous de crier haut et fort au nom des travailleurs de France :

A bas la sale guerre de l’Etat français en Afghanistan !

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Rajoutons le courrier d’un lecteur :

Il faudrait aussi le retrait des troupes françaises de Côte d’Ivoire, de Centrafrique, de Djibouti, du Tchad, et de tous les pays d’Afrique ou du monde.

Pour ceux qui douteraient que les capitalistes tentent de sortir de la crise en préparant la guerre, je propose à la discussion un simple article d’information concernant les achats récents et massifs d’armement et la coopération militaire de la France et de l’UE établie par le président français en décembre avec le Brésil.

Consolidation du partenariat stratégique Brésil - Europe 12-01-2009

De gauche à droite le président Nicolas Sarkozy, son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et le président de la Commission Européenne Durao Barroso. De gauche à droite le président Nicolas Sarkozy, son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et le président de la Commission Européenne Durao Barroso. (Vanderlei Almeida/AFP/Getty Images) Le double partenariat stratégique Brésil-Union européenne (UE) et Brésil-France a été consolidé les 22 et 23 décembre à Rio de Janeiro par le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, et le président français, Nicolas Sarkozy.

Accompagné le 22 décembre de José Manuel Durão Barroso, président de la Commission européenne, Nicolas Sarkozy approfondissait le partenariat Brésil-UE en sa qualité de président en exercice du Conseil de l’UE. Après celui de Lisbonne en juillet 2007, ce 2e sommet Brésil-UE a défini les priorités communes dans une Déclaration et un Plan d’action conjoints qui considèrent la crise économique et financière mondiale, la lutte contre le changement climatique, la sécurité (notamment énergétique), le développement durable, la coopération régionale, la recherche et les nouvelles technologies, les migrations, l’éducation et la culture.

L’Union européenne est le premier partenaire commercial du Brésil et représente 22,5 % de l’ensemble des échanges commerciaux de ce pays. En 2007, l’Union a importé 32,3 milliards d’euros de produits brésiliens. Elle exportait cette même année l’équivalent de 21,2 milliards d’euros de produits. L’Union européenne est également un important investisseur au Brésil avec un stock d’investissement de 88 milliards d’euros en 2006.

Contrats militaires pour 6 milliards d’euros Le 23 décembre, c’est en qualité de président de la République française que Nicolas Sarkozy signait avec Luiz Inacio Lula da Silva des accords et contrats bilatéraux (dont le texte demeure réservé) relatifs notamment à l’énergie nucléaire, la biodiversité, le changement climatique, l’espace et la coopération scientifique et culturelle. Les plus médiatisés sont des contrats militaires pour six milliards d’euros, montant supérieur à l’ensemble des exportations d’armes françaises dans le monde en 2007 (5,7 milliards d’euros). Concernant des sous-marins et 50 hélicoptères, ils impliquent d’importants transferts technologiques.

Le montant de six milliards concerne la part des industriels français - le total général est de 8,6 milliards, une partie revenant à des sociétés brésiliennes - et se répartit en 1,9 milliard pour Eurocopter, filiale d’EADS, et 4,1 milliards pour les chantiers navals publics DCNS, dont Thales détient 25%.

Outre quatre sous-marins classiques de type Scorpène, DCNS aidera le Brésil à construire une base de sous-marins et fournira la coque du premier submersible à propulsion nucléaire du pays, qui pourrait voir le jour vers 2020. Quant aux hélicoptères de type EC725, ils seront construits au Brésil par Helibras, une filiale locale d’Eurocopter qui installera dans le pays une usine de turbines.

« Il faut que le Brésil assume la grandeur que Dieu lui a concédée lorsqu’il créa le monde », a commenté le président Lula da Silva, estimant que le Brésil devait être une « grande nation » sur le plan « militaire, économique et technologique ». Il a insisté sur le caractère « défensif » de son ambition militaire.

« Nous avons conscience d’aider le Brésil à avoir un statut de puissance militaire au service de la paix, comme il a un statut de puissance mondiale économique et un statut de puissance mondiale politique ... La France pense qu’un Brésil puissant est un élément de stabilité pour le monde » a dit en écho Nicolas Sarkozy. Des observateurs ont lié cette déclaration aux préoccupations régionales nées de l’achat massif d’armes russes, surtout des avions de combat et des hélicoptères, par le président vénézuélien Hugo Chavez.

Le président français a aussi noté que les transferts technologiques prévoyant la « construction d’hélicoptères à partir du Brésil permettront à nos sociétés de rayonner sur toute l’Amérique latine ». Nicolas Sarkozy a confirmé son soutien à l’ambition du Brésil d’occuper un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Paris et Brasilia se sont engagées à adopter une approche commune lors du sommet du G20, qui débattra le 2 avril prochain à Londres des moyens de réformer le système financier international.

Source : http://www.lagrandeepoque.com/LGE/content/view/5610/104/ Trouvé le 23 janvier 2009 Les gras ont été ajoutés par mes soins.

Bref, les choix sont faits : la prochaine guerre se déroulera sur le continent Sud-Américain. Ce sera une guerre contre les populations, entre Vénézuela et Brésil, peut-être. Quoi qu’il en soit, la France va tirer ses bénéfices des usines d’armement qui vont ou sont en train de s’installer dans toute l’Amérique du sud, ou au moins au Brésil, afin de vendre des armes à l’ensemble des pays du continent.

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Notre réponse à ce lecteur :

Merci de ces très intéressantes informations.

Tu as parfaitement raison :

A bas toutes les interventions de l’impérialisme français dans le monde comme de tous les impérialismes !

Cependant, des sources de conflit mondial sont multiples et la source qui me semble la plus importante est ... la Chine. Voir, par exemple, les documents suivants :

"Vers une nouvelle guerre froide Chine-USA."
Par Gérald Fouchet.
Gérald Fouchet est politologue, écrivain et journaliste.

La rivalité géostratégique croissante entre les Etats-Unis et la Chine pour la possession du Pacifique constitue une ligne de fracture mondiale très préoccupante et augure d’une "nouvelle guerre froide" plus dangereuse que la première.

La Chine réarme. Pourquoi ?

Les faits, d’abord, implacables : la République populaire de Chine est le pays au monde qui augmente son budget militaire dans les proportions les plus considérables : le 6 mars, Pékin a annoncé une hausse des dépenses de l’armée de 17,7% en 2001, ce qui les porte à 141 milliards de yuans, soit 19 milliards d’euros ou 120 milliards de francs. Les experts occidentaux estiment que les dépenses militaires réelles sont "deux à trois fois plus élevées que les chiffres officiellement avoués" (Le Monde, 07/03/2001). Cette progression brutale est la plus forte observée depuis vingt ans, et elle constitue la treizième hausse consécutive qui dépasse les 10 %. A l’inverse de l’Europe qui désarme et rogne sur ses budgets militaires, la Chine effectue donc un effort de réarmement et d’accroissement massif de sa puissance militaire, supérieur à celui de l’Allemagne entre 1933 et 1940 et à celui des USA après Pearl-Harbor.

Pourquoi ?

Depuis toujours, on sait qu’un pays qui réarme obéit à deux hypothèses : soit il se sent menacé et veut se protéger, soit il veut attaquer. Qui la Chine veut-elle attaquer ? Taiwan, pour la reconquérir ? Non, car elle n’aurait pas besoin de réarmer si fortement pour reprendre l’île ; et sa stratégie est celle de la "persuasion" : la Chine veut récupérer Taiwan en douceur ; une guerre ruinerait la juteuse économie de la province perdue, dont la Chine a besoin. Elle envisage Taiwan, comme une future "région autonome", à l’image de Hong-Kong selon l’adage célèbre "un seul pays, deux systèmes économiques". Le général Régis de Marsan, suggérait (in Le Soir 28/02/2001) "qu’il faut mettre en parallèle le budget militaire chinois avec la dépopulation de la Russie". Serait-ce donc la Russie que la Chine veut attaquer ? On sait qu’elle pourrait revendiquer une partie de la Sibérie orientale, où s’infiltrent ses migrants. On se souvient des combats sino-russes sur l’Amour des années 60. Là n’est pourtant pas la préoccupation géopolitique chinoise ; l’Empire du Milieu ne se sent nullement menacé par la Russie pas plus que par l’Inde (d’autant que les Russes lui fournissent toujours des armes, notamment les chasseurs-bombardiers Sukhoï.) Elle a intérêt à entretenir de bons rapports avec ces deux puissances continentales. Pour quelles raisons alors la Chine réarme-t-elle ? Parce que les Chinois subodorent la possibilité d’un conflit majeur, au XXIème siècle, avec la grande superpuissance thalassocratique : les Etats-Unis. La Chine, nation (comme la France) à la fois maritime et continentale a compris que le Pacifique, actuellement sous contrôle américain, allait devenir un lieu de friction majeur. N’oublions pas également que les deux superpuissances militaires à partir de 2015 seront les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière prévoit donc une situation similaire à celle de la "guerre froide" Occident-URSS des années 1947-1991. Et, dans le cadre de ce réarmement, il faut savoir que la Chine n’accroît nullement ses effectifs terrestres (ce qui serait le cas dans l’hypothèse de conflits frontaliers continentaux) mais, comme par hasard, 1°) elle muscle sa flotte de haute mer et sous-marine - Pékin envisage le lancement de porte-avions - et son aviation ; 2°) elle améliore ses capacités balistiques et nucléaires, préparant aussi des satellites-espions militaires ; 3°) elle revalorise toutes les soldes, pour motiver son armée. Les Chinois se préparent donc bien à un conflit de type "post-moderne", centré sur la guerre électronique, les missiles, les avions, les sous-marins et les satellites, un conflit qui aurait inévitablement un aspect (partiellement) nucléaire. Le Pentagone s’en est parfaitement rendu compte.

Les vraies raisons du bouclier anti-missiles américains.

Au mépris des accords de désarmement nucléaire SALT - et en désaccord formel avec la Chine, la Russie et la France - M.G.W. Bush veut doter son pays d’un bouclier d’intercepteurs anti-missiles (NMD) capables d’abattre en vol d’éventuelles têtes nucléaires lancées contre le territoire américain (1). Il rompt par là "l’équilibre de la terreur", qui a évité toute guerre atomique grâce à la "destruction mutuelle assurée" (MAD, mutual assured destruction) ; cette dernière repose sur un pacte implicite entre puissances nucléaires, selon lequel l’agresseur, en étant certain d’être foudroyé par une riposte atomique, est dissuadé de lancer ses bombes A ou H. Mais, si un pays - en l’occurrence les USA - possède un bouclier anti-missiles, il peut se permettre tout type de guerre contre une puissance nucléaire sans craindre de riposte sérieuse.

Les commentateurs de la presse internationale affirment que les Américains veulent se protéger contre d’éventuelles frappes balistiques atomiques "d’Etats-voyous" ou "Etats-terroristes" (rogue States), c’est-à-dire la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, la Lybie, etc. Les services de presse de la Maison Blanche confirment évidemment cette version. Pourtant, elle est peu crédible. Les pays susmentionnés ne sont pas fous ni suicidaires. Ils savent qu’ils ne sont pas de grandes puissances mondiales. Dans l’hypothèse (hautement improbable) où ils pourraient se doter de missiles nucléaires à longue portée capables d’atteindre les USA, ils ne prendraient pas le risque stupide d’une agression qui provoquerait sur leur sol une riposte dévastatrice. En réalité, tout indique que le Pentagone envisage un affrontement majeur avec la Chine dans les vingt ans, et entend se donner les moyens de frapper (pas forcément atomiquement d’ailleurs) sans risque de contre-offensive nucléaire sur le territoire américain. Bref, la thèse que nous proposons est la suivante : le NMD, le bouclier anti-missiles américain, est probablement destiné à protéger les USA d’une menace atomique chinoise. La logique de la dissuasion nucléaire s’apparente à la fois au jeu d’échec, et aussi, au jeu de go : les dirigeants américains savent très bien (et nous en parlerons plus bas) que la Chine, compte tenu de ses 1,25 milliards d’habitants, craint beaucoup moins qu’eux les frappes nucléaires. Sa protection est sa démographie. Ce projet américain de défense anti-missiles balistiques (NMD) défendu par l’administration Bush, est considéré en Chine comme une mesure agressive, presque un casus belli. Traditionnellement, contrairement aux Occidentaux, les Chinois emploient un langage très diplomatique et masquent toute hostilité de langage. Quand cette dernière apparaît, c’est que les choses sont graves. Sha Zukang, le négociateur chinois sur le désarmement, pouvait déclarer : "Les Etats-Unis auront une position à la fois défensive et offensive. Je ne crois pas que les autres puissances nucléaires toléreraient une supériorité et une sécurité américaines absolues, alors qu’elles se sentiraient dans une situation d’insécurité absolue." Il récidiva en ces termes au cours d’une conférence de presse au Canada : "Je hais le NMD, produit d’une mentalité américaine de guerre froide, de gens qui se cherchent de nouveaux ennemis, la Chine peut-être..." Et puis, il eut cette phrase, très calculée, mais lourde de menaces : "La Chine est trop grosse pour que les Américains l’envoient sur la Lune. Les Chinois sont sur la terre depuis 5 000 ans et y resteront à jamais." Enfin, signe aussi inquiétant, l’influent Teng Jianqun, rédacteur en chef de l’officiel World Military Review écrivait à demi-mot, toujours à propos du NMD, le bouclier spatial anti-missiles nucléaires américain, que ce dernier était en fait destiné à préparer une guerre contre la Chine ; il notait : "quand un pays prépare une confrontation avec la Chine dans l’espace, nous devons y prêter une grande attention."

N’oublions pas ce fait central, que la thalassocratie américaine en dépit de son discours officiel ultra-pacifiste et humanitariste est une "nation impériale" fondée sur la guerre et la fonction militaire. Les USA ont besoin de la guerre (la "guerre juste", la croisade contre les méchants, évidemment), non seulement pour des raisons économiques - l’industrie d’armement est une locomotive techno-industrielle et financière - mais pour maintenir leur statut mondial de "protecteurs-dominateurs" du monde. Depuis 1941, les USA sont le pays au monde qui a mené le plus grand nombre d’opérations militaires et de bombardements hors de ses frontières. Mais sans jamais craindre pour l’intégrité de son territoire. Là, les choses changent : ils n’ont plus affaire à des petits pays, Vietnam, Panama, Serbie, etc. mais à l’énorme Chine, terrifiant challenger qui, avec ses 1,25 milliards d’habitants, peut supporter les saignées de frappes nucléaires, et qui se dote actuellement de missiles à longue portée ! La perspective est bien pire que face à la défunte URSS. Rompant radicalement avec la politique de Clinton, le Président Bush junior a déclaré, début mars, ce que la presse a très peu relevé, mais qui est pourtant capital : "La Chine est une rivale et non un partenaire stratégique." Une guerre aura peut-être pour théâtre et enjeu central le Pacifique et opposera éventuellement les USA et la Chine, d’ici 2010. Quel en sera le prétexte, sur quels litiges éclatera-t-elle ? Pour l’instant, nul ne le sait. Mais, à l’inverse des myopes et imprévoyants politiciens européens qui "n’ont plus d’ennemis", qui ne se sentent plus menacés par personne, qui désarment, pour qui la fonction militaire n’est plus qu’une force de police d’interposition humanitaire, les stratèges américains ont lu Clausewitz ; ils raisonnent à long terme et savent que la guerre est toujours possible, demain, entre deux puissances majeures même si, aujourd’hui, on n’en connaît pas les prétextes exacts. Cela dit, l’enjeu global d’un tel affrontement, nous le devinons facilement : c’est la domination de l’Océan pacifique.

Analyse des formes d’un conflit naissant.

Donc un conflit majeur pour la suprématie entre la Chine et les Etats-Unis est probable, mais non certain, pour le XXIème siècle. En tous cas, une rivalité constante au cours du XXIème siècle est absolument évidente. Elle prendra soit les formes de conflits ouverts, soit d’une tension permanente, avec toujours le risque de frappes nucléaires. Toute la question est de savoir quel camp choisiront l’Union européenne, la Russie, l’Inde et les Etats musulmans. Quoi qu’il en soit, une nouvelle guerre froide commence. La Chine apparaît comme le surgissement dans l’histoire d’une future hyper-puissance telle que l’humanité n’en a encore jamais vue. Le regretté Alain Peyrefitte dans son ouvrage "Quand la Chine s’éveillera" l’avait prédit : la Chine sera au XXIème siècle un Etat unifié représentant 1/5ème de l’humanité. Jamais un cas semblable ne s’était produit.

Quels sont les rapports entre Pékin et la nouvelle administration républicaine et pourquoi se dégradent-ils ? Beaucoup plus que du temps de Clinton, l’entourage de Bush redoute la montée en puissance militaire de l’Empire du milieu. Quian Qichen, vice-premier ministre, conseiller diplomatique du chef de l’Etat et du PC chinois, s’est rendu à la Maison Blanche le 22 mars. La Chine n’étant plus, selon les déclarations de M. Bush, un "partenaire stratégique" mais un "concurrent stratégique", Pékin tente de désamorcer la méfiance américaine, selon la technique du jeu de go : endormir puis étouffer l’adversaire plutôt que de le provoquer ; pratique traditionnelle en Chine depuis les Empereurs Ming, où selon le précepte de Lao-Tseu, repris par Mao, il faut toujours "sourire à son ennemi le plus dangereux et montrer les dents à son plus petit ennemi." La Chine tente donc d’apaiser les craintes du grand rival américain, mais ne se gêne pas pour couvrir Taiwan d’invectives. Pourtant, un document interne au PC chinois de mars 2001, postérieur à l’élection de M. Bush, révèle que le but géostratégique de la Chine est de "contrer le développement de l’hégémonisme et de la loi du plus fort." Que signifie cette formule sibylline ? Les Chinois ont le temps, ils calculent toujours à long terme. Leur objectif est, dans un premier temps, non seulement de récupérer Taiwan, l’île rebelle, pour des raisons autant économiques que politiques, mais aussi, dans un deuxième temps, de distendre les liens protecteurs entre les USA et leurs deux principaux alliés asiatiques : la Corée du Sud et le Japon. Dans un troisième temps, la Chine entend reprendre la maîtrise du Pacifique, commerciale et militaire - y compris sur l’Australie où elle encourage une immigration chinoise - en s’efforçant notamment de faire fermer les bases américaines comme celle d’Okinawa. La Chine se donne environ vingt ans pour atteindre cet objectif. Or ce dernier est aussi inacceptable pour les USA qu’une alliance géostratégique, hors de l’Otan, entre l’Europe péninsulaire et la Russie ("Eurosibérie"). Le double cauchemar du Pentagone, c’est que la thalassocratie américaine se voie éliminée du Pacifique par la Chine, et du continent euro-russe par une remontée en puissance de la Russie, alliée à une Union européenne rompant avec l’Otan. Mais rien ne pourra détourner la Chine de sa visée sur le Pacifique où elle veut se substituer au protecteur américain. Elle sait qu’économiquement et géostratégiquement le Pacifique - autour duquel vivront en 2020 les deux tiers de l’humanité - sera au XXIème siècle ce que furent la Méditerranée et l’Atlantique pour d’autres siècles. La Chine préférerait évidemment obtenir cette hégémonie qui la consacrerait comme superpuissance sans conflit avec les USA. Mais un conflit ne lui fait pas peur.

La nouvelle position américaine est la suivante : si la Chine, dont les ambitions semblent démesurées, rompt la pax americana dans le Pacifique, ce sera un casus belli. L’administration Bush entend que la Chine reste une "puissance intermédiaire", comme l’Inde ou le Japon. Or, les Américains ont commencé à passer à l’offensive : on se souvient du bombardement "accidentel" de l’ambassade chinoise à Belgrade, qui était destiné à tester le niveau de riposte de Pékin, d’après les services secrets italiens. Plus récemment, ils accusent la Chine d’aider technologiquement ce "rogue State" (Etat voyou) que constitue l’Irak, ce qui est probablement une accusation fondée. Ils envisagent de vendre à Taiwan des frégates anti-missiles munies du système radar Aegis, (à la suite de la vente par la France des frégates La Fayette), ainsi que des missiles (pour contrer les récentes fusées M9 et M11 pointées par la Chine sur sa côte méridionale), qui rendraient difficile une attaque contre l’île ; ils bloquent l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de peur d’être submergés par les produits agricoles chinois subventionnés. Et, fin mars 2001, les Etats-Unis décidaient de parrainer une résolution devant la commission des droits de l’homme de l’ONU qui siégeait à Genève pour "condamner les graves violations des droits de l’homme en Chine."

Un autre point litigieux, assez explosif, mérite d’être mentionné : la question capitale de la réunification des deux Corées, inévitable à long terme, du fait du désastre constitué par le régime de Pyongyang. Pour l’instant, Pékin soutient à bout de bras le régime de Kim Jong Il. Son objectif est la création d’une Corée réunifiée sous la houlette chinoise, avec un système "capitaliste autoritaire" comme à Hong-Kong. L’objectif américain est apparemment proche, mais totalement inverse : la création d’une Corée unique, puissance économique et militaire conséquente, sous hégémonie américaine. Le but des USA est clair : intimider la Chine et la contenir par trois "révolvers" et concurrents braqués contre elle, le Japon, la Corée et Taiwan. Pékin, vis-à-vis de ces Etats essaie de jouer de l’argument de la "solidarité ethnique" des Asiatiques face aux Occidentaux.

Un autre point de friction est le Vietnam. Washington a perdu la première manche, puisque, grâce à l’aide chinoise, le Vietnam du Nord a infligé à l’Oncle Sam la première défaite militaire de son histoire. Mais les USA veulent prendre leur revanche, une revanche "pacifique", mais qui suscite l’exaspération du PC Chinois : aider le Vietnam à se "décommuniser", en faire un pays capitaliste qui revienne dans le giron américain. L’impéritie économique et les besoins financiers du régime de Hanoi vont dans le sens de la stratégie américaine, d’autant que les Vietnamiens sont historiquement très méfiants vis-à-vis des Chinois, avec lesquels ils ont connu des affrontements militaires sporadiques (victorieux pour les Vietnamiens) sur la frontière nord, après la réunification.

Vers un nationalisme capitaliste chinois.

L’essentiel est de comprendre que, dans toute l’histoire de l’humanité, la cause des conflits et des guerres n’a jamais été principalement idéologique, mais nationaliste. La guerre froide entre l’Occident et le communisme n’a jamais dégénéré en guerre chaude, parce qu’au fond, le conflit était d’abord idéologique, entre le communisme et le capitalisme. En revanche, la Seconde guerre mondiale a débuté, on l’oublie trop souvent, non pas par une lutte entre le national-socialisme allemand, le fascisme italien, les démocraties occidentales et le communisme, mais sur une rivalité nationaliste et géopolitique des pays européens : Allemagne, Russie, France, Royaume-Uni, etc. L’idéologie n’intervient que comme prétexte, comme "dérivé" aurait dit le sociologue Pareto. De même aujourd’hui, ce qui est très inquiétant dans la rivalité naissante entre la Chine et les USA, c’est qu’il ne s’agit plus d’un conflit idéologique entre le communisme chinois et le capitalisme américain, logique totalement dépassée, mais du retour à une rivalité géopolitique classique de puissances. La Chine ne cherche plus du tout, comme du temps de Mao, à défendre le messianisme communiste, à exporter son modèle en Extrême-Orient, ni à prendre la tête d’une croisade des pays pauvres contre le capitalisme occidental. La Chine a troqué le communisme contre le nationalisme. Son objectif, très rusé, est double 1°) Conserver un régime autoritaire à parti unique, militariste, dans le but de devenir la première puissance mondiale vers 2020. 2°) Pour davantage d’efficacité, le PC Chinois a décidé, sous la présidence de Jiang Zemin, de passer progressivement à une économie capitaliste (à deux vitesses, note) - ce qui inquiète le Pentagone, puisque les USA ont fini par comprendre qu’un adversaire avec une économie de marché était plus performant et dangereux qu’un adversaire au communisme paralysateur. A ce niveau, les Américains sont pris dans le filet d’un douloureux dilemme : en commerçants ataviques, ils ne peuvent pas faire autrement que d’investir dans le marché chinois, qui est appelé à devenir colossal (les USA sont le premier investisseur étranger), mais, ce faisant, ils renforcent le régime, contribuent à moderniser le géant, à accroître sa richesse (et donc ses capacités techno-militaires) et à se fabriquer un redoutable concurrent commercial, capable d’entraîner le Japon dans son orbite.

Un des atouts américains est que Pékin est pour l’instant mal vu de ses voisins asiatiques ; ils préfèrent de loin une hégémonie américaine à une hégémonie chinoise, qui serait beaucoup plus brutale. C’est pourquoi, le PC chinois ne cesse de multiplier les déclarations de bonnes intentions envers tous les pays de la région, à commencer par le Japon, auquel sont ouvertes les portes des investissements en Chine du Sud.

L’aggravation des relations sino-américaines.

Le litige le plus crucial et le plus dangereux porte sur la capacité chinoise à se doter de missiles nucléaires de longue portée. La Chine a procédé, depuis 1990, à un accroissement constant de ses performances spatiales à partir des fusées Longue Marche (inspirées de la technologie soviétique), capables de satelliser plusieurs tonnes. Cela veut tout simplement dire que la Chine teste aussi par là des vecteurs intercontinentaux ICBM, simples ou "mirvés" (2), capables d’atteindre les USA. La technique balistique militaire fait appel, en effet, aux mêmes ressources et connaissances que les programmes de satellisation.

Les relations sino-américaines se sont encore aggravées le 23 mars 2001 par la défection aux USA d’un officier supérieur, un colonel de l’Armée populaire de libération (APL). Pis encore : son épouse a trouvé refuge aux USA par l’entremise de l’ambassade américaine à Pékin, ce que les Chinois considèrent comme une humiliation et un "incident grave." Et quant à la visite de Qian Qichen, vice-premier ministre chinois, à la Maison-Blanche, le 22 mars, que nous évoquions plus haut, elle fut un échec notable, puisque les Chinois n’y ont pas obtenu la renonciation américaine à la vente à Taiwan d’un bouclier anti-missiles Aegis (3). Ce point était pourtant crucial pour Pékin. M. Bush et son secrétaire d’Etat, le "faucon" Colin Powel, grand artisan de la Guerre du Golfe, entendent appliquer à la lettre le Traité de protection de Taiwan signé en 1979 (4), alors que M. Clinton était prêt à négocier une éventuelle réunification en douceur, selon un "processus à la Hong-Kong".

Un autre grave contentieux entre Pékin et Washington, très peu connu du public et peu évoqué par la presse européenne, porte sur l’interdiction par le PC de la liberté religieuse, et notamment sur la discrète répression du christianisme. En septembre 2000, une campagne de destruction des églises par dynamitage aurait commencé. Plusieurs milliers d’édifices ont été détruits, prétendent les Américains ; ce que nient évidemment les dirigeants chinois. C’est une des raisons pour lesquelles l’administration Bush vient d’accuser la Chine devant le comité des droits de l’homme de l’ONU, réuni à Genève (voir plus haut). Pour les dirigeants chinois, cette insistance américaine sur les "droits de l’homme" dans leur propre pays, cette critique constante du caractère "dictatorial" et "répressif" de leur régime constitue, selon le terme consacré, une "insupportable ingérence", une humiliation, qui rappelle l’époque semi-coloniale des "traités inégaux" et des "concessions territoriales" du début du XXème siècle. Les Chinois ont été extrêmement vexés par la déclaration suivante de M. Bush (lors de la visite, citée dans cet article, de M. Qian) : "Nos invités ne seront pas surpris si je dis que je crois à la liberté religieuse et qu’il serait sans doute beaucoup plus facile d’aller de l’avant de manière constructive dans nos relations si nos interlocuteurs honoraient les libertés religieuses à l’intérieur de leurs frontières." (5) Pour les Chinois, il s’agit là, non seulement d’ingérence, mais d’impérialisme moral. Exigent-ils, eux, des Etats-Unis et de l’Occident, qu’ils appliquent les règles culturelles chinoises ? Soulignons là, d’ailleurs, une divergence philosophique et idéologique fondamentale entre la Chine et l’Occident - plus particulièrement les USA. On sait que, dans l’histoire, les cassures philosophiques entre les civilisations, les "ruptures de vision du monde", selon l’statement du politologue Julien Freund alimentent les inimitiés, et attisent les conflits géostratégiques. Cette divergence ne porte nullement sur le choix d’un système socio-économique (du type communisme contre capitalisme), ce dont les Chinois, en bons pragmatiques, se moquent. Elle porte sur l’éthique universaliste des droits de l’homme et de la démocratie à l’occidentale que les dirigeants chinois contestent absolument. En disciples de Confucius et de Lao-Tseu, bien plus que de Marx, les Chinois prônent le relativisme et non l’universalisme. Pour eux, la notion de démocratie et la philosophie des droits de l’homme ne sont applicables qu’à l’Occident, pas aux autres aires civilisationnelles. De plus, ils contestent la pertinence de ces notions, arguant que les Etats-Unis eux-mêmes - donneurs de leçons - ne respectent pas leurs propres principes hypocrites, par exemple en bombardant la Serbie ou l’ambassade de Chine à Belgrade.

En conclusion.

N’oublions pas que la Chine et les Etats-Unis s’étaient déjà affrontés militairement en 1951, pendant la guerre de Corée, et indirectement, pendant la guerre du Vietnam. On remarquera que jamais les Etats-Unis et l’ancienne URSS ne s’étaient affrontés directement.

Les deux grandes lignes de fracture et de risques de conflits du XXIème siècle concerneront un affrontement Islam-Europe et Islam-Inde d’une part, et Chine-USA d’autre part.(Islam Occident Chine USA)

Comme l’a démontré Alexandre Del Valle dans deux de ses récents ouvrages, et dans plusieurs de ses articles universitaires, la politique étrangère américaine vise à neutraliser les rivaux européens et russes en jouant la carte de l’Islam, comme la guerre de Serbie l’a démontrée. Mais les USA ont une préoccupation plus grave sur leur flanc ouest : neutraliser la Chine. Ils se sentent donc une île thalassocratique encerclée, obligée de contrôler le Grand Continent menaçant. Il y a une constante dans l’histoire des guerres, qui obéit à un étrange paradoxe, que les géopoliticiens nomment "le paradoxe de la Guerre de Troie." Il peut se formuler ainsi : les guerres ouvertes éclatent entre deux puissances ou deux coalitions sur des prétextes particuliers et imprévisibles, qui ne sont jamais les causes fondamendales ; ces dernières sont une rivalité globale, stratégique, économique, ethnique, etc. qui ne cherche qu’une étincelle, au fond secondaire, pour dégénérer en conflit ouvert. La fameuse Guerre de Troie immortalisée par Homère, opposait en fait les jeunes cités gréco-achéennes à la ville-Etat de Troie, installée près du Bosphore, et redoutable rivale commerciale et militaire. Le prétexte futile du déclenchement des hostilités et de l’expédition d’Agamemnon fut une jalousie amoureuse (l’enlèvement de la belle Hélène par les Troyens). Mais la véritable cause du conflit était la volonté géostratégique des Grecs d’éliminer leurs concurrents orientaux et de s’approprier la mer Egée.

Bien des guerres peuvent s’analyser selon cette grille, qui distingue les prétextes des causes essentielles, des toiles de fond. Or, dans le cas du conflit potentiel Chine-USA, nous pouvons repérer une toile de fond structurelle extrêmement chargée en hostilité : rivalité pour l’hégémonie sur le Pacifique ; crainte des USA, devenus unique superpuissance, de voir réémerger un concurrent autrement plus dangereux que la défunte URSS, parce que beaucoup plus peuplé, et parce que puissance à la fois continentale et maritime, ce que n’est pas la Russie ; crainte aussi des Américains de la concurrence économique et technologique mondiale de l’Empire du Milieu et de sa formidable masse démographique ; renouveau du nationalisme chinois qui prend conscience de son immense puissance et qui a une dette à régler, une revanche à prendre contre un Occident qui l’aurait humilié depuis le début du XXème siècle avec les "traités inégaux". Etc.

Bref, la "toile de fond" conflictuelle est particulièrement dangereuse. Le contentieux Chine-USA est beaucoup plus lourd que l’ancien contentieux USA-URSS, parce qu’il est géostratégique et non plus idéologique, et aussi parce qu’il s’apparente, comme l’a vu Samuel Huntington, à un choc de civilisations.

C’est pourquoi, comme les guerres franco-allemandes des XIXème et XXème siècles, qui pouvaient éclater sous n’importe quel prétexte, on ne peut pas dire que le "problème de Taiwan" sera nécessairement la cause d’un affrontement. Tout autre prétexte peut surgir. L’avenir est toujours ouvert, tout est possible. D’ici à 2020, la rivalité sino-américaine ne fera que s’accroître, comme un baril de poudre qui ne cesse de se remplir. Mais nous ne connaissons pas le nom de la mèche qui le fera exploser. Pour résumer cette analyse, nous dirons qu’un affrontement global entre l’Amérique du Nord et la Chine constitue un des risques majeurs au XXIème siècle, sans que nous puissions savoir le prétexte de son éclatement, ni la forme qu’il prendra. Quoi qu’il en soit, un esprit philosophique pourrait remarquer que nous allons assister au XXIème siècle à l’affrontement de la plus ancienne civilisation du monde (la Chine), un peuple long vivant et homogène, selon l’statement de Raymond Ruyer, et de la plus récente (l’Amérique), qui est d’ailleurs davantage une société qu’une civilisation historique, un peuple hétérogène et court-vivant.
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NOTES

1 Le NMD est la reprise, mais avec des ambitions revues à la baisse, du projet de "guerre des étoiles" (jamais réalisé) de l’administration Reagan, l’ISD, Initiative stratégique de défense. Les Américains avaient abandonné ce projet après l’effondrement de l’URSS, ne s’estimant plus menacés par une balistique nucléaire adverse. La différence technique entre l’ISD et le NMD est la suivante : dans le premier cas des satellites-tueurs, munis de "canons électromagnétiques" et de "lasers de puissances" devaient neutraliser en vol, à 100km d’altitude, les fusées intercontinentales adverses. Dans le deuxième cas, les fusées sont plus classiquement détruites par des missiles sol-air, guidés par satellites, à 10 km d’altitude. Ajoutons que si l’ISD de M. Reagan a été qualifiée par les spécialistes de "coup de bluff", parce que trop chère et techniquement problématique, la NMD n’est pas pour l’instant très fiable : les 3 essais d’interceptions réalisés en décembre 2000 ont été des échecs.

2 Les missiles de longue portée ICBM (Intercontinental Balistic Missiles) munis de charges nucléaires (A ou H), embarqués ou fixes, que fabriquent les USA, la Russie et la France - et bientôt la Chine - (mais pas la Grande-Bretagne, qui les achète à Washington) peuvent ne laisser tomber qu’une seule charge ou bien plusieurs ; ces derniers, les plus dangereux, sont dits "mirvés" (de l’anglais MIRV, Multy Independant Reentry Vehicles) c’est-à-dire qu’ils comportent des têtes nucléaires multiples, qui se déploient de manière indépendante sur plusieurs cibles à la fois.

3 Il s’agit de quatre contre-torpilleurs équipés du système anti-missiles Aegis et équipés de missiles Tomahawk. Le système Aegis peut détecter et détruire, à 450 km, plus de 250 cibles différentes à la fois ; ce qui rendrait inopérantes les 300 fusées installées par la Chine en 1991 face à l’île rebelle.

4 Le Taiwan Relations Act , qui prévoit une protection absolue de l’île en cas d’attaque de Pékin, et s’engage à fournir une aide militaire comparable à celle offerte à Israël.

5 Communiqué AFP du 23/03/2001.

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La course asiatique aux armements prend de la vitesse
par John Feffer
13 février 2008, Asia Times Online
article original : "Asian arms race gathers speed"

Les diplomates restent optimistes quant à la résolution du différent nucléaire avec la Corée du Nord. Ces optimistes envisagent un traité de paix pour remplacer l’armistice, qui a mis fin — mais pas officiellement — à la Guerre de Corée il y a 55 ans. Certains dirigeants et universitaires préconisent même la transformation des pourparlers à six sur la question nucléaire coréenne, impliquant les Etats-Unis, le Japon, la Chine, la Russie et les deux Corée, en une structure de paix permanente en Asie du Nord-Est.

En ce moment, tous les pays de la région semblent déterminés à agir de manière conciliante. Yasuo Fukuda, le Premier ministre japonais, est considérablement plus pacifique que son prédécesseur, l’ultra nationaliste Shinzo Abe[1]. Le nouveau président sud-coréen, Lee Myung-bak, malgré sa qualité de conservateur, s’est engagé à poursuivre la politique de rapprochement avec la Corée du Nord et projette d’établir le contact avec le Japon au moyen de sa première visite d’Etat.

Le parti qui a remporté les récentes élections législatives taiwanaises, le Kuomintang, veut reconstruire les ponts avec le continent et rétablir les relations avec le Parti Communiste chinois, que le Parti Progressiste [taiwanais] au pouvoir avec essayé de rompre. Quant à Pékin, le gouvernement chinois est très conciliant avec pratiquement tout le monde en cette année de Jeux Olympiques d’été.

Malgré toutes ces discussions de paix, autre chose, d’assez capital et passé quasiment inaperçu, est en cours dans la région. En Asie du Nord-Est, le vrai argent va ailleurs. Si l’on se fie aux médias, alors "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", mais dans l’ombre, une course régionale massive à l’armement menace de passer à la vitesse supérieure.

Depuis le tout début du 21ème siècle, cinq des six pays impliqués dans les pourparlers à six ont accru leurs dépenses militaires de 50% ou plus. Le sixième, le Japon, a maintenu un budget militaire stable, non négligeable, tout en aspirant néanmoins à suivre le rythme. A présent, tous les pays de la région investissent avec enthousiasme des sommes prodigieuses dans de nouveaux systèmes d’armement et de nouvelles capacités offensives.

La course aux armements en Asie du Nord-Est sape tous les pourparlers de paix dans la région. Elle sustente aussi un complexe militaro-industriel mondial croissant. L’Asie du Nord-Est est l’endroit de la planète où quatre des plus grosses armées du monde — celles des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie et du Japon — se font face. Ensemble, les pays participant aux discussions à six représentent approximativement 65% des dépenses militaires mondiales, les Etats-Unis responsables à eux-seuls d’environ la moitié de ce total.

Voici la véritable information qui devrait faire aujourd’hui la une des journaux : Les guerres se déroulent en Irak, en Afghanistan et dans de vastes partie de l’Afrique, mais c’est en Asie du Nord-Est que se trouve le cœur du complexe militaro-industriel mondial. Toute tentative d’enfoncer un pieu dans le cœur de ce vampire potentiellement déstabilisant doit commencer par les armées qui se font face là-bas.
Le revirement japonais

En Asie du Nord-Est, l’accumulation d’armes — course à trois niveaux pour dominer les mers, étoffer les forces aériennes et contrôler la prochaine frontière spatiale — va à l’encontre de ce qui est communément admis.

Après tout, le Japon n’opère-t-il pas toujours sous une "constitution pacifique" ? La Corée du Sud ne s’est-elle pas engagée dans la réunification pacifique de la péninsule coréenne ? La Chine ne s’est-elle pas récemment éveillée aux vertus de la puissance douce ? Et comment la Corée du Nord et la Russie, qui ont toutes deux souffert de revers économiques désastreux dans les années 90, ont-elles eu les moyens de participer à cette course aux armements ? Ainsi qu’il ressort, ces obstacles ne sont pas avérés être beaucoup plus que des ralentisseurs sur la route de l’hyper militarisme régional.

Peut-être le Japon est-il le participant le plus paradoxal dans cette nouvelle course aux armements. Sa célèbre constitution pacifique a traditionnellement été l’un des rares freins aux dépenses d’armement dans la région. Ce pays limite depuis longtemps ses dépenses militaires à un plafond non-officiel de 1% de son budget global. Cependant, au fur et à mesure que son budget a augmenté, sa dépense militaire s’est accrue. L’armée japonaise est à présent plus grande que celle de la Grande-Bretagne et ce pays dépense plus que tous les autres, à part quatre autres nations, pour son armée. (En 2006, les dépenses militaires de la Chine ont dépassé pour la première fois celles du Japon.) Toutefois, pendant des décennies, les provisions de la constitution pacifique japonaise ont au moins fixé des limites aux capacités offensives de l’armée japonaise, dont on se réfère toujours à des Forces d’AutoDéfense (FAD).

Cependant, ces temps-ci, même la définition du mot "offensive" est en train de changer. En 1999, les FAD [japonaises] se sont servies pour la première fois d’une force offensive, lorsque leurs navires de guerre ont tiré sur des bateaux nord-coréens suspectés d’espionnage. Moins de dix ans plus tard, le Japon apporte son soutien, loin de sa "zone" de défense, aux guerres étasuniennes, incluant de l’approvisionnement en carburant pour les forces de coalition en Afghanistan et du transport en Irak.

Autrefois, le Japon était incapable de bombarder d’autres pays, en grande partie parce que ses forces aériennes ne disposaient pas de capacité de ravitaillement en vol. Grâce à Boeing, le premier avion ravitailleur KC-767 arrivera toutefois cette année au Japon, donnant à ses dirigeants, qui affirment à l’occasion le droit du pays de lancer des frappes préventives, les moyens de le faire. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les voisins du Japon, qui gardent une sinistre mémoire des années 30 et 40, lorsque l’armée de ce dernier a accompli un saccage impérial dans toute la région.

Tokyo dispose déjà de l’une des meilleures forces aériennes et navales de combat du monde, juste derrière les Etats-Unis. Mais les responsables japonais ont montré un appétit encore plus grand. Certains politiciens japonais font du lobbying pour amender la constitution pacifique, voire même l’abandonner entièrement, tout en propulsant les dépenses militaires vers des sommets. Pour faire la promotion de ces idées, ils utilisent la logique ténue selon laquelle le Japon devrait participer régulièrement aux "missions internationales de maintien de la paix".

L’Agence de la Défense Japonaise — son Pentagone — qui est passée de rang de ministère l’année dernière, veut plus de joujoux, comme des porte-avions, des sous-marins à propulsion nucléaire et des missiles à longue portée. Un porte-avions léger, que le gouvernement a classé avec fausse modestie comme "destroyer", sera prêt en 2009. Les sous-marins et les missiles devront toutefois attendre. Donc, aussi, la tentative de Tokyo de faire un saut prodigieux en capacités de combat aérien, en important des avions furtifs avancés américains, F-22. Inquiet d’une fuite technologique de toute dernière génération vers le monde extérieur, le Congrès a contrecarré cet accord au dernier moment, en août 2007.

Washington a été beaucoup plus accommodant en ce qui concerne les missiles de défense. Le Japon a été un supporter bien plus enthousiaste des missiles de défense que tout autre allié européen des Etats-Unis. En fait, les Etats-Unis et le Japon dépensent des milliards de dollars pour installer un prototype d’alerte et de riposte avancées d’un tel système de missiles de pointe. Une partie de ce bouclier antimissile est positionné sur terre. Le mois dernier, le Japon a installé son troisième intercepteur sol-air PAC-3 (Capacité Avancée Patriot-3) et en prévoit neuf de plus d’ici à 2011. Toutefois, la partie la plus ambitieuse de ce programme est basée en mer. En décembre dernier, le Japon a mené sont premier essai d’intercepteur marin.

Avec le Japon et les Etats-Unis qui partent favoris, une course spatiale se déroule aussi en Asie du Nord-Est. L’année dernière, la Chine a testé son propre système de missiles anti-balistiques en dégommant l’un de ses vieux satellites météorologiques. Alors que c’est loin, pour l’instant, d’être un véritable système de défense antimissile, la Chine a bien fait remarquer que le défi technologique consiste à atteindre une balle dans l’espace avec une autre balle. Pendant ce temps, grâce à la pression étasunienne, la Russie, elle aussi, met à niveau son système de défense antimissile, tout en inondant d’argent le développement de nouveaux missiles capables de contourner tout bouclier putatif que les Etats-Unis et ses alliés pourraient développer.
Apportez-moi la paix, mais pas tout de suite

On connaît les deux derniers présidents et Prix Nobel sud-coréens, Kim Dae-jung et le sympathisant de gauche Roh Moo-hyun, pour leurs efforts à faire naître une réconciliation avec la Corée du Nord. On connaît moins bien leurs programmes pour étoffer l’armée sud-coréenne.

Le côté sombre de leur politique de rapprochement [avec la Corée du Nord] a été sa contrepartie tacite de satisfaire les inquiétudes de sécurité des faucons sud-coréens, en donnant à l’armée tout ce qu’elle veut — et pas qu’un peu ! Entre 1999 et 2006, la dépense militaire sud-coréenne a bondi de plus de 70%. En 2007, lors de la cérémonie de lancement d’un nouveau destroyer équipé du système avancé antimissile Aegis, qui a fait entrer la Corée du Sud dans ce club élitiste de seulement cinq pays disposant d’une telle technologie, Roh Moo-hyun a déclaré : "En ce moment, l’Asie du Nord-Est est toujours dans la course aux armements et nous ne pouvons nous contenter de rester assis et de regarder". Dici à 2020, la marine nord-coréenne veut construire trois destroyers supplémentaires équipés d’Aegis pour un coût d’un milliard de dollars chacun [0,7 Mds d’€].

Les faucons sud-coréens ne répondent pas seulement aux inquiétudes relatives à la Corée du Nord, la menace traditionnelle autour de laquelle le Sud a organisé son armée. Ils sont inquiets du déclin de l’engagement militaire des Etats-Unis, qui a réduit le niveau de soldats américains traditionnellement en garnison dans le pays et qui exerce une forte pression pour un plus grand "partage du fardeau" militaire.

Les dirigeants et les responsables militaires sud-coréens sont angoissés par le fait que le Pentagone pourrait de se concentrer sur le Proche-Orient et l’Asie Centrale jusqu’à l’exclusion à ses engagements dans le Pacifique. Pour se préparer à cet imprévu consistant à y aller seule, la Corée du Sud s’est embarquée dans un ambitieux effort intitulé "Réforme de la Défense 2020" d’un coût de 665 milliards de dollars [environ 450 Mds d’€], qui accroîtra en gros son budget militaire de 10% par an jusqu’à 2020. Au cours de ces années, tandis que chutera, en fait, le niveau de soldats, la plus grosse partie de cet argent supplémentaire ira vers une foule de système coûteux de haute technologie, comme les nouveaux avions de combat F-15K de Boeing, les missiles SM-6 lancés depuis les navires, pouvant former un bouclier antimissile de basse-altitude, et des drones aériens Global Hawk.

Si l’on connaît assez bien les tenants et les aboutissants de la dépense folle de la Corée du Sud, les dépenses militaires de la Chine ont fait l’objet d’un examen approfondi considérable de la part des médias. Officiellement, elles se sont élevées à 45 Mds de dollars [un peu plus de 30 Mds d’€] pour 2007. Cependant, ce chiffre rendu public cache, selon les estimations des renseignements étasuniens, une bonne moitié des choses. La dépense de Pékin, prétendent ces sources, est en réalité de l’ordre de 100 Mds de dollars [près de 70 Mds d€]. Avec cet argent, la Chine persévère dans un ambitieux programme naval qui inclura l’ajout de cinq sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire à ses forces navales, un avion de transport de taille moyenne et — clandestinement — la construction supposée d’un énorme porte-avions à propulsion nucléaire de 93.000 tonnes d’ici à 2020.

Perdues dans le battage fait autour de la visible quête par la Chine d’une armée de niveau mondial correspondant à son économie de niveau mondial, sont les lacunes dans les capacités offensives du pays. La Chine n’a qu’environ deux centaines d’armes nucléaires et moins de deux douzaines de missiles balistiques intercontinentaux pointés vers les Etats-Unis. Sa marine ne dispose pas de capacité en "eaux profondes", elle n’a pas de porte-avions (pour l’instant), ni une force importante de sous-marins à propulsion nucléaire et les infrastructures de bases à l’étranger pour les soutenir. Elle s’en remet lourdement aux importations et ne peut pas construire le type d’avion qui lui permettrait de projeter une force sérieuse sur de vastes distances.

Cependant, la Chine a été la seule menace à l’horizon décemment crédible que le Pentagone a pu brandir pour justifier sa dépense militaire à des niveaux jamais vus depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Le Pentagone ne peut pas se servir contre al-Qaïda des gros destroyers de sa flotte ; les sous-marins Virginia-class[2] ne peuvent pas faire grand chose pour combattre les Taliban et les insurgés en Irak. Pourtant, ces systèmes figurent de façon prééminente dans les projets à long terme du Pentagone de construire une force navale de 313 bâtiments. Le Parlementaire démocrate John Murtha, qui a fait les gros titre en 2005 avec son opposition à la guerre d’Irak nouvellement créée, est typique d’un faucon parlementaire lorsqu’il met en garde sur la nécessité de se préparer pour le conflit à venir avec la Chine.

"Nous devons pouvoir disposer d’une armée qui puisse se déployer pour stopper la Chine ou la Russie ou tout autre pays qui nous défierait", a-t-il récemment déclaré à l’agence Reuters."J’ai ressenti que nous devions nous préoccuper de la direction vers laquelle va la Chine". Pour contrer la Chine, les Etats-Unis ont poursuivi une stratégie d’endiguement, en renforçant leurs liens militaires avec l’Inde, l’Australie, les Philippines et le Japon.[3]

L’administration de George W. Bush claironne sa réussite à accroître sa dépense militaire de 74% depuis 2001. En plus des 12,7 Mds de dollars [8,5 Mds d’€] pour de nouveaux navires de guerre, il y a 17 Mds de dollars [ près de 12 Mds d’€] pour un nouvel avion et plus de 10 Mds de dollars [7,5 Mds d€] pour la défense antimissile. L’administration veut gonfler son armée en la faisant passer de 482.400 soldats à 547.400 soldats d’ici 2012 [soit 65.000 soldats supplémentaires].

Une portion non négligeable de la demande par cette administration de 607 Mds de dollars [environ 420 Mds d’€] pour le budget 2009 du Pentagone — et qui ne comprend même pas le financement supplémentaire massif pour les guerres en Irak et en Afghanistan — ira au maintien et au développement de la présence militaire des Etats-Unis dans le Pacifique. Les [deux] candidats démocrates [restant en lice] pour la nomination présidentielle ont aussi appelé à une augmentation du nombre de soldats et n’ont rien dit sur le ralentissement, le gel ou même la réduction du budget militaire. Peu importe qui est élu, sous la prochaine administration, comme sous la dernière, les Etats-Unis continueront sûrement d’être le conducteur en chef de la dépense mondiale en armements.
Les armées d’austérité

L’augmentation de la dépense militaire n’est pas toujours juste fonction de la richesse. Alors que dans les années 90, l’économie russe se contractait, l’industrie d’exportation d’armements était devenue une manière encore plus essentielle pour ce pays en déclin d’obtenir des devises fortes. Aujourd’hui, inondée par les revenus du pétrole et du gaz, la Russie a regagné sa place en tant que deuxième plus gros vendeurs d’armes au monde, en doublant pratiquement ses exportations d’armes depuis 2000.

Les manœuvres de Washington pour établir un système antimissile mondial et empiéter sur les intérêts russes en Asie Centrale n’ont fait qu’encourager Moscou à stimuler sa dépense militaire dans un effort pour retrouver son statut de superpuissance.

Avec la croissance renouvelée de l’économie russe s’appuyant sur la force de ses ventes énergétiques, la dépense en armements de la Russie a commencé à décoller au tournant du siècle, s’accroissant presque de 400% entre 2000 et 2006. Le gouvernement russe, qui avait prévu une augmentation de sa dépense de 29% pour 2007, projette de remplacer d’ici à 2015 pratiquement la moitié de son arsenal avec du matériel de guerre neuf.

Comparée à la Russie, la Corée du Nord a eu une expérience complète d’effondrement économique avec très peu de restauration subséquente. Pourtant, malgré ses moyens déplorablement limités, elle a essayé de rivaliser avec les grandes puissances qui l’entourent. Selon de nombreuses estimations, Pyongyang consacre autant qu’un quart de son budget à son armée (même si la prospère Corée du Sud dépense encore pour son armée autant, voire plus, que la totalité du PIB nord-coréen).

C’est l’échec de la Corée du Nord à égaler la dépense militaire conventionnelle de la Corée du Sud, et encore moins celle du Japon ou des Etats-Unis, qui a rendu la construction d’une "dissuasion nucléaire" de plus en plus attirante pour ses dirigeants. En d’autres termes, la crise nucléaire actuelle, qui pompe aujourd’hui autant d’attention diplomatique en Asie du Nord-Est, est au moins en partie le résultat de la course aux armements conventionnels qui s’accélère dans la région et de l’incapacité de la Corée du Nord à garder le rythme.[4]

Les détracteurs du régime nord-coréen indiquent souvent que sa dépense militaire est finalement une violation des droits de l’homme, parce que le gouvernement retire la nourriture de la bouche de son peuple pour dépenser dans les armements. La Corée du Nord n’est toutefois qu’un exemple particulièrement révoltant d’un problème mondial en expansion. Chacun des six pays de cette nouvelle course aux armements dans le Pacifique a développé une richesse de logiques pour justifier sa dépense militaire — et chacun a ignoré dans ce processus des besoins intérieurs importants. Etant données les sommes qui seraient nécessaires pour s’occuper de la démilitarisation des armes nucléaires, de la crise du changement climatique qui pointe à l’horizon et du fossé déstabilisant entre les riches et pauvres, de telles priorités de dépense sont en elles-mêmes une menace contre l’humanité.

En 2006, le monde a mis plus 37% supplémentaires dans sa dépense militaire qu’en 1997. Si le "dividende de la paix" qui devait arriver à la suite de la fin de Guerre Froide n’est jamais vraiment apparu, une décennie plus tard, le monde se retrouve en fait accablé par son opposé : un déficit de paix bien réel.

John Feffer est le codirecteur de Foreign Policy In Focus à l’Institut des Etudes Politiques de Washington, DC. Il est l’auteur deNorth Korea, South Korea : US Policy at a Time of Crisis [Corée du Nord, Corée du Sud : la Politique des Etats-Unis en Temps de Crise] (Seven Stories, 2003), entre autres ouvrages.

(Copyright 2008 John Feffer / Tomdispatch / traduction : [JFG-QuestionsCritiques])

Notes du traducteur :
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[1] Lire : "Un faucon à la tête du nouveau gouvernement conservateur japonais", par David McNeill

[2] Les sous-marins d’attaque Virginia class (ou SSN-774 class) sont les premiers sous-marins américains destinés à un large éventail de mission, tant en eaux profondes que littorales, dans le monde entier. Ils ont été conçus comme alternative moins coûteuse aux sous-marins d’attaques Seawolf-class de l’ère de la Guerre Froide et risquent fort de remplacer les sous-marins Los Angeles-class vieillissants, dont treize d’entre eux ont déjà été démilitarisés.

Les "Virgina-class" incorporent plusieurs innovations. A la place de périscopes, ces sous-marins sont dotés d’une paire de "mâts photoniques" extensibles, à l’extérieur de la coque de pression. Chacun de ces mâts contient plusieurs caméras à haute résolution avec intensification de lumière et détecteurs à infrarouge, un télémètre laser à infrarouge et une gamme d’ESM [mesures de soutien électronique] intégrés. Les signaux captés par les détecteurs des mâts sont transmis vers le centre de contrôle par fibres optiques qui passent au travers de processeurs de signal. Ils utilisent aussi des propulseurs à pompe pour les opérations nécessitant un plus grand silence.

[3] Lire : "Le Japon Devient le Gendarme Américain de la Zone Pacifique", par Simon Tisdall

[4] Lire : "La Corée du Nord dicte la loi", par Donal Kirk

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FORUM 3e Guerre mondiale

L’un de nos amis a reçu cette lettre commentant l’éditorial. Ce qui a déjà permis de compléter la discussion sur l’analyse de ce même éditorial.

L’auteur de la lettre ne refuse pas la parution de celle-ci dans les colonnes de matière et révolution, mais ne souhaite pas écrire lui-même ici.

Cela me paraît cependant important que les remarques soient connues de nos lecteurs afin de discuter et préciser nos idées sur un sujet qui me semblent concerner l’avenir de l’humanité.

Je suis atterré par le niveau de votre « éditorial » du 18 janvier.

Vraiment, tu crois qu’on est parti vers les guerres généralisées à l’échelle de la planète ? qu’est-ce qui vous permet d’écrire cela ? Y-a-t’il plus de conflits ces 2 dernières années ques les 10 années précédentes ou 20 ? il faut regarder le monde tel qu’il est. Il y a plutôt moins de conflits en ce moment. Faites les comptes (sordides) vous verrez.

Qu’est-ce qui vous permet d’écrire que « les capitalistes n’ont pas d’illusion sur les possibilités de reprise » ? pas d’illusions, c’est sûr. Dans l’ensemble ils sont beaucoup plus sérieux que les gauchistes. Mais ils savent et ils expliquent que la crise passera et qu’il faut faire le dos rond en attendant ; et profiter des opportunités : regardez le monde tel qu’il est. Le journal patronal « l’usine nouvelle » titre cette semaine « 50 marchés pour rebondir ». Lis-le, vois comment l’ennemi de classe raisonne ; et regarde le monde tel qu’il est. La crise est grave ; très grave même, mais c’est stupide de croire que c’est la fin du K. si on prend les 500 principales sociétés américaines cotées à W.S. celles qui comptent vraiment, à l’exception des banques et des compagnies d’assurance, les comptes ne sont pas mouvais du tout. Le 4e trimestre est mauvais, mais sur l’année 2008, ça se tient quand même.

C’est une caractéristique de cette crise, pour le moment (et ça fait plus d’un an qu’elle est commencée), la production industrielle tient plutôt bien. Et en Europe aussi : il est vraisemblable que 2009 va être plus mauvais. Mais on ne peut que regarder pour comprendre ; pas mettre des coups de pieds au cul de la réalité pour la faire correspondre à ce qu’on a décidé qu’elle devrait être.

Par ailleurs, qu’est-ce qui vous permet de dire qu’Israël connait une grave crise économique et sociale (sous entendu c’est pour cela qu’il s’est lancé dans la guerre à Gaza) ?

On a les chiffres, on a tout sur internet. En anglais il est vrai, mais moi qui ne comprend pas l’anglais, j’ai bien regardé les graphies. Il n’y a pas particulièrement de crise ni économique ni sociale en Israël. Il y a baisse, pas plus ni moins que dans l reste du monde, et le chômage n’a pas monté de manière significative. Alors quoi ? regarder le monde tel qu’il est.

Et encore, « une contestation sans précédent » en Israël je le voudrais bien ; mais ça n’est pas vrai. Il n’y a que quelques milliers de manifestants contre la guerre. C’est beaucoup et ils ont toute notre sympathie et notre soutien, mais au moment de Sabra et Shatila, les manifs regroupaient des dizaines de milliers de manifestants à Tel Aviv contre l’intervention. Ça veut dire quoi que la contestation actuelle est « sans précédent » ? Ce sont des mots les uns à côté des autres mais qui ne sont pas le reflet de la réalité.

Quand à parler d’impérialisme à tout bout de champ et pour n’importe quoi, ça ne veut plus rien dire. En quoi Israël est-il impérialiste ? exportation des capitaux surnuméraires ? impératif de conquérir de nouveaux marchés ? ???

« La guerre qui nous attend, tout de suite( ?) c’est la guerre sociale contre les travailleurs », etc. Bon, on prépare les masques à gaz et on fait des réserves de sucre ? « bien des travailleurs se sentent désarmés face à une catastrophe d’aussi grande ampleur » non. Les travailleurs sont actuellement désorientés parce que ceux qui parlent en leur nom et ceux qui prétendent être l’avant-garde sont nuls à chier. Ils défendent les emplois au lieu de défendre le salaire, ils veulent « interdire » les licenciements et le chômage : ce qui veut dire qu’il faut un « bon » gouvernement pour le faire : etc. ça j’en ai déjà discuté avec toi. On ferait mieux de dire : « à bas le travail salarié et l’exploitation qui va avec ; si les patrons veulent fermer des usines, tant mieux ; ça fera des bagnes en moins. Nous les travailleurs, c’est du fric pour vivre qu’il nous faut ; qu’on travaille ou qu’on chôme » c’est autre chose que les pleurnicheries sur l’interdiction des licenciements et sur la propagande paniquarde sur ce qui nous attend. Bon, j’arrête. Il y aurait encore beaucoup à dire ; hélas. Je souhaite que tu fasses lire cette lettre à tous ceux qui voudront. Amitiés.

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Réponse du site Matière et révolution :

je vais seulement répondre sur un des points en débat.
Peut-on trouver sur internet quelque chose expliquant la situation politique, sociale et économique d’Israël : oui, on le peut.

je n’en donne qu’un seul exemple qui ne vient pas de gauchistes donnant des coups de pieds à la réalité pour la faire coller à leurs schémas :

A lire sur la situation sociale, politique et économique en Israël

A signaler au passage que nous nous réclamons d’ancêtres politiques comme Marx pour ne citer que celui-là qui prétendaient étudier tous les domaines en même temps. cela ne plait visiblement pas à notre lecteur. Il a tort à mon avis car cela change la vision. Voir un article du site intitulé "un seul monde, une seule science".

D’autre part, nous ne disons pas qu’il y a déjà plus de guerres. Au contraire, nous disons que la politique de relance ne vise à rien relancer mais à retarder en vue de solutions politiques à plus long terme du type guerre civiles et guerres. Il leur faut un peu de temps pour y préparer les peuples. et pour les justifier.

amicalement

Robert Paris

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Messages

  • Voilà un édito qui date un peu (34ans) mais qui garde un ton très actuel.

    1975 : Crise sûrement, guerre mondiale, peut être, dit le pape.
    Qui saura s’y opposer ? Lui ou les travailleurs ?

    Depuis la fameuse interview de Kissinger, dans laquelle il évoquait la possibilité d’une intervention américaine contre les pays producteurs de pétrole, le petit jeu des précisions et des rectificatifs officiels, et des commentaires de toutes sortes, va bon train.
    Il serait évidemment illusoire d’essayer à partir de cela de préciser dans quelles circonstances l’impériealisme américain serait prêt à intervenir au Moyen Orient, car les hommes politiques de la bourgeoisie n’ont pas pour habitude de prendre les peuples pour confidents. Mais les propos de Kissinger sont là pour rappeler que ces gens là n’écartent jamais la possibilité de recourrir à la guerre, pour peu qu’ils considèrent celle-ci comme nécessaire à la bonne marche des "affaires"...même quand ils se sont vus attribuer un jour le prix nobel de la paix.
    Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de remonter bien loin dans le temps pour trouver des exemples où l’impérialisme américain, pour garantir ses bénéfices, ou pour empêcher l’installation au pouvoir d’un gouvernement lui déplaisant, est intervenu par les armes, de la Corée au Guatémala, de St Domingue au Vietnam, sans compter les interventions plus discrètes de la CIA pour organiser des putshs militaires de toutes sortes.
    C’est que les discours des dirigeants politiques des grandes puissances impérialistes sur la "démocratie" ou "le droit des peuples à disposer d’eux mêmes" ne sont que poudre aux yeux, et qu’ils sont toujours prêts pour garantir leurs profits à recourir à la force de leurs armes quand leur puissance économique ne suffit pas. A commencer par notre impérialisme, l’impérialisme français qui, de l’Indochine à l’Algérie, a bien montré qu’il ne reculait pas devant des centaines de milliers de morts pour protéger les bénéfices des Michelin ou des Borgeaud... Sans compter ceux des marchands d’armement à la Dassault. Pour régler ses rapports avec les petites puissances, ou les pays éconmiquement moins développés, l’impérialisme n’a toujours reconnu comme seule loi que celle du plus fort.
    Mais ce qui inquiète le plus, et à juste titre, les travailleurs, dans les propos de Kissinger, c’est le contexte dans lesquelles il les a tenus. Chaque jour, l’économie mondiale s’enfonce un peu plus dans le marasme. Et l’on peut se demander si face à la crise qui se développe l’impérialisme ne peut pas chercher une issue à ses difficultés économiques dans une nouvelle guerre mondiale.
    Dans les trois premiers quarts de siècle, l’impérialisme a déchainé deux fois déjà le cataclysme d’un conflit mondial, pour régler les différends opposant les banquiers de tous les pays. Qu’il décide donc demain de faire la guerre pour rétablir sa domination sur ceux des pays du tiers monde qui ont plus ou moins échappé à sa domination, ou pour détruire l’Union Soviétique, est donc non seulement possible, mais même inéluctable, si la crise dure et s’aggrave, et si les travailleurs ne font rien pour l’empêcher.
    Nous n’en sommes certes pas encore là. Mais c’est justement pendant qu’il en est encore temps qu’il faut nous souvenir que le capitalisme, comme le disait Jaurès, "porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage", et que le seul moyen d’écarter à jamais les menaces de guerre, c’est d’en finir avec la société capitaliste elle même.
    Il n’y a en effet que dans une société où l’économie sera organisée de façon rationnelle, pour satisfaire les besoins de tous les producteurs, et non pour rapporter de profits à quelques oisifs, que les crises économiques disparaitront, comme disparaitra la guerre.
    Et les sacrifices que les travailleurs devront consentir pour renverser le capitalisme, et construire un avenir incomparablement plus beau pour eux mêmes et leurs enfants, ne seraient rien à côté de ceux que l’impérialisme risque de nous imposer un jour pour ses seuls profits, et pour maintenir le monde sous son esclavage.
    (éditiorial de Lutte ouvrière extrait du bulletin Renault Billancourt dpt14 le 13 janvier 1975)

  • Pourquoi le régime Nord Coréen menace t’il les autres nations ?
    Quels intérêts défend il ?
    Cette dictature est elle contesté de l’intérieur avec l’aggravation de la crise économique en Chine ?
    Est ce que des grandes puissances ont intérêt à soutenir la marche à la guerre dans cette région ?
    Ci dessous un article du monde qui discute de certains enjeux inter-impérialistes.

    Les enjeux géostratégiques de la crise coréenne

    la crise ouverte par la nouvelle escalade de tension menée par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a d’abord une dimension régionale du fait de la proximité de la péninsule de la Chine, du Japon et la Russie. Mais elle a aussi des implications au Moyen-Orient par les liens qu’entretient Pyongyang avec l’Iran et la Syrie et le précédent que peut constituer le "cas coréen" pour la diplomatie américaine.

    Le risque immédiat de cette crise est un incident militaire entre les deux Corées. Un accrochage est toujours possible le long d’une zone démilitarisée, de chaque côté de laquelle se font face deux armadas sur le pied de guerre. La RPDC a annoncé ne plus être liée par l’armistice de 1953. Par le passé, Pyongyang a dénoncé à plusieurs reprises cet accord. Cette fois, le régime réagit à une initiative du Sud, venant elle-même en réaction aux "provocations" du Nord : participer à l’Initiative contre la prolifération (PSI), qui permet l’arraisonnement en haute mer de navires suspects. Selon Pyongyang, Séoul viole l’accord d’armistice.

    Le retour à la confrontation entre les deux Corées s’inscrit dans un contexte particulièrement volatil : tant le Nord que le Sud entendent répondre à chaque "provocation" de l’autre. Aucune des deux Corées ne veut un conflit mais chacune paraît prête à faire monter la pression jusqu’à la limite au-delà de laquelle un dérapage n’est pas exclu. Un seuil difficile à localiser d’autant que les canaux de communication entre les deux pays ont été coupés.

    Le second risque régional entraîné par le branle-bas de combat dans la péninsule est la course aux armements. Au Japon, la menace nord-coréenne est l’argument traditionnel de la droite pour développer les capacités de défense de l’Archipel. Les manoeuvres de Pyongyang ont relancé le débat sur la possibilité pour le Japon de procéder à des attaques préventives et à se doter de l’arme nucléaire.

    Grâce à ses stocks de plutonium et à son avance technologique, le Japon pourrait rapidement franchir le pas. Bien qu’elle ne soit pas à l’ordre du jour, l’option nucléaire est présente à l’esprit des dirigeants japonais qui s’interrogent sur la fiabilité du parapluie nucléaire américain dans l’hypothèse où les Etats-Unis seraient directement menacés. Des doutes qui alimentent un débat plus large : la quête par le Japon d’une nouvelle identité politique qui suppose une relation plus égalitaire avec les Etats-Unis.

    La gesticulation nord-coréenne titille aussi Séoul : en 1974, le général président Park Chung-hee était sur le point de se doter de l’arme nucléaire, mais Washington coupa court à cette ambition. Pékin ne veut en aucun cas un Japon doté de l’arme nucléaire. Moscou non plus : "Il serait erroné de se lancer dans une course aux armements", avait déclaré à propos de la crise coréenne le premier ministre Vladimir Poutine à la presse japonaise, la veille de son voyage au Japon début mai.

    En Chine, les menées belliqueuses nord-coréennes ont suscité d’inhabituelles critiques de la politique de Pékin à l’égard de la RPDC de la part des spécialistes des questions internationales : Zhan Liangui, expert des questions nord-coréennes, appelle le gouvernement à renoncer à sa circonspection à l’égard de Pyongyang ,tandis que de Zhu Fen du Centre d’études stratégiques de l’université de Pékin qualifie l’essai nucléaire de "gifle à la Chine". Il paraît peu vraisemblable que Pékin se départe de sa position de médiateur dans cette crise, au risque de perdre toute influence sur le régime, de le déstabiliser et de provoquer un chaos interne qui pourrait avoir pour conséquence la perte du contrôle par le régime de son arsenal nucléaire, accroissant les risques de transfert de ces technologies à l’extérieur.

    Pour le gouvernement chinois, l’équation est aussi simple que le dilemme qu’elle pose est entier. Qu’est-ce qui est préférable ? Une RPDC nucléaire, agaçante mais dépendante, ou un effondrement du régime avec le risque d’une réunification par le Sud sous la coupe américaine ? Mais choisir la première option, c’est encourager la course aux armements, voire la prolifération dans la région - et ailleurs.

    Qu’on lui reconnaisse ou non le statut de puissance nucléaire, la RPDC est détentrice de capacités atomiques et le risque existe qu’elle vende son savoir-faire. Selon les services de renseignements américains, des experts nucléaires nord-coréens se rendent fréquemment en Iran (ce que nie Téhéran). Les deux pays peuvent se compléter : la RPDC a des stocks de plutonium et l’Iran peut l’aider en matière d’enrichissement de l’uranium.

    A moins que, d’une manière ou d’une autre, l’administration Obama traite directement avec Pyongyang, on voit mal où s’arrêtera l’escalade. Mais paraître "céder" à Pyongyang soulèverait un tollé des "faucons" au Congrès et pourrait être interprété comme un message de faiblesse par Téhéran. Un geste de la part des Etats-Unis pourrait au contraire indiquer une volonté de se dégager de la spirale actuelle en se plaçant "au-dessus des condamnations émotionnelles" et des "menaces irréalistes à mettre en oeuvre d’un côté comme de l’autre", écrivent Peter Hayes et Scott Bruce, de l’Institut Nautilus à San Francisco. Ce n’est pas la position adoptée, pour l’instant, par Washington.

    • effectivement, les média présentent le risque de guerre comme venant de la Corée du nord. Est-ce que cela signifierait que ce pays aurait des classes dirigeantes assez bêtes pour risquer d’affronter les USA ? Bien sûr, rien n’est impossible mais certaines choses sont improbables. On a vu de nombreuses guerres dans lesquelles l’impérialisme prétendait qu’n pays pauvre l’avait agressé. A chaque fois, c’était faux. C’était un prétexte pour détourner d’un autre coup. Par exemple, l’Irak n’attaquait absolument pas les USA ni le reste du monde même si le monde s’est coalisé à la demande des USA pour l’écraser.

      Lors des "guerres froides" de la politique des blocs, la Corée du nord faisait nous disait-on partie du bloc de l’Est et c’est pour cela qu’elle aurait menacé les USA dans la guerre USA/Chine/Corée.

      En fait, la Russie qui était le centre de ce fameux prétendu bloc n’a pas bougé le petit doigt.

      La guerre s’est d’ailleurs déroulée entre Chine et USA beaucoup plus qu’entre Corée du nord et USA....

      Aujourd’hui, la Corée du nord est une dictature menacée de plusieurs côtés. Mais comme souvent le plus gros danger est intérieur. la misère et la dictature engendrent le mécontentement. La fermeture du pays ne permet pas d’en connaitre les détails mais il est plus que probable que le régime essaie d’imposer des aides financières massives de la Corée du sud, du Japon et des USA pour s’en sortir. ET éventuellement essaie de monnayer son acceptation par la communauté internationale comme l’avaient fait les bureaucraties de l’Est.

      Robert Paris

    • Oui c’est une possibilité : " monayer des aides, venant des pays menacés".
      Là ou j’ai un doute, c’est que cette réponse suppose une certaine indépendance politique, car il n’y pas beaucoup de dictatures qui se permettent de faire pression en menaçant de guerre les impérialismes.
      A moins d’être soutenu par une autre grande puissance.
      Et dans ce monde impérialiste, il est par définition impossible de parler d’indépendance d’une nation.

  • crise économique et budgétaire ou pas, les dépenses militaires dans le monde sont en pleine croissance. D’après l’Institut international de recherche sur la paix à Stockholm (Sipri), elles ont encore augmenté l’année dernière de 5,9 % en termes réels et de 49 % depuis 2000 pour atteindre 1.531 milliards de dollars… Certes, les budgets militaires ont bénéficié des plans de relance de nombreux pays, mais, pour les plus grandes puissances, Etats-Unis (avec plus de 660 milliards de dollars de dépenses militaires) en tête, ou les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), voire la France et la Grande-Bretagne, il s’agit d’un choix stratégique.

    Car les risques de déstabilisation de la planète tendent bien à s’accroître, et l’heure n’est pas au désarmement, notamment dans le domaine nucléaire, comme le souhaitait le président Obama. Il reste difficilement prévisible de savoir si un pays comme la Corée du Nord est prêt à se lancer dans une aventure militaire désespérée, ou encore si l’Iran, qui masque mal ses ambitions de détenir une capacité nucléaire militaire, est prêt aujourd’hui au pire. Mais il est évident que les tensions au Moyen-Orient, notamment dans le plus ancien conflit du monde contemporain, entre Israéliens et Palestiniens, ne plaident pas dans le sens d’un monde plus pacifique. De même, la crise, et avec elle les risques évidents de tensions sociales, d’augmentation de la criminalité, de la montée de l’insécurité, de l’accélération des courants migratoires, internes ou extérieurs, peut devenir à terme un élément plus important encore de déstabilisation. Sans oublier les rivalités entre grandes puissances, Etats-Unis, Chine, Russie, comme en Afrique ou en Asie centrale. Si les indices comme le Global Peace Index ne peuvent prévoir qu’imparfaitement le monde à l’image de la majorité des économistes, ils tendent actuellement à signaler un monde, de nouveau, de moins en moins pacifique.

  • « Il suffit de liquider les ouvriers, les stocks, les agriculteurs et l’immobilier. » Mémoire d’un homme d’Etat américain dans les années 30.

    "Dans les conditions du XIXè siècle, une crise affectant plus ou moins toutes les unités de capital à l’échelle internationale arrivait sans difficultés excessives à résorber la suraccumulation. Mais au tournant du siècle fut atteint un point à partir duquel les crises et la concurrence ne parvinrent plus à détruire du capital dans des proportions suffisantes pour transformer la structure du capital total dans le sens d’une rentabilité accrue. Le cycle économique, en tant qu’instrument d’accumulation, avait dès lors visiblement fait son temps ; plus exactement, il se métamorphosa en un ‘cycle’ de guerres mondiales. Bien qu’on puisse donner de cette situation une explication politique, elle fut tout autant une conséquence du processus de l’accumulation capitaliste. (...) La reprise de l’accumulation du capital, consécutive à une crise ’strictement’ économique, s’accompagne d’une augmentation généralisée de la production. De même, la guerre a pour effet de ranimer et d’amplifier l’activité économique. Dans un cas comme dans l’autre, le capital refait surface à un moment donné, plus concentré et plus centralisé que jamais. Et cela, en dépit et à cause, tout à la fois, de la destruction de capital."

    Paul Mattick dans"Marx et Keynes "

    Voici un site sur lequel on peut voir que l’industrie de l’armement tourne à plein régime : cliquez ici.

  • Si la France n’a pas battu son record de 2015 (16,9 milliards d’euros), les exportations d’armements 2016 sont restées à un niveau historiquement haut, à 14 milliards d’euros. Paris s’impose durablement dans le top 5 du secteur.

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