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Fin décembre 2008 : émeutes au Sénégal

jeudi 25 décembre 2008, par Robert Paris

Après Guédiawaye, des émeutes éclatent à Kédougou : Le pays va mal !
Située dans le Sénégal oriental, la ville de Kédougou vit dans le désarroi depuis quelques jours. Des jeunes en quête d’un mieux être ont été tués par des militaires, ce mardi, lors de manifestations spontanées. Dans cette ville où les mines d’or, les marbres ou encore le fleuve Gambie sont perçus comme une richesse inépuisable, l’immense pauvreté des populations laisse plus d’un observateur perplexe.

(Correspondance) - Kédougou, distant de 702 km de Dakar, a connu une journée noire ce mardi. En effet, une émeute des jeunes de la ville a fait deux morts, douze blessés graves, dont huit civils et quatre gendarmes. Tôt le matin d’hier, des jeunes très en colère ont déclenché une manifestation au lycée technique industriel et minier, où ils avaient séquestré le chef des travaux. Après leur forfait, les manifestants sont descendus dans la rue pour progresser vers le centre. Ainsi, pendant quatre tours d’horloge, ces jeunes en furie, sont restés maître de la ville, en l’absence des forces de l’ordre. Dans un premier temps, les gendarmes de la compagnie tenteront de clamer les révoltés. Il y a eu des accrochages entre les hommes en bleu et les manifestants. Toutefois, au regard de leur nombre très réduit, les gendarmes étaient obligés de battre en retraite. Les jeunes, plongés dans tous leurs états, se sont attaqués aux différents services de la ville. Ainsi, ils ont mis le feu au domicile du préfet de Kédougou, et détruit des voitures de particuliers. Les locaux de la gendarmerie, de la police, de l’inspection départementale de l’éducation nationale, de la poste et de la douane ont été mis à sac.
C’est dans cette confusion qu’un jeune est tombé, tué par une balle réelle, tirée par les militaires venus prêtés main forte aux gendarmes. Le jeune Sinan Sidibé, âgé d’une vingtaine d’années a succombé à ses blessures avant son évacuation au district sanitaire de Kédougou. Cette mort est venue aggraver la situation. Le groupe de manifestants s’est alors agrandi. La tristesse se lisait sur tous les visages surtout quand il a fallu accompagner la victime à la morgue de l’hôpital de Kédougou.
Les manifestants revendiquaient, entre autres, la vente des terres aux tierces personnes qui ne sont pas d’ailleurs originaires de la région. La répartition des fonds sociaux miniers ‘qui enrichissent les parasites et les affamés au détriment des populations locales’, le manque de considération de Kédougou de la part de l’Etat. Le déficit énorme de personnels dans le domaine de la santé, de l’éducation, la souffrance des jeunes au niveau des sites miniers à la recherche de l’emploi sont autant d’arguments brandis par les jeunes pour justifier leur révolte. Aujourd’hui, ils exigent que l’usine de raffinerie de l’or et du marbre soit implantée à Kédougou et non à Dakar. Mais aussi et surtout que les 80 mille hectares de terres, attribuées à un Espagnol du nom de Raoul Barosso, par les présidents des conseils ruraux de Bandafassi, de Saraya et de Tomboronkoto, soient reconsidérés.
Dans la soirée alors que le renfort prenait possession de la ville, les réactions n’ont pas manqué au niveau du quartier Dandémayo où habite le jeune Sinan. La tristesse et la désolation se lisaient sur les visages. Aux environs de 17 heures, on annonçait le décès d’un autre enfant de 12 ans, touché par une (autre) balle. Ce qui ramène à deux le nombre de manifestants morts. Un autre enfant, de douze ans, a été touché par la balle. On apprend également que le sous-préfet de Sabodala aurait été séquestré par les jeunes de la communauté rurale de Missira Sirimana. Une situation qui peut dégénérer encore à tout moment, selon nombre d’observateurs. Selon eux, la frustration des jeunes de Kédougou est grande.
En outre, depuis plus de deux ans, les signes avant-coureurs, d’une telle manifestation, étaient perceptibles dans la région avec des différents mouvements d’humeurs. A Khossanto, par exemple, les jeunes de la localité avaient à l’époque bastonné leurs parents. ‘Parce que, disaient-ils, ces notables ne disaient pas la vérité sur l’emploi des jeunes à Sabodala’. La récente marche des étudiants, qui déploraient le manque de transparence dans la gestion des finances destinées à l’équipement de leur immeuble à Dakar, et le refus de la délégation spéciale d’attribuer cette année la subvention des élèves et étudiants de Kédougou sont aussi des données qui ont accentué la frustration.
Depuis des années, le désespoir a fait place à l’immense richesse de la terre des hommes. Kédougou était placé comme le département le plus pauvre avec 85 % de ménages pauvres alors qu’au même moment Sabodola enrichissait les dirigeants de ce pays.
Najib Sagna et Soly B. Dabo

Le 10 janvier 2009

PROCÈS DES ÉMEUTIERS DE KEDOUGOU : Des peines de 5, 7 et 10 ans ferme et des relaxes

Des sanctions allant de cinq à dix ans ferme de prison et des relaxes, telle est l’issue du procès fleuve des personnes poursuivies pour les émeutes ayant secoué la ville de Kédougou, le 23 décembre dernier. La défense a promis de faire appel. Toute la journée d’hier, Tambacounda, où étaient jugés les prévenus, a retenu son souffle, dans une ambiance hautement sécuritaire.

Les personnes arrêtées à l’occasion des émeutes de Kédougou du 23 décembre 2009 ont fait face hier au tribunal régional de Tambacounda, pour répondre des préventions retenues à leur encontre. Elles sont reparties avec des fortunes diverses, allant de la relaxe pure et simple à de lourdes peines fermes de prison.

Le tribunal de Tambacounda a été sécurisé avec un important dispositif sécuritaire assuré par les forces de Police et de Gendarmerie. Mieux, c’est toute la ville de Tambacounda qui a été placée sous surveillance hier afin d’assurer un procès sans heurts. Ainsi, 28 prévenus, dont trois, qui avaient bénéficié de la liberté provisoire, ont répondu à la barre de plusieurs chefs de prévention, allant d’actes de nature à compromettre la sécurité publique et à enfreindre les lois du pays, de violences et voies de fait envers des agents de l’Etat, des agents de sécurité et des citoyens. Il y a aussi les délits de destruction et dégradation de biens appartenant à l’Etat, destruction d’installations électriques, pillages et incendie d’édifices publics, manifestations publiques non-autorisées. D’entrée de jeu, les cinq avocats des prévenus (Mes Sidiki Kaba, Demba Ciré Bathily, Assane Dioma Ndiaye et Adama Ba) ont soulevé une exception de nullité. Les avocats des prévenus estimant que le tribunal est incompétent pour juger des prévenus à qui on reproche des faits criminels punis par l’article 490 du Code pénal. Mais le tribunal, présidé par le juge Mamadou Diouf, a rejeté cette exception.

Dénégations en règle

Invités à s’expliquer sur des charges aussi graves, les prévenus ont nié en bloc les faits, au cours d’un interrogatoire qui a commencé à 9h 30 pour finir à 19h. Appelés à faire connaître le préjudice qu’ils ont subi au cours de ces émeutes, les cinq parties civiles n’ont pas hésité à réclamer des dommages et intérêts. Ainsi, Rouba Diop, gérante de restaurant, a évalué son préjudice à 7,6 millions de francs Cfa, tandis que Fally Keïta, agent breveté des douanes, réclame 1,5 million de francs. Chef d’agence à la Senelec, Moussa Sène avait vu les installations incendiées, un préjudice qu’il a évalué à la barre à 328.311 francs Cfa. Quant à Makhfouz Sankharé, adjoint du commandant de la Brigade de Gendarmerie de Kédougou, son véhicule personnel avait été incendié par les émeutiers dans l’enceinte de la Brigade. Une perte qu’il évalue à six millions de francs Cfa. Babacar Dramé, commandant de la Brigade de Gendarmerie de Kédougou, a réclamé la somme de 1,5 million de francs Cfa pour toute cause de préjudice subi après que sa maison fut incendiée. Il avait également été blessé à l’oreille droite et au cou. Après les demandes des parties civiles, l’audience a été suspendue.

Il était question, au cours de ce procès, de la participation d’étudiants et d’anciens militaires aux émeutes de Kédougou, qui ont coûté la vie à un jeune et indirectement à un boutiquier. Il a fallu le jeu des questions-réponses pour édifier le tribunal. Mais les avocats des prévenus ont plutôt montré les séquelles de certains pour démontrer qu’ils ont été l’objet de tortures. Sur les 25 prévenus, il y a une seule fille, Fatim Bâ, étudiante en troisième année de Médecine et par ailleurs trésorière de l’Association des étudiants et élèves ressortissants de Kédougou à Dakar.

Au cours de son réquisitoire d’une heure, le procureur de la République a invité le tribunal à relaxer seulement cinq prévenus. Pour les autres, le Parquet a requis des peines variées allant de cinq, neuf et dix ans ferme de prison.

De l’avis du ministère public, on a affaire aux « pilleurs du siècle ». Il a insisté sur un « plan de communication » mis sur pied depuis presque un mois et qui a laissé la place à un « plan d’exécution » exécuté depuis Dakar avec l’arrivée des étudiants à Kédougou à partir du 7 décembre.

Des pneus avaient été brûlés durant tout le mois de décembre, rappelle le procureur de la République, de même que des réunions se tenaient en même temps. L’Association des anciens militaires de Kédougou a pris part aux manifestations violentes, de même qu’une association dénommée Kédougou environnement et organisation (Keo), sans omettre un mouvement pour le développement. Autant de faits qui ont poussé le Parquet à les qualifier de « graves » et « historiques ».

Répliquant au procureur de la République, les avocats de la défense ont estimé que le procès pose problème dans la mesure où il y a eu des confrontations à partir d’informations anonymes. Les avocats ont aussi dénoncé des actes de torture au cours de la détention des prévenus et ont fait état d’usage de fils électriques contre leurs clients. A leur avis, le dossier est très simple, puisqu’il s’agit uniquement de la question minière.

L’Etat, estime la défense, a l’obligation positive de régler le problème de l’amélioration des conditions de vie des populations de la région de Kédougou. A cet égard, les avocats ont rappelé le Fonds social minier de trois milliards de francs Cfa qui, à leurs yeux, n’est pas clair. Ils se sont aussi indignés du personnel insuffisant de forces de sécurité dans la région. « Comment peut-on créer une région et y mettre seulement 12 gendarmes », s’indigne l’un d’eux.

Après délibération, le tribunal régional de Tambacounda a rendu diverses décisions. Ainsi, sur les 25 prévenus, huit ont été relaxés purement et simplement. Trois ont bénéficié de la relaxe au bénéfice du doute. Par contre, huit prévenus déclarés coupables ont été condamnés à dix ans ferme de prison là où deux autres purgeront sept ans. Sept autres prévenus ont écopé cinq ans ferme. Après avoir pris connaissance des sanctions infligées à certains de leurs clients, les avocats de la défense ont promis d’interjeter appel de cette décision.

Pape Demba SIDIBE

Messages

  • Bill à Bamako
    vu cette situation qui ne peut laisser les yeux secs, je pense que le gouverneur de Kedougou doit prendre une mesure fondamentale et immédiate pour au moins atténuer ( l’on peut dire le soulèvement de la population). Voyant ces faits, les militaires "massacrent" les enfants ( même ceux de douze ans) et les étudiants dans la rue pour une atteinte au pouvoir, outrage dans les quartiers et séquestration des hommes politique. Le gouverneur doit prendre une grande mesure pour offrir de l’emploi à ses citoyens. sinon un tel soulèvement met en péril le progrès, l’unité, la cohérence et les bases même de la civilisation du pays. De plus, pour mettre un terme à cette émeute - pas du tout bonne- pour la société, il doit mettre en place un projet ( qui n’est pas que temporaire c’est à dire quelques mois ou un an !) qui peut être lucratif et bénéfique en perspective. Ou au moins prendre en sollicitude et de bien gérer leur mine d’or auquel emporte plus les jeunes de Kedougou. J’en serai très confiant de l’épilogue de la situation du pays si le gouverneur en question mette en place ces projets. je ne sais pas si le gouvernement veut le faire ou pas ?

  • Décembre 2008
    Emeutes au Sénégal

    Bonsoir, je suis élève dans un lycée d’Afrique. C’est en lisant sur le site que j’ai vu le texte portant sur les émeutes au Sénégal. Après cette lecture, j’ai pensé qu’il faut un changement pour les jeunes mis en colère par les actes suivants : le manque de considération, des jeunes qui n’est d’ailleurs pas la seule cause de la misère populaire, dans les travaux de mines de leur propre localité, qui ne font que aggraver la pauvreté de la population. et l’attribution de la terre à l’espagnol. Mes questions sont les suivantes. Pourquoi dans un pays le gouvernement tirs sur des jeunes, qui crient au chômage et réclament des emplois en Dénonçant la pauvreté profonde ? Que doit faire la population ? En vertu de quoi les autorités de localité ont donné cette immense partie de terre à cet espagnol ?

    • La situation des jeunes du Sénégal révolte. Elle les a amenés à se révolter. Elle amène aussi les populations à les soutenir. Mais leur sort n’est pas un cas particulier. Il est même en train de devenir celui de toutes les jeunesses du monde. Même un pays développé comme la Grèce ou comme l’Islande. Même les USA mènent leur jeunesse à une inévitable révolte. Comme cela vient d’être le cas à Oakland (USA). On ne peut pas résoudre ces questions par de la compréhension parce que les classes dirigeantes du monde ne veulent pas céder. Il faut chercher quelle force sociale peut résoudre le problème posé par le monde actuel. Et chercher aussi quelle autre société bâtir que celle qui condamne les jeunes à la révolte ou au désespoir.
      Robert Paris

  • Fin décembre 2008 : émeutes au Sénégal
    13 janvier 13:56, par Robert Paris
    La situation des jeunes du Sénégal révolte. Elle les a amenés à se révolter. Elle amène aussi les populations à les soutenir. Mais leur sort n’est pas un cas particulier. Il est même en train de devenir celui de toutes les jeunesses du monde. Même un pays développé comme la Grèce ou comme l’Islande. Même les USA mènent leur jeunesse à une inévitable révolte. Comme cela vient d’être le cas à Oakland (USA). On ne peut pas résoudre ces questions par de la compréhension parce que les classes dirigeantes du monde ne veulent pas céder. Il faut chercher quelle force sociale peut résoudre le problème posé par le monde actuel. Et chercher aussi quelle autre société bâtir que celle qui condamne les jeunes à la révolte ou au désespoir. Robert Paris

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