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De la crise systémique de 1873 à la crise actuelle

dimanche 7 décembre 2008, par Robert Paris

La nouvelle crise systémique de 2008

Quelle issue face à la crise ?

Les problèmes ont commencé vers 1870, d’abord en Europe. Dans l’Empire Austro-Hongrois, fondé en 1867, dans les états unifiés autour de la Prusse et de l’empire Germanique et en France, les empereurs ont crée de nouvelles institutions qui émettaient des prêts pour des constructions privées ou municipales, particulièrement dans les capitales comme Vienne, Berlin et Paris. Ces prêts étaient plus faciles à obtenir qu’avant, et il s’en suivit un boum immobilier. La valeur des terrains grimpa indéfiniment ; les emprunteurs souscrivaient voracement de plus en plus d’emprunts, en les garantissant par des maisons à moitié construites ou pas encore ! Les endroits les plus admirables aujourd’hui dans ces trois villes sont situés dans des édifices construits au cours de cette soi-disant période fondatrice.

Mais les fondamentaux économiques étaient mal assurés. Les exportateurs de blé de Russie ou d’Europe Centrale ont du faire face à une nouvelle concurrence internationale qui a cassé les prix. La version du 19ème siècle des containers de produits “made in China” et expédiés à Wal-Mart consistait en légumes des fermiers du Middle-West américain. Ils utilisaient déjà les silos à grain, les tapis roulants, et d’énormes bateaux à vapeur pour exporter des trains entiers de blé. L’Angleterre, le plus grand importateur de blé, se convertit à ce blé bon marché assez rapidement vers 1871. Vers 1872 le kérosène et l’alimentation industrielle montaient en flèche au coeur de l’Amérique, dévalorisant la graine de colza, la farine et la viande de boeuf. Le krach eut lieu en Europe Centrale en mai 1873, quand il devint clair que les prévisions régionales pour une croissance économique continue étaient trop optimistes. Les Européens durent faire face à ce qu’ils appelèrent l’Invasion Commerciale Américaine. Un nouveau super pouvoir industriel était né, dont les bas coûts prenaient à la gorge le commerce européen et le style de vie européen.

Alors que les banques continentales s’écroulaient, les banques britanniques retirèrent leurs capitaux, faute de savoir quelles étaient les institutions les plus impliquées dans la crise des prêts. Le taux des emprunts inter-bancaires atteint des sommets. Cette crise bancaire atteint les Etats-Unis à l’automne 1873. Les compagnies de chemin de fer s’écroulèrent les premières. Elles avaient élaboré des instruments financiers qui promettaient un taux fixe sans que soit clair pour grand monde ce qui était garanti aux investisseurs en cas de faillite (réponse : rien). Les bons s’étaient bien vendus au début, mais ils ont chuté après 1871 quand les investisseurs se sont mis à douter de leur valeur, les prix ont baissé et beaucoup de compagnies de chemin de fer ont pris des prêts bancaires à court terme pour continuer à poser des rails. Ensuite les taux des prêts à court terme montèrent en flèche à travers l’Atlantique en 1873, les compagnies de chemin de fer furent en difficulté. Quand Jay Cooke, financier des chemins de fer, fut incapable de payer ses dettes, la Bourse s’écroula en septembre, provoquant la fermeture de centaines de banques durant les trois années suivantes. La panique continua pendant plus de quatre ans aux Etats-Unis et près de six ans en Europe.

Les effets à long terme de la panique de 1873 étaient pervers. Pour les plus grandes firmes industrielles des Etats-Unis - celles qui avaient des contrats garantis et la possibilité de passer des marchés à prix réduits avec les compagnies de chemins de fer - ces années de panique valaient de l’or. Andrew Carnegie, Cyrus McCormick et John D. Rockefeller avaient assez de capitaux en réserve pour financer leur propre croissance continue. Pour de plus petites entreprises, qui comptaient sur une demande saisonnière et sur des capitaux extérieurs, la situation devint terrible. Les réserves de capital s’asséchèrent et les industries aussi. Carnegie et Rockefeller rachetèrent leurs concurrents à prix cassés. L’Age d’or des Etats-Unis avait commencé en ce qui concerne la concentration industrielle.

Comme la panique s’accentuait, les Américains ordinaires souffrirent terriblement. Un fabricant de cigare, Samuel Gompers, qui était jeune en 1873 se souvint plus tard qu’avec la panique, « l’organisation économique s’écroula avec des accents de cataclysme primitif ». Entre 1873 et 1877, de nombreuses petites entreprises et ateliers mirent la clé sous la porte, des dizaines et des centaines de travailleurs, dont beaucoup d’anciens soldats de la Guerre Civile, devinrent des temporaires. Les termes de "tramp" (vagabond) et "bum" (clochard), tous deux des références aux anciens soldats, devinrent courants dans la langue américaine. Les listes de l’aide sociale explosèrent dans les villes principales, avec un taux de chômage à 25% (100 000 travailleurs) rien qu’à New York City.

Les chômeurs manifestèrent à Boston, Chicago, et New York pendant l’hiver 1873-74, demandant l’ouverture de chantiers publics. A Tompkins Square - New-York - en 1874, la police attaqua la foule avec des gourdins et frappa des milliers d’hommes et de femmes. La panique fut suivie par les grèves les plus violentes de l’histoire de l’Amérique, y compris le groupe secret de travailleurs connu sous le nom de Molly Maguire dans les mines de charbon de Pennsylvanie en 1875, quand des travailleurs masqués échangèrent des coups de feu avec la "Coal and Iron Police," une force privée missionnée par l’Etat. Une grève du chemin de fer à l’échelle des Etats-Unis suivit en 1877, au cours de laquelle la foule détruisit des nœuds ferroviaires à Pittsburgh, Chicago, et Cumberland, Md.

En Europe Centrale et Orientale, les temps étaient de plus en plus difficiles. Beaucoup d’analystes politiques ont rejeté la responsabilité de la crise à la fois sur les banques internationales et sur les Juifs. Les leaders de la politique nationaliste (ou agents du tsar Russe) ont adopté une nouvelle forme sophistiquée d’antisémitisme qui fit école auprès des milliers de gens qui avaient perdu leurs moyens de subsistance pendant la panique. Des pogroms anti-Juifs s’en suivirent dans les années 1880, surtout en Russie et en Ukraine. Petites et grandes communautés avaient trouvé un bouc émissaire : les étrangers dans leur propre milieu.

Je suis troublé par les échos du passé dans les problèmes actuels de prêts immobiliers. Après 2001, des prêts furent accordés aux primo acquéreurs qui signèrent pour des taux variables qu’ils ne pourraient vraisemblablement jamais payer, même dans le meilleur des cas. Les spéculateurs de l’immobilier, espérant récupérer facilement les propriétés, se déchainèrent, en supposant que les prix des maisons n’arrêteraient pas de grimper. Ces dettes furent titrisées sous forme de titres complexes pour les compagnies de crédit et d’autres banques d’affaires, puis vendues à d’autres banques ; inquiètes pour la stabilité de ces titres, les banques ont acheté une espèce de police d’assurance appelée « credit-derivative swap », dont les gérants se figuraient qu’elle protégerait leurs investissements. Plus de deux millions de demandes de saisies - notifications de non-paiement, de ventes aux enchères ou de saisies par les banques furent recensées en 2007. Depuis, des milliards de dollars furent déjà investis dans ce marché dérivé des crédits. Est-ce que ces nouveaux instruments financiers étaient assez résistants pour couvrir tout le risque ? (réponse : non) . Comme en 1873, une pyramide financière complexe reposent sur la tête d’une épingle. Les banques accumulent du cash. Les banques qui accumulent du cash ne font pas de prêts à court terme. Les grandes et petites entreprises courent un risque de mort faute de crédits à court terme pour acheter les matières premières, expédier leurs produits et entreposer les stocks.

S’il y a des leçons à tirer de 1873, elles sont différentes de celles de 1929. Surtout, quand les banques périclitent à Wall Street, elles arrêtent toute l’activité ailleurs et ce pour très longtemps. La laborieuse remise en route des banques aux Etats-Unis et en Europe créa un chômage généralisé. Les syndicats (illégaux presque partout auparavant) se développèrent mais furent enrayés par les institutions centrales qui apprirent à agir à la limite de la loi. En Europe, les politiciens prirent les Juifs comme boucs émissaires, à la lisière des problèmes économiques. (D’autre part les Américains s’en prenaient surtout à eux-mêmes ; beaucoup se mirent à adopter ce qu’on appela plus tard la religion fondamentaliste.)

Les problèmes ont commencé vers 1870, d’abord en Europe. Dans l’Empire Austro-Hongrois, fondé en 1867, dans les états unifiés autour de la Prusse et de l’empire Germanique et en France, les empereurs ont crée de nouvelles institutions qui émettaient des prêts pour des constructions privées ou municipales, particulièrement dans les capitales comme Vienne, Berlin et Paris. Ces prêts étaient plus faciles à obtenir qu’avant, et il s’en suivit un boum immobilier. La valeur des terrains grimpa indéfiniment ; les emprunteurs souscrivaient voracement de plus en plus d’emprunts, en les garantissant par des maisons à moitié construites ou pas encore ! Les endroits les plus admirables aujourd’hui dans ces trois villes sont situés dans des édifices construits au cours de cette soi-disant période fondatrice.

Mais les fondamentaux économiques étaient mal assurés. Les exportateurs de blé de Russie ou d’Europe Centrale ont du faire face à une nouvelle concurrence internationale qui a cassé les prix. La version du 19ème siècle des containers de produits “made in China” et expédiés à Wal-Mart consistait en légumes des fermiers du Middle-West américain. Ils utilisaient déjà les silos à grain, les tapis roulants, et d’énormes bateaux à vapeur pour exporter des trains entiers de blé. L’Angleterre, le plus grand importateur de blé, se convertit à ce blé bon marché assez rapidement vers 1871. Vers 1872 le kérosène et l’alimentation industrielle montaient en flèche au coeur de l’Amérique, dévalorisant la graine de colza, la farine et la viande de boeuf. Le krach eut lieu en Europe Centrale en mai 1873, quand il devint clair que les prévisions régionales pour une croissance économique continue étaient trop optimistes. Les Européens durent faire face à ce qu’ils appelèrent l’Invasion Commerciale Américaine. Un nouveau super pouvoir industriel était né, dont les bas coûts prenaient à la gorge le commerce européen et le style de vie européen.

Alors que les banques continentales s’écroulaient, les banques britanniques retirèrent leurs capitaux, faute de savoir quelles étaient les institutions les plus impliquées dans la crise des prêts. Le taux des emprunts inter-bancaires atteint des sommets. Cette crise bancaire atteint les Etats-Unis à l’automne 1873. Les compagnies de chemin de fer s’écroulèrent les premières. Elles avaient élaboré des instruments financiers qui promettaient un taux fixe sans que soit clair pour grand monde ce qui était garanti aux investisseurs en cas de faillite (réponse : rien). Les bons s’étaient bien vendus au début, mais ils ont chuté après 1871 quand les investisseurs se sont mis à douter de leur valeur, les prix ont baissé et beaucoup de compagnies de chemin de fer ont pris des prêts bancaires à court terme pour continuer à poser des rails. Ensuite les taux des prêts à court terme montèrent en flèche à travers l’Atlantique en 1873, les compagnies de chemin de fer furent en difficulté. Quand Jay Cooke, financier des chemins de fer, fut incapable de payer ses dettes, la Bourse s’écroula en septembre, provoquant la fermeture de centaines de banques durant les trois années suivantes. La panique continua pendant plus de quatre ans aux Etats-Unis et près de six ans en Europe.

Les effets à long terme de la panique de 1873 étaient pervers. Pour les plus grandes firmes industrielles des Etats-Unis - celles qui avaient des contrats garantis et la possibilité de passer des marchés à prix réduits avec les compagnies de chemins de fer - ces années de panique valaient de l’or. Andrew Carnegie, Cyrus McCormick et John D. Rockefeller avaient assez de capitaux en réserve pour financer leur propre croissance continue. Pour de plus petites entreprises, qui comptaient sur une demande saisonnière et sur des capitaux extérieurs, la situation devint terrible. Les réserves de capital s’asséchèrent et les industries aussi. Carnegie et Rockefeller rachetèrent leurs concurrents à prix cassés. L’Age d’or des Etats-Unis avait commencé en ce qui concerne la concentration industrielle.

Comme la panique s’accentuait, les Américains ordinaires souffrirent terriblement. Un fabricant de cigare, Samuel Gompers, qui était jeune en 1873 se souvint plus tard qu’avec la panique, « l’organisation économique s’écroula avec des accents de cataclysme primitif ». Entre 1873 et 1877, de nombreuses petites entreprises et ateliers mirent la clé sous la porte, des dizaines et des centaines de travailleurs, dont beaucoup d’anciens soldats de la Guerre Civile, devinrent des temporaires. Les termes de "tramp" (vagabond) et "bum" (clochard), tous deux des références aux anciens soldats, devinrent courants dans la langue américaine. Les listes de l’aide sociale explosèrent dans les villes principales, avec un taux de chômage à 25% (100 000 travailleurs) rien qu’à New York City.

Les chômeurs manifestèrent à Boston, Chicago, et New York pendant l’hiver 1873-74, demandant l’ouverture de chantiers publics. A Tompkins Square - New-York - en 1874, la police attaqua la foule avec des gourdins et frappa des milliers d’hommes et de femmes. La panique fut suivie par les grèves les plus violentes de l’histoire de l’Amérique, y compris le groupe secret de travailleurs connu sous le nom de Molly Maguire dans les mines de charbon de Pennsylvanie en 1875, quand des travailleurs masqués échangèrent des coups de feu avec la "Coal and Iron Police," une force privée missionnée par l’Etat. Une grève du chemin de fer à l’échelle des Etats-Unis suivit en 1877, au cours de laquelle la foule détruisit des nœuds ferroviaires à Pittsburgh, Chicago, et Cumberland, Md.

En Europe Centrale et Orientale, les temps étaient de plus en plus difficiles. Beaucoup d’analystes politiques ont rejeté la responsabilité de la crise à la fois sur les banques internationales et sur les Juifs. Les leaders de la politique nationaliste (ou agents du tsar Russe) ont adopté une nouvelle forme sophistiquée d’antisémitisme qui fit école auprès des milliers de gens qui avaient perdu leurs moyens de subsistance pendant la panique. Des pogroms anti-Juifs s’en suivirent dans les années 1880, surtout en Russie et en Ukraine. Petites et grandes communautés avaient trouvé un bouc émissaire : les étrangers dans leur propre milieu.

Je suis troublé par les échos du passé dans les problèmes actuels de prêts immobiliers. Après 2001, des prêts furent accordés aux primo acquéreurs qui signèrent pour des taux variables qu’ils ne pourraient vraisemblablement jamais payer, même dans le meilleur des cas. Les spéculateurs de l’immobilier, espérant récupérer facilement les propriétés, se déchainèrent, en supposant que les prix des maisons n’arrêteraient pas de grimper. Ces dettes furent titrisées sous forme de titres complexes pour les compagnies de crédit et d’autres banques d’affaires, puis vendues à d’autres banques ; inquiètes pour la stabilité de ces titres, les banques ont acheté une espèce de police d’assurance appelée « credit-derivative swap », dont les gérants se figuraient qu’elle protégerait leurs investissements. Plus de deux millions de demandes de saisies - notifications de non-paiement, de ventes aux enchères ou de saisies par les banques furent recensées en 2007. Depuis, des milliards de dollars furent déjà investis dans ce marché dérivé des crédits. Est-ce que ces nouveaux instruments financiers étaient assez résistants pour couvrir tout le risque ? (réponse : non) . Comme en 1873, une pyramide financière complexe reposent sur la tête d’une épingle. Les banques accumulent du cash. Les banques qui accumulent du cash ne font pas de prêts à court terme. Les grandes et petites entreprises courent un risque de mort faute de crédits à court terme pour acheter les matières premières, expédier leurs produits et entreposer les stocks.

S’il y a des leçons à tirer de 1873, elles sont différentes de celles de 1929. Surtout, quand les banques périclitent à Wall Street, elles arrêtent toute l’activité ailleurs et ce pour très longtemps. La laborieuse remise en route des banques aux Etats-Unis et en Europe créa un chômage généralisé. Les syndicats (illégaux presque partout auparavant) se développèrent mais furent enrayés par les institutions centrales qui apprirent à agir à la limite de la loi. En Europe, les politiciens prirent les Juifs comme boucs émissaires, à la lisière des problèmes économiques. (D’autre part les Américains s’en prenaient surtout à eux-mêmes ; beaucoup se mirent à adopter ce qu’on appela plus tard la religion fondamentaliste.)

Les gagnants de cette panique , une fois sortis d’affaire, pourraient être les firmes - financières ou autres - qui ont des réserves de cash substantielles. On pourrait voir à l’horizon une consolidation importante des entreprises, ainsi qu’une réponse nationaliste avec des fortes barrières douanières, un déclin du commerce international, et la prise des immigrants comme boucs émissaires pour l’accès aux rares emplois. L’échec des discussions de l’OMC en Juillet, commencées à Doha il y a sept ans, suggère l’arrivée d’une nouvelle vague de protectionnisme.

Enfin, la Panique de 1873 a montré que le centre de gravité du crédit mondial s’était déplacé vers l’ouest - d’Europe Centrale vers les Etats-Unis. La panique actuelle suggère un nouveau déplacement - des Etats-Unis vers la Chine et l’Inde.

Je ne me risquerai pas à des prévisions au-delà. J’ai encore un microfilm à lire.

Scott Reynolds Nelson est professeur d’histoire au College William and Mary. Parmi ses livres on compte : Steel Drivin’ Man : John Henry, the Untold Story of an American legend (Oxford University Press, 2006).

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Messages

  • L’Union générale était une banque catholique française crée à Lyon en 1875 par des monarchistes catholiques puis reprise en 1878 par Paul Eugène Bontoux. Elle fit faillite de manière retentissante en 1882.

    La banque rencontre un grand succès dans les milieux catholiques et légitimistes et obtient l’appui du comte de Chambord, prétendant au trône de France2. Le secrétaire du pape, le cardinal Jacobini, s’engage ainsi au capital de la banque.

    Elle croît extrêmement rapidement, en multipliant les rachats et les investissements risqués, notamment dans les régions d’Europe centrale et danubienne2. Elle a notamment financé et construit le premier chemin de fer de Serbie. Elle acquiert des compagnies d’assurances, crée la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage ou finance des opérations en Afrique du Nord et en Égypte avec d’autres banques tout en spéculant à la bourse.

    La croissance se poursuit jusqu’en janvier 1882 où la société, contrainte de suspendre ses paiements, s’effondre3. C’est le krach de l’Union Générale. Il s’agit du premier « grand puff » de l’histoire financière contemporaine. En 1882, résultant à la fois d’une surcapitalisation des valeurs (la Bourse comptait plus de valeurs qu’elle ne pouvait en recevoir), d’une mauvaise gestion financière (rachat par la société de ses propres actions...) et d’une lutte acharnée entre « baissiers » (notamment, Rothschild) et « haussiers », mêlant politique, religion et finances, l’Union générale s’effondre. Elle entraîne avec elle la faillite de nombreux agents de change près de la Bourse de Lyon puis se répercute sur la Bourse de Paris. En janvier 1882, Bontoux est arrêté et passe plusieurs mois en prison1. Feder et Bontoux seront condamnés à cinq ans de prison qu’ils ne feront pas ayant pris la fuite à l’étranger, en Espagne pour Bontoux. La crise de plusieurs années qui s’ensuit affecte surtout les mines, la métallurgie et le bâtiment entraînant son cortège de misère, de chômage et de conflits sociaux violents comme à Anzin, qui connut en 1884 sa grande grève des mineurs, et à Decazeville.

    Le krach de l’Union générale a entraîné des critiques vis-à-vis de l’agiotage (manœuvres visant à manipuler les cours de Bourse). Il a été regardé par ses contemporains comme le résultat d’une lutte politique entre la droite conservatrice et légitimiste (Bontoux avait fait de cette banque la banque des conservateurs : elle comptait notamment de nombreux ecclésiastiques parmi ses actionnaires) et la gauche libérale. Zola s’est inspiré de cet événement, dont il avait fait une étude fouillée à partir des archives, pour son roman L’Argent : s’il situe l’action sous le Second Empire, ce roman retrace toute l’aventure de Bontoux (Saccard) et de l’Union générale (L’Universelle).

    L’« assassinat » financier de l’Union générale par la banque juive nourrit pendant de longues années l’antisémitisme de l’extrême droite française selon Jean Bouvier, historien économique et auteur d’un livre sur l’Union générale4.

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