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Débat sur la crise mondiale avec les groupes d’extrême gauche

mercredi 3 décembre 2008, par Robert Paris

Les textes ou extraits qui suivent ne représentent pas le point de vue de Matière et révolution.

Ils seront discutés ultérieurement dans ce texte.

Quelques mots sur ce point :

Il est manifeste que l’extrême gauche a mis un temps important à réaliser l’ampleur de la crise. Elle a du coup tendance à essayer de joindre ses bouts de raisonnement anciens avec les faits actuels même s’il est parfois difficile de recoller les morceaux en pratiquant ainsi...

On trouve des groupes qui considèrent qu’il y a continuité entre des crises conjoncturelles et des crises systémiques (même des groupes trotskystes alors que Trotsky avait été très clair sur ce point - voir textes sur le site). On trouve des groupes qui reprennent l’idée des crises de régulation et ne savent plus comment les relier avec la crise actuelle. on trouve des groupes qui considèrent que le capitalisme prend prétexte de la crise pour faire payer les travailleurs ou qu’il aurait inventé la crise si elle n’existait pas. On trouve aussi des groupes qui s’emmêlent les crayons sur le rôle de la finance (voir article de Convergences Révolutionnaires). Passant d’une position où la crise était seulement financière, ils en arrivent à penser que la finance est l’élément dynamique du capitalisme !

Boussole où est-tu ?

LIGUE COMMUNISTE REVOLUTIONNAIRE - - NOUVEAU PARTI ANTICAPITALISTE

"Au secours du capitalisme…

Article de Rouge n°2278.

Sauver le capitalisme des capitalistes résume le programme du « New Deal » de Roosevelt, dans les années 1930, et celui de Keynes : sauver le système en n’hésitant pas à remettre en cause les intérêts de quelques capitalistes. Une telle politique a-t-elle aujourd’hui une quelconque pertinence ?

L’économiste anglais John Maynard Keynes (1883-1946) développe sa pensée dans l’entre-deux-guerres, dans un contexte marqué par trois éléments : une situation économique instable (crise dans la période suivant la guerre de 1914-1918, crise de 1929, qui durera jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale) ; la crainte du socialisme de la part de tous les possédants ; une phase nouvelle de l’histoire du capitalisme (celui-ci a désormais pénétré et soumis l’ensemble de l’économie, au moins aux États-Unis et en Europe occidentale). Il dépend donc largement de ses débouchés « internes » : l’investissement et la consommation des capitalistes et des salariés. Ces derniers constituent désormais la majeure partie de la population. Cela signifie que les salaires, s’ils continuent d’être un coût pour chaque capitaliste individuel, deviennent un débouché essentiel pour les capitalistes dans leur ensemble.

Mouvement social

Dans un tel contexte, Keynes se démarque des conceptions dominantes antérieures : il attaque les économistes qui pensent que l’économie capitaliste est capable de s’autoréguler. Il démontre que des équilibres de sous-emploi sont possibles lorsque la demande est insuffisante : dans de telles situations, la baisse des salaires, non seulement ne réduit pas le chômage, mais accentue la dépression économique. Il rejette aussi la théorie dominante du chômage, qui explique que celui-ci est avant tout volontaire (les chômeurs ont des prétentions salariales trop élevées).

Pour Keynes, la cause des crises économiques vient d’une rectification à la baisse des objectifs des chefs d’entreprise en fonction de leurs anticipations : la baisse de l’investissement se répercute sur la production et les revenus. Elles sont aggravées par des politiques économiques erronées qui, au lieu de soutenir l’activité, la restreignent, notamment pour préserver l’équilibre des finances publiques. Sa principale conclusion est la nécessité de l’intervention de l’État pour régulariser l’évolution économique et suppléer aux carences des mécanismes du marché.

Le New Deal (« nouvelle donne ») est la politique économique anticrise engagée, à partir de 1933, par le président américain Franklin Delano Roosevelt. Il a permis de limiter les effets de la crise sans y mettre fin (il faudra attendre la guerre pour cela), et il a eu quelques retombées positives pour les salariés (loi sur la sécurité sociale, loi sur les relations sociales élargissant les droits et les pouvoirs de négociation des syndicats) et les petits fermiers.

Cette politique, notamment en son volet social, n’est pas issue d’une géniale et généreuse intuition de Roosevelt inspirée de l’œuvre de Keynes. La pression de « ceux d’en bas » n’y fut pas pour rien : entre 1932 et 1934, le nombre de grèves avait fortement augmenté, des marches de la faim furent organisées par les chômeurs et des petits paysans s’organisèrent contre la saisie de leurs fermes. Bien souvent, ces actions se heurtèrent à la répression patronale et policière. S’il y eut « deal », ce fut notamment avec les éléments les plus combatifs de la bureaucratie syndicale, qui acceptèrent de modérer certaines grèves et de soutenir Roosevelt en contrepartie de mesures reconnaissant les syndicats.

Malgré les dénonciations selon lesquelles le New Deal représentait un pas vers le « socialisme », Roosevelt et ses conseillers n’en avaient pas du tout l’intention. En fait, dans une lettre, Roosevelt se plaignit de « l’incapacité des couches fortunées à réaliser qu’il était le meilleur ami que le système du profit ait jamais eu ». Dans ses discours pour sa réélection, en 1936, il se proclama le « sauveur du système du profit privé et de la libre entreprise ». Son administration s’appuyait sur certaines fractions de la bourgeoisie américaine, conscientes que le capitalisme a, à la fois, besoin de profits et de débouchés : les industries les plus capitalistiques et certaines parties du secteur financier.

Keynes, également, s’est plaint, par exemple dans un texte de 1925, que « les dirigeants capitalistes de la City et au Parlement sont incapables de faire la différence entre de nouvelles mesures pour sauvegarder le capitalisme et ce qu’ils appellent le bolchevisme ». Il a toujours affirmé son refus du socialisme : « Je peux être sensible à ce que je crois être la justice et le bon sens ; mais la guerre de classes me trouvera du côté de la bourgeoisie cultivée. »

Le paradoxe est que les politiques du type New Deal ont eu besoin de la pression du mouvement ouvrier pour s’imposer, aux Etats-Unis sous Roosevelt, comme en Europe occidentale après la Deuxième Guerre mondiale.

« Regarder la réalité »

De même aujourd’hui, on peut abstraitement imaginer une issue de sortie de crise dans le cadre capitaliste, dont les deux éléments essentiels seraient la rerèglementation de la finance et une progression des salaires couplée à une meilleure satisfaction des besoins sociaux. Mais une telle évolution ne sera pas spontanément acceptée par les classes dirigeantes. Elle ne le sera qu’en dernier recours, face à des mouvements sociaux puissants. Par ailleurs, sa mise en œuvre poserait des problèmes plus complexes qu’antérieurement : du fait de l’internationalisation du capital, elle supposerait un accord international entre les différentes puissances, notamment pour réguler activités financières et mouvements de capitaux. Enfin, la reconstruction d’un système monétaire international plus équilibré réduirait le rôle du dollar, évolution que la bourgeoisie américaine n’est pas près d’accepter.

« Regarder la réalité en face », soulignait Trotsky, en 1938, face à la crise des années 1930. La réalité, au-delà des gesticulations de Sarkozy sur la « refondation du capitalisme », c’est que le projet spontané des différentes bourgeoisies est de sauver leurs profits en conservant, pour l’essentiel, le cadre néolibéral. À cette fin, il leur faut reporter le poids de la crise sur les salariés, les chômeurs, les retraités. Pour empêcher les capitalistes de préserver leurs profits au détriment du bien-être social, il importe non seulement de résister pied à pied à leur offensive, mais aussi de mettre en avant des mesures structurelles qui, en fonction de l’évolution des rapports de force, permettront de jeter un pont vers une autre société. Pour reprendre les termes utilisés en son temps par Trotsky : « Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat. » « Sauver le capitalisme des capitalistes » ne saurait être, en aucun cas, un programme pour une gauche digne de ce nom. Ce ne serait que préparer la prochaine crise et, dans l’immédiat, conserver l’exploitation, les inégalités, la misère du tiers monde, la marche vers la catastrophe écologique, en un mot, l’absurdité de ce système."

Interview d’Olivier Besancenot :

« Je pense que plutôt que de faire vivre à tout prix sous perfusion une économie de marché qui est en train de s’écrouler, on devrait changer de logiciel. Plutôt que de redonner de la confiance à tout prix à des banquiers, redonnons confiance à la majorité de la population et donnons les moyens d’avoir la satisfaction des besoins sociaux, de la demande sociale ».
« Quand nous on propose d’augmenter les salaires, d’interdire les licenciements, on pense qu’à terme c’est le seul moyen. Pourquoi les centaines de milliards d’euros qu’on est en train de trouver on ne les donnerait qu’aux banquiers ? Pourquoi on ne nous les donnerait pas à nous ? C’est le dilemme de l’économie de marché : l’économie de marché, on produit d’abord, on se pose les problèmes ensuite. Quitte à créer du gaspillage, quitte à créer du chaos climatique, quitte à créer la catastrophe sociale. Changer de logiciel, ça veut dire anticiper les besoins sociaux, environnementaux, pour chercher à les satisfaire avec une production à la hauteur du raisonnable ».
« C’est des mesures concrètes qu’on pourrait faire aujourd’hui dans le domaine des banques. Je suis pour que les pouvoirs publics s’immiscent dans l’économie de marché. Mais pas pour servir de bouée de sauvetage à des entreprises privées qui s’écroulent, mais pour concrètement ôter à une minorité d’individus le pouvoir absolument exorbitant qu’elle est en train d’exercer sur l’économie et la société. Par exemple, ça passe immédiatement par le droit de savoir pour la majorité de la population : lever le secret bancaire, commercial, industriel, pour savoir où passe l’argent public au sein de tous ces groupes ».
« Plutôt que de nationaliser les entreprises bancaires privées qui sont en train de s’écrouler, je propose de réunifier toutes les banques, publiques ou privées, dans un seul et même pôle public. Je demande un nouveau service public bancaire. Pas seulement sous le contrôle de l’Etat, mais d’abord sous le contrôle des salariés, des usagers, des consommateurs. On a quand même le droit de savoir où passe notre

Texte présenté par le NPA sur son site

La crise, le NPA, l’écosocialisme....par Raoul Marc Jennar

C’est la crise ! Mais, si on y réfléchit un instant, c’est tout le temps la crise ! Avons-nous connu depuis 30 ans des périodes où ce n’était pas la crise ?

Et même avant. Je suis né au début de ce qu’on a appelé « les Trente glorieuses ». Mais elles étaient glorieuses pour qui ? Pour les mineurs dont on fermait les charbonnages ? Pour les ouvriers de la sidérurgie dont on fermait les usines ? Pour tous les autres qui ont du attendre le plus grand mouvement social de l’après guerre, Mai 68, pour recevoir enfin quelques miettes des profits engrangés par le patronat ?

Et même quand, soi-disant, ce n’est pas la crise. Quand les taux de croissance montent. Quand les entreprises font des profits. C’est quand même la crise pour celles et ceux qui subissent les fusions-acquisitions, les restructurations, les délocalisations, les dérégulations, les suppressions d’emplois dans des boites qui font pourtant des bénéfices.

Et enfin, pour des millions de gens qui, quand ils ont payé leurs charges, n’ont que 50 euros par mois pour se nourrir, n’est-ce pas, et depuis longtemps, la crise tous les jours ?

La vérité, c’est que le capitalisme, c’est la crise. C’est un système qui génère les crises. Il y a des crises financières, des crises économiques, des crises sociales, des crises alimentaires, des crises sanitaires, des crises écologiques. Et chaque fois, au nom de ces crises, le capitalisme impose ses solutions, des solutions qui maintiennent les inégalités, des solutions qui entretiennent l’exploitation, des solutions qui protègent l’accumulation des profits par un petit nombre. Et quand la crise ne suffit pas, il fait la guerre. Rappelez-vous ce que disait Jaurès : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». Là où le capitalisme ne peut exploiter en toute liberté, il provoque la guerre. Bien des guerres en Afrique qu’on nous présente comme des guerres civiles ou tribales sont en fait des guerres provoquées par le capitalisme. La guerre en Irak est une guerre du capitalisme.

En 1991, lors de l’effondrement de l’empire soviétique, le discours dominant a consacré l’échec du communisme. Nul ne peut nier que le capitalisme d’Etat, bureaucratique et policier, a échoué à réaliser l’idéal communiste. Mais cet échec nous condamne-t-il à nous résigner au capitalisme ?

N’est-ce pas le moment de dire haut et fort aux capitalistes : quel est votre bilan ? Quels sont, pour le plus grand nombre, les résultats du capitalisme ?

Quand près de trois milliards d’humains n’ont pas accès au savoir, aux nouvelles technologies et aux nouveaux savoir-faire qui pourraient améliorer leur niveau de vie, quand deux milliards de personnes n’ont pas accès aux médicaments essentiels, quand un milliard et demi de gens vivent avec quatre-vingt dix centimes d’euro par jour, quand un milliard de personnes souffrent de la famine, quand un milliard d’adultes dont deux tiers sont des femmes sont analphabètes, quand plus de 150 millions d’enfants n’ont pas accès à l’école primaire, dont la moitié sont des filles, quand 44% de la jeunesse du monde en âge de travailler sont au chômage, quand, dans une Europe si riche, il y a 50 millions de pauvres et 18 millions de chômeurs, n’est-on pas en droit de demander : capitalistes où est votre succès ?

Le capitalisme a bénéficié, avec les dérégulations massives décidées au niveau mondial comme au niveau européen, d’une liberté comme jamais il n’en avait connu depuis le 19e siècle. Et voilà son bilan. Certains vous diront. : « Vous vous trompez. Regardez en Chine, depuis qu’ils sont passés à l’économie de marché, 400 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté ». Ils oublient de dire qu’un milliard de Chinois sont restés dans la pauvreté. Parce que, fondamentalement, c’est cela le capitalisme : c’est l’organisation de l’inégalité ; c’est l’exploitation de la majorité par un petit nombre.

Face à cette réalité, on observe deux comportements. Il y a ceux qui considèrent que le capitalisme fait partie de l’ordre naturel des choses et que la crise d’aujourd’hui n’est qu’un dérapage de mauvais capitalistes qu’il faut punir pour revenir au bon capitalisme, que la démocratie libérale et l’économie de marché, sont le moins mauvais de tous les systèmes, comme le disait avant hier soir sur France 2 le ministre des finances de Belgique.

Ceux-là, on les trouve à droite, bien entendu, au centre évidemment, mais également, à gauche. Ce sont en effet des sociaux-démocrates qui, à partir des années 80, en France comme dans le reste de l’Europe, ont accompagné et très souvent initié ce qu’on appelle la mondialisation, cette transformation du monde en un marché global où la puissance publique s’efface devant les acteurs économiques et financiers, où les humains sont traités comme des marchandises soumis aux lois d’une concurrence qui doit être libre et non faussée. La loi de déréglementation financière est une loi du PS. L’Acte unique européen et le traité de Maastricht, proposés par Jacques Delors, sont l’œuvre des sociaux-démocrates. La gauche plurielle partage avec onze autres gouvernements sociaux-démocrates la responsabilité de la stratégie de Lisbonne et des décisions de Barcelone sans lesquelles le démantèlement des services publics et du droit du travail n’aurait pas été possible. Et on a trouvé à la direction du PS les plus ardents défenseurs du traité constitutionnel européen préparé sous la direction de Giscard d’Estaing. Les mêmes souhaitent aujourd’hui ardemment qu’entre en vigueur ce copié collé du TCE qu’est le traité de Lisbonne pourtant rejeté par le seul peuple qui ait pu s’exprimer, les Irlandais.

Face à ces libéraux de droite et de gauche auxquels s’ajoutent ceux qui les suivent pour ne pas perdre les mandats que leur accorde l’alliance avec le PS, il y a ceux qui sont convaincus que le capitalisme n’est pas l’horizon indépassable de l’humanité. Ceux qui ne se résignent pas à voir le drapeau de la révolte tomber des mains de Rosa Luxemburg dans celles de Ségolène Royal.

On les trouve parmi celles et ceux qui ont fait campagne et ont soutenu le non de gauche au TCE. On en trouve parmi celles et ceux qui ont soutenu l’un ou l’autre des cinq candidats à la gauche du PS lors des présidentielles de l’an passé. Et on en trouve même, je tiens à le dire tout de suite, parmi les femmes et les hommes qui ont apporté leur voix au PS ou aux Verts. Faute de mieux à leurs yeux. Et au-delà de celles et ceux qui accompagnent ou soutiennent un parti politique, on en trouve parmi ces dizaines de milliers de gens qu’on appelle parfois des non encartés, altermondialistes, anti-nucléaires, écologistes, décroissants, faucheurs volontaires, militants des droits humains dont le grand rassemblement du Larzac, en août 2003, fut pour beaucoup, un moment fondateur.

C’est à ces femmes et ces hommes qui ne se résignent pas au capitalisme que la LCR offre une perspective. Moi qui ne suis pas membre de la LCR, qui n’appartient pas à la culture politique née de 1917, - ma culture politique, elle puise dans 1793 et 1871 et chez l’homme massacré en août 1914, au Café du Croissant à Paris - qui suis un de ces non encartés, je tiens à le souligner ici avec force : la décision de la LCR de se dissoudre pour se fondre dans un mouvement politique qui la dépasse, qui embrasse à la fois la question sociale et la question écologique et qui s’ouvre à toutes celles et ceux qui partagent ce projet écosocialiste, c’est une décision sans précédent dans l’histoire du mouvement ouvrier français.

Nous sommes, j’en suis convaincu, des millions à rêver d’une gauche qui ne se renierait pas chaque fois qu’elle arrive au pouvoir, d’une gauche qui affirmerait sans complexe : « oui, il y a eu et il y a encore des exploiteurs et des exploités », d’une gauche qui reconnaît la réalité de la lutte des classes même si la composition des classes et les formes de la lutte ont changé. Nous sommes des millions qui n’acceptons pas le capitalisme comme une fatalité. Nous sommes des millions à vouloir une alternative. Cette alternative, si nous le voulons tous ensemble, avec le NPA, elle est maintenant possible.

Nous sommes à la tâche. Et nous sommes nombreux. Nous sommes riches de nos diversités, de nos cultures politiques respectives, de nos expériences et aussi de la fraîcheur et de la créativité de celles et de ceux qui n’ont pas d’expérience, si ce n’est celle de leurs premiers pas dans la vie et de leurs premières confrontations avec le capitalisme.

J’ai qualifié le projet que nous portons d’une expression nouvelle dans le vocabulaire politique : écosocialisme. Qu’entendons-nous par là ?

On part d’un constat : le capitalisme exploite les humains et la terre. Il est à l’origine de la question sociale et de la question écologique. Comme l’a si bien observé François Chesnais, Marx déjà constatait que « la production capitaliste ne se développe qu’en épuisant les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur » (Le Capital, p.182). Et Chesnais a très justement déploré que « la pensée critique se réclamant du marxisme a été terriblement déficiente sur le plan des rapports à la nature ».

Une approche écosocialiste, cela signifie satisfaire les besoins sociaux de manière écologique. Et la satisfaction écologique des besoins sociaux ne peut se réaliser ni par des voies autoritaires, ni par des voies fiscales.

Seule la délibération démocratique peut présider à la définition des choix. Ce qui implique de revisiter la démocratie pour en faire ce que, déjà, Jaurès appelait de ses vœux : un outil révolutionnaire.

Mais le danger immédiat qui nous guette, c’est le traitement capitaliste des problèmes écologiques. Un capitalisme vert est en cours d’élaboration. On en a vu des prémisses avec le Grenelle de l’Environnement et les multiples taxes envisagées par le gouvernement. C’est faire payer par le plus grand nombre le coût des dégâts écologiques provoqués par les profits de quelques-uns. Ce sont les solutions avancées par la droite, mais aussi par les sociaux-libéraux, par les Verts et par tous ceux qui refusent d’accepter que la course au profit est à l’origine de la destruction de l’environnement avec ses conséquences pour la santé, pour la préservation de la biodiversité, pour le maintien des grands équilibres et pour la survie même de la planète dans l’état où les générations précédentes nous l’ont léguée.

C’est un immense chantier qui s’ouvre devant nous. C’est notre volonté de saisir à bras le corps le double impact social et écologique du capitalisme. Aucune solution n’est durable si elle se contente d’aménager le système. C’est bien là que se trouve la justification de notre démarche anticapitaliste. Au regard de ce que nous voulons entreprendre, nous pouvons faire beaucoup plus que de la politique. Nous pouvons écrire une page d’histoire.

Raoul Marc Jennar est membre d’un comité des Pyrénées orientales et animateur du mouvement altermondialiste. (Intervention faite au meeting NPA 66, à Perpignan, le 18 octobre 2008)

Article sur le site du LCR-NPA :

« Aux capitalistes de payer leur crise ! Trois mesures d’urgence anticapitaliste face à la crise financière

Dans l’immédiat, les salariés n’ont rien à gagner à un effondrement du système financier, car un tel effondrement signifierait la fin du crédit, et la fin du crédit, c’est l’impossibilité de financer les activités réelles de production de biens et de services, donc une accélération dramatique de la crise sociale. Il n’y a donc pas lieu de s’opposer, sur le principe, au sauvetage des banques. En revanche, c’est sur les conditions dans lesquelles celui-ci s’effectue que doit se concentrer la bataille. Les banques défaillantes doivent passer sous contrôle public total, sans indemnisation de leurs actionnaires. Il faut aussi exiger l’ouverture des livres de comptes de toutes les banques, de manière à ce qu’un contrôle public effectif sur le secteur soit possible. Par ailleurs, l’ensemble des débats qui s’engagent sur la « reréglementation » ouvre une brèche dans laquelle il faut s’engouffrer. Il ne faut pas se tromper, la libéralisation de la finance, au fil des années, a été une arme de destruction massive des droits sociaux et des services publics. Inversement, revenir sur ces mesures constituerait un point d’appui majeur pour les salariés. De ce point de vue, le travail de longue date d’Attac contre les paradis fiscaux ou pour la taxation des transactions financières, entre autres, est plus que jamais d’actualité. De manière plus détaillée, des propositions de réglementation visant à briser le pouvoir de la finance et à mettre un terme aux crises récurrentes émergent. Les discussions sont souvent un peu techniques, mais une mesure mérite sans doute d’être mise en avant : l’abrogation de l’article 56 du traité de Lisbonne, qui interdit toute restriction à la circulation du capital et lui offre une condition essentielle pour mettre en concurrence les travailleurs et les sociétés.

De manière plus précise, deux mesures peuvent être avancées. Premièrement, opérer un prélèvement exceptionnel sur les dividendes et les transférer à un fonds de mutualisation sous contrôle des salariés. Ce fonds, dont l’usage devrait être débattu démocratiquement, permettrait par exemple de financer l’interdiction des licenciements en garantissant le maintien des revenus des chômeurs. Deuxièmement, garantir le pouvoir d’achat des salariés en retirant les aides publiques aux entreprises qui s’y refuseraient. De telles mesures permettent de faire payer la crise à ceux qui en sont responsables, tout en jetant les bases d’une meilleure répartition des richesses. Au-delà de ces mesures d’urgence, un véritable bouclier social implique de mener à bien la contre-offensive, notamment dans le domaine de la santé et des retraites. Pour les retraites, c’est évident : fondamentalement, il n’y a pas de problème de financement ; l’allongement de la durée de cotisation n’est donc qu’un stratagème qui vise à affaiblir le régime par répartition en diminuant le niveau des retraites effectivement versées, puisqu’il est de plus en plus difficile de toucher une pension à taux plein. En conséquence, ceux et celles qui en ont les moyens sont incités à souscrire à une retraite par capitalisation. Or, la crise du système financier va révéler au grand jour le risque considérable auquel sont exposés les salariés dont les retraites dépendent des fonds de pension. Des millions de personnes, aux Etats-Unis, vont en faire les frais. Il faut agir aussi sur la santé, en revenant sur toutes les mesures qui conduisent à rendre l’accès aux soins de plus en plus coûteux (franchises médicales, déremboursements, hausse du ticket modérateur…). Garantir les retraites par répartition et la gratuité de l’accès aux soins sont non seulement des mesures essentielles de justice sociale, mais aussi un moyen de faire face à la crise : en réduisant l’incertitude des salariés quant à leur avenir, on limite aussi la casse immédiate que va provoquer le recul de la consommation. Enfin, le bouclier social se construira aussi au niveau local, par l’autodéfense des salariés et des communautés locales : entreprise par entreprise, contre les licenciements, il faudra exiger l’ouverture des livres de comptes pour montrer qu’il est possible de préserver les emplois. Et, pourquoi pas, comme les salariés de Lip en 1974, ceux de l’usine Continental de Guadalajara au Mexique en 2005, ou de nombreuses usines en Argentine après la crise de 2001, faire en sorte que les salariés prennent eux-mêmes le contrôle de leurs entreprises. 3. Pour l’écologie et pour l’égalité, un contrôle démocratique de l’orientation des investissements Au-delà des mesures de défense immédiate des salariés et de la contre-offensive vis-à-vis du pouvoir de la finance, la crise est une opportunité majeure de permettre aux anticapitalistes de développer leur projet de société. Tout l’enjeu est d’être en mesure de passer d’une propagande abstraite sur les méfaits du capitalisme et la nécessaire socialisation des moyens de production à des mots d’ordres concrets. On peut, dans la situation actuelle, s’appuyer sur deux éléments. Premier point : à quoi sert la finance, si ce n’est, après moult détours et spéculations, à répartir l’investissement des capitaux ? Aujourd’hui, c’est cette faculté d’orienter le développement de l’activité économique selon le seul critère du profit maximal qui est en crise. Il faut donc un autre mécanisme de direction de l’activité économique. Second point : la planète et les sociétés humaines sont aujourd’hui au bord du gouffre du fait d’une orientation du développement économique qui détruit à une vitesse effroyable les écosystèmes et produit des inégalités extrêmes. Il nous faut une autre orientation de l’activité économique. Puisque la finance capitaliste a doublement failli dans sa gestion de l’investissement, toutes les banques doivent intégrer un pôle public de financement de l’économie. Mais ce pôle public ne doit pas être une simple béquille au service du capital. Il doit s’accompagner d’un processus démocratique pour décider et planifier les grandes orientations de l’activité économique en fonction des besoins sociaux, et engager la transition vers un développement respectueux de la biosphère. Mettre en débat le mot d’ordre d’« états généraux de l’investissement pour l’écologie et pour l’égalité » permet ainsi de faire le lien entre la crise de la finance et l’écosocialisme. Voici une manière bien vivante de souhaiter un bon anniversaire au Manifeste du parti communiste !" Cédric Durand

Ce texte ne reflète peu-être pas ce que pensent tous les militants LCR-NPA mais il ne semble pas en contradiction avec les calculs de la direction de ce groupe consistant à reconstruire "une gauche".

LA FRACTION DE LUTTE OUVRIERE

Editorial des bulletins Etincelle du 24 novembre 2008 :

"(...) Difficile de prévoir comment et à quel rythme la crise économique actuelle se développera. Ce qui est sûr, c’est que les patrons la font déjà payer aux travailleurs. Dans ce contexte, les coups contre les salariés sont présentés comme une fatalité. En réalité, il s’agit bel et bien de choix politiques. Car, crise ou pas, les profits se portent bien.
(...) Ce ne sont pas les « nécessités économiques » qui dictent la politique des patrons, c’est la défense de leurs intérêts de classe contre les travailleurs. Si la crise n’existait pas, les possédants auraient pu l’inventer. "

Dans la revue "Convergences Révolutionnaires", dossier sur la crise

mis en ligne le 2 décembre 2008

C’est quoi, une crise ?

"La crise n’est pas seulement une maladie du capitalisme, c’est aussi son mode de régulation. Aiguillonnées par la concurrence, les entreprises capitalistes produisent de façon aveugle et, globalement, cela se fait sans tenir compte du marché solvable. La crise résulte des tensions, inévitables, entre ce qui est produit et ce que peut absorber ce marché. Quand elle éclate, elle se traduit par une dévalorisation massive du capital, sous toutes ses formes. Depuis deux mois, 25 000 milliards de dollars se sont évanouis dans la dépréciation boursière ! Mais, à cette phase de dépréciation du capital financier succèdera (en fait, cela a déjà commencé) une dépréciation de ce que les économistes appellent le capital fixe : les machines, les bâtiments des entreprises qui ferment perdent pratiquement toute valeur.

Ainsi, la crise, en mettant en faillite des entreprises et des banques et en éliminant les plus fragiles, détruit un grand nombre de capitaux « en excès ». Une purge qui rétablit la profitabilité du système, au prix de millions de chômeurs et d’immenses capacités productives laissées en friche. Ce gigantesque gâchis matériel et humain est le seul mode de régulation du système capitaliste.

De la même façon, dans le cours régulier du capitalisme, le chômage est ce que les économistes osent appeler cyniquement « une variable d’ajustement » (cette « armée industrielle de réserve » dont parlait Marx dans Le Capital ).

Mais ces « petites » crises d’ajustement peuvent parfois se transformer en une longue et profonde crise du système semblable à celle de 1929."

Article de la revue "Convergences révolutionnaires" du 2 octobre 2008 :

"Bush veut sauver le capitalisme ? Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !

(...)
Mais c’est le scénario japonais qui a été explicitement évoqué par le secrétaire au Trésor Paulson. Là encore le krach immobilier et boursier qui frappa l’archipel au début des années 1990 laissa les banques exsangues et surendettées. Elles ont passé la décennie à s’en remettre, et pour assainir leurs comptes ont durablement gelé le crédit. Ce qui a permis à l’impérialisme japonais de limiter l’ampleur du recul de ses profits pendant cette décennie de stagnation, ce fut d’un côté des régressions sociales aux dépens des travailleurs, notamment la fin de l’emploi à vie dans les grandes entreprises, de l’autre le dynamisme des exportations et des filiales à l’étranger des entreprises japonaises, installées aussi bien en Chine qu’aux États-Unis. Une solution qui ne pourrait évidemment se présenter pour une crise équivalente aux États-Unis : ils sont le plus grand pays importateur de la planète, avec un gigantesque déficit commercial, et leur position est si centrale dans l’économie mondiale qu’ils entraîneront de toute façon le reste du monde dans leur dépression."

Dossier de la revue "Convergences révolutionnaires"
Mis en ligne le 1er juillet 2008 :

"La crise jusqu’où ?

La crise financière déclenchée l’été dernier n’en finit pas de se développer. Aux États-Unis l’économie est bel et bien entrée en récession. La crise peut-elle être encore plus profonde ?

Ce qui inquiète le plus les milieux dirigeants de la bourgeoisie, ce n’est ni la détresse de millions de travailleurs américains ni la famine mondiale liée à la spéculation, ni même la forte baisse du marché des actions, même si le petit krach de janvier dernier leur a donné quelques suées. Après tout, un krach financier n’est pas automatiquement synonyme de dépression économique ou de long marasme des affaires, comme l’a montré celui d’octobre 1987 qui, à l’inverse de celui de 1929, ne fut pas suivi de drames pour les profits des entreprises et de leurs propriétaires.

Certains se complaisent même aujourd’hui à souligner que les « fondamentaux » sont bons, c’est-à-dire que globalement les entreprises font des profits considérables. Pourquoi la bourgeoisie a-t-elle donc des sueurs froides ? C’est que cette crise financière révèle que certains ressorts de la croissance mondiale, et en premier lieu américaine, des quinze dernières années sont certainement épuisés aujourd’hui.

Une croissance bien réelle

Car croissance il y a bien eu. Même si elle était nettement moins vigoureuse que celle des Trente glorieuses, surtout en Europe et au Japon. Pendant toute cette période le premier moteur de la croissance mondiale fut les États-Unis. Entre 1992 et 2007, sur 15 ans, ils ont connu 10 années de croissance supérieure à 3 % (contre une seule dans l’UE et aucune au Japon). De 1994 à 2007 la production de l’économie américaine a cru de près de 60 %.

Cette croissance a été alimentée par des progrès de productivité, liées aux nouvelles technologies de l’information qui ont permis de mieux gérer les entreprises, de gaspiller moins de capital, de mieux coordonner le travail humain… et de mieux l’exploiter. D’autant plus que les entreprises américaines ont massivement investi dans ces équipements, qui sont devenus rapidement plus efficaces et moins chers, vu les énormes progrès de la productivité dans les secteurs qui les fabriquent. À ce facteur technologique s’est ajoutée une exploitation croissante du monde du travail, soumis à davantage de précarité et à un temps de travail grandissant.

Mais une croissance à crédit

La croissance américaine reposait aussi largement sur une forte consommation, sans laquelle ces investissements des entreprises n’auraient pas eu de sens. Un paradoxe, puisque les salaires de la plupart des Américains ont stagné depuis le début des années 1990. Le salaire médian américain (le niveau au-dessus duquel se situent la moitié des salariés) n’a progressé par exemple que de 11 % entre 1996 et 2001. Le salaire horaire ouvrier moyen a même baissé depuis le début des années 1980 alors que le PIB américain faisait plus que doubler ! L’essentiel des nouvelles richesses créées ont été accaparées par les couches les plus riches de la population, dont l’appétit certes vorace de biens et services en tous genres ne saurait à lui seul expliquer le dynamisme de la consommation américaine, car les revenus des plus riches cherchent pour l’essentiel à se placer dans les actifs financiers et du patrimoine.

Comment expliquer alors une telle « consommation des ménages », comme on dit, dont la part dans le PIB américain est passée d’une moyenne de 67 % entre 1975 et 2000 à 72 % ces dernières années ? Comment le capitalisme américain a-t-il pu avoir le beurre et l’argent du beurre, les bas salaires à verser et les bonnes ventes quand même ?

Le système a reposé sur un endettement galopant, adossé à un boom de l’immobilier. Les Américains ont acheté massivement dans l’immobilier, y compris en s’endettant lourdement. Les prix des maisons augmentant de façon spectaculaire et continue d’année en année (la valeur moyenne d’un logement a augmenté de 100 % entre 1997 et 2006), il y a eu un « effet enrichissement », les ménages se permettant de contracter des emprunts pour consommer au vu de l’élévation considérable du prix de leurs biens, qui semblait leur assurer une plus-value potentielle considérable. Les prêts à la consommation étant souvent hypothéqués sur la valeur sans cesse croissante des maisons, l’endettement entraînait le boom de l’immobilier qui entraînait l’endettement.

Le secret pour que cela continue de marcher, c’était bien sûr… que cela continue de marcher. La bulle fut donc alimentée consciencieusement ces dernières années par les prêteurs en tout genre et par les autorités américaines elles-mêmes, qui ont maintenu des taux d’intérêt bas pour rendre les emprunts plus attractifs. Avec ses ultimes conséquences : laisser s’endetter sans retour les couches les plus pauvres de la population, par la magie des prêts subprimes , histoire de faire durer encore un peu plus la bulle. Et la croissance.

Les ménages américains ont aujourd’hui un taux moyen d’endettement sans précédent, environ 140 % du revenu annuel.

Crise du crédit, crise de la consommation

Quand la bulle a éclaté, en juillet 2007, à sa pointe extrême (les subprimes ), c’est tout le château de cartes de la croissance américaine aux voiles gonflées par le surendettement qui s’est révélé branlant, prêt à s’effondrer.

Que risque-t-il alors de se passer ? D’abord la crise peut se développer par rationnement du crédit. C’est ce qui est arrivé lors de l’éclatement d’une autre bulle spéculative qui faisait suite à une période de vive expansion… en 1929. À l’époque, avec la faillite de nombreuses banques et la ruine d’une multitude d’actionnaires, le système financier a implosé. Quand la bourse a brutalement chuté, lors du fameux jeudi noir d’octobre 1929, les banques se sont retrouvées écrasées de titres sans valeur, endettées, et ont gelé les crédits. De proche en proche la crise a gelé toute l’économie capitaliste, la dictature du profit privé empêchant toute vraie relance de la machine économique.

Ce scénario noir est censé être évité désormais par l’intervention massive et internationalement coordonnée des États, pour sauver la finance. Mais si une paralysie catastrophique du crédit a été évitée, un long marasme ne le sera pas forcément. C’est ce qui s’est passé au Japon, en 1989. Une bulle boursière et immobilière éclata alors (l’indice boursier valait 40 000 yens en décembre 1989, contre 13 000 aujourd’hui !), ce qui laissa une montagne de dettes dans les bras des banques et des entreprises, les amena à geler durablement leurs investissements, et mit à mort le système de « l’emploi à vie » dans les entreprises, qui se rattrapèrent par leurs performances à l’exportation.

Sauf que cette fois, contrairement aux autres crises financières des trois dernières décennies, on se retrouve véritablement au cœur du capitalisme mondial ! Les banques, et d’ailleurs la bourgeoisie du monde entier, ont des « positions » c’est-à-dire des actifs dans le système financier américain. Quant à l’économie américaine, sa croissance n’a pas seulement fait l’affaire des entreprises produisant sur le sol américain : elle a largement entraîné pendant plus d’une décennie toute l’économie mondiale, en important massivement, notamment auprès des pays émergents, Chine en tête, qui sont du coup énormément dépendants de leurs ventes sur le marché américain. C’était là encore une consommation à crédit, avec un gigantesque déficit commercial chronique en défaveur des États-Unis.

Une forte récession américaine, ou un ralentissement très durable, c’est donc une crise économique grave pour le monde entier qui peut s’annoncer.

La crise ne se résume pas à un délire de la finance

Le problème posé par la crise financière actuelle dépasse largement celui de la seule finance, qui serait comme une maladie qui contaminerait l’économie réelle de l’extérieur, une maladie qu’il faudrait juguler en régulant le diable de la spéculation, des marchés financiers irrationnels et des fonds spéculatifs irresponsables.

C’est en fait la croissance mondiale (de l’économie dite réelle) telle qu’elle fonctionnait depuis 15 ans qui craque aujourd’hui sous les contradictions habituelles du capitalisme. Celui-ci exige de développer les marchés tout en accentuant l’exploitation et en maintenant ses soutiers dans la misère, et il cherche à élargir ses limites par le crédit et les bulles financières. Ce sont ces contradictions de l’économie réelle telle qu’elle est soumise aux lois du capitalisme qui expliquent les délires de la finance, non l’inverse.

De là vient que les espoirs de ceux qui veulent se barder d’optimisme au sein de la bourgeoisie, ne portent pas seulement sur une quelconque réforme de la tuyauterie financière mondiale mais sur le fonctionnement général de l’économie mondiale. Et si la croissance économique américaine repartait sur des bases plus « saines », avec plus d’épargne et d’investissement et moins de consommation ? Et si la stagnation américaine était compensée par la croissance chinoise ou indienne ? Et chacun dans le petit monde de la grande bourgeoisie et de ses penseurs d’espérer que la machine mondiale à faire suer les profits trouvera de nouveaux moteurs.

Peut-être leurs vœux seront-ils exaucés. Peut-être allons-nous au contraire connaître un scénario à la japonaise, cette fois bien plus grave car à l’échelle du monde. En tout cas la crise financière actuelle frappe déjà de façon terrifiante des centaines de millions de personnes à travers le monde."

Article bref du 3 novembre 2008 :

"Les patrons et les actionnaires sont menacés de faillite ? Bien sûr que non, mais crise ou pas crise, ils veulent maintenir leurs profits. "

LUTTE OUVRIERE

"L’économie capitaliste vers la crise généralisée

Depuis la rentrée de septembre, la crise de l’économie capitaliste s’est étendue et s’est accélérée. Plus personne ne peut nier qu’il s’agit d’une crise d’une ampleur comparable à celle d’octobre 1929.
La rapidité avec laquelle la tempête financière se propage donne le tournis. Quoi que fassent les dirigeants affolés des États, la crise ne cesse de s’aggraver. À peine un État éteint-il à coups de milliards l’incendie d’une banque qu’un autre incendie s’allume. Quand ce n’est pas une grande banque qui s’effondre, c’est la Bourse qui chute. En ces premiers jours d’octobre, alors que les gouvernements multiplient les gestes pour arrêter la panique des « investisseurs » – c’est-à-dire de tous ces possesseurs de capitaux qui, en plaçant et en déplaçant leur argent, nourrissent l’incendie financier –, les indices des places boursières, Nikkei, CAC 40 et autres Dow Jones, s’effondrent les uns après les autres au fil du décalage horaire.
Les vagues successives de la crise
L’histoire retiendra peut-être la date du mercredi 8 août 2007 comme étant le début de la crise. C’est en effet ce jour-là que ce qui apparaissait dans les mois précédents comme une simple crise dans l’immobilier américain s’est transformé en crise financière, qui plus est mondiale.
Nous ne reviendrons pas ici en détail sur les mécanismes à travers lesquels une crise qui n’était, somme toute, que sectorielle, comme il y en a eu bien d’autres au cours des trente dernières années, s’est propagée dans le monde entier. Nous ne reviendrons pas non plus sur la technique de ces fameuses « titrisations » qui mélangeaient du crédit hypothécaire américain risqué avec d’autres types de crédits, que les banques, les sociétés d’assurances et les entreprises s’arrachaient à l’époque où ils rapportaient gros mais qui, ayant brutalement perdu de leur valeur, empoisonnent aujourd’hui tout le système bancaire.
Rappelons seulement que la méfiance à l’égard des titres susceptibles d’être empoisonnés par une portion de mauvais crédits a semé la suspicion entre les banques. Cette suspicion s’est généralisée à tous les titres. En se généralisant, elle a engendré une crise de confiance entre banques.
Les différentes banques procèdent entre elles, jour après jour, à des myriades d’opérations, où l’argent circule sous forme de titres. La méfiance à l’égard des titres a abouti à cette aberration que, dans ce monde financier qui regorge d’argent, il y a une crise des liquidités. Depuis un an, les banques ne se prêtent plus d’argent pour lequel un dépôt de titre sert d’ordinaire de contrepartie ou n’en prêtent qu’à des taux prohibitifs. Le système bancaire ne fonctionne que parce qu’il est sous perfusion, alimenté par les banques centrales.
Mais dès ses débuts, la crise s’est diversifiée. Au long de l’année, à la crise immobilière et à la crise financière, se sont ajoutées une crise du pétrole, plus généralement une crise des matières premières, une crise alimentaire, mais aussi la récession dans l’économie productive. En réalité, c’est la même crise qui s’écoule par plusieurs canaux, tantôt se déversant les uns dans les autres, tantôt se séparant, s’inter-influençant toujours.
C’est ainsi, par exemple, que la crise d’origine, la crise dans l’immobilier américain, a alimenté directement la crise du pétrole, des matières premières et même la crise alimentaire, tout simplement parce que c’étaient des capitaux en quête de placements chassés de l’immobilier qui sont allés vers les matières premières, y compris alimentaires, en en faisant brutalement monter les prix (des prix qui, depuis, font du yoyo, celui du pétrole, par exemple, au hasard des autres soubresauts de la crise ou des jugements que s’en font les spéculateurs).
En ce début du mois d’octobre 2008, il apparaît évident qu’il s’agit de la même crise, d’une crise générale de l’économie capitaliste. Une crise où, à la différence de 1929, les grands États impérialistes ont immédiatement volé au secours de leurs financiers et, au-delà, de leur classe capitaliste. Mais, pour le moment, sans succès…
L’aggravation de la crise depuis la rentrée de septembre, marquée par la mise sous tutelle le 7 septembre 2008, c’est-à-dire la nationalisation de fait par le gouvernement américain, de deux institutions financières, Fannie Mae et Freddie Mac, par la faillite d’une des plus grandes banques d’affaires de Wall Street, Lehman Brothers, le lundi 15 septembre et par le sauvetage in extremis de la société d’assurances AIG, a amené les États, et en premier lieu celui des États-Unis, à déverser dans l’économie des sommes fantastiques.
Rien que les premières interventions de l’État américain représentent une facture de 1 050 milliards de dollars pour le Trésor américain (dont les 700 milliards du plan Paulson destinés à racheter aux banques leurs titres pourris). Rappelons, pour comparaison, que les réserves de la banque centrale des États-Unis sont de l’ordre de 800 milliards de dollars.
Mais les banques centrales des autres puissances impérialistes ne sont pas en reste : l’équivalent de 170 milliards de dollars pour la banque centrale européenne ; même montant pour la banque du Japon. Et le compteur n’arrête pas de tourner. Le jour même où la presse économique récapitulait les dépenses antérieures des banques centrales ou des États, la banque d’Angleterre annonçait une prévision de dépenses de 250 milliards de livres sterling.
C’est une politique de classe cynique et brutale. La seule « sortie de crise » proposée par la bourgeoisie coûtera aussi cher aux classes populaires que la crise elle-même. Ce sont elles qui auront à payer les sommes offertes aux responsables de la crise. L’objectif le plus urgent de tous les gouvernements est de stopper la crise de confiance généralisée. Dans le monde des affaires, personne ne fait confiance à personne. Les banques ne se prêtent plus entre elles, ce qui affole les marchés boursiers. Et l’effondrement des Bourses en même temps que les difficultés du crédit atteignent le financement des entreprises elles-mêmes.
Pour rompre cet enchaînement infernal, les dirigeants des États essayent de persuader les marchés financiers, c’est-à-dire en fait les propriétaires des capitaux qui s’agitent sur ces marchés, qu’ils ne courent pas de risques à faire confiance aux autres banques car les États sont décidés à prendre la place de celle qui serait éventuellement défaillante. Mais cela ne suffit pas pour rétablir la confiance entre banques.
Les États ont beau y déverser tant et plus d’argent, le système financier apparaît comme un puits sans fond.
Pour le moment, rien n’y fait. La Bourse, qui est un bon baromètre de l’économie capitaliste, continue à s’effondrer. Il n’y a pas, comme en 1929, un seul « jeudi noir » où les Bourses se seraient effondrées de 40 % en quelques jours, mais il y a ce qu’ils appellent un « effondrement rampant ». Par rapport à son niveau le plus élevé, il y a un an, l’indice de la Bourse de New York en était, au début du mois d’octobre, à une baisse de 32,5 %. Rien que pour le « lundi noir » du 6 octobre 2008 – un « lundi noir » de plus, après celui du 15 septembre où la banque Lehman Brothers, un des piliers de Wall Street, a fait faillite –, le CAC 40, l’indice de la Bourse de Paris, a connu la plus forte chute depuis sa mise en place, soit 9,04 %. Et le lendemain, plus de 6 % de chute supplémentaire. Des chutes de l’ordre de 7 % à Londres et à Francfort. Et la Bourse de Tokyo, qui pouvait se considérer comme heureuse avec une chute de 3 % le « lundi noir », avait perdu 9 % le lendemain !
Mais cela peut être pire encore. Pour le moment, la panique se limite au monde de la finance elle-même, aux banquiers, aux gérants de fonds de placement qui ne savent plus à quel titre se vouer. Mais que se passerait-il si la panique se généralisait ?
Les dirigeants politiques se répandent en déclarations rassurantes. Ils font de la « protection des épargnants » un des leitmotivs de leurs promesses. Mais leur véritable préoccupation n’est pas de protéger les épargnants, mais de protéger les banques et autres caisses d’épargne d’une panique venant des épargnants.
Aux origines de la crise financière
Les raisons fondamentales de la crise financière n’ont rien de mystérieux. Les produits financiers – les actions, les obligations, les titres de crédit et la multitude de titres représentant une combinaison plus ou moins sophistiquée de tout cela – sont des produits comme les autres. Ils ont leurs marchés. Ils se vendent, ils s’achètent, de préférence avec du profit. Malgré le caractère éthéré des produits, de plus en plus détachés du réel au gré de la sophistication, les marchés financiers régulent l’offre et la demande, comme n’importe quel autre marché, après coup. C’est-à-dire dans la crise. Les crises ne constituent pas une aberration de l’économie capitaliste, mais ses seuls moments de régulation. Ce sont les crises qui mettent, en quelque sorte, de l’ordre dans un fonctionnement économique chaotique, où chaque capitaliste suit son propre plan, ses propres intérêts et court après son propre profit individuel.
En d’autres termes, ce n’est pas cette phase du fonctionnement normal de l’économie capitaliste qu’est la crise qui est irrationnelle, aveugle, c’est l’économie capitaliste elle-même dans son fonctionnement d’ensemble qui est irrationnelle par rapport aux besoins et aux possibilités de la société, à son degré de développement.
Les produits financiers sont, plus encore que les produits matériels, sujets à la spéculation. Dans une interview parue dans Le Parisien du 9 octobre 2008, Pascal Lamy, président de l’Organisation mondiale du commerce – et social-démocrate, comme il sied pour être parmi les serviteurs les plus en vue du grand capital –, prend le contre-pied du climat ambiant où Sarkozy comme Bush, la main sur le cœur, s’en prennent aux spéculateurs en les désignant comme les responsables de la crise. Il déclare : « Ne faisons pas comme si la notion de spéculation était une sorte d’infamie morale ». Au fond, il est plus sincère que les autres car la spéculation est inhérente au fonctionnement capitaliste de l’économie.
« La spéculation est inhérente à la nature humaine », éprouve cependant le besoin d’ajouter Lamy, rejoignant ainsi une armada d’autres serviteurs et défenseurs du capitalisme du présent et du passé. Mais le fonctionnement de l’économie n’a rien à voir avec la nature humaine, pas plus qu’avec les lois éternelles. La concurrence, la course au profit, la spéculation sont inhérentes à une forme d’organisation économique, le capitalisme, qui a eu ses heures de gloire à ses débuts, il y a plus de deux siècles, lorsqu’il avait permis à l’humanité d’accomplir des progrès formidables, mais qui est devenu une cause permanente de gaspillage et un facteur de désagrégation sociale périodique.
Mais si la crise financière prend l’ampleur qu’elle a aujourd’hui, c’est en raison de la prépondérance acquise par la finance sur la production et en raison aussi de la masse financière en circulation dans l’économie.
Si la prépondérance de la finance n’est pas chose nouvelle – Lénine y voyait déjà un des aspects fondamentaux de l’impérialisme –, le gonflement des masses financières, la financiarisation de l’économie sont inséparables de l’histoire économique des toutes dernières décennies, en gros celles qui nous séparent de la fin des prétendues Trente Glorieuses et du début de la longue période de croissance lente de l’économie.
Les premières formes d’expression de cette financiarisation ont été constituées par les « euro-dollars », c’est-à-dire ces dollars qui correspondaient à des crédits en dollars émis par des banques hors des États-Unis, c’est-à-dire non contrôlés par le gouvernement américain. Les « pétro-dollars », les dollars accumulés par les trusts du pétrole et par les potentats des pays pétroliers, et non investis dans la production, avaient pris le relais.
La coïncidence entre la fin de la période de relative expansion de l’après-guerre et le début de la financiarisation de l’économie n’est pas fortuite.
Ce sont la saturation du marché des produits et la baisse du taux de profit que cela a entraîné qui ont amené le grand capital à engager son offensive multiforme contre le monde du travail pour rétablir le taux de profit au détriment de la classe ouvrière.
Pendant ces quelque trois décennies, la finance n’a cessé de gonfler par rapport à l’activité productive. Des crises financières locales ou sectorielles se sont succédé avec une fréquence croissante. Ces crises ont, chaque fois, cassé l’emballement du moment. Mais, à peine une crise était-elle surmontée que la machine s’emballait de nouveau.
Le gonflement de la finance a connu un nouveau coup d’accélérateur à partir de 2000-2001.
Dans la presse économique, on accuse beaucoup le président de l’époque de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, Alan Greenspan, d’être responsable de l’emballement financier en ayant eu une politique laxiste, de crédit facile. Et, en effet, cette politique de crédit facile avait conduit les banques et les institutions financières à accorder d’autant plus facilement du crédit qu’elles étaient sûres de se refinancer facilement et pour pas cher auprès de la banque centrale grâce au taux d’intérêt particulièrement bas pratiqué par cette dernière.
Mais l’individu ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Sa politique monétaire bénéficiait d’un très large consensus dans la bourgeoisie américaine. Avant 2001, cette politique d’argent facile avait facilité le financement de ce qui passait alors pour la « nouvelle économie », l’informatique, la téléphonie mobile, l’Internet et ses « start up ». Et puis, patatras : cette « nouvelle économie », dont d’aucuns auguraient une nouvelle ère de prospérité, s’est révélée n’être que l’ancienne économie capitaliste appliquée à de nouveaux produits. Comme pour tant d’autres produits, les possibilités productives se sont révélées trop importantes pour les possibilités d’absorption du marché.
Ladite « nouvelle économie » connut sa crise de surproduction. Et la spéculation financière qui s’était greffée sur le développement de l’informatique, après avoir fait gonfler la « bulle Internet », subit le « krach Internet ».
Coïncidence : le krach de la « nouvelle économie » est intervenu à la période où les États-Unis ont connu un autre effondrement, celui des tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre 2001, sous le coup des terroristes de Ben Laden. Les deux événements risquaient de pousser l’économie américaine vers la récession.
Dans un contexte marqué par une menace de récession, à laquelle s’ajoutaient sur le plan politique les conséquences des attentats du 11 septembre 2001, l’intention de la banque fédérale avait été de faciliter la reprise de l’activité économique. D’où le crédit facile. Mais, si le crédit facile a en effet favorisé une certaine reprise, il a favorisé, dans des proportions bien plus importantes, la finance et la spéculation. Une fois de plus, comme si souvent depuis près de quarante ans, c’est la médication administrée pour guérir l’économie d’un mal qui allait conduire à un autre, plus grave encore.
À certains égards, le « krach de la nouvelle économie » a été la toute première phase de la crise financière d’aujourd’hui, ou sa répétition générale. C’est là, en effet, que « l’industrie de la finance », comme disent ses pratiquants et ses profiteurs, a accéléré l’accumulation de ses matériaux, profitant de l’argent facile de la banque centrale.
Puisque le taux d’intérêt bas de la banque centrale rendait le crédit facile, c’est-à-dire l’argent pas cher, pourquoi ne pas emprunter ? Et, comme la production réelle ne demandait pas tant d’argent et surtout pas pour être investi, la finance inventa des instruments financiers de plus en plus sophistiqués. Un Soros, pourtant expert en spéculations, affirme que, parti à la retraite, il ne comprend plus rien aux dits « instruments financiers » avec lesquels jouent ses successeurs !
Le Monde du 10 octobre cite un professeur d’économie à l’École Polytechnique qui affirme que « certains établissements financiers proposaient à leurs clients des actifs dont la description tenait en un manuel de 150 pages ». Cela ne relève pas seulement de l’anecdote. Les banques se méfient les unes des autres parce que personne ne sait de quoi est composé le titre qu’on lui offre en garantie d’un prêt.
Tant que la spirale de la spéculation était ascendante, personne ne s’intéressait à cette sophistication du moment que le titre rapportait. Plus maintenant. Mais pourquoi le crédit bon marché de la banque fédérale a-t-il entraîné ce mouvement spéculatif ?
Le secteur immobilier américain, d’où est partie la crise présente, illustre le mécanisme qui s’est mis en marche. Il y a eu en effet, dans les premières années 2000, une relance de la construction. Des chantiers de construction se multipliaient, des maisons surgissaient de terre, des appartements étaient construits, c’est-à-dire des biens matériels étaient créés. Mais si l’industrie du bâtiment allait bien, les spéculations qui se greffaient dessus allaient mieux encore.
Les subprimes, ces fameux crédits immobiliers bon marché accordés avec le logement acheté en garantie, ont contribué pendant une période à la création de biens réels. Jusqu’à ce que la fabrication de biens virtuels, de ces titres basés sur du crédit risqué, dépasse, et de très loin, la fabrication de biens réels.
La politique de crédit bon marché a fini par alimenter infiniment davantage la spéculation sur l’immobilier que l’industrie du bâtiment.
La tempête financière parcourt les continents
Lorsqu’au mois de septembre 2008, la crise financière s’est accélérée aux États-Unis, ministres et commentateurs se sont succédé pour expliquer qu’il y avait peu de risques que la crise traverse l’Atlantique, en raison des différences entre le système bancaire américain et celui d’Europe.
Le discours était mensonger et stupide. Mensonger parce qu’une des premières banques atteintes par la crise bancaire, la première aussi où on a vu des clients affolés faire la queue pour tenter de récupérer leurs dépôts, a été la banque britannique Northern Rock. Et surtout stupide car, avec l’interpénétration mondiale des systèmes bancaires, il n’y avait aucune raison pour que les banques européennes échappent à la crise financière.
Et, dès les premiers jours de septembre, la crise de confiance a traversé l’Atlantique et a frappé plusieurs banques européennes. Fortis, Dexia, Bradford & Bingley, Hypo Real Estate, Glitnir, n’ont été sauvées que grâce à l’argent public : une banque franco-belgo-néerlando-luxembourgeoise, une franco-belge, une de Grande-Bretagne, une banque d’Allemagne et une d’Islande.
Et s’est reproduite alors en Europe, avec quelques jours de décalage, la même agitation parmi les dirigeants politiques pour sauver les banques menacées de faillite. À ceci près cependant qu’alors qu’aux États-Unis, il y a un gouvernement central qui décide et qui a pris immédiatement les décisions qu’il estimait bonnes pour tenter de consolider la situation et d’arrêter la panique, l’Union européenne n’est qu’une juxtaposition d’États aux intérêts divergents. Parler d’une tentative de réaction européenne ne correspond d’ailleurs pas vraiment à la réalité. Ce sont les dirigeants des quatre puissances impérialistes dominant l’Union européenne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, qui se sont réunis, s’érigeant en directoire des 27 pays de l’Union, en vertu de l’idée simple que ce qui était bon pour leurs bourgeoisies devait être bon pour les 23 autres (y compris pour leurs compères impérialistes espagnols, belges ou hollandais).
Seulement voilà ! Même entre elles, ces quatre puissances ne sont pas parvenues à un accord. Il n’y a pas eu un plan Paulson européen. L’unité de l’Europe est une belle chose dans les discours, mais les plus riches puissances européennes, l’Allemagne en tête, n’ont pas envie de payer pour les autres.
En fait, chaque État, chaque banque nationale se sont mis à aider leurs propres banques, leurs propres institutions financières. Comme aux États-Unis, les compteurs tournent avec des chiffres comportant beaucoup de zéros. Cinquante milliards d’euros dépensés par l’État allemand pour sauver une seule grande banque ! 250 milliards de livres sterling dans le cadre d’une copie du plan Paulson mais limitée à la seule Grande-Bretagne !
Alors que ces dirigeants répètent qu’une réaction unie des États européens est indispensable en étant incapables de la prendre, l’Union européenne montre ses limites.
Il n’est même pas garanti que l’euro – qui n’est la monnaie commune que d’une partie de l’Union européenne – résiste à la crise. Le « chacun pour soi », c’est-à-dire le sauvetage de ses propres banques, de sa propre bourgeoisie, conduit nécessairement non seulement à l’accroissement des dépenses de chaque État, mais aussi à ce que s’aggravent les différences entre ces dépenses. Les dirigeants européens commencent d’ailleurs à parler d’un assouplissement des critères de Maastricht. Aucun des États n’aura cependant envie de payer pour une inflation de l’euro dont sera responsable un autre État. La tentation sera forte, pour les plus forts, de se retirer de la zone euro pour en revenir à une monnaie nationale, plus facile à contrôler en fonction des intérêts de la bourgeoisie nationale.
La guerre entre banques
« Reprenez vos esprits ! », s’est écrié Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, lorsqu’il a constaté que, malgré la décision concertée, le 8 octobre 2008, de sept banques centrales de réduire leurs taux d’intérêt, les prix des actions ont continué à baisser et les Bourses à chuter. Mais si les prix des actions continuent à baisser, c’est tout d’abord que, pendant la période antérieure, ils ont été largement surévalués et qu’ils n’ont pas encore trouvé leur équilibre.
Il y a un lien, en tout cas il est censé y en avoir un, entre les prix des actions et les dividendes qu’elles rapportent. La récession qui s’annonce poussera le taux de profit vers le bas, les dividendes aussi. Il est donc dans l’ordre des choses que les prix des actions baissent. Pour reprendre la terminologie des financiers et des commentateurs, « le marché corrige » les prix des actions, après coup là encore, comme toujours, c’est-à-dire dans la violence d’une crise. Après l’emballement et la surévaluation de la période de montée, voilà la descente.
Et c’est sur ce mouvement que se greffe la spéculation pour l’amplifier en lui donnant un caractère chaotique. Il y en a pendant les périodes d’emballement, où tout le monde veut acheter, comme dans les périodes de chute qui résultent du fait qu’il y a plus de gens qui vendent que de personnes qui achètent.
L’incantation de Jean-Claude Trichet est destinée évidemment aux vendeurs pour qu’ils arrêtent de vendre. Mais elle ne s’adresse probablement pas aux actionnaires petits et moyens, affolés. Ce ne sont pas eux qui donnent le ton sur les grands marchés financiers de New York, Paris ou Francfort, auxquels la plupart d’entre eux n’ont pas accès.
Les ventes massives d’actions qui font baisser les prix ne viennent pas seulement d’une multitude de ventes de « traders » affolés. Il y a eu des ventes massives concertées. En réalité, derrière l’agitation désordonnée, il y a l’action concertée de gros requins du capital financier qui non seulement ont les moyens de se protéger contre la baisse de la Bourse, mais ont même, à certains moments, les moyens de la provoquer, de l’accentuer et d’en tirer profit.
La presse a relaté comment Warren Buffett, déjà l’homme le plus riche de la planète, est en train d’agrandir sa fortune en spéculant à la baisse. Mais il y a encore autre chose. Après la faillite de Lehman Brothers, les grandes banques savent qu’elles ne survivront pas toutes à la crise. Elles savent aussi d’expérience que les périodes de crise offrent des opportunités extraordinaires. Un mouvement de spéculation peut faire baisser les prix des actions d’une banque bien en dessous de la valeur réelle de la banque en question, de ses réseaux, de ses dépôts, de sa clientèle, etc. C’est le moment pour les chacals de la finance de se jeter sur le cadavre. Et parfois ce sont eux qui tuent.
La presse a rapporté que la banque Lehman Brothers, cette vénérable institution quasi-centenaire de Wall Street, n’a pas péri de mort naturelle mais parce qu’une de ses rivales, la banque J.P. Morgan, lui a maintenu la tête sous l’eau quand elle était en difficulté.
Le plus gros coup du spéculateur retraité Soros a été en son temps lorsque, spéculant à la baisse du taux de change de la livre sterling anglaise, une fois la baisse intervenue, il encaissa plusieurs milliards de dollars. En fait, Soros avait spéculé avec des sommes tellement considérables qu’en pariant sur la baisse des cours, il l’avait provoquée.
Il se passe en ce moment une multitude de phénomènes du même genre sur le marché financier. La baisse des cours résulte de l’affolement de beaucoup de ceux qui essaient de vendre pour ne pas perdre. Mais elle résulte sans doute aussi de la lutte à mort entre les mastodontes de la finance qui provoquent des mouvements de vente pour affaiblir un concurrent ou pour l’achever.
C’est irresponsable, même du point de vue de la bourgeoisie ? Oui, c’est irresponsable. Mais, comme le résumait si bien Lénine : les capitalistes sont prêts à vendre la corde destinée à les pendre.
La crise financière a déjà conduit à plusieurs regroupements, fruits de ce qui semble être un accord – ainsi les Caisses d’Épargne avec les Banques Populaires –, mais bien plus souvent issus de rachats. La banque Lehman Brothers a été finalement rachetée, pour moins de deux milliards de dollars, par J.P. Morgan qui a si bien contribué à l’achever, alors que ses actifs étaient estimés à plus de 300 milliards de dollars !
Près de la moitié des banques vedettes de Wall Street ont disparu, soit par faillite comme Lehman, soit parce qu’elles ont été rachetées, généralement pour une petite fraction de leurs actifs. Exit Wachovia, exit Washington Mutual, exit Merril Lynch ; et Goldman Sachs n’a pu sauver momentanément sa peau que grâce au soutien – ô combien intéressé – du milliardaire Warren Buffet.
Chose remarquable : bien souvent, le requin victorieux l’est parce qu’il a été aidé par un État. Confronté à la menace de faillite d’une banque, l’État nationalise, c’est-à-dire rachète la banque quand il n’a pas le choix. Mais lorsqu’il a le choix, il prend des participations et aide la banque la plus puissante à l’emporter, en prenant une part dans l’affaire. C’est ainsi que l’État participe avec l’argent public à la lutte à mort entre grandes banques.
Il en résulte un mouvement de concentration dans le secteur bancaire. C’est, en fin de compte, une des principales fonctions de la crise : faire place nette, se débarrasser d’un trop-plein d’institutions financières au profit d’une concentration encore plus grande.
Récapitulant, le 3 octobre, le mouvement de concentration en cours, le journal Les Échos voit émerger trois méga-trusts bancaires, J.P. Morgan, Citigroup et Bank of America mais il ajoute : « Dans le paysage incroyablement mouvant du secteur bancaire américain, les classements ne tiennent pas vingt-quatre heures ».
Alors, autant dire que les admonestations purement verbales d’un Trichet ne pèsent guère dans la balance, pas plus que celles des chefs d’État, qu’ils soient ensemble ou séparés. Ce ne sont pas eux qui décident. Leur rôle se limite à colmater les brèches, à rassurer les petits déposants, à faire croire que ce qui se passe n’est pas aussi grave qu’il y paraît, c’est-à-dire à faire le travail politique pour lequel la bourgeoisie les paie.
L’activisme des grandes banques, des grands possesseurs de capitaux, qui pèsent si lourd dans l’ampleur de la spéculation, ne s’arrêtera que lorsque les plus puissants seront arrivés à bout de leurs projets.
De la crise financière à la récession
Aux États-Unis, c’est la crise financière qui a entraîné l’économie dans la récession. Sous le titre « La Fed au secours des entreprises », Le Figaro du 8 octobre 2008 rapporte une affirmation significative sur la façon dont l’économie productive est atteinte par la tempête financière. Pour financer les dépenses immédiates, comme le paiement de leurs employés ou de leurs fournisseurs, les grandes entreprises émettent des billets de trésorerie. Mais, affirme le journal, « la crise de confiance a atteint un tel degré qu’il est devenu difficile ou trop coûteux pour les sociétés commerciales d’assurer normalement leurs besoins de trésorerie en émettant comme d’habitude des créances à court terme. On estime à 1 600 milliards de dollars l’encours de ces billets de trésorerie actuellement sur le marché… ». Ne trouvant plus preneurs pour leurs billets de trésorerie, les entreprises se retrouvent à court de liquidités et, pour la première fois depuis le début de la crise financière, la banque centrale américaine s’est lancée dans le rachat de créances à court terme d’entreprises non financières. Ainsi donc, comme pour le marché financier entre banques, c’est l’État qui remplace les banques dans le rôle qui devrait être le leur en prêtant aux entreprises.
De la finance, la crise se propage à l’économie productive. Elle touche déjà la construction, l’automobile et, de plus en plus, le textile. À la baisse du pouvoir d’achat des classes populaires qui réduit le marché s’ajoute la difficulté d’obtenir du crédit.
Et, contrairement aux contes de fée que les dirigeants européens racontent à leurs peuples, la crise risque de toucher plus gravement encore l’Europe que les États-Unis. La récession américaine est une conséquence de la crise financière. L’Europe, en revanche, et en particulier la France, allait vers la récession avant même que la crise financière ne l’atteigne vraiment, notamment en raison de la hausse brutale du prix du pétrole. En atteignant son plein effet, la crise financière aggravera encore la récession.
Un gaspillage colossal
Les augures du FMI, tout en reniant leurs propres prévisions optimistes d’il y a quelques mois, pour annoncer la croissance zéro, voire négative, affirment cependant, comme leur chef économiste, que « les risques d’occurrence d’une dépression semblable à celle des années 1930 sont quasi-nuls ». Depuis les premières prémisses de la crise, on en a vu des augures du même acabit se succéder pour annoncer, à chaque étape, que la crise était finie, ou pas loin de l’être, avant d’être obligés d’avaler leur chapeau !
Quand bien même le FMI aurait raison, les gâchis de la crise présente sont déjà colossaux car les pertes ne sont pas que virtuelles. Des chantiers de construction sont arrêtés, des usines ralentissent leurs activités ou ferment, et des travailleurs sont jetés à la rue.
Et il y a le passé. Les profits partis en fumée résultent de l’exploitation, elle, bien réelle. Les salaires bloqués, les cadences de travail aggravées, les réductions d’effectifs pour faire produire plus par moins d’ouvriers, la flexibilité et la précarité, visent, au nom de la compétitivité, à accumuler toujours plus de profit. Et tout ça pour ça… !
L’humanité paie d’un prix exorbitant la persistance de l’organisation économique basée sur le marché et la recherche du profit.
Toute prévision sur les futurs développements de la crise serait oiseuse. On peut seulement constater avec quelle rapidité la classe capitaliste et ses représentants à la tête des États ont jeté par-dessus bord les discours du « laisser-faire » qui dominaient auparavant. Les gouvernements les plus réactionnaires font intervenir l’argent public à tour de bras, rachetant des actions des banques et des établissements financiers, quand ils ne vont pas jusqu’à les nationaliser complètement. Ce n’est certainement pas quelque chose de nouveau dans l’histoire de l’économie capitaliste. Les capitaux privés, lorsqu’ils sont confrontés au chaos provoqué par leur propre gestion de l’économie, trouvent, en général, protection du côté de l’État.
Il en fut ainsi pour tenter de surmonter la grande dépression qui suivit la crise de 1929, aussi bien aux États-Unis que dans l’Allemagne nazie. Il en fut ainsi encore au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.
Au lendemain de la guerre, sous l’influence en particulier du mouvement stalinien qui dominait le mouvement ouvrier, on donnait aux nationalisations une coloration socialiste. Cela n’était que mensonges, même à l’époque. Mais, aujourd’hui, les nationalisations totales ou partielles auxquelles se livrent des gouvernements aussi réactionnaires que ceux de Bush et Sarkozy, ou celui, « travailliste », de Gordon Brown en Grande-Bretagne, apparaissent pour ce qu’elles sont réellement : des mesures prises, non pas pour rogner le capital privé mais, au contraire, pour le protéger ; non pas pour combattre le capitalisme, mais pour le sauver de la banqueroute.
Signe des temps : le journal économique Les Échos, que l’on ne peut pas soupçonner d’avoir des idées communistes cachées, dans une page consacrée, le 9 octobre, aux « Dix principales questions qui font débat », pose en deuxième : « Faut-il nationaliser toutes les banques en Europe ? » et commence sa réponse en affirmant : « Une telle solution aurait, certes, l’avantage d’en finir avec les turpitudes boursières subies actuellement par les banques européennes. Une nationalisation générale leur offrirait à la fois l’argent dont beaucoup ont besoin pour continuer à prêter et gonfler leurs fonds propres ainsi que le temps pour nettoyer leurs bilans des actifs toxiques qui leur restent. La pression sur les marchés interbancaires se détendrait, les établissements auraient moins recours aux liquidités des banques centrales. » Et si, finalement, il écarte cette solution, c’est parce que cela aurait « un coût. Des centaines de milliards d’euros seraient nécessaires pour que les gouvernements aient la main sur leur secteur bancaire ».
Oui, même si, à part la petite Islande, il n’est pas question de nationaliser tout le secteur bancaire, les interventions des États coûtent déjà très cher. Les dépenses colossales des États accroîtront leur endettement et/ou les pousseront à faire marcher la planche à billets, ou ce qui en tient lieu.
À commencer par les États-Unis. La politique du Trésor américain conduira inévitablement à une dépréciation du dollar. Mais, comme au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, le dollar garde, faute de concurrent, sa position de monnaie de réserve privilégiée. Les États-Unis partageront ainsi généreusement leur inflation avec tous ceux qui ont déposé leurs réserves chez eux ! On peut s’attendre à une aggravation de l’inflation plus ou moins ample suivant les pays. Mais aussi – parce que cela en découle pour ainsi dire mécaniquement – à des turbulences dans les taux de change, des crises monétaires peut-être, avec les conséquences que cela aura sur le commerce international.
Un vent de consensus souffle néanmoins dans tous les grands pays impérialistes du monde sur la nécessité d’interventions étatiques. Aux États-Unis, le Parti démocrate aussi bien que le Parti républicain se sont retrouvés derrière le gouvernement Bush. Ici, en France, les seules nuances de différence dans les discours du Parti socialiste et de l’UMP tiennent de la mauvaise foi politicienne.
Triste ironie de l’histoire : le Parti socialiste est même en quelque sorte débordé sur sa gauche par Sarkozy et la droite, c’est-à-dire sur l’étatisme qui était son credo dans le passé. Le dernier en date des gouvernements socialistes, celui de Jospin, a passé son temps, non pas à nationaliser, mais à démailloter ce qui l’était déjà, y compris les services publics.
Alors, parler aujourd’hui de nationalisation, de régulation, c’est se joindre à la sainte alliance de ceux qui vont de Bush-Sarkozy aux altermondialistes, en passant par les dignitaires de la social-démocratie.
Les différentes formes de prise de participation de l’État, jusqu’à la nationalisation, sont des moyens de donner de l’argent aux capitalistes privés. Ces messieurs les financiers non seulement toucheront de l’argent mais, de plus, ils seront déchargés de la peine de sortir le système bancaire du chaos dans lequel ils l’ont plongé. Et, bien sûr, une fois la crise résorbée, les banques rapportant de nouveau du profit, on les reprivatisera (comme on l’a fait, il y a un peu plus de vingt ans, pour la sidérurgie et pour bien d’autres secteurs).
La seule nationalisation que les travailleurs pourraient reprendre à leur compte est la nationalisation sans rachat. Elle ne pourrait se faire que sous une pression puissante de la classe ouvrière. Même les serviteurs les plus zélés du capitalisme parlent aujourd’hui de « contrôle » et de « régulation ». Mais le seul objectif valable du point de vue des intérêts des salariés, des classes populaires, est l’expropriation de toutes les banques et leur regroupement dans une banque unique, soumise au contrôle de ses travailleurs et de toute la collectivité.
Il n’y a rien à retrancher à ce que Trotsky proposait aux travailleurs dans le Programme de Transition, rédigé en 1938, à une époque où le capitalisme, pour sortir de la longue dépression suivant le krach de 1929, s’acheminait vers la guerre :
« L’impérialisme signifie la domination du capital financier. À côté des consortiums et des trusts, et souvent au-dessus d’eux, les banques concentrent dans leurs mains le commandement réel de l’économie. Dans leur structure, les banques reflètent, sous une forme concentrée, toute la structure du capitalisme contemporain : elles combinent les tendances du monopole aux tendances de l’anarchie. Elles organisent des miracles de technique, des entreprises gigantesques, des trusts puissants ; et elles organisent aussi la vie chère, les crises et le chômage. Impossible de faire un seul pas sérieux dans la lutte contre le despotisme des monopoles et l’anarchie capitaliste, qui se complètent l’un l’autre dans leur œuvre de destruction, si on laisse les leviers de commande des banques dans les mains des rapaces capitalistes.
Afin de réaliser un système unique d’investissement et de crédit, selon un plan rationnel qui corresponde aux intérêts du peuple tout entier, il faut fusionner toutes les banques dans une institution nationale unique. Seules, l’expropriation des banques privées et la concentration de tout le système de crédit entre les mains de l’État mettront à la disposition de celui-ci les moyens nécessaires réels, c’est-à-dire matériels et non pas seulement fictifs et bureaucratiques, pour la planification économique.
L’expropriation des banques ne signifie en aucun cas l’expropriation des petits dépôts bancaires. Au contraire : pour les petits déposants, la BANQUE D’ÉTAT UNIQUE pourra créer des conditions plus favorables que dans les banques privées. De la même façon, seule la banque d’État pourra établir pour les fermiers, les artisans et les petits commerçants des conditions de crédit privilégiées, c’est-à-dire à bon marché. Néanmoins, plus important encore est le fait que toute l’économie, avant tout l’industrie lourde et les transports, dirigée par un état-major financier unique, servira les intérêts vitaux des ouvriers et de tous les autres travailleurs.
Cependant, l’ÉTATISATION DES BANQUES ne donnera ces résultats favorables que si le pouvoir d’État lui-même passe entièrement des mains des exploiteurs aux mains des travailleurs »

9 octobre 2008

Dans la revue "Lutte de classes"

le texte du congrès de Lutte Ouvrière sur

"Situation Economique
Texte proposé par la majorité - Adopté par 97 % des délégués présents au congrès
La crise financière qui, pendant l’été, s’est propagée à l’échelle du monde et dont on ne voit toujours pas la fin, a eu pour point de départ l’éclatement de la bulle spéculative dans l’immobilier aux Etats-Unis.
La crise immobilière américaine, survenue brutalement en 2006, était l’aboutissement de quatre années d’une intense spéculation, facilitée par les bas taux d’intérêt de la Banque centrale américaine, permettant aux banques et aux officines hypothécaires de proposer des offres alléchantes à leurs clients.
Après la période au cours de laquelle la demande réelle, multipliée par la demande spéculative, avait fait grimper les prix des logements et accéléré les programmes de construction, le brusque retournement est intervenu lorsque la saturation du marché est devenue tangible (quatre millions de maisons invendues). Cette saturation a coïncidé avec la remontée des taux d’intérêt de la Banque centrale américaine, renchérissant le coût du crédit et rendant les remboursements plus difficiles. L’incapacité d’un nombre croissant d’emprunteurs à payer le service de leur dette, les contraignant à vendre leur maison quand ce n’était pas la banque prêteuse qui la saisissait, a encore aggravé la crise dite de surproduction dans l’immobilier américain.
Rien qu’en tant que telle, la crise immobilière a déjà fait des dégâts importants dans les classes populaires aux Etats-Unis. Les taux de crédit, alléchants, qu’on leur proposait étant à taux variable, ils se sont révélés un piège pour nombre d’entre eux lorsque le taux directeur de la Banque centrale américaine est passé de 1 % à 5 %.
D’ores et déjà, environ un million d’acquéreurs ont perdu leur logement nouvellement acquis. On considère que ce nombre risque d’atteindre, voire dépasser, les trois millions en 2008, sans parler de ceux, dans les classes populaires, qui ne sont parvenus à conserver leur logement qu’au prix de sacrifices dans d’autres domaines ou d’une réduction de leur consommation. Ce qui signifie que le seul aspect immobilier de la crise a poussé plusieurs millions de familles vers la pauvreté.
Aux Etats-Unis mêmes, la crise de l’immobilier et de la construction n’est pas terminée. On estime qu’elle atteindra sa gravité maximum au début de 2008.
Mais l’emballement spéculatif dans l’immobilier ne s’est pas cantonné aux seuls Etats-Unis. À des degrés divers, tous les pays impérialistes ont connu le même phénomène et pour les mêmes raisons : au départ l’insuffisance réelle de logements pour les classes populaires tire les prix à la hausse ; hausse qui, à son tour, suscite des achats spéculatifs entraînant l’euphorie sur le marché immobilier. Les crédits bancaires facilement accordés amplifient le phénomène.
Pour le moment, il n’y a pas eu d’effondrement brutal des prix dans les pays européens, mais en France par exemple, les statistiques trimestrielles indiquent un léger recul du prix des logements pour la première fois depuis 2000.
C’est bien la crise de l’immobilier américain qui s’est généralisée, durant l’été 2007, en se transformant en crise financière. L’immobilier n’a été que le facteur déclenchant. La crise financière est dans la continuité des crises qui, tous les trois ou quatre ans, secouent l’ensemble du système financier mondial.
La forme prise pour l’instant par la crise financière est une crise de confiance des banques les unes envers les autres. Chacune des banques détient une certaine quantité de titres basés, directement ou indirectement, sur les crédits hypothécaires émis par les banques américaines, mélangés, transformés et revendus en nouveaux titres par des fonds spéculatifs.
Ces titres, qui rapportaient gros, sont présents dans le portefeuille, non seulement de toutes les grandes banques, mais également dans la trésorerie d’un certain nombre de grandes entreprises, sans que l’on connaisse pour autant, tant les opérations financières sont opaques, la part des crédits risqués, c’est-à-dire ceux qui n’ont que peu de chances d’être remboursés un jour, voire pas du tout. Etant donné que les titres divers détenus par les banques servent de supports à de multiples transactions quotidiennes entre banques, la crise de confiance a brutalement freiné cette circulation financière quotidienne, et rendu le crédit plus cher.
Pour venir au secours des banques en difficulté et pour atténuer les tensions sur le crédit, les banques centrales sont intervenues massivement.
L’intervention des banques centrales, celles principalement de la Réserve fédérale (FED) pour les Etats-Unis, de la Banque centrale européenne (BCE) pour les pays de la zone euro, ou encore des banques centrales britannique ou japonaise, sans parler des autres, a pris principalement deux formes. D’une part, sauver les banques incapables de rembourser leurs déposants et menacées de faillite, en accordant des crédits exceptionnels et pratiquement illimités. D’autre part, faciliter le crédit en jouant sur leurs taux d’intérêt qui servent de référence aux taux pratiqués par les banques.
La Banque centrale européenne a abandonné son projet d’augmenter son taux d’intérêt. Quant à la FED, elle a franchement fait baisser le sien.
Cette générosité des banques centrales a peut-être sauvé le système financier – en tout cas pour l’immédiat –, lui évitant d’être étouffé par manque de crédits. Elle a en tout cas sauvé la mise aux spéculateurs. Ils ont ainsi l’assurance qu’ils peuvent spéculer sans risque puisque, s’ils gagnent, ce sont eux qui empochent le profit de la spéculation et s’ils perdent, ce sont les banques centrales qui paient leurs pertes.
Sous une forme ou sous une autre, l’argent accordé aux banques et aux entreprises spéculatrices sera payé par les classes populaires. Bien que les centaines de milliards déboursées par les banques centrales aient été accordées à titre de prêts, rien ne garantit que ces prêts seront remboursés. Dans ce cas, il faudra bien que le trou creusé soit, d’une manière ou d’une autre, comblé. Et de toute façon ces crédits accordés représentent des créations monétaires supplémentaires, c’est-à-dire de l’inflation, avec les hausses de prix que cela implique et la baisse du pouvoir d’achat que cela entraîne pour tous ceux, principalement les salariés, dont les revenus sont déjà freinés depuis longtemps.
La crise financière actuelle est le dernier en date des accès de fièvre de la sphère financière qui étouffent de plus en plus la production. Cette financiarisation elle-même est l’aspect marquant de l’évolution de l’économie capitaliste mondiale depuis qu’elle est entrée, au tournant des années soixante et soixante-dix, dans une période de stagnation ou de croissance lente, entrecoupée de périodes de récession.
La baisse du taux de profit des entreprises a été une des composantes de la crise de l’économie capitaliste, succédant aux années d’expansion, laquelle avait été portée d’abord par les nécessités de la reconstruction après la guerre, puis par un élargissement des marchés mondiaux.
La crise du système monétaire international de 1969 à 1971, puis le premier choc pétrolier, en ont été les premières manifestations visibles.
La hausse brutale du prix du pétrole de 1973 résultait de la volonté des trusts du pétrole de préserver leurs profits malgré la stagnation du marché, en augmentant leurs prix puisqu’ils ne pouvaient pas augmenter leurs ventes. Ce remède n’était à la portée que de trusts pratiquement en situation de monopole à l’échelle de la planète, ce qui était le cas des trusts du pétrole. En anticipant cependant sur les conséquences de la crise et en cherchant à se prémunir contre ses effets, les trusts du pétrole l’ont aggravée.
Le renchérissement du prix du pétrole – une multiplication par 14 entre 1970 et 1981 – a lourdement frappé le secteur productif en abaissant encore plus le taux de profit dans la plupart des entreprises. Ce n’est pas une nouveauté dans les crises capitalistes : les périodes de crise sont en général celles où les grands trusts préservent leurs profits au détriment de l’ensemble de la société, y compris de leurs compères capitalistes, et accentuent leur mainmise sur l’économie quitte à étouffer les entreprises de taille moindre.
Pour sauver les entreprises capitalistes, les Etats sont intervenus massivement partout en faveur de leur classe capitaliste, par des aides et subventions de toute sorte. Pour ce faire, ils ont augmenté la masse monétaire en faisant marcher les planches à billets et en empruntant massivement. L’endettement des Etats s’est accru brutalement. Il n’a cessé de s’aggraver depuis. Tout cela s’est traduit par une forte poussée de l’inflation à l’échelle du monde. Le simple fait de cette inflation constituait une attaque contre les classes sociales aux revenus fixes, les salariés en premier lieu.
La médication apportée à une de ces phases se révélera un poison à l’origine des difficultés de la phase suivante. L’inflation, au rythme différent selon les pays, s’est révélée un facteur de perturbation du commerce international, accentué encore par la disparition du système monétaire international plus ou moins stable mis en place au lendemain de la guerre, à Bretton Woods.
La financiarisation de l’économie avait commencé avant même que la crise du système monétaire international de 1971 ait éclaté au grand jour. La fin des années soixante était marquée par la multiplication de ce qu’on appelait à l’époque les « euro-dollars » qui étaient, en substance, des crédits émis en dollars par les banques extérieures aux Etats-Unis et non contrôlés par l’Etat américain.
C’est cependant avec la crise, en particulier à partir de la crise du pétrole, que cette évolution vers la financiarisation de l’économie a reçu une impulsion puissante. Ce qu’on appelait alors les « pétro-dollars » – c’est-à-dire de l’argent accumulé d’un côté par les émirs du pétrole et de l’autre côté par les grandes compagnies pétrolières, mais non investi de manière productive – allaient inonder le système financier mondial à la recherche de placements intéressants. À ces sommes considérables s’ajoutaient les titres représentant les dettes des Etats.
Pour sauver la mise à l’ensemble de la classe capitaliste, c’est-à-dire pour lui permettre de stopper la baisse du taux de profit, les groupes industriels et financiers et les Etats qui les représentent ont pris, au fil des ans, un ensemble de mesures qui constituent une vaste offensive visant à diminuer la part de la classe ouvrière dans les revenus nationaux, pour augmenter la part du profit.
Cette offensive a pris une infinité de formes, suivant les pays et les possibilités politiques et sociales des dirigeants des Etats. Elle a abouti à inverser la tendance, au début des années quatre-vingt. À partir de là, le taux de profit était partout en croissance. Dans les années quatre-vingt-dix, il a atteint et dépassé son niveau d’avant la crise.
Dans les crises de surproduction classiques du capitalisme du siècle précédent, la hausse du taux de profit était en général le début de la reprise, incitant les capitalistes à investir dans la production, à augmenter celle-ci et à embaucher. Cette fois-ci, rien de tel : les profits croissants dégagés par l’exploitation renforcée de la classe ouvrière n’ont servi que très peu aux investissements productifs. Ils ont irrigué le système financier mondial en accroissant sans cesse le volume global de monnaie et de crédits en circulation. Les groupes capitalistes, au lieu d’investir, de créer de nouveaux moyens de production et d’ouvrir de nouveaux marchés, se sont contentés d’élargir chacun son propre marché en achetant les parts de marché d’autres, en rachetant des entreprises dans des opérations de fusions-acquisitions qui ont marqué la dernière décennie. Et surtout, au lieu d’investir, ils ont placé leur argent dans des opérations financières plus ou moins spéculatives.
La spéculation est inséparable du capitalisme. Celle sur des actions ou des obligations est aussi ancienne que le sont les Bourses. Cette institution qui, en tant que marché du capital, est absolument indispensable au fonctionnement de l’économie capitaliste, a en même temps toujours été un haut lieu de la spéculation. Mais avec le gonflement des masses d’argent à la recherche de placements rentables, conjointement aux progrès de l’informatique, le système financier a inventé des « produits » de plus en plus spéculatifs. Il a créé de nouveaux organes spécialisés, vendant les uns aux autres des titres basés sur d’autres titres, aux deuxième, troisième ou énième degré, transformant le monde financier en un gigantesque casino. Les critiques du système capitaliste ne sont pas les seuls à constater que la « logique financière » comme ils disent, impose sa loi y compris aux entreprises productives. Elle le fait par deux biais : d’une part, les entreprises productives qui utilisent de plus en plus massivement leurs profits, voire leur trésorerie au jour le jour à des opérations financières et d’autre part, parce que les fonds de placement qui rachètent des actions ne cherchent pas à investir à long terme mais visent la rentabilité à très court terme. Bien des économistes bourgeois eux-mêmes déplorent cette course au précipice, tant ils savent que la plus-value que se dispute la classe capitaliste vient, en dernier ressort, de la seule production.
Dénoncer la « mondialisation capitaliste » pour expliquer tout à la fois la financiarisation de l’économie et les crises financières comme le font certains altermondialistes, est stupide. La crise actuelle a été « mondialisée » comme l’a été en son temps la crise de 1929. Comme l’avaient été, déjà, les crises périodiques du 19e siècle, même si elles ne concernaient qu’un nombre plus restreint de branches – chemins de fer, sidérurgie, textile ou bâtiment – et même si la « mondialisation capitaliste » ne concernait pas encore vraiment le monde entier.
Cela dit, les mesures prises pour faciliter encore la circulation et le placement des capitaux, la dérégulation, la déréglementation, la démolition de tout cloisonnement mis en place dans la période antérieure entre les entreprises productives, entre les banques et les compagnies d’assurances, voire, à l’intérieur même du secteur bancaire, entre banques commerciales et banques d’investissement, ont contribué à ce que les fluctuations de l’économie capitaliste se transmettent pour ainsi dire instantanément.
Il faut y ajouter également la suppression des barrières protectionnistes devant la circulation des capitaux entre pays capitalistes eux-mêmes, et plus encore la pleine intégration, dans l’économie capitaliste et dans les circuits financiers, de cette partie de la planète qui leur échappait plus ou moins antérieurement : le bloc des pays de l’Est autour de l’URSS, ou encore les quelques rares pays sous-développés qui avaient cherché à desserrer l’emprise impérialiste pour tenter de se développer en fermant leurs frontières devant la circulation des capitaux.
Même les Bourses, ces hauts lieux de la spéculation, ne sont plus représentées par des bâtiments avec des courtiers, s’étendant autour d’une corbeille. La Bourse devient un lieu immatériel, la connexion en réseau d’un ensemble d’ordinateurs couvrant toute la planète. Même compte tenu de la fermeture quotidienne, on peut spéculer 24 heures sur 24, en suivant pour ainsi dire le déplacement du soleil passant de Tokyo ou de Hong Kong à Moscou, de Paris ou de Francfort à Londres puis à New York. Il est d’ailleurs des spécialistes qui gagnent des fortunes sur les minuscules variations entre les valeurs des titres d’une place à l’autre et tout au long des 24 heures.
Si la première phase de la crise a été marquée par l’inflation résultant des interventions des Etats en faveur de leur classe capitaliste et le fait de financer des interventions en faisant marcher la planche à billets, la deuxième phase, à partir des années quatre-vingt, a été marquée au contraire par des mesures destinées à freiner cette inflation devenue gênante pour la classe capitaliste elle-même.
La planche à billets, c’est-à-dire la création monétaire, a été partout remplacée par le recours aux emprunts d’Etat. L’inflation a été en effet freinée, mais au prix d’un endettement encore plus grand des Etats.
En France par exemple, la dette de l’Etat vient de dépasser les 1 200 milliards d’euros. En euros constants, c’est-à-dire en décomptant les effets de l’inflation, la dette publique, en croissance ininterrompue, a été multipliée par cinq en vingt-cinq ans. Rien que le service de la dette, 39 milliards d’euros pour le budget 2007, occupe le deuxième poste de dépenses de l’Etat français.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que les emprunts d’Etat alimentent les circuits financiers. Cependant, l’économie financiarisée, aujourd’hui, a porté cette tendance de l’économie impérialiste à un degré sans précédent. Ces emprunts d’Etat, parmi lesquels les bons du Trésor américain occupent une place particulière, sont devenus un des aliments du système financier international, un des vecteurs aussi des spéculations sur les monnaies. Dans des périodes de krach boursier ou bancaire, ils servent aussi de refuge aux capitaux affolés cherchant un placement sûr car les Etats font plus rarement faillite que les entreprises – encore qu’il y a Etat et Etat, et les bons du Trésor américain ont évidemment une autre solidité que les papiers similaires émis par le Mexique, la Thaïlande... ou par le Mali, si tant est que celui-ci s’avise d’en émettre.
Que des économistes bourgeois et qui s’expriment comme tels, affolés par les soubresauts financiers qui menacent sans cesse la production, cherchent une voie de sortie est dans l’ordre des choses. Mais dans l’état actuel de décrépitude politique et de perte de références, les altermondialistes passent aujourd’hui, non seulement pour des représentants de la gauche, mais de la gauche radicale. Leur démarche fondamentale est pourtant la même que celle des économistes bourgeois cherchant à rendre le système économique capitaliste moins malade. Si le diagnostic des altermondialistes est juste lorsqu’ils dénoncent les conséquences catastrophiques de la financiarisation de l’économie, toutes leurs propositions tournent autour d’idées qui, soit sont, au mieux, des emplâtres sur une jambe de bois – la taxe Tobin sur les déplacements de capitaux ou la suppression des paradis fiscaux – soit représentent un retour à la réglementation et aux protectionnismes.
Il n’est pas impossible, loin de là, que les idées protectionnistes trouvent des échos du côté des grandes puissances impérialistes et de leurs groupes financiers. Si la globalisation financière leur permet de piller sans obstacle toute la planète, certaines de ses conséquences peuvent leur être préjudiciables. Tout en prêchant l’ouverture des frontières devant la pénétration de leurs capitaux, les grandes puissances impérialistes n’ont jamais complètement cessé d’être protectionnistes les unes vis-à-vis des autres et toutes vis-à-vis des pays qu’il est à la mode de qualifier d’émergents.
Cela fait plusieurs années par exemple qu’aussi bien les Etats-Unis que l’Union européenne s’ingénient à se protéger des marchandises à bas prix venant de la Chine et, accessoirement, d’autres pays sous-développés. L’affaire est d’autant plus compliquée que ces marchandises à bas prix sont bien souvent soit fabriquées avec des capitaux venant de pays développés – dans les secteurs les plus modernes de l’industrie chinoise, électronique, électroménager, la Chine n’est qu’un vaste atelier de sous-traitance pour le Japon –, soit sont fabriquées sur commande des entreprises commerciales ou industrielles des pays impérialistes – la plus grande chaîne commerciale du monde, l’américaine Wal-Mart, ou le fabricant de jouets Mattel… La préoccupation des Etats impérialistes est de trouver des mesures qui, tout en laissant ouvert le marché chinois à leurs capitaux et à leurs produits, fermeraient au moins partiellement leur propre marché aux produits chinois.
Un autre domaine encore où le protectionnisme pointe, est le domaine financier lui-même. Quelques émirats du pétrole qui engrangent des revenus financiers importants non utilisés sur place par leurs dirigeants, ont l’habitude, de longue date, de placer leur argent en bons du Trésor américain et, très occasionnellement, dans l’achat d’actions de grandes entreprises.
Pour des raisons tout à fait différentes, la Chine se retrouve dans une situation analogue. La surexploitation des travailleurs chinois a permis, au cours des dernières années, à la Chine d’exporter massivement. La valeur de ses exportations dépasse largement celle de ses importations, destinées principalement à la consommation de sa classe riche, rendant ainsi son commerce extérieur largement bénéficiaire. Ce surplus d’argent est placé aux Etats-Unis, sous forme de titres d’Etat ou autres bons du Trésor.
Tant qu’il ne s’agissait que de sommes déposées en titres de l’Etat américain, cela ne gênait pas les Etats-Unis, bien au contraire. C’est grâce aux sommes considérables déposées par les pays pauvres que les Etats-Unis équilibrent leur balance des paiements. C’est une façon de drainer l’argent prélevé sur les ouvriers et les paysans chinois vers les circuits financiers de l’impérialisme. Mais voilà que certains des Etats, agissant par l’intermédiaire de fonds financiers appelés « fonds souverains » (c’est le cas des émirats du pétrole) ou par l’intermédiaire de trusts d’Etat (c’est le cas du trust pétrolier chinois Cnooc ou du russe Gazprom) s’avisent de vouloir placer leur argent de façon plus profitable en rachetant des actions d’entreprises occidentales.
Il ne s’agit pour le moment que d’un mouvement marginal, mais qui a fait pousser des hurlements protectionnistes au nom des « intérêts stratégiques » de la nation ou au nom du « patriotisme économique ». C’est ainsi que les Etats-Unis ont empêché le rachat par la société d’Etat chinoise Cnooc du pétrolier américain Unocal et refusé à la société publique Dubaï-Portsworld le rachat de ports américains.
La même attitude protectionniste a été à la base de la réaction de l’Etat français contre le rachat de Suez par la société italienne ENEL alors pourtant que la France et l’Italie font toutes deux partie de l’Union européenne.
Pour le moment, ces réactions protectionnistes sont ponctuelles et limitées, tant les avantages de la circulation des capitaux prévalent sur toute autre considération. Mais en cas d’aggravation de la situation économique mondiale, il y a une forte probabilité que les mesures et les attitudes protectionnistes se multiplient et que les pays pauvres qui exportent en soient les principales victimes.
Les altermondialistes qui, par ailleurs, dénoncent à juste titre les méfaits de la « mondialisation capitaliste » pour les pays pauvres auront alors été suivis. Mais la remontée des protectionnismes jouera au profit des pays impérialistes, de la même manière que la globalisation joue en leur faveur. Il n’y a, dans un monde dominé par l’impérialisme, pas plus une politique « équitable » qu’il n’y a de « commerce équitable ».
Prôner le retour au protectionnisme est une politique réactionnaire : fondamentalement parce que cela vise à sauver la mise au grand capital et au fonctionnement capitaliste de l’économie ; plus encore parce qu’un retour aux protectionnismes nationaux, s’il advenait qu’ils soient imposés par une aggravation importante de la crise, serait une régression considérable. Que l’on se souvienne seulement que ce fut le remède du capitalisme lors de la grande crise de 1929 et de la dépression qui s’ensuivit, avec d’un côté aux Etats-Unis l’étatisme du New Deal, certes, et ses grands travaux, mais aussi de l’autre côté, l’économie allemande sous le nazisme.
Notre raisonnement en tant que communistes révolutionnaires est à l’inverse. La crise actuelle n’est pas l’expression d’une phase de l’économie capitaliste, et d’une phase contournable de surcroît, c’est l’expression du fait que l’organisation et le fonctionnement capitalistes mènent la collectivité humaine à l’abîme.
La présente crise est une nouvelle démonstration, chèrement payée, de ce que coûtent à la société l’opacité du système bancaire (y compris pour les spécialistes) et la concurrence que se livrent entre eux les établissements bancaires et financiers pour inventer et placer des produits financiers de plus en plus complexes et qui ont de moins en moins de rapport avec l’économie productive.
Tout cela multiplie, amplifie et aggrave les soubresauts anarchiques propres au fonctionnement de l’économie capitaliste et entraîne d’immenses gaspillages.
Le contrôle populaire du système financier devient une nécessité vitale pour l’économie. Contrairement aux propositions des réformistes de toute sorte, une réglementation plus stricte et de l’étatisme renforcé ne constituent pas en eux-mêmes une solution car la question est aussi : qui contrôle l’Etat ?
Seule la fusion de toutes les banques en une seule mettrait fin à leur concurrence mortelle et seul le contrôle de toute la population rendu possible par la levée du secret bancaire représente une perspective pour la société.
La financiarisation a poussé le caractère usuraire de l’économie sous l’impérialisme à un point tel que cela étouffe complètement la vie économique. La globalisation financière a poussé la mondialisation capitaliste jusqu’à son extrême limite.
Les deux évolutions, conjointes, ont en même temps ôté toute signification véritable aussi bien à l’« économie nationale » qu’à la propriété privée elle-même. C’est l’évolution du capitalisme qui démolit les bases mêmes sur lesquelles il a été édifié. Ce n’est pas en retournant en arrière que la société peut sortir de cette contradiction.
Car tout retour en arrière serait catastrophique. L’avenir est, au contraire, de mettre fin à la propriété privée des moyens de production et des organismes financiers, c’est-à-dire à l’économie capitaliste sur laquelle elle repose."

4 octobre 2007

suite à venir ....

Messages

  • La spéculation est-elle le moteur du capitalisme ?

    L’article d’Olivier Belin de la revue "Convergences révolutionnaires", intitulé La spéculation, moteur du capitalisme, affirme que la spéculation est le moteur du capitalisme. Marx affirme, chapitre XXVII du capital que le crédit est « le pivot de la production capitaliste ». Il permet la spéculation et « transforme en un colossal jeu de spéculation l’enrichissement par le travail d’autrui ». De ce fait, il socialise la propriété des sociétés capitalistes, préparant ainsi « la transition de la production actuelle à une forme nouvelle ».

    De ce fait, on pourrait en déduire que la spéculation serait le moteur du capitalisme. En fait, Olivier Belin fait reposer le capitalisme sur la spéculation. Pour lui crédit et spéculation sont les moteurs du capitalisme. Il ajoute même qu’ils le sont depuis l’origine du capitalisme. (« Et crédit et spéculation en ont été, depuis son origine, les moteurs. »)

    Or, pour Marx, si le crédit permet la spéculation, il n’en est que le pivot. Le capitalisme est le système qui permet l’enrichissement par le travail d’autrui par la loi de la valeur. (achat de la force de travail comme toute marchandise à son prix de marché). Le crédit transforme cet enrichissement en un jeu de spéculation. Le capitalisme est le mode de production qui « produit uniquement pour la circulation » (III, II, chapitre XXV, p. 64.). Le crédit transforme le système d’enrichissement par le travail d’autrui en un jeu spéculatif.

    Peut-on, dès lors, aller jusqu’à dire que la spéculation est le moteur du capitalisme ?

    Références :

    « Mais la prépondérance de la finance, c’est-à-dire du capital sur la production, n’est-ce pas la définition même du capitalisme ? Et crédit et spéculation en ont été, depuis son origine, les moteurs. » CR n°60, La spéculation, moteur du capitalisme, p. 15.

    « Tout investissement est une spéculation sur les profits qu’il peut rapporter, sur les richesses matérielles, agricoles, minières ou sur les biens industriels sur lesquels il permet de mettre la main. La spéculation est le point de départ de tout investissement, que ce soit directement dans la création d’une entreprise ou indirectement dans la ruée sur les actions émises par d’autres. On spécule sur leurs dividendes ou, à plus court terme, sur l’évolution de leurs cours, à la hausse comme à la baisse ! » CR n°60, La spéculation, moteur du capitalisme, p. 15.

    « Le crédit a donc ce double caractère d’être, d’une part, le pivot de la production capitaliste, le facteur qui transforme en un colossal jeu de spéculation l’enrichissement par le travail d’autrui et qui ramène à un nombre de plus en plus restreint ceux qui exploitent la richesse nationale ; d’être, d’autre part, un agent préparant la transition de la production actuelle à une forme nouvelle. C’est ce double aspect qui fait des prêcheurs du crédit, depuis Law jusque Isaac Pereire, à la fois des charlatans et des prophètes. »
    K. Marx, Le Capital - Livre III, Le procès d’ensemble de la production capitaliste, § 5 : Subdivision du profit en intérêt et profit d’entreprise. Le capital productif d’intérêts.Chapître XXVII : Le rôle du crédit dans la production capitaliste

    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_15.htm

    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_26.htm

    http://www.convergencesrevolutionnaires.org

  • La crise du NPA : ce sont des positions diamètralement opposées :

    Le NPA prépare son congrès et fait discuter en interne et publiquement son texte sur la crise : lire ici

    Mais opposées ne veut pas dire que l’analyse de la crise est juste.
    Voir ci dessous quand il est dit : "La crise actuelle est la plus grave depuis 1929."
    Quelque chose peut être grave,ou très grave, mais inexpliqué c’est plus génant, car comment y voir le début d’un remède.

    "Position 2
    Face à la faillite capitaliste : la nécessité du socialisme
    La crise actuelle est la plus grave depuis 1929. Or celle-ci n’avait pu être résolue que par la guerre mondiale et les destructions qu’elle causa.
    C’est à des bouleversements à cette échelle que notre congrès doit préparer le NPA. Le débat sur la crise doit nous permettre d’en comprendre les mécanismes, leurs conséquences, et nous aider à définir une orientation qui y réponde.

    Crise du capitalisme, pas du libéralisme
    Dans les années 1980, les principales puissances impérialistes ont engagé un tournant économique « libéral ». Dans une situation de stagnation économique, l’objectif était de parvenir à une remontée des taux d’exploitation, donc revenir sur toute une série de concessions faites antérieurement aux travailleurs (le « modèle social » de l’après-guerre) et faire sauter toute une série d’entraves aux mouvements du Capital.
    Ce tournant, rendu possible par les défaites ouvrières des années Thatcher-Reagan, dans un contexte de concurrence internationale accrue et de ralentissement économique, aboutit à une modification importante des rapports sociaux et économiques.
    Mais en fait, la crise n’a pu être contenue que par un endettement de plus en plus extravagant : les dettes des USA et des pays d’Europe ont maintenu artificiellement l’économie et les profits. Cela n’a pas empêché les crises financières de se succéder, pour éclater en crise mondiale : la dette était devenue incontrôlable, les risques trop importants pour les banques, en particulier pour les prêts dans l’immobilier américain, victime d’une forte surproduction.
    Depuis la crise s’est déployée, en particulier dans le secteur de l’automobile, aussi soumis à une forte surproduction, et dans les pays capitalistes les plus fragiles (Grèce, Espagne, Irlande, Islande…). Pour faire face, il a fallu encore recourir à l’endettement (la dette publique de la France est ainsi passée de 63, 7 % du PIB en 2007 à 78, 1 % en 2009).
    C’est donc à une guerre de classes encore accentuée qu’il faut se préparer. Partout, les gouvernements attaquent retraites et services publics, réduisent les salaires des fonctionnaires (5 % en Espagne, 3 % en France). Les patrons licencient et le chômage explose.
    La bataille sur les retraites en France n’est que le début de nombreuses luttes de classe.

    La seule alternative : le socialisme !

    Le PS et le Front de gauche revendiquent une politique « keynésienne » : on augmenterait les salaires, les dépenses de l’État pour stimuler l’activité et le tour serait joué. Mais cela n’aboutirait qu’à creuser encore les déficits et ne mènerait en pratique qu’à de nouvelles attaques contre les couches populaires ! En fait, parvenus au pouvoir, ces réformistes s’aligneraient sur le diktat des capitalistes comme leurs homologues espagnols ou grecs. Quand le système est en crise profonde, il n’y a pas de place pour une politique réformiste.
    Face à ces utopies, nous devons incarner une radicalité anticapitaliste. La seule issue est de renverser le capitalisme, de mener une politique économique axée sur la satisfaction des besoins sociaux, de s’engager dans la voie du socialisme.
    Dans ce contexte, le NPA doit combiner une stratégie pour les luttes face au renoncement des directions syndicales et de la gauche officielle, avancer des mots d’ordre anticapitalistes et populariser un projet socialiste.
    Il nous faut une plateforme anticapitaliste : interdiction des licenciements, répudiation de la dette publique, échelle mobile des salaires, défense des acquis menacés (retraites, enseignement, etc.), et aboutissant au mot d’ordre de gouvernement des travailleurs, seule possibilité pour mener une telle politique.
    Le document Nos réponses face à la crise, présenté par les positions 1 et 3, défend une analyse tronquée de la crise de surproduction actuelle et tend à la réduire à une crise financière ainsi que le défendent les « anti
    libéraux ». Les ambiguïtés de la partie « démocratie » sont aussi évidentes : on réduit le changement social à plus de démocratie (plus de cogestion…) dans les entreprises et à des évolutions institutionnelles, dans le cadre du système. Ce document ressemble plus à un programme de gouvernement PG-compatible qu’à un programme d’action pour les luttes, pour la prise du pouvoir par les travailleurs.
    Notre congrès devra donc poursuivre le débat pour doter notre parti du programme socialiste, révolutionnaire, dont nous avons besoin. Les luttes actuelles en illustrent la nécessité et l’actualité."

  • "La crise du capitalisme et la théorie économique de Marx

    Le capitalisme traverse sa plus grave crise depuis les années 30. Quelle en est la nature et quelles en sont les causes fondamentales ? Les économistes bourgeois sont incapables de répondre scientifiquement à ces questions. Seule la théorie économique de Marx, développée dans le Capital, permet de comprendre la crise actuelle – et par quels moyens y mettre un terme définitif."

    du groupe "Revolution", militant dans le Front de gauche, un parti réformiste en France ( melange de PC/PS/LCR) lire ici
    Voilà comment "revolution" se définit :
    Révolution et la TMI défendent les traditions du marxisme authentique : celui de Marx, Engels, Lénine et Trotsky, entre autres. Les régimes qui se sont effondrés en URSS et en Europe de l’Est, au début des années 90, n’étaient pas "socialistes" ; ils étaient de monstrueuses caricatures bureaucratiques de socialisme.

    Le dernier journal titre :"il faut 1 alternative à gauche". Peut être croit il que la partie de ping pong gauche/droite au pouvoir n’a pas assez duré ?
    Et 1 alternative révolutionnaire ? communiste ?

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