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Quand Louis de Broglie défendait une conception de la physique quantique relativiste fondée sur la singularité, la discontinuité et la non-linéarité

vendredi 28 novembre 2008, par Robert Paris

Qui est Louis de Broglie ?

Louis de Broglie et la physique quantique, le film

Louis de Broglie, dans « La physique nouvelle et les quanta » :

« Sans quanta, il n’y aurait ni lumière ni matière et, s’il est permis de paraphraser un texte évangélique, on peut dire que rien de ce qui a été fait n’a été fait dans eux. On conçoit donc quelle inflexion essentielle a subi le cours du développement de notre science humaine le jour où les quanta, subrepticement, s’y sont introduits. Ce jour-là, le vaste et grandiose édifice de la physique classique s’est retrouvé ébranlé jusque dans ses fondements, sans, d’ailleurs, qu’on s’en soit rendu tout d’abord bien compte. (…) Fidèle à l’idéal cartésien, la physique classique nous montrait l’univers comme analogue à un immense mécanisme susceptible d’être décrit avec une entière précision par la localisation de ses parties dans l’espace et leur modification au cours du temps, mécanisme dont l’évolution pouvait en principe être prévue avec une rigoureuse exactitude quand on possédait un certain nombre de données sur son état initial. Mais une telle conception reposait sur certaines hypothèses implicites que l’on admettait presque sans s’en apercevoir. Une de ces hypothèses était que le cadre de l’espace et du temps dans lequel nous cherchons presque instinctivement à localiser toutes nos sensations est un cadre parfaitement rigide et déterminé où chaque événement physique peut, en principe, être rigoureusement localisé indépendamment de tous les processus dynamiques qui s’y déroulent. Dès lors, toutes les évolutions du monde physique sont nécessairement représentées par des modifications des états locaux de l’espace au cours du temps, et c’est pourquoi dans la science classique les grandeurs dynamiques, telles que l’énergie et la quantité de mouvement, apparaissent comme des grandeurs dérivées construites à l’aide du concept de vitesse, la cinématique servant ainsi de base à la dynamique. Tout autre est le point de vue de la physique quantique. L’existence du quantum d’action, sur lequel nous aurons si souvent à revenir dans le cours de cet ouvrage, implique en effet une sorte d’incompatibilité entre le point de vue de la localisation dans l’espace et dans le temps et le point de vue de l’évolution dynamique ; chacun de ces points de vue est susceptible d’être utilisé pour la description du monde réel, mais il n’est pas possible de les adopter simultanément dans toute leur rigueur. La localisation exacte dans l’espace et dans le temps est une sorte d’idéalisation statique qui exclut toute évolution et tout dynamisme ; l’idée d’état de mouvement prise dans toute sa pureté est par contre une idéalisation dynamique qui est en principe contradictoire avec les concepts de position et d’instant. La description du monde physique dans les théories quantiques ne peut se faire qu’en utilisant plus ou moins l’une ou l’autre de ces deux images contradictoires. (…) Il est néanmoins parfaitement légitime de se servir de la cinématique quand on étudie des phénomènes à grande échelle ; mais pour les phénomènes à l’échelle atomique où les quanta jouent un rôle prépondérant, on peut dire que la cinématique, définie comme l’étude du mouvement faite indépendamment de toute considération dynamique, perd complètement sa signification. (…) La mécanique et la physique classiques ont été édifiées pour rendre compte des phénomènes qui se jouent à notre échelle et elles sont aussi valables pour les échelles supérieures, les échelles astronomiques. Mais, si l’on descend à l’échelle atomique, l’existence des quanta vient limiter leur validité. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que la valeur du quantum d’action mesurée par la fameuse constante de Planck est extraordinairement petite par rapport à nos unité usuelles, c’est-à-dire par rapport aux grandeurs qui interviennent à notre échelle. (…)

Les équations de la dynamique classique du point matériel expriment que le produit de la masse du point matériel par l’une quelconque des composantes rectangulaires de son accélération est égale à la composante correspondante de la force. (…) Ce résultat exprime que la dynamique classique du point matériel est entièrement en accord avec le postulat du déterminisme physique, postulat selon lequel l’état futur du monde matériel doit être entièrement prévisible quand on possède un certain nombre de données sur son état présent.
Une autre remarque est intéressante à faire ici. Le point matériel étant supposé ponctuel, sa trajectoire est une ligne qui n’explore dans l’espace à trois dimensions qu’un continu à une dimension. (…) Il n’explore le champ de force que le long de sa trajectoire. (…) En mécanique classique, les accidents topologiques qui peuvent exister dans l’espace à des distances finies de la trajectoire d’un point matériel ne peuvent aucunement influer sur son mouvement. Plaçons, par exemple, sur la trajectoire d’un point matériel, un écran percé d’un trou. Si la trajectoire passe vers le centre du trou, elle ne sera aucunement perturbée par l’accident topologique que constitue la présence de l’écran. (…) Il est inconcevable, en mécanique classique, que le mouvement du point matériel traversant le trou en question dépende du fait qu’il y ait ou pas d’autres trous dans l’écran. L’on comprend tout de suite l’importance de ces remarques pour une interprétation corpusculaire de l’expérience des trous de Young et l’on pressent que la mécanique ondulatoire doit apporter de nouveau sur ce point. (…) Les ondulations lumineuses traversant sans difficulté les espaces vides, ce n’est pas la matière qui les transmet. Quel est donc le support de ces ondes, quel est le milieu dont la vibration constitue la vibration lumineuse ? Telle est la question qui se posait aux protagonistes de la théorie des ondulations. (…) L’éther envisagé comme un milieu élastique doit être un milieu infiniment plus rigide que l’acier car il ne peut transmettre que des vibrations transversales et cependant ce milieu si rigide n’exerce aucun frottement sur les corps qui le traversent et ne freine aucunement le mouvement des planètes. (…) Après avoir montré que le rotationnel du champ magnétique est égal à la densité du courant électrique, donnant ainsi naissance à l’électromagnétisme, (…) Maxwell, après avoir écrit les lois générales des phénomènes électriques, s’aperçut de la possibilité de considérer la lumière comme une perturbation électromagnétique. Par là, il a fait rentrer toute la science de l’optique à l’intérieur des cadres de l’électromagnétisme, réunissant ainsi deux domaines qui semblaient entièrement distincts. (…) La théorie électromagnétique de Maxwell fournissait des équations représentant exactement à notre échelle la liaison entre les champs électromagnétiques mesurables d’une part, les charges et les courants électriques d’autre part. Obtenues en réunissant en un seul système formel le résultat des expériences macroscopiques, leur valeur était incontestable dans ce domaine. Mais pour décrire le détail des phénomènes électriques au sein de la matière et à l’intérieur des atomes, pour prévoir les rayonnements émis ou absorbés par les particules matérielles ultimes, il fallait extrapoler les équations de Maxwell et leur donner une forme applicable à l’étude des phénomènes de l’échelle atomique et corpusculaire. C’est ce que fit, avec plus de hardiesse qu’il ne peut paraître au premier abord, un des grands pionniers de la physique théorique moderne, H.A. Lorentz.

Lorentz prit comme point de départ l’idée d’introduire dans les équations de l’électromagnétisme la structure discontinue de l’électricité. (…) En opérant des moyennes sur les phénomènes microscopiques élémentaires, on peut repasser des équations de Lorentz aux équations de Maxwell. (…) La théorie des électrons, édifiée sur les bases que nous venons d’esquisser, a conduit à d’importants succès pour la prévision d’un grand nombre de phénomènes. Elle a d’abord permis de retrouver l’interprétation des lois de la dispersion. Elle a ensuite, et cela a été sans doute son plus important succès, permis de prévoir d’une façon exacte l’effet Zeeman normal, c’est-à-dire la façon dont les raies spectrales émises par un atome sont affectées dans le cas le plus simple par la présence d’un champ magnétique uniforme. (…) La théorie des électrons a aussi paru apporter la solution d’un problème capital : l’origine de l’émission des rayonnements par la matière. D’après les équations de Lorentz, un électron animé d’un mouvement rectiligne et uniforme transporte avec lui globalement son champ électromagnétique et, par suite, il n’y a dans ce cas aucune émission d’énergie dans l’espace environnant. Mais si le mouvement d’un électron comporte une accélération, on peut démontrer qu’il y a émission d’une onde électromagnétique et l’énergie ainsi perdue à chaque instant par l’électron est proportionnelle au carré de son accélération. (…) Si l’on veut interpréter le rayonnement des atomes par le mouvement des électrons intra-atomiques, il faut supposer qu’à l’état normal les électrons intérieurs à l’atome sont immobiles ; sans quoi, obligés de se mouvoir à l’intérieur du très petit domaine de l’atome, ils seraient forcément animés de mouvements très accélérés et émettraient constamment de l’énergie sous forme de rayonnement, ce qui serait contraire à l’idée même de stabilité de l’atome. (…)
L’origine de la théorie des quanta est dans les recherches faites vers 1900 par M. Planck sur la théorie du rayonnement noir. (…) Si l’on considère une enceinte maintenue à température uniforme, les corps maintenus dans cette enceinte émettent et absorbent du rayonnement et il finit par s’établir un état d’équilibre (…) Kirchoff a montré que cet état d’équilibre est unique et correspond à une composition spectrale parfaitement déterminée du rayonnement enfermé dans l’enceinte. De plus, la composition de ce rayonnement dépend uniquement de la température de l’enceinte. (…) Il est souvent appelé du nom assez incorrect de « rayonnement noir » correspondant à cette température. (…) M. Planck avait commencé par reprendre l’étude de la question en imaginant que la matière est formée d’oscillateurs électroniques, c’est-à-dire d’électrons susceptibles d’osciller autour d’une position d’équilibre sous l’action d’une force proportionnelle à l’élongation. (…) M. Planck put apercevoir que l’inexactitude de la loi de Rayleigh provient du rôle trop grand que jouent, dans l’image classique des échanges d’énergie entre oscillateurs et rayonnement, les oscillateurs de haute fréquence. (…) M. Planck a eu alors l’idée géniale qu’il fallait introduire dans la théorie un élément nouveau, entièrement étranger aux conceptions classiques, qui viendrait restreindre le rôle des oscillateurs de haute fréquence, et il a posé le fameux postulat suivant : « La matière ne peut émettre l’énergie radiante que par quantités finies proportionnelles à la fréquence. » Le facteur de proportionnalité est une constante universelle, ayant les dimensions d’une action mécanique. C’est la célèbre constante h de Planck. Mettant en jeu cette hypothèse d’aspect paradoxal, Planck a repris la théorie de l’équilibre thermique et trouvé une nouvelle loi de répartition spectrale du rayonnement noir à laquelle son nom est resté attaché. (…)

Peu à peu, l’importance fondamentale de l’idée de Planck apparut. Les théoriciens s’aperçurent que la discontinuité traduite par l’hypothèse des quanta est incompatible avec les idées générales qui servaient jusqu’alors de bases à la physique et exigeait une révision complète de ces idées. (…) Pour trouver une forme générale de sa théorie, Planck a dû renoncer à l’hypothèse primitive des quanta d’énergie et lui substituer l’hypothèse des quanta d’action (produit d’une énergie par un temps ou d’une quantité de mouvement par une longueur). (...) Mais la méthode de quantification de Planck ne s’appliquait qu’aux mouvements pour la description desquels une seule variable suffit. (...) D’autre part, si la théorie électromagnétique sous la forme de Lorentz était réellement applicable aux particules élémentaires d’électricité, elle permettrait de calculer sans aucune ambiguité les rayonnements émis par un atome du modèle planétaire de Rutherford-Bohr. (...) l’atome perdant constamment de l’énergie sous forme de radiation, ses électrons viendraient tous très rapidement tomber sur le noyau et la fréquence des rayonnements émis varierait constamment d’une façon continue. l’atome serait instable et il ne pourrait exister des raies spectrales à fréquences bien définies, conclusions absurdes. Pour éviter cette difficulté essentielle, M. Bohr a admis que l’atome dans ses états stationnaires ne rayonne pas, ce qui revien tà nier la possibilité d’appliquer la théorie électromagnétique du rayonnement au mouvement orbital des électrons sur leurs trajectoires stables. (..) Bohr a résolu la question des fréquences des raies spectrales grâce à l’hypothèse que chaque transition entre états quantifiés s’accompagne de l’émission d’un quantum d’énergie radiante. (...) En d’autres termes, d’après la théorie quantique, l’émission des raies spectrales d’un corps simple est discontinue et procède par actes individuels isolés. »

Louis de Broglie, dans « Nouvelles perspectives en Microphysique »

« En 1927, je la considérais (l’onde pilote, dite « onde de Broglie ») comme une solution avec singularité des équations linéaires admises par la Mécanique ondulatoire pour l’onde Phi (onde dite « de probabilité de présence » par la physique quantique). Diverses considérations, et en particulier le rapprochement avec la théorie de la Relativité générale, m’ont fait penser que la véritable équation de propagation de l’onde de Broglie pourrait être non-linéaire comme celles que l’on rencontre dans la théorie de la gravitation d’Einstein, équation non-linéaire qui admettrait comme forme approximative l’équation linéaire de la Mécanique ondulatoire quand les valeurs de l’onde de Broglie seraient assez faibles. (…) Malheureusement ce changement de point de vue ne facilite pas la résolution des problèmes mathématiques qui se posent car, si l’étude des solutions à singularités des équations linéaires est souvent difficile, celle des solutions des équations non-linéaires est plus difficile encore. (…) Einstein a beaucoup insisté sur une propriété importante des équations non-linéaires. Si les équations d’un certain champ sont linéaires, on peut toujours trouver une solution à singularités de ces équations telle que la singularité ait un mouvement prescrit à l’avance. On pourra d’ailleurs ajouter à la solution à singularité une solution continue et cette adjonction n’aura aucune influence sur le mouvement de la singularité. Il n’en est plus du tout de même si les équations du champ sont non linéaires car on ne peut plus alors obtenir une solution en ajoutant plusieurs solutions : la non-linéarité crée une sorte de solidarité entre des solutions qui auraient été indépendantes si l’approximation linéaire avait été valable partout. Cette non linéarité explique que la singularité et l’onde de Broglie ne soient pas indépendantes comme elles le seraient s’il y avait linéarité et qu’elles restent en phase. (…) De plus, la non-linéarité, peu sensible dans le corps du train d’ondes, peut réapparaître sur leurs bords où les groupes de dérivées de l’onde de Broglie pourrait prendre de grandes valeurs ; il y a là aussi une circonstance qui peut s’opposer à l’étalement des trains d’ondes. Il apparaît donc qu’une théorie non linéaire des ondes de Broglie pourrait permettre d’obtenir des « groupes d’ondes sans étalement » représentant par exemple un corpuscule qui se déplacerait d’un mouvement rectiligne et uniforme sans perdre son onde (…) Nous avons vu que dans la théorie des ondes de Broglie, comme dans l’interprétation relativiste de la gravitation, la non-linéarité des équations de base doit jouer un rôle essentiel et seul pouvoir expliquer la solidarité de l’onde et du corpuscule. Nous sommes actuellement arrivés à l’image suivante. Un train d’ondes de Broglie, constituant un corpuscule au sens large du mot, serait une sorte d’unité étendue et organisée, un peu analogue à une « cellule » dans l’acception biologique du terme. Il comprendrait en effet essentiellement les trois parties suivantes : 1° une sorte de noyau, la région singulière, le corpuscule au sens étroit du mot, siège de phénomènes essentiellement non linéaires ; 2° une région environnante étendue, siège d’un phénomène sensiblement linéaire ; 3° une enveloppe constituant les bords des trains d’ondes où la non-linéarité jouerait peut-être à nouveau un rôle important. Or, ce me semble être l’intervention des phénomènes non linéaires qui donnerait à cette « cellule » son unité, sa solidarité et sa permanence.
S’il est vrai que la non-linéarité soit la véritable clef de la Microphysique corpusculaire, on comprend aisément pourquoi la Physique quantique actuelle n’est pas parvenue à écrire le dualisme onde-corpuscule et a dû se contenter d’une description uniquement statistique et probabiliste des phénomènes de l’échelle atomique. Prenant a priori pour base des équations linéaires et ne sortant pas du domaine de l’analyse linéaire, la théorie actuelle fait disparaître les accidents locaux dus à la non-linéarité (tels que les régions singulières et éventuellement les bords abrupts de trains d’ondes), elle efface ainsi les structures corpusculaires et, incapable de saisir la véritable relation entre onde et corpuscule, elle ne peut plus aboutir qu’à des images continues à caractère statistique. (…) L’onde continue (…) ne comportant aucune région singulière (…) ne décrit pas vraiment la réalité physique. »

QUANTIQUE ET CLASSIQUE

« L’existence du quantum d’action (…) implique une sorte d’incompatibilité entre le point de vue de la localisation dans l’espace et dans le temps et le point de vue de l’évolution dynamique (…) La localisation exacte dans l’espace et le temps est une sorte d’idéalisation statique qui exclut toute évolution et toute dynamique. (…) Dans la mécanique classique, il était permis d’étudier pour eux-mêmes les déplacements dans l’espace et de définir ainsi les vitesses, les accélérations sans s’occuper de la façon dont sont matériellement réalisés ces déplacements : de cette étude abstraite des mouvements, on s’élevait ensuite à la dynamique en introduisant quelques principes physiques nouveaux. Dans la mécanique quantique, une semblable division de l’exposé n’est plus en principe admissible puisque la localisation spacio-temporelle qui est à la base de la cinématique est acceptable seulement dans une mesure qui dépend des conditions dynamiques du mouvement. Nous verrons plus loin pourquoi il est néanmoins parfaitement légitime de se servir de la cinématique quand on étudie des phénomènes à grande échelle ; mais pour les phénomènes de l’échelle atomique où les quanta jouent un rôle prépondérant, on peut dire que la cinématique, définie comme l’étude du mouvement faite indépendamment de toute considération dynamique, perd complètement sa signification.
Une autre hypothèse implicite sous-jacente à la physique classique est la possibilité de rendre négligeable par des précautions appropriées la perturbation qu’exerce sur le cours des phénomènes naturels le savant qui, pour les étudier avec précision, les observe et les mesure. (… ) Il résulte en effet, de l’existence du quantum d’action, ainsi que l’ont montré les fines et profondes analyses de Mrs Heisenberg et Bohr, que toute tentative pour mesurer une grandeur caractéristique d’un système donné a pour effet de perturber d’une façon inconnue d’autres grandeurs attachées à ce système. D’une manière plus précise, toute mesure d’une grandeur qui permet de préciser la localisation d’un système dans l’espace et dans le temps a pour effet de perturber d’une façon inconnue une grandeur conjuguée de la première qui sert à spécifier l’état dynamique du système. En particulier, il est impossible de mesurer en même temps avec précision deux grandeurs conjuguées. On comprend alors dans quel sens on peut dire que l’existence du quantum d’action rend incompatible la localisation spatio-temporelle des parties d’un système et l’attribution à ce système d’un état dynamique bien défini puisque, pour localiser les parties du système, il faut connaître exactement une série de grandeurs dont la connaissance exclut celle des grandeurs conjuguées. Relatives à l’état dynamique, et inversement. (…) Le lien entre les résultats successifs des mesures, qui traduisent pour le physicien l’aspect quantitatif des phénomènes, n’est plus un lien causal conforme au schéma déterministe classique, mais bien un lien de probabilité, seul compatible avec les incertitudes qui dérivent, comme nous l’avons expliqué plus haut, de l’existence même du quantum d’action. Et c’est là une modification essentielle de notre conception des lois physiques, modification dont on est loin, croyons-nous, d’avoir encore nettement aperçu toutes les conséquences philosophiques. (…) Dans le nouvelle physique quantique, sous la forme que lui a imprimée le développement de la mécanique ondulatoire, les idées de corpuscules et d’ondes, de localisation dans l’espace et le temps et d’états dynamiques bien définis sont « complémentaires » ; il entend par là que la description complète des phénomènes observables exige que l’on emploie tour à tour ces conceptions, mais qu’en un sens ces conceptions sont néanmoins inconciliables, les images qu’elles fournissent n’étant jamais simultanément applicables d’une façon complète à la description de la réalité. Par exemple, un grand nombre de faits observés en physique atomique ne peuvent se traduire simplement qu’en invoquant l’idée de corpuscules de sorte que l’emploi de cette idée peut être considéré comme indispensable au physicien ; de même l’idée des ondes est également indispensable pour la description d’un grand nombre de phénomènes. Si l’une de ces deux idées était rigoureusement adaptée à la réalité, elle exclurait complètement l’autre, mais il se trouve qu’en fait, elles sont toutes les deux utiles dans une certaine mesure pour la description des phénomènes et que, malgré leur caractère contradictoire, elles doivent être alternativement employées suivant les cas. Il en est de même des idées de localisation dans l’espace et le temps et d’état dynamique bien déterminé : elles sont aussi « complémentaires » comme les idées de corpuscules et d’ondes auxquelles, elles sont d’ailleurs, nous le verrons, étroitement rattachées. On peut se demander comment ces images contradictoires n’arrivent jamais à se heurter de front parce qu’il est impossible de déterminer simultanément tous les détails qui permettraient de préciser entièrement ces deux images et cette impossibilité qui est exprimée en langage analytique par les relations d’incertitude d’Heisenberg repose en définitive sur l’existence du quantum d’action. (…) Ainsi, on peut dire que les corpuscules existent puisqu’un grand nombre de phénomènes peuvent être interprétés en invoquant leur existence. Néanmoins, dans d’autres phénomènes, l’aspect corpusculaire est plus ou moins voilé et c’est un aspect ondulatoire qui se manifeste. (…) Il est inconcevable en mécanique classique que le mouvement du point matériel traversant un trou dépende du fait qu’il y ait ou pas d’autres trous dans l’écran à distance finie du premier (expérience des fentes de Young). »

De Broglie dans « La physique nouvelle et les quanta »

Atome : rétroaction de la matière/lumière et du vide (de la microphysique à l’astrophysique)

* 01- Les contradictions des quanta

* 02- La matière, émergence de structure au sein du vide

* 03- Matière et lumière dans le vide

* 04- Le vide, … pas si vide

* 05- Le vide destructeur/constructeur de la matière

* 06- La matière/lumière/vide : dialectique du positif et du négatif

* 07- La construction de l’espace-temps par la matière/lumière

* 08- Lumière et matière, des lois issues du vide

* 09- Matière noire, énergie noire : le chaînon manquant ?

* 10- Les bulles de vide et la matière

* 11- Où en est l’unification quantique/relativité

* 12- La symétrie brisée

* 13- Qu’est-ce que la rupture spontanée de symétrie ?

* 14- De l’astrophysique à la microphysique, ou la rétroaction d’échelle

* 15- Qu’est-ce que la gravitation ?

* 16- Big Bang ou pas Big Bang ?

* 17- Qu’est-ce que la relativité d’Einstein ?

* 18- Qu’est-ce que l’atome ?

* 19- Qu’est-ce que l’antimatière ?

* 20- Qu’est-ce que le vide ?

* 21- Qu’est-ce que le spin d’une particule ?

* 22- Qu’est-ce que l’irréversibilité ?

* 23- Qu’est-ce que la dualité onde-corpuscule

* 26- Le quanta ou la mort programmée du continu en physique

* 25- Lumière quantique

* 26- La discontinuité de la lumière

* 27- Qu’est-ce que la vitesse de la lumière c et est-elle indépassable ?

* 28- Les discontinuités révolutionnaires de la matière

* 30- Qu’est-ce qu’un système dynamique ?

* 31- Qu’est-ce qu’une transition de phase ?

* 32- Quelques notions de physique moderne

* 33- Qu’est-ce que le temps ?

* 34- Henri Poincaré et le temps

* 35- La physique de l’état granulaire

* 36- Aujourd’hui, qu’est-ce que la matière ?

* 37- Qu’est-ce que la rupture de symétrie (ou brisure spontanée de symétrie) ?

* 38- Des structures émergentes au lieu d’objets fixes

* 39- Conclusions provisoires sur la structure de la matière

* 40- L’idée du non-linéaire

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