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La crise systémique de 1873 menait à l’impérialisme et à la guerre mondiale

vendredi 28 novembre 2008, par Robert Paris

"La production capitaliste des sociétés par actions n’est déjà plus une production privée, mais une production pour le compte d’un grand nombre d’associés. Et si nous passons des sociétés par actions aux trusts qui se soumettent et monopolisent des branches entières de l’industrie, alors ce n’est pas seulement la fin de la production privée, mais encore la cessation de l’absence de plan."

Critique du programme d’Ertfurt, Engels

La future guerre mondiale et la Révolution

Engels à A. Bebel, 13 septembre 1886.

Ce qui m’étonne dans toute cette histoire bulgare et orientale [1], c’est que les Russes commencent maintenant seulement à s’apercevoir, comme Marx en informait l’Internationale dès 1870, qu’ils sont devenus l’arbitre de l’Europe grâce à l’annexion de l’Alsace, etc. [2]. La seule explication possible en est : depuis la guerre, le système militaire prussien de landwehr a été réintroduit partout - dès 1874 en Russie - et qu’il lui faut de dix à douze ans pour développer une forte armée correspondante. Or celle-ci existe maintenant en France aussi - et alors cela peut démarrer. C’est ce qui explique aussi que l’armée russe, noyau du panslavisme, exerce sur le gouvernement une pression telle que le tsar a dû surmonter sa répulsion pour la France républicaine et n’ait eu qu’une alternative pour la politique russe en Orient : ou bien la poursuivre en alliance avec la France ou avec l’accord de Bismarck. Pour Bismarck et l’Empereur, l’alternative était la suivante : d’une part, résister à la Russie et avoir alors la perspective d’une alliance franco-russe et d’une guerre mondiale, ou la certitude d’une révolution russe grâce à l’alliance des panslavistes et des nihilistes ; d’autre part, céder à la Russie, autrement dit trahir l’Autriche. Que Bismarck et Guillaume n’aient pu agir autrement qu’ils l’ont fait - cela s’entend de leur point de vue - et le plus grand progrès réside précisément dans le fait que les intérêts des Hohenzollern deviennent, incompatibles aux yeux de tous avec ceux de l’Allemagne, voire que cette opposition apparaisse comme insurmontable. L’Empire allemand sera mis en danger de mort par son fondement prussien.

Pour l’heure, on arrivera toujours à rafistoler les choses pour que cela tienne jusqu’au printemps ; mais les panslavistes voient grandir leur appétit au fur et à mesure qu’ils mangent, et ils n’auront plus d’occasion aussi favorable avant longtemps. Si les Russes parviennent à occuper la Bulgarie, alors ils continueront en direction de Constantinople - s’ils ne se heurtent pas à des obstacles majeurs - par exemple, à une alliance de l’Angleterre de l’Autriche et de l’Allemagne. C’est ce qui explique les cris de détresse lancés par Bismarck à l’Angleterre afin qu’elle mène une politique active contre la Russie - et c’est ce qu’a repris maintenant le Standard qui le répète quotidiennement, afin que l’Angleterre évite la guerre mondiale [3].

En tout cas l’antagonisme entre l’Autriche et la Russie s’est aiguisé dans les Balkans, au point que la guerre semble plus vraisemblable que la paix. Et ici, il n’y a plus de localisation possible de la guerre. Mais ce qui résultera de tout cela - celui qui en sortira vainqueur - il n’est pas possible de le dire à l’avance. Il est incontestable que l’armée allemande est la meilleure et la mieux dirigée, mais ce n’est qu’une armée parmi de nombreuses autres. Les Autrichiens ont des réactions imprévisibles, même sur le plan militaire tant pour ce qui est des. effectifs que de la direction. De fait, ils ont toujours su faire battre les meilleurs soldats. Comme toujours, les Russes se mystifient eux-mêmes sur leurs forces, colossales sur le papier ; ils sont extrêmement faibles dans l’offensive, mais forts dans la défense de leur propre pays. En dehors de leur commandement, leur point le plus faible est la pénurie d’officiers susceptibles de commander les masses énormes, et le pays ne produit pas une telle quantité de gens instruits. Les Turcs sont les meilleurs soldats, mais le commandement est misérable, s’il n’est pas vendu purement et simplement. Enfin les Français souffrent d’un manque d’officiers, étant donné qu’ils sont politiquement trop évolués pour pouvoir tolérer une institution comme le volontariat d’un an et que le bourgeois français est tout à fait opposé à la guerre (personnellement). Nulle part, sauf chez les Allemands, le nouveau système n’a encore subi l’épreuve du feu. Tant en ce qui concerne le nombre que la qualité, ces grandeurs sont donc difficiles à calculer. Ce qui est sûr des Italiens, c’est qu’à effectifs égaux ils sont battus par n’importe quelle armée. Il est absolument impossible de prévoir comment ces différentes grandeurs se grouperont les unes contre les autres dans une guerre mondiale. Le poids de l’Angleterre - tant de sa flotte que de ses énormes ressources - croîtra à mesure que la guerre se prolongera, et si elle hésite, au début, à faire intervenir ses soldats, son corps expéditionnaire pourra tout de même emporter la décision finale.

Tout cela implique que rien ne se passe à l’intérieur de ces différents pays. Or pour ce qui, est de la France, il est possible qu’une guerre porte au pouvoir lés éléments révolutionnaires, qu’en Allemagne une défaite ou la mort du Vieux (Guillaume) provoque un violent changement de système - cela peut à son tour donner lieu à d’autres regroupements des belligérants. Bref, il y aura un chaos et la seule certitude est : boucherie et massacre d’une ampleur sans précédent dans l’histoire ; épuisement de toute l’Europe à un degré inouï jusqu’ici, enfin effondrement de tout le vieux système.

Il ne pourrait en découler un résultat direct pour nous qu’à la suite d’une révolution en France, mais celle-ci donnerait aux Français le rôle d’émancipateur du prolétariat européen. Pour ce dernier, ce ne serait pas la solution la meilleure, à mon avis, car elle accroîtrait à l’infini le chauvinisme dans les esprits français. Une crise violente en Allemagne à la suite de la défaite militaire ne serait utile que si elle aboutissait à la paix avec la France. La meilleure solution serait la révolution russe, que l’on ne peut cependant escompter qu’après de très lourdes défaites de l’armée russe.

Ce qui est certain, c’est que la guerre aurait pour premier effet de rejeter notre mouvement à l’arrière-plan dans toute l’Europe, voire le disloquerait totalement dans de nombreux pays, attiserait le chauvinisme et la haine entre les peuples, et parmi les nombreuses possibilités négatives nous assurerait seulement d’avoir à recommencer après la guerre par le commencement, bien que le terrain lui-même serait alors bien plus favorable qu’aujourd’hui.

Qu’il y ait ou non la guerre, une chose est acquise : le philistin allemand s’est réveillé avec terreur de son sommeil tranquille et est de nouveau contraint d’intervenir activement dans la politique. Étant donné qu’entre l’actuel bonapartisme prussien sur une base semi-féodale et la république socialiste qui sera notre premier stade, il y a encore de nombreuses phases intermédiaires à parcourir, il ne peut que nous être utile que le bourgeois allemand soit de nouveau obligé à faire son devoir politique en faisant opposition à l’actuel système, afin que les choses se remettent enfin quelque peu en mouvement de nouveau. C’est la raison pour laquelle j’attends avec tant de curiosité la nouvelle session du Reichstag. Comme je ne reçois aucun journal allemand en ce moment, tu me ferais grand plaisir en m’envoyant de temps à autre des feuilles allemandes avec des comptes rendus de séances importantes, notamment de politique extérieure.

Liebknecht m’a raconté longuement que l’Allemagne était indignée de ce que Bismarck ait plié le genou devant les Russes [4]. Il était avec moi à Eastbourne au bord de la mer : il est très en forme et tout va « merveilleusement » comme toujours ; comme les sociaux-démocrates de l’aile droite ne font plus d’histoires tirant à conséquence et ont dû en rabattre quelque peu, Liebknecht peut de nouveau parler sur un ton révolutionnaire et se manifester partout où c’est possible comme l’élément le plus énergique. Je lui ai bien fait comprendre que j’en savais plus sur ces histoires qu’il ne le désirait peut-être, et comme il est en gros sur la bonne voie, il n’y avait absolument aucune raison de ne pas le recevoir très cordialement. Je n’ai aucune idée de ce qu’il a pu te rapporter sur les conversations que nous avons eues, et je n’en suis donc pas responsable.

14 sept. Nouvelle interruption, et je dois faire en sorte que j’en aie fini avant la levée du courrier, afin que tu reçoives cette lettre jeudi matin au plus tard. La Diète hongroise se réunit également ces jours-ci, et les débats sur les salades bulgares n’y manqueront pas. Ce qui serait le plus favorable pour nous, ce serait un refoulement pacifique ou belliqueux de la Russie, car ce serait alors la révolution dans ce pays. Les panslavistes y participeraient alors, mais seraient dupés le lendemain. C’est là un point sur lequel Marx s’exprimait toujours avec la plus grande assurance - et je ne connais personne qui connût si bien la Russie, tant pour ce qui est de ses affaires extérieures, Il disait qu’à partir du moment où le vieux système était brisé en Russie par n’importe qui - n’importe quelle Assemblée représentative - , ce serait la fin de la politique russe d’empiètements et de conquête, si bien que tout y serait alors dominé par les questions intérieures. Et dès lors que cet ultime rempart de la réaction y sera brisé, la répercussion sur l’Europe sera énorme, et nous le remarquerons en premier en Allemagne.


Engels à A. Bebel, 23 - 25 octobre 1886.
Je pense aussi que Bismarck s’est engagé bien davantage avec les Russes qu’il n’y était obligé pour garder l’équilibre avec la France. En dehors de ce que tu dis [5] et qui est bien l’essentiel - la raison principale en est que les Russes lui ont dit, et il sait que cela est vrai : « Nous avons besoin de grands succès du côté de Constantinople ou bien, alors, c’est la révolution. »

Alexandre Ill, et même la diplomatie russe, ne peuvent conjurer l’esprit panslaviste et chauvin qu’ils ont suscité, sans consentir de lourds sacrifices, car sinon les généraux tordront le cou à Alexandre III, et alors il y aura une assemblée nationale constituante - qu’ils le veuillent ou non. Or ce que Bismarck redoute le plus c’est une révolution russe, car la chute du tsarisme russe entraîne avec elle celle du règne prusso-bismarckien. Et c’est pour cela qu’il met tout en œuvre pour empêcher l’effondrement de la Russie - malgré l’Autriche, malgré l’indignation des bourgeois allemands, malgré que Bismarck sache qu’il enterre lui aussi en fin de compte son système, qui repose par ailleurs sur l’hégémonie allemande en Europe, et qu’au jour de la mort du vieux Guillaume, la Russie ainsi que la France ne se contenteront plus de simples menaces.

Ce qu’il y a de pire, étant donné la canaillerie des individus qui nous gouvernent, c’est que nul ne peut prévoir quel sera le regroupement des combattants : avec qui l’un s’alliera et contre qui il s’alliera. Il est clair que l’issue finale en sera la révolution, MAIS AVEC QUELS SACRIFICES ! AVEC QUELLE DÉPERDITION DE FORCES - ET APRÈS COMBIEN DE TOURMENTS ET DE ZIGZAGS !

Cependant nous avons encore le temps jusqu’au printemps, et d’ici là il peut se passer beaucoup de choses. Cela peut démarrer en Russie, le vieux Guillaume peut mourir et l’Allemagne peut suivre une autre politique, les Turcs (qui maintenant que l’Autriche leur a enlevé la Bosnie, et l’Angleterre l’Égypte, ne voient plus que des traîtres en leurs anciens alliés) peuvent de nouveau sortir du sillage russe, etc.

Tu ne peux pas avoir de plus mauvaise opinion que moi de la bourgeoisie allemande. Mais on peut se demander, si elle ne sera pas obligée, contre sa volonté, par les circonstances historiques, à intervenir de nouveau activement - exactement comme la française. Celle-ci est également misérable en ce moment, et la nôtre la surpasserait certainement, mais elle devrait tout de même œuvrer de nouveau à sa propre histoire. J’ai lu aussi avec satisfaction ce que Berger a dit au Reichstag [6], mais cela ne vaudra qu’aussi longtemps que Bismarck vivra. Je ne doute pas, un instant qu’ils aient l’intention de laisser tomber leurs propres phrases « libérales », mais on peut se demander s’ils le pourront, lorsque Bismarck ne sera plus là, lui qui règne à leur place, et qu’ils n’auront plus en face d’eux que des hobereaux simples d’esprit et des bureaucrates bornés, c’est-à-dire des hommes de leur propre calibre moral. Qu’il y ait la guerre ou la paix, l’hégémonie allemande est anéantie depuis quelques mois, et l’on redevient le laquais servile de la Russie. Or, ce n’était que cette satisfaction chauvine, à savoir être l’arbitre de l’Europe, qui cimentait tout le système politique allemand. La crainte du prolétariat fait certainement le reste. Et si ces messieurs les bourgeois sont admis au gouvernement, ils agiront certainement au début comme tu le décris, mais ils seront bientôt obligés de parler autrement. Je vais encore plus loin : même si, après que le charme soit rompu par la mort du vieil Empereur, les mêmes qu’aujourd’hui restaient au pouvoir, ils seraient, ou bien obligés de démissionner à la suite de collisions - pas seulement dues aux intrigues de la Cour - , ou bien ils devraient agir dans le sens bourgeois. Naturellement pas tout de suite, mais avant peu.

Une stagnation telle que celle qui règne actuellement dans le domaine politique en Allemagne et qui évoque véritablement le second Empire [7] ne peut être qu’un état d’exception passager. La grande industrie ne se laisse pas dicter ses lois par de lâches industriels : le développement économique suscite sans arrêt des bouleversements et les pousse jusqu’à l’extrême, bref, il ne souffre pas à la longue que les hobereaux semi-féodaux régentent le pays avec leurs velléités féodales.

Au reste, il est possible aussi qu’à la vitesse à laquelle ils réarment depuis ce printemps ils soient bientôt armés de pied en cap, et qu’ils commencent à avoir peur de déclencher l’affaire, du moins tant qu’existe encore la possibilité d’un compromis réciproque, l’un d’eux propose un plan et des solutions, par exemple que les petits États existant en Europe soient avalés par les grands qui tous participeront à la curée. Il est tout à fait vraisemblable que Bismarck travaille déjà à un tel moyen de sauvetage.


Notes

[1] Le traité de San Stefano qui avait mis fin à la guerre russo-turque de 1877-78 avait donné de telles prérogatives à la Russie dans les Balkans que l’Angleterre et l’Autriche - Hongrie, appuyées secrètement par l’Allemagne, ne purent le supporter. Une pression diplomatique et des menaces militaires forcèrent la Russie à réviser à son détriment ce traité au Congrès de Berlin (13-6 au 13-7- 1878). En septembre 1885, il y eut un soulèvement de patriotes bulgares en Rumélie orientale, dans le Sud de la Bulgade, qui en vertu des décisions du congrès de Berlin était restée sous domination turque. Le gouverneur turc fut renversé, les autorités nommées par la Porte chassées et la province rattachée à la Bulgarie.

[2] Cf. Marx, la Seconde Adresse du Conseil de l’A.I.T.
Dans cette lettre et les suivantes, Engels montre à l’avance quels seront les effets de la future guerre mondiale sur la révolution, soit une perspective tout autre que pacifique et idyllique permettant une réformiste « transcroissance progressive et non violente au socialiste ».

[3] Bismarck défendait alors l’idée que les puissances russes, autrichiennes et allemandes devaient éviter la guerre parce qu’elles pouvaient redouter la révolution en cas de défaite. Bismarck ne voyait pas seulement ce danger pour la Russie, mais encore pour l’Allemagne : « Au temps où nous vivons, plus qu’à aucune autre époque de l’histoire, il est de l’intérêt des grandes monarchies d’éviter la guerre... même en Allemagne - si contre toute attente nous venions à être vaincus - les chances de la république démocratique ou sociale gagneraient considérablement par notre défaite » (document préparé en français par Bismarck pour servir d’aide - mémoire lors des discussions avec le tsar, lors de sa visite à Berlin en 1887, cf. Die Grosse Politik, V, p. 320).

[4] Engels évoque le contexte historique de l’humiliation de Bismarck dans son article sur la Situation politique en Europe, cf. Marx-Engels : Le Parti de classe, IV, pp. 71 - 75.

[5] La Neue Zeit (IV, 1886, n° 11) avait publié un article de Bebel sur l’Allemagne, la Russie et la question orientale. Dans sa lettre du 12-10-1886 à Engels, il avait écrit : « Je pense que Bismarck s’est engagé plus à fond avec la Russie que ce n’était nécessaire eu égard à la France... Il me semble que la Russie opère de sorte qu’elle puisse en découdre seule avec l’Autriche. Si elle force l’Autriche à ouvrir le feu, alors Bismarck ne serait pas obligé d’aider l’Autriche... Si c’était la guerre européenne, je suis certain qu’une révolution européenne s’ensuivrait... Je suis enfin d’avis que c’est précisément ce fait qui retient Bismarck, bien plus que la peur de né pas être en état d’affronter la Russie et la France. »

[6] Le national-libéral Louis Konstanz Berger avait déclaré le 20 - 5 - 1886 à la Chambre prussienne qu’il n’attendait plus un gouvernement libéral à son goût et à celui de de ses amis, et que dans les conditions existantes il fallait déjà se satisfaire, dans le meilleur des cas, d’un gouvernement conservateur modéré.
Bebel avait écrit dans sa lettre à Engels du 12-10-1886 « Le bourgeois allemand est le plus grand lâche et débile qui soit au monde : dans tous ses membres il y a la peur de nous. »

[7] Engels avait défini comme suit la fonction du bonapartisme que Bismarck introduisit à son tour en Allemagne : « La caractéristique du bonapartisme vis-à-vis des ouvriers comme des capitalistes, c’est qu’il les empêche de se battre entre eux. Autrement dit, il défend la bourgeoisie contre les attaques violentés des ouvriers, favorise les petites escarmouches pacifiques entre les deux classes, tout en enlevant aux uns comme aux autres toute espèce de pouvoir politique. » (La question militaire prussienne et le Parti ouvrier allemand, 1865, in : Marx-Engels, Écrits militaires, L’Herne, p. 483.)

Messages

  • La crise du capitalisme de 1873, décrite par Eric Hobsbawm, dans « L’ère du capital » :

    « Puis vint le krach. Même au goût d’une époque qui aimait que ses booms soient spéctaculaires, il fut dramatique : 35 000 kilomètres de chemin de fer sombrèrent dans la faillite, les valeurs allemandes baissèrent de soixante pour cent entre les plus beaux jours de l’expansion et 1877, et près de la moitié des hauts fourneaux des principaux pays producteurs de fer cessèrent de fonctionner. Aux Etats-Unis, le flot des émigrants diminua considérablement ; alors qu’entre 1865 et 1873 on comptait chaque année nettement plus de 200 000 arrivées dans le port de New York, en 1877 on en dénombrait à peine 63 000. Mais surtout, contrairement aux périodes de mrasme précédentes, celle-ci ne semblait pas devoir finir. En 1889 encore, une étude allemande qui se présentait comme « une introduction aux sciences économiques pour les fonctionnaires et les hommes d’affaires » soulignait que « depuis l’effondrement boursier de 1873… le mot « crise » n’a cessé qu’à de brefs instants d’être présent dans l’esprit de chacun. » (…) Certains historiens ont mis en doute l’existence même de ce qu’on a coutume d’appeler la « grande dépression » de 1873-1876, et il est bien évident qu’elle n’eut rien d’aussi dramatique que celle de 1929-1934 où l’économie capitaliste mondiale se figea presque complètement. Cependant, pour les contemporains, il était parfaitement clair que le grand boom avait fait place à une grande dépression… Cette dépression mina et détruisit les bases apparemment si solides du libéralisme du milieu du XIXe siècle… Durant cette période, le capitalisme industriel devint un système économique opérant à l’échelle du globe… Dorénavant, l’histoire serait l’histoire du monde. »

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