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Guerre mondiale et effondrement du système social sont inséparables

mardi 11 avril 2023, par Karob, Robert Paris

1907-1914

1929-1939

2008-2223

Guerre mondiale et effondrement du système social sont inséparables

« Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » disait Jaurès et Anatole France affirmait qu’« on croit mourir pour la patrie et on meurt pour les banquiers ! »

Les analystes se veulent rassurants : sur les banques américaines après la faillite de quatre banques américaines (Silvergate, SVB, Signature, First Republic) et d’une banque suisse (Credit suisse), la chute d’une autre américaine (PacWest) et d’un géant financier (FTX), rassurants aussi sur les banques suisses, italiennes, françaises, sur la Deutsche Bank, sur les banques mondiales, sur les assurances et autres établissements financiers, sur l’état des banques centrales épuisées de soutenir l’économie, la bourse, les monnaies et de racheter les titres pourris, sur l’état global de l’économie, sur la récession, sur l’inflation, sur la pandémie et même… sur la guerre ! Mais tout cela est complètement faux. Le monde est au bord de l’explosion au plan économique, sanitaire, sécuritaire, politique, social et guerrier. Une preuve : la panique bancaire a été le fait des retraits des clients les plus riches, des financiers et des capitalistes de très haut niveau ! Et cela signifie que ces derniers n’ont aucunement confiance dans l’avenir du système.

Pas de souci, nous dit-on, la pandémie n’est plus si dangereuse, la guerre d’Ukraine ne s’est pas transformée en guerre mondiale, la Russie est limitée dans son expansion, la Chine n’est pas en guerre à Taïwan, l’Amérique n’a pas fourni d’armes directement à l’Ukraine, l’Iran n’a pas attaqué Israël ni l’inverse, les grandes puissances se bloquent mutuellement, l’effondrement général des banques n’aura pas lieu, l’inflation est contenue et non exponentielle, la récession est limitée, le capitalisme se maintient et même progresse… du moins dans ses profits et dans sa capacité de prévarication…

Oui, tout ce discours rassurant est mensonger. L’effondrement du système n’est nullement jugulé. Il est seulement retardé comme en 2018. Cela coûte toujours aussi cher au système pour se maintenir de manière artificielle. L’instabilité est toujours croissante. A peine les risques sur les banques sont retardés que d’autres dangers menacent. Pour éviter que la chute soit générale et immédiate dans tout le système bancaire américain, la FED a introduit un nouveau programme, le Bank Term Funding Program (BTFP), consacré à fournir des liquidités d’un an maximum, et cela à des conditions avantageuses, au profit des banques et autres institutions pouvant être concernées. Dès lors, ces établissements bancaires pourront emprunter des fonds de court terme en apportant des obligations valorisées à leur valeur nominale, et non pas à leur valeur sur le marché. Les capitalistes savent qu’ils sont menacés dans leurs investissements. Si les autorités monétaires américaines ont garanti après la déroute de la Silicon Valley Bank, que tous les clients pourraient récupérer leur argent, les investisseurs de cette banque quant à eux ont perdu tous leur argent. Le FMI alerte d’autre part sur les risques liés à la hausse des taux dans la finance non bancaire. Quelques semaines après la débâcle du secteur bancaire américain et européen, le FMI s’inquiète de la situation des assurances, fonds de pension et fonds d’investissement, dont les règles sont encore moins strictes que pour les banques traditionnelles. Tous les problèmes de fond que connaît le système capitaliste n’ont jamais été aussi présents : baisse des investissements productifs, hausse des dettes privées et publiques, spéculation folle (parfois autodestructrice), impossibilité pour le système de laisser se développer une crise classique et de laisser chuter les « too big to fail » (les entreprises dont la chute entrainerait tout le système et que l’on appelle de ce fait « systémiques »). Les autorités américaines se sont engagées (et ont payé) à la place de la SVB et de Signature Bank donnant à tous les clients la possibilité de retirer leurs dépôts, quel que soit leur montant. La Fed a déjà donné 25 milliards de dollars au secteur bancaire en faillite pour couper court à la panique financière et éviter l’effondrement général et annoncé qu’elle s’engagerait davantage si nécessaire… En plus, la Fed a promis d’apporter près de 300 milliards pour sauver le système financier américain de la banqueroute. Preuve, s’il en est, que le sommet du monde capitaliste n’est nullement rassuré ni pour les banques américaines ni pour tout l’édifice financier et économique capitaliste.

Même si le système n’est pas mort de la mort de SVB, pas plus que par celle de Lehman Brothers en 2007, l’Etat du monde capitaliste se dégrade à grande vitesse. Trois phénomènes irréversibles et critiques se développent en même temps, l’effondrement économique, la lutte sociale et la guerre mondiale, et ce n’est pas un hasard si les trois montent en même temps, car ils sont directement liés et l’ont déjà été lors des deux précédentes guerres mondiales. Chaque semaine, une nouvelle supplémentaire dans un nouveau pays confirme que la situation devient critique de façon irréversible dans ces trois domaines.

L’effondrement économique est attesté à la fois par la crise des banques privées, par celle des banques centrales, par l’inflation, par la récession (ralentissement économique mondial, chute de certaines productions, pénuries de toutes sortes, etc.) par les affolements spéculatifs, par la crise de l’énergie, par les spéculations folles aux cryptomonnaies, par la division du monde capitaliste en deux parts de plus en plus séparées et isolées l’une de l’autre, par la hausse des dettes publiques, par les conséquences de la hausse des taux dans une économie capitaliste qui se nourrissait de leur baisse, etc… L’effondrement social est attesté par l’augmentation de la pauvreté, la chute de la santé et de l’éducation, le retour d’anciennes maladies, le covid, la violence contre les femmes et bien d’autres traits particulièrement négatifs. Le capitalisme réel est mort en 2008. Il reste un cadavre maintenu artificiellement par des transfusions permanentes de fonds publics des Etats et des banques centrales.

La radicalisation de la lutte sociale et de la crise politique se voit dans le monde entier, de la Grande Bretagne aux USA, de la France à la Grèce, du Sri Lanka au Kazakhstan, d’Israël au Pérou, de la Chine au reste du monde… La révolte actuelle en Israël et la montée sociale en Grande Bretagne, comme, auparavant, les Gilets jaunes en France ou la révolte aux USA en 2020, comme bien d’autres grandes révoltes dans le monde (de l’Iran au Soudan, en passant par l’Amérique du sud) démontrent que la démocratie bourgeoise atteint ses limites, y compris dans les pays les plus riches du monde et ceux réputés « démocratiques ».

La marche à la guerre se voit non seulement en Russie et en Ukraine ainsi que dans les pays frontaliers, mais dans tout le Pacifique (mal nommé), dans toute l’Europe et d’abord et avant tout aux USA et leurs alliés directs (Canada, Japon, Corée du sud, Australie, Angleterre en premier) ainsi qu’en Russie/Chine et leurs alliés directs. L’armement grimpe en flèche. La mobilisation des troupes est croissante. La fabrication d’armes aussi. Les modifications stratégiques battent leur plein et tournent toutes à la guerre mondiale. La préparation des esprits à la nécessité d’un monde en guerre augmente. L’accroissement de diffusion de nouvelles plus ou moins mensongères amène à l’esprit de guerre. Les camps s’envoient des mises en garde, font des gestes agressifs (économiques et financiers mais aussi militaires), développent des stratégies offensives directes. L’enlisement de la guerre d’Ukraine témoigne qu’aucun des camps n’envisage la possibilité de perdre, au point de préférer l’aggravation de la tension mondiale à un échec militaire. L’entassement croissant d’armes de plus en plus meurtrières sur le sol de l’Ukraine en témoigne. Les domaines d’affrontements économico-politiques se multiplient entre USA et Russie/Chine. Le nombre d’ogives nucléaires opérationnelles dans le monde a augmenté en 2022. Selon le rapport de l’ONG Norsk Folkehjelp, la Russie, les Etats-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, la France, Israël, le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord détenaient 9 576 ogives nucléaires prêtes à l’emploi au début de l’année 2023.

Le lien entre révolution sociale et guerre mondiale est attesté par les deux premières guerres mondiales. Avant 1914 et la guerre mondiale, on compte de multiples révoltes et révolutions :
en avril 1903, c’est la révolte macédonienne
en 1904-1911, c’est la révolution « jeune turque » qui va jusqu’à déposer Abdul-ul-Hamid et à prendre le pouvoir.
en 1904-1911, c’est la révolte arabe et albanaise
en 1907, c’est la révolte yéménite
en 1907, c’est la jacquerie paysanne en Roumanie, écrasée militairement avec 10.000 morts.
en octobre 1909, c’est la révolte crétoise
puis les deux guerres balkaniques et la guerre italo-ottomane
en 1910-1915, c’est l’armement de la population civile arménienne jusqu’aux massacres de 1915 par l’empire ottoman
Et il faut encore y rajouter la révolte grecque, la révolte bulgare, la révolte serbe et yougoslave, etc…
Se cumulent le nationalisme arabe, le nationalisme panslave, le nationalisme islamique, le nationalisme turc, les nationalismes des nationalités opprimées et le soulèvement social des travailleurs des villes et des campagnes, le mécontentement de la petite bourgeoisie.
Comme la Russie, l’empire ottoman est une bombe prête à exploser. Les rivalités des impérialismes amènent ceux-ci à attiser tous les conflits au lieu de les désamorcer.

Entre 1905 et 1914, les révolutions ont parcouru le monde : de la révolution russe de 1905 (et montée révolutionnaire en Russie en 1914) à la révolution dans l’empire ottoman (débutant en 1908 puis en 1913), de la révolution paysanne en Roumanie en 1907 à la révolution chinoise de 1911. L’année 1910, c’est en même temps la grève des cheminots en France, la montée ouvrière en Espagne, la grève de masse en Angleterre et en Irlande, la révolution républicaine au Portugal avec notamment l’obtention du droit de grève, les mouvements révolutionnaires basques en Espagne, les manifestations de masse pour le suffrage universel en Allemagne, le succès du mouvement pour le droit de vote des femmes en Suède, la manifestation de masse aux obsèques de Tolstoï, le soulèvement des peuples des Balkans, etc... 1910, c’est aussi la révolte des Albanais contre l’empire ottoman, la révolte des Abès de Côte d’Ivoire, la révolte des vignerons de Champagne, la révolte des peuples du Gabon, la révolte ouvrière internationale contre la condamnation de Durand, charbonnier du Havre, la révolte des marins brésiliens, les débuts de la révolte en Arabie, les révoltes des peuples de la boucle du Niger et, en France, la révolte des ménagères, la révolution mexicaine, la révolte des pêcheurs de Rivière-au-Renard au Québec, etc, etc... Rappelons aussi les grèves de 1910 en Allemagne qui ont suscité un débat intense de 1910 à 1912 entre révolutionnaires et réformistes au sein de la social-démocratie allemande, notamment entre Rosa Luxemburg et Pannekoek d’un côté et Kautsky de l’autre. Entre 1910 et 1914, la classe ouvrière en Grande-Bretagne et en Irlande déclencha des vagues successives de grèves massives avec un souffle et une hargne sans précédent contre tous les secteurs-clefs du capital, grèves qui balayèrent tous les mythes soigneusement fabriqués sur la passivité de la classe ouvrière anglaise qui avaient fleuri pendant la précédente époque de prospérité capitaliste. Loin d’être le produit de conditions particulières à la Grande-Bretagne, la grève de masse en Angleterre et en Irlande faisait partie intégrante de la vague internationale de luttes qui se sont développées dans toute l’Europe de l’Ouest et en Amérique après 1900.

En août 1911, la classe dominante britannique était forcée de déployer des troupes et des bateaux de guerre à Liverpool pour écraser une grève générale presque insurrectionnelle.

Rappelons aussi la révolution mexicaine débutée en 1911...

En 1911 débute aussi le soulèvement marocain du Rif contre le colonisateur, une guerre révolutionnaire...

Et ça continue en 1912 :
En janvier, première grève générale au Portugal ; en Allemagne, la social-démocratie devient le premier parti au parlement, le Reichstag, la bourgeoisie est affolée et ne parvient pas à former un cabinet majoritaire ; les Bantous d’Afrique du sud créent leur propre parti ; révolte en Tunisie contre les colons français appelée « boycott des tramways » ; les Sénousis du Sahara se défendent contre le colonisateur italien en Libye ; gouvernement révolutionnaire de Sun Yat-Sen en Chine ; apparition du syndicalisme ouvrier en Indonésie ; En avril, insurrection de Fès contre la colonisation française au Maroc ; en mai, grève générale et émeutes à Budapest (Hongrie) organisées par les sociaux-démocrates. La répression par la police fait six morts, 182 blessés et 300 arrestations. En juillet 1912, soulèvement au Nicaragua contre un pouvoir conservateur soutenu par les USA. En décembre 1912 , les travailleurs anglais imposent le salaire minimum garanti pour les mineurs et en Roumanie, ils imposent une loi d’assurance ouvrière. Etc, etc…

Deux vagues de grèves se déroulent au Japon, l’une sur les deux années 1906 et 1907 et l’autre en 1912.

Après la révolution de Hongrie en 1912, c’est la grève générale en Belgique en 1913. L’hiver 1913, il y a à la fois la crise économique catastrophique en Allemagne, des grèves ouvrières violentes au Royaume Uni, des grèves massives en Russie (1,75 million de grévistes de juin 1913 à juillet 1914).

En 1913, en Irlande, les membres du syndicat général des travailleurs du transport (ITGWU) entament une grève à Dublin pour sa reconnaissance, les employeurs décrètent un lock-out dans toute la ville. C’est toute la société irlandaise qui se retrouve coupée en deux selon une ligne de fracture toute nouvelle : d’un côté pour les ouvriers en grève, de l’autre pour l’ordre et William Murphy. Indépendantistes ou unionistes, catholiques ou anglicans, irlandais ou anglo-irlandais, se retrouvent dans les deux camps, entre ceux prêts à mourir pour leur cause et ceux prêts à les affamer.

Le 14 avril 1913 en Belgique : grève générale initiée par le parti ouvrier pour protester contre le refus de Chambre d’adopter le suffrage universel.

1913 : grèves violentes au Royaume Uni

1913 : mouvements de grève en Russie

1913 : à Paris, grève des ouvriers boulangers et c’est aussi la grève des mineurs du Pas-de-calais

Novembre 1913 : préparation de l’armée révolutionnaire pour l’indépendance de l’Irlande.

En 1913, Rosa Luxemburg écrit sur la grève générale belge :

« La grève générale belge ne mérite pas seulement, en tant que manifestation remarquable des efforts et des résultats de la masse prolétarienne en lutte, la sympathie et l’admiration de la social-démocratie internationale, elle est aussi éminemment propre à devenir pour cette dernière un objet de sérieux examen critique et, par suite, une source d’enseignements. La grève d’avril, qui a duré dix jours, n’est pas seulement un épisode, un nouveau chapitre dans la longue série des luttes du prolétariat belge pour la conquête de l’égalité et de l’universalité du droit de vote, luttes qui durent depuis le commencement de la dernière décennie du XIX° siècle et qui, selon toute apparence, sont encore très éloignées de leur fin. Si donc nous ne voulons pas, à la manière officielle, applaudir toujours et à toute occasion tout ce que fait et ne fait pas le Parti social-démocrate, il nous faut, en face de ce nouvel assaut remarquable du Parti Ouvrier Belge, dans ses luttes pour le droit électoral, nous poser la question suivante : Cette grève générale signifie-t-elle un pas en avant sur la ligne générale de combat ? Signifie-t-elle en particulier une nouvelle forme de lutte, un nouveau changement tactique qui serait appelé à enrichir, à partir de maintenant, les méthodes de combat du prolétariat belge, et peut-être aussi du prolétariat international ? »

Jusqu’en 1914, la force syndicaliste révolutionnaire des IWW ne cessa de croître aux USA, ce syndicat dirigeant de nombreuses grèves insurrectionnelles. La guerre servit à écraser les IWW après 1914. Le mouvement fut purement et simplement décapité en 1917.

Une grève éclata, au début de 1913, dans l’industrie de la soie, à Paterson (New-Jersey). Elle s’élargit en une grève générale de solidarité. Haywood prit la tête du mouvement. Un cortège de 35.000 travailleurs de toutes nationalités se rendit à un meeting pour l’entendre. Il fut arrêté ; lorsque l’AFL organisa à son tour un meeting, les travailleurs le désertèrent, pour protester contre le refus d’accorder la parole aux leaders de l’IWW.

Le soulèvement du textile frappa fortement l’imagination des travailleurs des industries de production de masse, dont l’organisation avait été totalement négligée par l’AFL. En 1913, à Akron (Ohio), la cité du caoutchouc, les travailleurs inorganisés des grandes usines de pneus se soulevèrent spontanément. Les IWW prirent la direction du mouvement. Bientôt 20.000 ouvriers du caoutchouc furent en grève. L’infatiguable Haywood accourut. Aidé de James P. Cannon, le futur leader trotskyste, il organisa, comme à Lawrence, des piquets de masses. En avril 1913, des grèves ont lieu dans le Colorado, et tout d’abord la grève des mines du charbon. Le gouverneur du Colorado fait appel à la garde nationale, qui introduit des briseurs de grève de nuit et réprime les manifestations, aboutissant au massacre de Ludlow le 20 avril 1914.

L’Afrique du sud entre en lutte au même moment... En 1913, une grève générale des mineurs blancs (rejoints par des travailleurs africains) connaît le succès, forçant les Randlords1 à s’asseoir à la table de négociations, après que des manifestations de rue à Johannesburg ont conduit à de violents affrontements et à la mort de 30 ouvriers. Une deuxième grève en 1914 est interdite par la loi martiale. En 1913, les mineurs africains suivent la grève des mineurs blancs, mais la leur est réprimée par l’armée.

L’Irlande ouvrière et populaire s’enflamme en 1913… En août 1913, 40 puis 300 ouvriers sont licenciés, accusés d’appartenir au syndicat. Le patronat, mené par Murphy, fait venir des ouvriers britanniques et irlandais originaires d’autres comtés, pour remplacer les licenciés. On les surnomment les Scabs. C’est le grand Lock Out. La Grande Grève de Dublin éclate. Les ouvriers s’arment et forment une milice. Le début de la Première guerre mondiale en 1914, l’hiver rigoureux et le manque cruel de nourriture dans la capitale mettront fin à cette première grève sociale irlandaise.

En 1914, la révolution frappe à la porte en Italie. Vers le milieu de 1914, un événement, qui reçut le nom de « Semaine rouge », donna la mesure de l’état de surexcitation du pays. Le mouvement de grève prit naissance à Ancône, où, le 7 juin, dans un conflit avec la police à « Villa Rossa », trois ouvriers furent tués. De là il s’étendit à la Romagne et à l’Ombrie, et gagna l’Italie tout entière. Les cheminots s’étant joints à la grève, celle-ci fut vraiment générale. Dans plusieurs villes, elle revêtit un caractère d’émeute, notamment à Ancône, dans la Romagne, à Florence et à Naples. La force publique fut débordée. Un moment on eût l’impression d’être en pleine révolution. Les citoyens arboraient des cocardes rouges. A Ravenne, les grévistes avaient arrêté un général. Dans des petites villes on proclamait la République au son du tocsin. A Rome, une manifestation qui se dirigeait contre le Palais-Royal fut péniblement dispersée par l’armée… A Fabriano, une colonne de « bersaglieri » fut désarmée et dut assister à la proclamation de la République. Des églises flambaient. Le drapeau rouge flottait sur des édifices publics.

Les années qui précèdent la première guerre mondiale sont celles d’une montée gréviste et révolutionnaire en Russie. Le 1er mai 1912, la grève fut ainsi portée par près de 400 000 ouvriers. Pour la première fois, lors des élections parlementaires, sur les 9 députés de la « curie ouvrière », 6 étaient des bolcheviks. Fin 1912 et en 1913, des luttes ouvrières radicales démarrent… Il y a une remontée des mouvements de grève en Russie ; entre 725.000 et un million de prolétaires seront en grève en 1912, ce qui revient aux chiffres d’un million d’ouvriers en grève en 1906 et de 740.000 en 1907. En 1913 les chiffres seront compris entre 861.000 et 1.272.000, et lors des six premiers mois de 1914 les grévistes auront été 1,5 million.

Dans le monde entier la classe ouvrière et les peuples opprimés menacent la bourgeoisie. La réplique sera l’entrée en guerre en 1914… La première guerre mondiale, ce n’est pas seulement une guerre entre des grandes puissances : c’est une guerre contre les classes ouvrières et les peuples ! La guerre est une manière de détruire socialement et politiquement la classe ouvrière. Le 13 janvier 1915, Millerand déclarait à la délégation syndicale des Métaux : "Il n’y a plus de droits ouvriers, plus de lois sociales ; il n’y a plus que la guerre."

Le député révolutionnaire Karl Liebknecht, dans sa déclaration au Reichstag le 2 décembre 1914 (motivant son refus de voter les crédits de guerre de l’Allemagne) affirmait : « Cette guerre est aussi une entreprise de caractère bonapartiste tendant à démoraliser, détruire le mouvement ouvrier grandissant. »

Lénine écrit dans sa Résolution pour la Conférence internationale des femmes socialistes, Berne 26-28 mars 1915 :

« Non seulement cette guerre ne sert pas les intérêts des ouvriers, mais elle est une arme dont usent les classes dirigeantes pour briser la solidarité prolétarienne internationale, et pour affaiblir le mouvement ouvrier et la lutte de classe à l’intérieur de chaque pays. »

Anatole France dans l’Humanité du 18/07/1922 : « La guerre mondiale fut essentiellement l’œuvre des hommes d’argent ; que ce sont les hauts industriels des différents États de l’Europe qui, tout d’abord la voulurent, la rendirent nécessaire, la firent, la prolongèrent. Ils en firent leur état, mirent en elle leur fortune, en tirèrent d’immenses bénéfices et s’y livrèrent avec tant d’ardeur, qu’ils ruinèrent l’Europe, se ruinèrent eux-mêmes et disloquèrent le monde. »

« Ainsi, ceux qui moururent dans cette guerre ne surent pas pourquoi ils mouraient. Il en est de même dans toutes les guerres. Mais non pas au même degré. Ceux qui tombèrent à Jemmapes ne se trompaient pas à ce point sur la cause à laquelle ils se dévouaient. Cette fois, l’ignorance des victimes est tragique. On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. Ces maîtres de l’heure possédaient les trois choses nécessaires aux grandes entreprises modernes : des usines, des banques, des journaux. »

De 1910 à 1914, la révolutionnaire Rosa Luxemburg mène une polémique publique contre Kautsky et reproche publiquement à la social-démocratie allemande de freiner les grèves, de refuser les grèves générales politiques, de refuser de tirer des leçons du vaste mouvement européen de grèves générales tendant à devenir insurrectionnelles. Alors que Kautsky affirme que les grèves se font de plus en plus rares en Allemagne, Rosa Luxemburg écrit :

« Que nous montre, par exemple, la statistique des grèves en Allemagne ? … Pendant toute la dernière décennie du XIXe siècle, il y a eu en Allemagne, en tout, 3 772 grèves et locks outs, tandis que durant les neuf années allant de 1900 à 1908, il y en a eu 15.994. Les grèves deviennent si peu « de plus en plus rares » qu’au contraire elles ont quadruplé au cours de la dernière décennie ; en chiffres absolus, 425.142 travailleurs ont pris part à des grèves au cours de la dernière décennie du XIXe siècle et 1.709.415 au cours des neuf premières années de ce siècle, soit quatre fois plus à nouveau… Mais regardons l’Europe occidentale. Le camarade Kautsky qui conteste tout ce que je viens de dire s’oblige à rompre des lances avec une autre contradictrice que moi : la réalité. Car que voyons-nous, si nous examinons attentivement les grèves de masse les plus importantes des dix dernières années ? Les grandes grèves de masse en Belgique qui avaient imposé le suffrage universel demeurent, dans les années 90, un exemple isolé, une expérience pleine de hardiesse. Mais depuis lors, quelle richesse d’expérience, quelle diversité ! En 1900, c’est la grève de masse des mineurs de Pennsylvanie qui, selon les camarades américains, a fait davantage pour la diffusion des idées socialistes que dix ans d’agitation ; en 1900 encore, c’est la grève de masse des mineurs en Autriche, en 1902 celle des mineurs en France, en 1902 encore celle qui paralyse tout l’appareil de production à Barcelone, en solidarité avec les métallurgistes en lutte, en 1902 toujours, la grève de masse démonstrative en Suède pour le suffrage universel égalitaire également ; la grève de masse des ouvriers agricoles dans l’ensemble de la Galicie orientale (plus de 200.000 participants) en défense du droit de coalition, en janvier et avril 1903, deux grèves de masse des employés des chemins de fer en Hollande, en 1904 grève démonstrative en Italie, pour protester contre les massacres en Sardaigne, en janvier 1905, grève de masse des mineurs dans le bassin de la Ruhr, en octobre 1905, grève démonstrative à Prague et dans la région praguoise (100.000 travailleurs) pour le suffrage universel au parlement de Bohême, en octobre 1905, grève de masse démonstrative à Lemberg pour le suffrage universel égalitaire au Conseil d’Empire, en 1905 encore grève de masse des travailleurs agricoles en Italie, 1905 toujours, grève de masse des employés de chemin de fer en Italie, en 1906, grève de masse démonstrative à Trieste pour le suffrage universel égalitaire au Parlement régional, grève couronnée de succès ; en 1906, grève de masse des travailleurs de fonderies de Wittkowitz (Moravie) en solidarité avec les 400 hommes de confiance licenciés pour avoir chômé le 1er mai, grève couronnée de succès ; en 1909, grève de masse en Suède pour la défense du droit de coalition ; en 1909, grève de masse des employés de postes en France ; en octobre 1909, grève démonstrative de l’ensemble des travailleurs de Trente et Rovereto, en protestation contre les poursuites engagées contre la social-démocratie ; en 1910, grève de masse à Philadelphie, en solidarité avec les employés de tramways en lutte pour le droit de coalition, et, en ce moment même, se prépare une grève de masse des employés des chemins de fer en France. Voilà donc pour ce qui est de l’ « impossibilité » des grèves de masse, notamment des grèves de masse démonstratives, si superbement démontrée noir sur blanc par le camarade Kautsky. »

Si nous sommes rentrés dans tous ces détails sur la vague révolutionnaire qui a précédé la première guerre mondiale, c’est que cette vague a repris dès la fin de la guerre et que la guerre n’a servi qu’à démoraliser et désorganiser les forces prolétariennes sans pouvoir les empêcher de revenir à la charge ensuite.

N’oublions pas que la guerre impérialiste est la tentative ultime de la bourgeoisie d’éviter momentanément la révolution sociale. En 1914-1918 comme en 1939-1945, des millions d’êtres humains sont morts non seulement parce que les bourgeoisies s’affrontent mais parce qu’elles sont mortellement ennemis de la classe prolétarienne. Voilà ce que ne vous diront jamais les historiens officiels, voilà ce que ne vous diront jamais les partis réformistes ou les partis opportunistes qui se disent révolutionnaires. La guerre, c’est la lutte des classes exacerbée, violente. La guerre mondiale, c’est la lutte des classes parvenue au point d’une violence la plus extrême. Les questions nationales n’ont jamais et nulle part effacé la lutte des classes, dans une guerre moins que dans toute autre situation. Si les classes dirigeantes jettent le monde dans une violence intense, c’est en proportion des craintes qu’elles ont du prolétariat révolutionnaire. C’est un point dont on ne peut sous-estimer l’importance pour la compréhension des situations actuelles. La violence développée en Ukraine, en Syrie ou en Palestine ne s’expliquent qu’ainsi. Plus le monde capitaliste est tombé dans une crise inexorable, plus il développe la violence aux quatre coins de la planète et n’attend que le prochain effondrement financier qu’il ne pourra pas gérer pour la généraliser en guerre mondiale.

Georges Clemenceau, discours à la Chambre des députés, le 8 mars 1918 :
« Ma formule est la même partout. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. »

En somme sa politique c’est la guerre... à la classe ouvrière !

Si cette politique devient aussi violente, c’est que le capitalisme s’effondre violemment aussi…

Le lien entre la guerre et l’effondrement économique est aussi établi.

C’est tout d’abord démontré par la Panique bancaire américaine de 1907, aussi nommée Panique des banquiers, une crise financière qui eut lieu aux États-Unis lorsque le marché boursier s’effondra brusquement, perdant près de 50 % de la valeur maximale atteinte l’année précédente. Cette panique se produisit au milieu d’une période de récession, marquée par d’innombrables retraits de fonds des banques de détail et d’investissement. La panique de 1907 se propagea à tout le pays, de nombreuses banques et entreprises étant acculées à la faillite. Parmi les premières causes de la crise, on peut citer le retrait de liquidités des banques de New York, la perte de confiance des dépositaires et l’absence d’un fonds de garantie des dépôts. La panique de 1907 se produisit lors d’une période de récession prolongée entre mai 1907 et juin 1908. L’interaction entre la récession, la panique bancaire et la crise boursière provoquèrent un déséquilibre économique de taille.

Ce lien entre crise critique du capitalisme et guerre mondiale s’est à nouveau démontré entre la crise de 1929 et la guerre de 1939. Et il y a eu entre les deux aussi une vague de révolutions qui a précédé la deuxième guerre mondiale et l’a motivée, de l’Espagne à la France, de l’Autriche à l’Inde, du Vietnam au Nigeria. Et bien entendu, il faut citer aussi les menaces communistes révolutionnaires en Allemagne avant la prise du pouvoir d’Hitler et les trahisons sociaux-démocrates et staliniennes…

Aujourd’hui, à nouveau, tous les ingrédients explosifs sont réunis : effondrement historique du capitalisme, et, en réponse à la montée des révolutions dans le monde (les « printemps ») la montée des dictatures, des massacres de masse, la montée de la guerre mondiale.

A cette situation, une seule réponse : mettre à mort le système capitaliste avant qu’il ne nous engloutisse lors de son effondrement final.

La Commune n’est pas morte ! Les soviets non plus ! Ils sont la seule alternative au pouvoir d’un système définitivement périmé !

Depuis l’effondrement économique de 2007-2008, les révolutions ont parcouru le monde et convaincu les classes possédantes qu’il fallait une main de fer, un bain de sang (la pandémie) et des dictatures et bientôt… la guerre mondiale pour réprimer ces révolutions :

• 2008 : Émeute en Grèce

• 2009 : soulèvement postélectoral en Iran

• 2009 : mouvement social (révolution des casseroles) qualifié de révolution islandaise.

• 2010 : la deuxième révolution kirghize renverse le président Kourmanbek Bakiev.

• 2011 : Printemps arabe :

• La révolution tunisienne renverse le président Zine el-Abidine Ben Ali et débouche sur de nouvelles élections.
• La révolution égyptienne renverse le président Hosni Moubarak après presque trente ans en pouvoir.
• La première guerre civile libyenne, se concluant par la mort du dictateur Mouammar Kadhafi.
• La révolution yéménite aboutit au départ du président Ali Abdallah Saleh en 2012.
• Soulèvement bahreïnien.
• Révolte contre le régime de Bachar el-Assad et début de la guerre civile syrienne.
• Révolte de 2011-2014 en Algérie.
• Contestation en Jordanie, il en résulte un changement de premier ministre.
• Contestation au Maroc

• 2011 : révolte au Burkina Faso.

• 2012 : Rébellion touarègue de 2012.

• 2013-2014 : mouvement de contestation Euromaïdan aboutissant à la chute du président Viktor Ianoukovytch en Ukraine.

• 2013-2014 : mouvement des bonnets rouges en Bretagne

• 2014 : mouvement de contestation à Hong Kong appelé révolution des parapluies.

• 2014 : deuxième révolution burkinabé.

• 2016 : Manifestations en France

• 2016 : Manifestations en Éthiopie

• 2017 : Mouvement de la Catalogne.

• 2018-2020 : Mouvement des Gilets jaunes, et, en même temps mouvement de protestation international dans de nombreux pays notamment en Espagne, en Italie, à Hong-Kong, aux États-Unis, au Venezuela, en Argentine, au Chili ou au Brésil

• 2018-2019 : révolution soudanaise.

• 2019-2020 : crise présidentielle au Venezuela.

• 2019-2020 : Hirak en Algérie.

• 2019-2020 : Révolte à Hong Kong.

• 2019-2020 : Révolte en Catalogne

• 2019-2020 : Révolte au Liban

• 2019-2020 : manifestations au Chili

• 2019 : Vague internationale des Révolutions en Équateur, Venezuela, Bolivie, Guinée, Soudan, etc…

• 2019-2020 : Révolte en Irak

• 2019-2020 : Révolte en Haïti

• 2019 : Manifestation en Bolivie

• 2019 : Révolte en Guinée

• 2019 : Manifestations en Éthiopie.

• 2019-2020 : Mouvement social contre la réforme des retraites en France

• 2020 : Révolte aux USA consécutive à la mort de George Floyd

• 2020 : Révolte en Biélorussie

• 2021 : Révolte au Sénégal

• 2021 : Révolte en Colombie

• 2021 : Révolte en Guadeloupe et Martinique

• 2022 : Révolution au Kazakhstan

• 2022 : Révolution en Iran

• 2022 : Révolte en Haïti

• 2023 : Révolte au Pérou

• 2023 : Révolte au Mozambique

• 2023 : Révolte en Israël

• 2023 : Révolte en Tchéquie

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