Accueil > 16- EDITORIAUX DE LA VOIX DES TRAVAILLEURS > Quand les appareils réformistes (politiques et syndicaux) seront-ils (...)

Quand les appareils réformistes (politiques et syndicaux) seront-ils débordés par la montée ouvrière ?

mardi 14 février 2023, par Karob, Robert Paris

Quand les appareils réformistes (politiques et syndicaux) seront-ils débordés par la montée ouvrière ?

Lutte ouvrière écrivait sur une importante grève de cheminots en 2018 :

« Le mouvement n’a pas eu la puissance de dépasser et déborder le cadre fourni par les organisations syndicales. C’est sa principale limite. »

Lire ici

Mais le même article montre que cette organisation ne proposait nullement de contester la direction syndicale, tout en affirmant que ce sont les travailleurs qui ne voulaient pas en faire plus que ce que les syndicats leur proposaient.

L’article prétend : « La question n’est pas d’opposer telle tactique en soi, comme la grève reconductible, au « 2 sur 5 », comme étant la recette miracle valable en tout temps et en tout lieu et surtout indépendamment de ce que les travailleurs sont prêts à faire. »

Donc ce qui était le plus contesté par la base des syndicats, LO ne le conteste même pas !

Et LO justifie :

« Quelle qu’ait été la surprise de nombreux militants, y compris de la CGT, à l’annonce de cette forme de grève intermittente, il est vite apparu que nulle part les cheminots n’étaient prêts à la déborder. »

Il faut donc attendre que les travailleurs soient prêts à « déborder les syndicats » ?

Dans le mouvement des retraites mené par l’intersyndicale, nous entendons beaucoup, de la part de militants syndicaux ou d’extrême gauche, dire qu’il faut déborder les organisations syndicales, condition sine qua non pour imposer une autre politique à ces directions sous entendant qu’elles ne la mèneraient pas par frilosité, par manque de combativité ou parce que bureaucratique ! Ces mêmes militants qui prétendent critiquer ou s’opposer à la bureaucratie de l’appareil syndical rejettent donc dans les faits la responsabilité de la collaboration de classe entre les directions syndicales et le capitalisme auxquelles elles sont intégrées sur le dos des travailleurs qui ne seraient pas assez radicalisés pour déborder ces organisations réformistes et leurs politiques ! Derrière cette apparente critique des bureaucraties de son nécessaire débordement pour mener une politique correspondant aux intérêts fondamentaux du peuple travailleur se cache une couleuvre centriste ( groupe oscillant entre réforme et révolution) !

En effet sous prétexte d’absence de radicalisation et de débordement, les extrêmes gauches se refusent, comme nous le verrons, à défendre et à mener une politique appelant notre classe à l’autonomie et à l’indépendance des organisations syndicales et politiques au travers d’AG souveraines et décisionnelles se dotant de comités de grèves ou de luttes mandatés par ces mêmes AG devant lesquelles ils sont responsables et révocables et encore moins en y défendant un programme d’action révolutionnaire mais en maintenant volontairement au nom de cette absence de radicalité les masses sur le terrain réformiste des syndicats !

Suffit-il alors de déborder les syndicats pour pouvoir mener une politique révolutionnaire ! Le débordement des syndicats obligera-t-il ces derniers a mener une politique conforme aux intérêts du prolétariat ?

Débordés, les appareils syndicaux ? Incapables de suivre en apparence le radicalisme du prolétariat ? Jamais ! Ils pourront tout à fait s’adapter, faire croire, si nécessaire, qu’ils adoptent le mouvement, même s’il est explosif, et tromper par en dessous. Ils peuvent aller très très loin pour faire semblant de suivre la radicalité des travailleurs au cours d’une révolution. Ils peuvent se prétendre révolutionnaires s’il le faut, pour garder la direction et se servir alors de leur position pour torpiller la révolution de l’intérieur.

S’imaginer que la classe ouvrière peut aisément déborder les appareils réformistes, sans se doter d’une direction politique révolutionnaire qui les combatte directement et ouvertement, il ne faut pas compter là-dessus, contrairement à ce que font tous les « gauche de la gauche » et extrême gauche opportunistes.

Les appareils réformistes ne doivent pas être poussés ni radicalisés ni débordés mais renversés et c’est une étape indispensable du renversement de l’ordre capitaliste !

Ils n’ont pas été débordés dans l’Allemagne de 1919, ni dans l’Espagne et la France de 1936, ni au Chili, ni en Afrique du sud, tous pays où pourtant la lutte prolétarienne s’est nettement radicalisée mais où aucun parti révolutionnaire n’a pu renverser l’influence réformiste. Dans aucun de ces pays, la radicalisation, bien réelle, des masses n’a suffi à susciter un tel parti et donc à contester au sein des masses l’influence des partis et syndicats réformistes.

La thèse du « débordement » n’a rien de marxiste, rien de léniniste, ni de trotskiste. Elle insiste sur la radicalisation des masses mais ce n’est pas pour développer des notions révolutionnaires sur l’autonomie des conseils ouvriers. C’est pour dire que, tant que cette radicalisation des masses ouvrières n’atteint pas le point dit de « débordement des appareils réformistes », alors les révolutionnaires n’auraient pas à dénoncer ces appareils et à les contester !!!

Mais où est la mesure de ce prétendu point ? Ils ne le disent pas bien entendu ! Ils se contentent de dire que tel ou tel mouvement n’a pas pu donner quelque chose de plus, que les révolutionnaires n’ont pu jouer un rôle déterminant soi-disant parce que ce point n’était pas atteint. C’est le cercle vicieux. En fait, ils n’ont pas joué un rôle de débordement des appareils réformistes parce qu’ils ne l’ont pas cherché !

De grandes vagues révolutionnaires, à l’échelle nationale et même internationale, ne sont pas parvenues à secouer le poids réformiste alors que des grèves locales influencées par quelques militants y sont parvenues…

Pour renverser ces appareils, encore faut-il en avoir au préalable la volonté et bien connaitre les règles de ce combat et d’abord n’avoir aucune illusion sur ces appareils et les combattre de longue date autour de soi, gagner des sympathies et des militants sur les bases de ce combat. Encore faut-il n’avoir cessé d’expliquer autour de soi les trahisons de ces appareils et s’être gardés de suivre la base quand celle-ci ne se méfiait pas des appareils réformistes.

Encore faut-il ne pas appartenir à une organisation qui fonde ses calculs de progression du groupe sur les positions d’appareil que ses militants peuvent acquérir auprès des réformistes.

Encore faut-il que la politique du groupe ne consiste pas à s’écraser devant ces appareils sous prétexte d’un rapport de forces très défavorable.

Encore faut-il que le groupe éduque ses militants et sympathisants dans la connaissance des expériences passées de débordement des réformistes et d’auto-organisation des travailleurs.

Et il faut bien le dire, presque aucun groupe (même petit) d’extrême gauche (sans même parler de la prétendue gauche de la gauche) ne remplit actuellement ces conditions dans presque aucun pays. Est-ce grave docteur ? Est-ce que c’est fichu pour l’avenir ?

Qui aurait, en pleine première guerre mondiale, que le groupe de Lénine ou celui de Trotsky avaient un tel avenir, allaient parvenir à amener le prolétariat russe à renverser les partis réformistes ?

Nul ne peut dire comment le travail d’organisation révolutionnaire parviendra à renouer avec de vrais partis révolutionnaires. Mais il n’empêche, c’est la seule solution. Les conseils ouvriers, seuls, ne suffisent pas. Ils faut qu’ils soient dirigés par un parti révolutionnaire, qui le soit en actes comme en paroles. Et cela signifie qu’ils ne cachent jamais, pour de soi-disant calculs stratégiques ou tactiques, leur opposition frontale au réformisme politique et syndical. Et pas seulement à tel ou tel moment crucial où le prolétariat se radicaliserait en masse.

Si ces militants ont passé toute la période précédente à cautionner directement, ou par des silences, les trahisons réformistes, ils ne pourront et ne voudront pas jouer le vrai rôle révolutionnaire de direction des conseils ouvriers.

Toute illusion semée sur ces appareils réformistes, illusions selon lesquelles on pourrait pousser ces appareils ou les radicaliser, les transformer, les améliorer, est mortelle pour une politique révolutionnaire devant mener au renversement de tout l’appareil d’Etat capitaliste, appareils réformistes compris.

Plus radicales et auto-organisées que les révolutions allemande (1919) et espagnole, c’est difficile et pourtant les réformistes ont tenu bon, se sont radicalisés formellement, ont fait semblant de surfer sur la révolution sociale, l’ont détournée, trompée et assassinée. Les militants révolutionnaires y étaient prêts à mener la lutte contre les capitalistes mais pas contre les réformistes et c’est là le nœud crucial.

La difficulté du combat contre les réformistes tient à l’influence de ceux-ci au sein du prolétariat et aux mille liens qu’ont les travailleurs avec l’idéologie du réformisme. La classe ouvrière n’est nullement prêt par avance à contester fondamentalement le capitalisme et prêt au contraire à des compromis qu’ont l’air de proposer les réformistes. En fait de compromis faits pour avancer, ce sont seulement des compromissions et des trahisons.

Les élections dans le cadre des institutions de l’Etat capitaliste et le syndicalisme sont les deux pièges mortels pour la lutte révolutionnaire du prolétariat s’il n’existe pas de parti révolutionnaire ne craignant pas de combattre les traitres au sein de la classe révolutionnaire.

Il ne faut surtout pas attendre qu’il y ait une radicalisation de masse avec des conseils de travailleurs pour que le groupe (ou le parti) révolutionnaire dénonce publiquement les trahisons réformistes. Il doit le faire en permanence à l’extérieur comme à l’intérieur de ces organisations.

Lire encore sur le réformisme

Lire encore sur le combat de Marx contre les réformistes

Lire encore sur le combat de Rosa Luxemburg contre les réformistes

Lire encore sur le combat de Lénine contre les réformistes

Lire encore sur le combat de Trotsky contre les réformistes

Lire encore sur le réformisme

Rompre avec les appareils syndicaux

Lire aussi

L’extrême gauche opportuniste s’incline devant le réformisme politique et syndical

Quand l’extrême gauche prétend mettre les bureaucraties au pied du mur, c’est encore pour « faire pression » sur elles pour qu’elles mènent la bonne politique !

A lire (ou relire) absolument

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.