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Des promenades syndicales au massacre des prolétaires

mardi 7 février 2023, par Alex, Waraa

Pour ne pas servir de « chair à manif » derrière les réformistes en France, de « chair à canon » pour les impérialistes en Ukraine, Russie puis en Chine : prolétaires et opprimé(e)s de tous les pays, unissez-vous !

En cette période de crise, de montée de la misère, de l’extrême droite (Brésil, Israël), de guerre, il est une couche sociale qui dans notre pays exulte : c’est la gauche réformiste, qu’elle soit politique ou syndicale.

Les réformistes exultent à propos de « leur » mouvement de réforme des retraites autour de l’intersyndicale, après leur « succès » des manifestations des 19 et 31 janvier.

Ce mouvement n’est qu’une péripétie dans le cadre d’une période similaire à celle qui dans le passé a permis aux réformistes de prendre la place de serviteur en chef de la bourgeoisie : les période de guerre et de révolution. Le rôle des réformiste est d’emmener les prolétaires en rangs silencieux vers la guerre impérialiste, comme ils le firent pour deux guerres mondiales. Leur objectif à travers le mouvement des retraites est le même, pour une troisième guerre mondiale.

Les réformistes divisent le « monde du travail »

C’est uniquement derrière le programme révolutionnaire de la classe ouvrière, que pourra avoir lieu une révolution victorieuse de tous les travailleurs exploités. Mais sans une alliance avec la masse des travailleurs non salariés et qui n’exploitent pas de salariés comme les petits et moyens paysans, artisans ou commerçants, la classe des salariés, même unie, restera minoritaire, sera vaincue dans la guerre contre la classe bourgeoise.

C’est le premier aspect anti-ouvrier de la politique de l’intersyndicale dans le mouvement des retraites. Alors qu’au contraire de la question de l’augmentation des salaires, qui est par nature corporative, la question de l’augmentation de l’âge de départ en retraite concerne au même titre les salariés et les travailleurs indépendants.

Au lieu d’en profiter pour faire un mouvement large, d’envergure nationale, interclassiste comme le mouvement des Gilets jaunes l’intersyndicale choisit de réduire le mouvement contre la réforme des retraites aux confédérations de syndicats de salariés.

Les paysans sont rejetés ! Réunir son armée de combattants est certes une première étape de la guerre. C’est l’argument massue des confédérations syndicales de salariés : l’unité ! Mais si cette "mobilisation", cette "unité", à chaque fois qu’elle ramène un salarié, rejette dix artisans ou paysans dans le camp adverse, c’est l’équivalent d’une "démobilisation" !

Car les paysans condamnés paternellement par l’Etat à une retraite misérable, n’ont aucune raison de voir dans les ouvriers des alliés, quand ceux-ci se battent pour eux seuls, pas parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils ne dénoncent pas haut et fort la politique de l’intersyndicale.

Les travailleurs de France ont pourtant un exemple à méditer. Un mouvement historique mené par la CGT en 1906 (avec une longue préparation durant des mois, contrairement au mouvement improvisé lancé le 10,janvier) fut celui pour la journée de 8 heures. Ce mouvement représenta le sommet des luttes de la CGT d’avant 1914. C’est en 1907 le grand mouvement des viticulteurs qui prit le relais. Mais la CGT ne sut pas jouer un rôle dirigeant dans ce mouvement, laissant les petit viticulteurs se syndiquer sous la direction de leurs grands patrons dans un syndicat commun.

Au contraire en Russie, malgré la défaite sanglante de la révolution de 1905, le parti ouvrier de Lénine s’adressa systématiquement aux paysans petits et moyens, préparant l’alliance ouvrière et paysanne qui renversa le tsar, mit fin à la boucherie de la guerre impérialiste, donna la terre aux paysans.

Les réformistes embrigadent les travailleurs dans les guerres bourgeoises

Un autre front sur lequel la CGT échoua malgré ses déclarations après son succès de 1906, c’est celui de la marche à la guerre, qui aboutit au soutien de ses dirigeants à l’Union sacrée en 1914. Une des limites de la CGT avant 1914 est en effet d’avoir négligé la question d’une guerre qui était annoncée dès 1904 lorsque l’impérialisme britannique, menacé sur les mers par la marine allemande, signa l’entente cordiale avec l’impérialisme français.

Dans l’agitation pour le mouvement des retraites, la question de la guerre présente en Ukraine, de la guerre future impliquant la Chine a complètement disparu !
Comme aujourd’hui en Ukraine, c’est en Europe de l’Est que la guerre mondiale eut ses prémisses, dans les Balkans. Bien qu’européens, les pays de cette région étaient utilisés par les cinq « grandes puissance » comme aujourd’hui l’Ukraine comme champ de bataille et de profits pour les marchands de canon. Pour ces pays impérialistes, les pays dominés ont toujours été considérés comme peuplés de « races inférieures », même si elles étaient « blanches » voire « chrétiennes ». L’ambassadeur de France en Russie M. Paléologue parlait des Serbes comme de ses « chiens », bons seulement à servir l’impérialisme français.

Pendant que les travailleurs en France sont appelés à servir passivement de « chair à manif » dans les cortèges de l’intersyndicale, c’est à la mort que sont conviés les ukrainiens. Ce partage des rôles est une des caractéristiques de l’ère impérialiste du capitalisme. La bourgeoisie française propose au prolétariat d’ici d’accepter une baisse de son niveau de vie, mais de préserver, temporairement, une situation infiniment meilleure que celle des Ukrainiens ou des Africains, condamnés à mort pour beaucoup.

Cette politique, le « privilège » d’être les esclaves salariés d’une bourgeoisie impérialiste, est diffusée par les réformistes dans le mouvement ouvrier, en particulier dans le mouvement contre la réforme des retraites. Si les ouvriers l’acceptent, ils se coupent des milliards d’exploités des pays dominés, des révolutions qui y ont lieu actuellement comme au Soudan, en Iran, au Pérou.
Cette composante si puissante du « rapport de force » entre bourgeoise et classe ouvrière, bien plus favorable à la classe ouvrière s’il est posé à l’échelle mondiale, est ignoré par l’intersyndicale.

Les appels de l’intersyndicale ignorent en effet la guerre en Ukraine. Des « révolutionnaires » comme N. Arthaud appellent les travailleurs à ne pas lutter « aujourd’hui » contre cette guerre en Ukraine, où nos frères de classe sont pourtant massacrés, mais seulement « peut-être », « demain », sous entendu si cette guerre si cette guerre touche « notre France » : « Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une attaque contre nos retraites, mais demain, vu l’escalade guerrière en Ukraine, nous aurons peut-être à nous battre pour ne pas faire la guerre. »

Même si les travailleurs obtenaient le retrait de la réforme Borne-Macron des retraites, ce ne serait pas plus une victoire que les congés payés, à la veille de la seconde guerre mondiale, de l’extermination des Juifs, alors que c’est le renversement mondial du capitalisme qui était à portée de main !

Le contraire de l’action directe

Le second aspect anti-ouvrier de la politique des réformistes, concerne leur politique d’unité des travailleurs non pas avec d’autres classes, mais d’unité de la classe ouvrière elle-même.

Abaissant en permanence le niveau de conscience politique des travailleurs, les réformistes se cachent en permanence derrière le « pragmatisme ». Ils prétendent que la lutte contre les guerres impérialistes, les liens avec les classes moyennes, dépassent ce niveau de conscience et que la « première étape » est déjà de « renforcer le mouvement », l’élévation du niveau de conscience venant après, de nouvelles revendications apparaitraient alors naturellement.

Mais premièrement la méthode de l’intersyndicale est la plus inefficace qui soit, elle est le contraire de l’action directe qui faisait la force de la doctrine de la CGT avant 1914. Le slogan affiché sur la bourse du travail de Paris était "A partir du 1er mai 1906, nous ne travaillerons que 8 heures". Ainsi la CGT ne demandait à obéir à aucune "loi ouvrière" du parlement, elles se préparait à un affrontement direct avec le patronat.

Dans le mouvement actuel, il est demandé aux travailleurs du privé non pas d’occuper leur usine, dans le cadre d’une action directe, pour obtenir une augmentation de salaire et par effet secondaire d’obliger le pouvoir politique à proposer des mesures générales en faveur des salariés. Il est demandé aux travailleurs de se mettre en grève, mais de laisser le patron tranquille, et de venir individuellement dans des marches pacifiques faire pression « moralement » sur E. Borne et Macron !

C’est ce type d’action, les « pressions ouvrières », que la CGT d’avant 1914 classait parmi les antithèses de l’action directe, les rangeant dans la catégorie du « crétinisme parlementaire » sans employer ce terme de Marx.

Maxime Leroy, l’avocat CGTiste rappelait en 1913 dans son ouvrage magistral, republié récemment par la CNT La Coutume ouvrière : « On appelle "pression ouvrière" l’action des ouvriers par meetings, manifestations dans la rue, affiches, violences diverses, pour obtenir du gouvernement et des Chambres le vote de lois favorables au prolétariat. C’est le genre d’action directe le plus connu ; on croit même assez communément que cette violence est toute l’action directe ». Même s’il évoque des mouvements bien plus radicaux que ceux préconisés aujourd’hui par l’intersyndicale, qui s’offusque par avance des attaques contre les banques sur le parcours des manifestations, ce « on croit même » de Maxime Leroy en 1913, peut être traduit en 2023 en « l’extrême-gauche réformiste veut même faire croire que ... ». Car ce sont les petits partis comme LO, les NPAs qui se multiplient, qui rivalisent de zèle pour « faire croire » dans leur propagande sur le mouvement des retraites (zèle qui disparait dans les AGs, où ces groupes se transforment en porte-paroles serviles de l’intersyndicale, sans le dire), que le « mouvement » est en train de se radicaliser.

Or Maxime Leroy rappelait en 1913 comment des syndicalistes révolutionnaires comme Griffhueles avaient dénoncé ce type de mouvement : « l’action directe contraste avec ces journées par son caractère systématique et son esprit : elle est violemment anti-parlementaire. Qu’ils le veuillent ou on, les syndiqués, en agissant sur le Parlement font acte d’électeurs ; ils obéissent à une obscure foi en l’Etat : ce sont des électeurs sommant les législateurs. La pression extérieure considérée quant à son objet, est donc une action indirecte. Elle n’est directe qu’à son point de départ : un corps de métier agissant en masse. cette tactique de la pression extérieure n’a rien de spécifiquement ouvrier : ses théoriciens tels Griffuelhes l’ont rattaché à la politique bourgeoise. »

Action directe, théoriciens de l’action directe, Griffuelhes, antimilitarisme : tous ces thèmes, ou dirigeants historiques du mouvement ouvrier français, que Lénine et Trotsky étudièrent, appelèrent les ouvriers à imiter dans les résolutions de l’internationale qu’ils fondèrent après la prise du pouvoir du prolétariat en Russie en 1917, sont effacés par l’extrême gauche opportuniste.

Or c’est donner des illusions au prolétariat de lui « épargner » toute réflexion sur ce qu’est un mouvement « radical ». Le NPA évoque « la reconductible » (la grève reconductible) comme summum de la radicalité. Mais le mouvement ouvrier est né en 1830 en France, après que les ouvriers eurent mené une grève armée insurrectionnelle qui renversa Charles X ... pour mettre au pouvoir Louis-Philippe ! L’échec de cette grève ouvrière insurrectionnelle de 1830, c’est l’acte de naissance du mouvement ouvrier : car puisque cette grève fut dirigée par la bourgeoisie, elle ne rapporta rien aux ouvriers !

La grève reconductible du NPA, si elle n’est pas dirigée par un ensemble de comités de grèves dont les délégués se réunissent dans des soviets, ne peut qu’être une journée syndicale d’inaction ... reconductible ! L’époque a changé depuis 1830, Macron ne peut prétendre prendre la tête d’une révolution ouvrière au service de la bourgeoisie . Les syndicats et parties de gauche remplacent la bourgeoisie dans cette fonction. Le facteur essentiel de tout mouvement reste pourtant, aujourd’hui comme en 1830, que les ouvriers en aient la direction ou pas !

Le NPA évite cette question en présentant l’intersyndicale comme un reflet passif de la mobilisation des travailleurs, pas comme un organe bourgeois dont la destruction par les travailleurs sera un combat nécessaire et loin d’être évident : « Cette deuxième étape du mouvement peut largement être considérée comme une réussite : le nombre de manifestants continue d’augmenter, à Paris comme en régions, atteignant les deux millions et demi sur l’ensemble du territoire. Un tel succès se ressent dans les décisions prises par l’intersyndicale concernant la suite du mouvement. » Nathalie Arthaud pour Lutte Ouvrière ignore tout simplement l’intersyndicale, ne la mentionnant jamais dans ses éditoriaux des bulletins d’entreprise.

La CGT rentra massivement dans l’Union sacrée, pourtant des résolutions qu’elle prit sont bien au dessus de ce que peut dire l’extrême gauche aujourd’hui. Elle multipliait dans ses congrès précédant 1914 des déclarations comme : « Le congrès affirme que la propagande antimilitariste et antipatriotique doit devenir toujours plus intense et plus audacieuse. Il faut, au point de vue international, faire l’instruction des travailleurs afin qu’en cas de guerre entre puissances les travailleurs répondent à la déclaration de guerre par une déclaration de grève générale révolutionnaire »

Grève générale révolutionnaire contre la guerre mondiale impérialiste qui a déjà commencé en Ukraine ! C’est l’aile syndicaliste révolutionnaire de la CGT d’avant 1914, qui fut vaincue en 1914, qui nous donne les bases d’une politique dans les mouvements, même quand ils sont réduits à celle de la défense de nos intérêts économiques comme pour les retraites !

L’auto-organisation prit la forme en Russie de soviets d’ouvriers en 1905, complétés par ceux de de paysans, de soldats, et même de Cosaques, couche traditionnellement réactionnaire.
Détournons nous des staliniens et sociaux-démocrates de l’intersyndicale, de leurs amis d’extrême gauche qui dénigrent les travailleurs qui seraient « incapables » de s’auto-organiser sous la férule de l’intersyndicale.

Car ce n’est pas en coopération aux côtés de , comme le préconisent le NPA et LO, mais en guerre contre l’intersyndicale que l’auto-organisation peut exister dans le mouvement contre la réforme des retraites.

Ce n’est pas en lui enjoignant d’ignorer la question de la guerre et de la fin du capitalisme, comme le fait l’intersyndicale, que la jeunesse, quasiment absente du mouvement, entrera en lutte.

Luttes économiques et politiques sont indissociables, comme elles l’étaient en 1914 et 1936 !

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