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Amérique du sud : les mêmes tromperies réformistes mènent aux mêmes catastrophes

mercredi 31 août 2022, par Alex, Waraa

Amérique du sud : les mêmes tromperies réformistes mènent aux mêmes catastrophes

Une vague de victoires électorales de la gauche balaie l’Amérique Latine, donnant des illusions à tous ceux qui veulent croire au changement politique sans changement social radical. Les présidents élus ont un incontestable profil d’une gauche qui déchaine l’extrême-droite (parfois organisée sous la forme des milices armées qui font réellement la loi en Amérique Latine) mais d’une gauche qui se garde de s’attaquer vraiment aux classes possédantes. Ces réformistes peuvent donc paraître bien révolutionnaires en comparaison de ceux du PS, du PC et de LFI en France, mais ce sont en fait exactement les mêmes menteurs, les mêmes faiseurs de fariboles, les mêmes trompeurs du peuple qui mènent aux mêmes échecs sanglants.

En Amérique Latine comme en France avec Mélenchon ou ailleurs dans le monde avec les travaillistes, quand la gauche réformiste revient et rejoue la même comédie ici et là-bas en prétendant résoudre la crise sociale et politique sans s’en prendre aux capitalistes et à leur dictature sociale, à leur dictature militaire, ils se gardent de désarmer les fascistes, les potentiels dictateurs militaires, les ennemis les plus déclarés et les plus ouverts du peuple travailleur. Pourtant, l’Amérique du sud a déjà particulièrement souffert des mêmes tromperies dans des « expériences » réformistes se prétendant moins sanglantes que les révolutions sociales mais qui ont coûté des véritables bains de sang au peuple travailleur.

L’exemple sanglant du Chili d’Allende à Pinochet (ce dernier était, rappelons-le, le chef d’Etat-Major d’Allende) est le plus connu mais les exemples de massacres suite à des tentatives réformistes sont très communs à l’Amérique du sud.

La presse bourgeoise a bien compris qu’aucun des nouveaux élus n’est en quoi que ce soit révolutionnaire, commentant ainsi ces résultats des élections :

En Bolivie Luiz Arce est élu en 2020 : « candidat socialiste, élu président dès le premier tour  ». Son prédécesseur, la sénatrice de droite qui avait renversé Morales, avait été obligée de reculer face aux manifestations de travailleurs : « Les élections présidentielle et parlementaires en Bolivie ont été fixées au 18 octobre [2019] de manière inamovible, après deux reports générant des tensions politiques et des blocages routiers menés par les partisans de l’ex-président Evo Morales, et qui persistent dans le pays », écrivait Le Point. Les barrages routiers et les manifestations avaient pourtant des objectifs dépassant la question de l’élection : « Le nombre de barrages a baissé depuis le vote de la loi pour la tenue des élections en octobre", a toutefois assuré jeudi le vice-ministre de l’Intérieur, Javier Issa. Certains ont toutefois été maintenus, notamment à La Paz, Oruro (ouest), Cochabamba (centre) et Santa Cruz (est). Le chef de la Centrale ouvrière bolivienne, Carlos Huarachi, a dénoncé "une trahison", se déclarant insatisfait après le vote de la loi sur les élections, car aucun autre problème, dont celui de la crise économique, n’a été résolu.

Le leader de la communauté indigène aymara, Felipe Quispe, a affirmé de son côté que ses partisans n’avaient nullement l’intention de suspendre leur mouvement de protestations, exigeant la démission de la présidente par intérim.

L’Eglise catholique, l’Union européenne et les Nations unies, qui depuis mardi ont entamé des discussions pour la mise en place d’une plateforme de dialogue entre le gouvernement, les partis politiques, le Parlement et les syndicats, ont en revanche jugé dans un communiqué que le vote de la loi sur les élections créait les conditions "pour que tous reprennent la voie de la coexistence pacifique, respectueuse et sans violence".

La Bolivie traverse une crise post-électorale depuis le scrutin d’octobre 2019. Le président sortant, Evo Morales, s’était proclamé vainqueur de la présidentielle pour un quatrième mandat, mais l’opposition avait crié à la fraude.

Après des semaines de manifestations, le président indigène avait démissionné début novembre et fui la Bolivie, lâché par la police et l’armée. Un gouvernement intérimaire est en place depuis lors, dans l’attente de nouvelles élections. »

Ce sont ces élections d’août 2020 qu’a finalement remportées L. Arce, le dauphin du président indigéniste Evo Morales.

Au Chili, Gabriel Boric du parti Convergence Sociale a été élu président en 2021.Il fut un des dirigeants des manifestations étudiantes de 2011. Le Journal du Dimanche écrivait en décembre dernier : « Gabriel Boric, 35 ans, candidat d’une coalition alliant le parti communiste au centre gauche, n’a cessé pendant cette campagne de montrer qu’il avait l’étoffe d’un président. Sa rencontre dimanche dernier avec Michelle Bachelet, ancienne cheffe de l’État chilien et actuelle Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui lui a prodigué "conseils" et "soutien", avait pour objectif de l’adouber comme futur dirigeant aux yeux des électeurs. Jusqu’à la semaine dernière, l’ex-syndicaliste estudiantin et député gauche radicale de Patagonie était favori face à son rival d’extrême droite, José Antonio Kast »

En Colombie, Gustavo Petro, 62 ans, candidat de la coalition de gauche du Pacte Historique, est président depuis le 7 août dernier. En mai dernier RFI rapportait : « Le candidat de gauche, Gustavo Petro, est toujours en tête des sondages, suivi du candidat conservateur Federico Gutiérrez. La perspective que le pays puisse peut-être élire pour la première fois de son histoire un président de gauche a de quoi effrayer apparemment une partie du secteur des affaires. À tel point que certains chefs d’entreprise n’hésitent pas à menacer leurs employés de licenciement si jamais ils votent pour Gustavo Petro. Le cas le plus emblématique était celui de Sergio Araújo Castro : « Un salarié qui vote pour Petro ne s’intègre pas dans mon schéma commercial et doit tout simplement partir », a écrit sur les réseaux sociaux cet ancien homme politique de droite et chef de plusieurs entreprises.  »

Au Mexique, Andrés Lopez Manuel Obrador est président depuis 2018, Le Monde le décrivant alors ainsi : « Après avoir rejoint le Parti de la révolution démocratique (PRD), fondé en 1989 par des frondeurs de gauche du PRI, Andrés Manuel López Obrador monte les échelons. En juillet 2000, il est élu maire de Mexico, où il impose un programme sécuritaire pour faire baisser la criminalité – il demande même pour cela l’aide du maire de New York, Rudy Giuliani. Il devient alors le fer de lance d’une politique anticorruption, qu’il rebaptise ’guerre contre la mafia du pouvoir’ .Il instaure aussi le programme « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord », qui prévoit un soutien financier aux mères célibataires, une revalorisation des petites retraites, des programmes éducatifs, ou encore le redéveloppement des infrastructures de transport de la mégapole  ».

« Le projet de réforme énergétique du Mexique inquiète les Etats-Unis
Le gouvernement mexicain souhaite réserver au moins 56 % de la production d’énergie à des entreprises publiques. Le projet de loi pénalise les entreprises privées, pour la plupart américaines
 » titraient Les Echos en février dernier.

Au Pérou, Pedro Castillo, candidat du parti Pérou Libre, ancien syndicaliste, est président depuis les élections de juillet 2021, dont France Culture résumait ainsi le contexte : « Depuis le scrutin de dimanche, le comptage a fait émerger les noms des deux candidats qui s’affronteront le 6 juin prochain lors du second tour. Arrivé en tête, Pedro Castillo, candidat de Péru Libre, un petit parti d’extrême gauche : un instituteur de 51 ans, syndicaliste qui avait pris la tête d’un grand mouvement de grève des enseignants en 2017. Il est pro-étatiste, mais socialement conservateur, pro-vie [opposé à l’avortement], pro-famille et anti-immigration. C’est la surprise du scrutin. Face à lui, il aura une figure de la vie politique péruvienne, Keiko Fujimori, 45 ans, fille de l’ex-président autoritaire Alberto Fujimori, candidate du parti Fuerza Popular, la droite populiste héritière de l’ère Fujimori père. C’est la troisième fois qu’elle se retrouve au second tour de la présidentielle. Les deux candidats sont tellement clivants qu’ils ne recueillent que 19 % et 13% des suffrages. Les départager s’annonce donc très difficile, à lire les pages des journaux, toutes tendances politiques confondues.  »

Le « président Lula » du Parti des Travailleurs sera sans doute élu prochainement au Brésil.

Ce que ces media bourgeois omettent de rappeler, c’est que l’Amérique Latine a vu se succéder les plus sinistres dictatures militaires, véritables fascismes d’Etat ... suite à des succès de la gauche, à la tête de soulèvement ouvriers.

Un des exemples connus du bilan sanglant du réformisme est celui du Guatemala, débutant le 15 mars 1945. Porté par une large coalition et 84 % des suffrages exprimés, Juan José Arévalo est nommé président. Commence alors une période de réforme unique dans l’histoire du pays. Le « Printemps Guatémaltèque » va durer dix ans. Il finira dans un bain de sang, anéanti par les efforts conjugués des gros propriétaires terriens, de l’armée du Guatemala, du gouvernement des Etats-Unis et de la United Fruit Company. Au Brésil, c’est en 1954 que le président populiste Jao Goulard fait place à la dictature militaire sanglante. En 1976, c’est en Uruguay et en Argentine que les contre-révolutions militaires succèdent à des tentatives « de gauche ». Un autre exemple fameux est celui du « réformiste » Jean-Bertrand Aristide en 1991… qui est loin d’avoir sorti l’île du bain de sang permanent et encore plus loin d’avoir réellement remis en cause la mainmise des exploiteurs et des tueurs à leur service.

Une liste même incomplète de ces dictatures est longue : Argentine de 1966 à 1973 puis de 1976 à 1983 ; Brésil de 1964 à 1983 ; Chili du général Pinochet de 1973 à 1990 ; Paraguay de Stroessner de 1954 à 1989 ; Uruguay de 1973 à 1984.

Ces dictatures formaient une véritable organisation continentale : l’opération Condor, campagne de terreur, menée officiellement contre « guérilleros terroristes gauchistes », avec la complicité des USA, fut menée en commun par les dictateurs d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay.

Or il ne faut pas croire que ces dictatures d’extrême droite, fascisme d’Etat, avaient été précédées d’une lente et inexorable montée électorale de l’extrême-droite, voie vers le fascisme que la gauche en France veut nous faire croire naturelle .... alors qu’elle n’a jamais existé.

C’est la première leçon à tirer de ces épisodes des années 60-80. Or en France la gauche et l’extrême-gauche électorale (PS, PC, LFI, LO, NPA) ne cherchent pas à mener la lutte des travailleurs contre le fascisme, mais contre la montée électorale du RN, qui est un phénomène d’un autre ordre. En France ce n’est pas le plus grand parti moderne d’extrême droite, le Parti Social Français du Colonel de la Roque, qui transmit le pouvoir à Pétain puis à Hitler en 1940-1945, mais la chambre du Front Populaire de gauche élue en 1936.

Cette leçon ne fait que confirmer les leçons tirées de la première prise du pouvoir par le fascisme, celui de Mussolini, que Lénine et Trotsky résumaient ainsi en 1922 :

« Vers la fin de la guerre impérialiste mondiale, la situation en Italie était objectivement révolutionnaire. La bourgeoisie avait lâché les rênes du pouvoir. L’appareil de l’Etat bourgeois était détraqué, l’inquiétude s’était emparée de la classe dominante. Les masses ouvrières étaient lasses de la guerre et dans diverses régions se trouvaient même en état d’insurrection. Des fractions considérables de la classe paysanne commençaient à se soulever contre les propriétaires fonciers et contre l’Etat et étaient disposées à soutenir la classe ouvrière dans sa lutte révolutionnaire. Les soldats étaient contre la guerre et prêts à fraterniser avec les ouvriers.

Les conditions objectives d’une révolution victorieuse étaient réalisées. Il ne manquait plus que le facteur subjectif ; il manquait un parti ouvrier décidé, prêt au combat, conscient de sa force, révolutionnaire, en un mot : un véritable Parti Communiste. L’occupation des usines par les ouvriers italiens, en automne 1920, a constitué un moment décisif dans le développement de la lutte des classes en Italie. Instinctivement, les ouvriers italiens poussaient à la solution de la crise dans un sens révolutionnaire. Mais l’absence d’un parti ouvrier révolutionnaire décida du sort de la classe ouvrière, consacra sa défaite et prépara le triomphe actuel du fascisme. Cette triste, mais très édifiante leçon des événements d’Italie doit profiter à tous les ouvriers conscients du monde entier.

1° Le réformiste : voilà l’ennemi.

2° Les hésitations des centristes constituent un danger mortel pour un parti ouvrier.

3° La condition la plus importante de la victoire du prolétariat, c’est l’existence d’un Parti Communiste conscient et homogène.

Tels sont les enseignements de la tragédie italienne. »

En Amérique Latine, la leçon reste la même : le réformisme, qui empêche la classe ouvrière de s’emparer du pouvoir : voilà l’ennemi.

Ce qui est moins connu, c’est que les formateurs de ces bourreaux de la classe ouvrière d’Amérique Latine furent les dirigeants de l’Ecole Supérieure de Guerre (ESG) française. La bataille d’Alger leur servit de modèle. Un des élèves de cette Ecole de guerre (1957-1959, aux côtés de très nombreux officiers étrangers), émules des colonels qui mirent en place la torture en Algérie, fut le général argentin Lopez Aufranc qui déclara « C’est grâce à l’enseignement des français que j’ai compris que l’ennemi pouvait être le peuple ». Ce n’est pas l’extrême-droite française qui forma les fascistes d’Amérique Latine, mais la IVème République de gauche puis la Vème de droite, à partir de 1956, officiellement jusqu’en 1981. Un accord secret de 1959, rédigé par le gouvernement de De Gaulle précisait : « Le ministre des armées de la République française mettra à la disposition de l’armée argentine une mission d’officiers supérieurs de l’Armée française, qui apportera son assistance technique à l’Armée de la République d’Argentine et ses officiers, dans le but d’accroître l’efficacité technique et la préparation de l’Armée argentine  ». Dès 1960 la nature de « l’efficacité technique » apparut au grand jour : une grande grève des ouvriers de la viande à Buenos Aires est brutalement réprimée par la police, ainsi que les émeutes populaires qui éclatent en protestation dans le quartier de Mataderos. Face à la menace de grève générale le plan Conintes, « antisubversif », est mis en place sous la direction des « assesseurs français ». L’un d’eux s’en félicitera dans un article rédigé pour l’ESG française en 1962 : « L’exécution du plan Conintes a permis une expérience qui sera d’une grande valeur dans d’autres occasions.  » Parmi ces occasions décrites : le refoulement de « réfugiés paraguayens, opposants au général Stroessner, qui tentaient de gagner l’Argentine  », tout ceci « dans les meilleurs conditions grâce aux enseignements acquis récemment à l’ESG  ». Ces crimes anti-ouvriers fondateurs, ainsi que quantité d’autres sont rapportés dans les centaines de pages du livre et le film documentaire « Escadrons de la mort, l’école française » de la journaliste Marie-Monique Robin.

Le gouvernement de la bourgeoisie n’a donc pas besoin d’un parti d’extrême-droite comme le RN qui gagnerait les élections pour mettre cette politique fasciste en place. Les cadres supérieurs de l’appareil d’Etat et des grands groupes capitalistes sont formés en permanence pour cette besogne, le génocide des franco-rwandais des Tustsis du Rwanda l’a confirmé en 1994.

Le réformisme d’Amérique Latine apporte un éclairage sur le réformisme en France, ou plutôt la dérive réformiste d’une extrême-gauche qui avait pourtant contribué à éclairer les travailleurs d’ici à l’époque de ces dictatures.

Le Parti Ouvrier Indépendant (POI ou POI-D), un des trois courants soi-disant trotskiste en France, avec LO et le NPA, est aujourd’hui un groupe politique qui dérive comme les deux autres à toute vitesse vers la droite, apportant par exemple son soutien à J-L Mélenchon lors des dernières élections. Ce parti avait pourtant en apparence un autre discours lorsqu’en 1952 eut lieu une révolution prolétarienne en Bolivie. Car en effet c’est en Amérique Latine qu’eût lieu une des grande révolutions prolétariennes du XXème siècle, comme 1917 en Russie ou 1936 en Espagne. En 1952 en Bolivie, le pouvoir était à portée de main des ouvriers, qui avaient à leur tête le Parti Ouvrier Révolutionnaire (POR) ... qui malheureusement n’osa pas prendre le pouvoir.

Les militants du POR avaient donné au syndicat des mineurs des statuts de tendance syndicaliste révolutionnaire, qui sont un exemple pour les militants syndicaux du monde entier encore aujourd’hui, et dont voici un extrait :

« 1. Le prolétariat, en Bolivie comme ailleurs, constitue la classe sociale révolutionnaire par excellence. Les travailleurs des mines, secteur le plus avancé et le plus combatif du prolétariat de ce pays, déterminent le sens de la lutte de la FSTMB (Fédération des mineurs).

2. La Bolivie est pays capitaliste arriéré, mais c’est le mode de production capitaliste qui est qualitativement dominant, les autres formes économico-sociales constituant un héritage de notre passé historique. L’hégémonie du prolétariat dans la politique nationale découle de cet état de choses.

3. La Bolivie, bien que pays arriéré, n’est qu’un maillon de la chaîne capitaliste mondiale. Les particularités nationales représentent en elles-mêmes une combinaison des traits essentiels de l’économie mondiale.

4. La particularité de la Bolivie réside dans le fait qu’aucune bourgeoisie capable de liquider le système des latifundia et les autres formes économiques pré-capitalistes, de réaliser l’unification nationale et la libération du joug impérialiste, n’est apparue sur la scène politique. Toutes les tâches que la bourgeoisie n’a pas accomplies constituent les objectifs démocratico-bourgeois qui doivent inéluctablement être réalisés. Les problèmes centraux qui se posent aux pays semi-coloniaux sont : la révolution agraire, c’est-à-dire la liquidation de l’héritage féodal, et l’indépendance nationale, à savoir balayer le joug impérialiste ; tâches qui sont étroitement liées les unes aux autres.  »

Le programme du POI, analogue à ceux de son jumeau le POI-D, ou du NPA de P. Poutou, ou de LO (Lutte ouvrière) de N. Arthaud, de toute l’extrême gauche qui dérive vers la droite en s’intégrant dans les bureaucraties syndicales de la CGT ou de SUD, a aujourd’hui un programme qu’on peut résumer en le caricaturant à peine : vive Martinez et vive Mélenchon ! Quel recul du POI par rapport à ce que ses militants du POR bolivien, dont le plus célèbre Guillermo Lora, écrivaient il y a 70 ans ! Les militants du POI, comme ceux de LO et du NPA, peuplent les confédérations syndicales CGT et SUD, le syndicalisme révolutionnaire a disparu de leurs publications. Ceux qui en doutent n’auront qu’à lire les programmes des prochaines élections professionnelles.

Comparons également ce qu’écrivait LO il y a 50 ans à propos du Chili, suite au coup d’Etat sanglant de Pinochet. On lisait à juste titre que ce qui se passait au Chili est une guerre qui nous concerne :

« Le sort tragique du prolétariat chilien, les travailleurs du monde entier doivent en tirer les leçons. Certains - ceux là mêmes, surtout, qui défendent en France la même politique qu’Allende et l’Unité Populaire défendaient au Chili - disent que ce n’est pas le moment, que sur les tombes à peine recouvertes des martyrs de Santiago, il convient seulement de se recueillir. Mais les leçons que nous devons tirer des événements chiliens, les travailleurs de là-bas les ont payées trop cher pour que nous ayons le droit de les mépriser. Toute une génération de militants massacrée, et il ne faudrait pas essayer de savoir comment cela fut possible, comment éviter que cela ne se reproduise ailleurs, dans l’avenir ?

C’est au contraire aujourd’hui le devoir de tous les travailleurs conscients de se poser ces questions. Et il n’y a qu’en tirant les leçons de ce drame que les travailleurs du monde entier pourront un jour réaliser ce qui était l’espoir de leurs frères chiliens, l’avènement d’une société socialiste, et venger du même coup toutes les victimes de la barbarie capitaliste, venger la classe ouvrière chilienne assassinée. » Bref, cette guerre est la nôtre, écrivait LO à juste titre à l’époque. Quel contraste avec l’affirmation de N. Arthaud, le 8 août dernier, ... que la guerre en Ukraine ne nous concerne pas encore ! : « Ici, en France, la population ne meurt pas sous les bombes. Les travailleurs doivent défendre leurs conditions d’existence face à l’inflation, aux attaques du grand patronat et du gouvernement à son service. » Bref, l’Ukraine nous intéresse à peine, car nous ne sommes pas encore impliqués dans la guerre qui s’y déroule.

De même, LO reprenait à juste titre en 1973 le programme du mouvement ouvrier d’avant 1914 qui réclamait la dissolution des armées permanentes et leur remplacement par la classe ouvrière en arme : « On ne peut pas plus démocratiser qu’épurer l’armée de la bourgeoisie. En France, tous les cadres de cette armée ne sont pas des grands bourgeois. Une bonne partie d’entre eux est issue de la petite bourgeoisie. Les hommes de troupe le sont, eux, de la classe ouvrière ou de la paysannerie. Mais un paysan, un petit-bourgeois ou un ouvrier qui passe sous l’uniforme et y fait carrière, abandonne les idées de sa classe et les attaches avec elle pour devenir un soldat c’est à-dire un instrument dans les mains de l’état-major. C’est encore plus vrai s’il devient officier. La formation et la discipline auxquelles il est soumis, et qui ont fait largement leurs preuves plus que centenaires, n’ont pas d’autre but.

À la « Libération » on a ainsi prétendu démocratiser l’armée et la police en y intégrant une partie des hommes des maquis. Cela n’a empêché ni les CRS de mater les grèves ouvrières ni l’armée de mener les sales guerres coloniales, à commencer par la guerre d’Indochine. (...) En 1871 sous la Commune de Paris ; en 1917 en Russie aux premiers temps du pouvoir des Soviets ; en Espagne en 1936 quand, malgré le gouvernement républicain, des milices ont surgi un peu partout pour s’opposer justement au coup d’État de Franco.

Et puis c’est la seule chance des travailleurs, de la gauche, du socialisme. Sinon, si nous ne sommes pas capables de briser ce bastion de la réaction qu’est forcément l’armée actuelle, ce n’est pas la peine de penser à un pouvoir des travailleurs. Bien pire, un simple gouvernement de gauche a toutes les chances de finir par la réaction militaire comme au Chili.

Les travailleurs n’ont donc pas le choix : ou ils sont capables d’appliquer un programme révolutionnaire et de briser l’armée, ou ils sont condamnés à subir le joug de la bourgeoisie, de la réaction et du fascisme.  »

Mais en 2022, la guerre contre l’armée française n’est plus au programme de LO. Dans son éditorial du 8 août, N. Arthaud conclut ainsi par le slogan « Vive la lutte des travailleurs pour renverser le capitalisme, seul espoir pour l’humanité d’échapper à la catastrophe !  », alors qu’en 1973 LO aurait écrit : « Vive la lutte armée des travailleurs pour renverser le capitalisme, au moyen de la dictature du prolétariat organisée par des soviets, des comités d’usines auto-organisés, seul espoir pour l’humanité d’échapper à la catastrophe ! ».

Le réformisme latino-américain inspire la gauche et l’extrême-gauche française ? Que les travailleurs d’ici se mettent à l’école des révolutions ouvrières et paysannes de ce continent, pour mieux combattre la gauche réformiste qui comme en Italie en 1920, a ouvert en Amérique Latine la voie au fascisme qui prit la forme de dictatures militaires.

Chassons les réformistes et les faux révolutionnaires du camp des travailleurs, afin que lors d’une nouvelle révolution comme celle de 1952 en Bolivie, les ouvriers aient à leur tête des militants qui dépassent l’échec du POR, et n’aient pas peur de prendre le pouvoir. Pour cela ils n’auront qu’à s’allier aux révolutionnaires indiens et paysans comme les Zapata et Pancho Villa de la révolution Mexicaine !

En Amérique du Sud comme ailleurs, le seul vrai choix est entre le pouvoir aux travailleurs et le pouvoir aux exploiteurs. Toutes les autres « solutions » sont des impasses politiques et sociales sanglantes qui mènent aux abattoirs fascistes et militaires.

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