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Un groupe politique soi-disant Trotskiste derrière son impérialisme : la Fraction l’Etincelle du NPA (2)

mardi 16 août 2022, par Alex

Avertissement : ce texte, comme le précédent est à replacer dans un contexte plus large : la dérive électoraliste et syndicaliste de toute une extrême gauche, dont un des derniers avatars est l’annonce d’un nouveau parti par le NPA, qui serait un nouveau pas à droite vers LFI et les bureaucraties syndicales.

Toute une partie de cette extrême-gauche se dit révolutionnaire (La Fraction, Révolution Permanente, Union Communiste Libertaire) mais veut « aider » le NPA dans cette démarche en proposant à son aile droite ouvertement réformiste d’accepter leur petit groupe qui continuera à se dire révolutionnaire, sans les gêner dans leurs magouilles avec LFI, SUD, CGT et autres. Or aucun de ces groupe n’a, à notre avis, une politique révolutionnaire dans cette démarche, leur langage est celui du centrisme : le réformisme déguisé emballé en langage révolutionnaire.

Le but est de tenter de clarifier le débat avec des révolutionnaires sincères et qui apprécient la discussion, voire même avec les militants des organisations susmentionnées, dont la Fraction est un specimen typique d’un courant qui est bien plus large que cette organisation, et dont la langue commune est celle du « centrisme ».

Le NPA et sa Fraction sur la guerre en Ukraine

La guerre en Ukraine permet au NPA, par la voix de sa Fraction l’Etincelle, de taper sur des "marxistes" (le nom de leur organisation ? secret défense !) :

Ce rouleau compresseur de la propagande a conduit différents courants qui se revendiquent du marxisme révolutionnaire à s’aligner à des degrés divers sur l’impérialisme tricolore et occidental en revendiquant, soutenant ou cautionnant la livraison d’armes en quantités toujours plus grandes à l’armée de Zelensky au nom de la solidarité avec le peuple ukrainien.

Tribune de la Fraction 5 juillet 2022

Or la Fraction oublie que “son parti”, le NPA par la voix de Besancenot, qui ne se réclame pas du marxisme, est l’un de ceux qui réclament des armes pour l’Ukraine !

Dans ce même article, la Fraction donne elle-même un exemple de participation à l’Union sacrée :

La véritable solidarité avec le peuple ukrainien consiste donc à défendre la seule issue qui lui soit favorable : la révolte générale contre la guerre, en Ukraine comme en Russie, et la fraternisation des soldats et des peuples, contre Poutine et Zelensky.

La "révolte générale" (mot très vague, sans caractère de classe, oligarques et prolétaires tous ensemble) contre la guerre ... mais seulement en Ukraine et en Russie. Contre l’engagement de l’armée française en Roumanie, rien n’est à l’ordre du jour ? Et que les "révolutionnaires" de France donnent aux Ukrainiens et aux Russes un exemple de "révolte générale" contre la guerre (les guerres en Afrique, au Mali par exemple), ne fait pas partie du programme ? Les Ukrainiens et les Russes souriront (avec l’aide des media d’Etat d’Ukraine et de Russie voulant contrer tout mouvement contre la guerre), de ces partis "révolutionnaires" de France qui face à l’une des bourgeoisie impérialistes les plus appuyées sur l’armée, n’ont pas de programme anti-guerre contre l’armée française à l’ordre du jour, mais "conseillent" aux Ukrainiens et aux Russes d’en avoir pour leurs armées et leurs peuples, voire de passer à l’action sans nous attendre. Cela rappelle le "socialisme de guerre" qui en France en 14-18 appelait de France à la révolte contre l’armée ... allemande.

En France, la "révolte" contre la guerre n’est (d’après la Fraction) pas à l’ordre du jour, et on nous propose en plus d’appeler, de fait, à fraterniser avec le régiment Azov en Ukraine (qui font bien partie des "soldats" que mentionne la Fraction, sans aucune distinction), quel programme ! Certes, la Fraction ne s’exprime pas ainsi car elle parle de "soldats", mais il faut évidemment être beaucoup plus précis : Mutineries, exécution des officiers irrécupérables, dissolution de l’armée bourgeoise puis construction d’un armée rouge, c’est le déroulement auquel aboutissent les "fraternisations" si elles réussissent. Mais la guerre civile russe de 1917-1921 n’est plus une référence pour la Fraction ! A la place d’une Ukraine soviétique appuyée sur la dictature du prolétariat, formalisée par le traité de Riga (1921), qui a fait naitre l’Ukraine indépendante de l’ère moderne, que prétend défendre le NPA (en substituant la date de 1991 à celle de 1921) c’est une “Ukraine libre, démocratique et socialiste” qui est proposée comme perspective dans cet article de la Fraction :

Le droit du peuple ukrainien à disposer de lui-même, comme celui des diverses minorités présentes dans ce pays, ne pourra s’exercer que dans le cadre d’une Ukraine libre, démocratique et socialiste. Un objectif beaucoup moins utopique que celui d’une victoire militaire qui, quel que soit le vainqueur, ne laisserait que des champs de ruines.

Ukrainiens rassurez-vous : la guerre civile déchainée par notre armée et notre bourgeoisie, soutenant les généraux blancs contre votre indépendance en 1917-1920 n’aura plus lieu, tout cela c’est fini ! Votre liberté nationale, avec le socialisme, se fera sans guerre civile, sans "ruines". La "victoire militaire" de Trotsky à la tête de l’Armée rouge est un mauvais souvenir à oublier.

Ecrire « une victoire militaire qui, quel que soit le vainqueur, ne laisserait que des champs de ruines » revient à condamner des révolutions armées comme le furent 1789, 1871, 1917 (révolutions qui étaient aussi des luttes nationales) c’est le programme réformiste de Millerand. Hitler ou les juifs du Ghetto de Varsovie insurgé, peu importe le vainqueur, car toute guerre provoque des ruines ? La révolution de Février 1917, a été la ruine de l’empire russe, ce fut un bel événement pour les travailleurs du monde entier !

Certes la Fraction sous-entend que la guerre actuelle n’est qu’une guerre entre nation et ne peut rien donner de bon, mais renvoyer dos-à-dis Russie et Ukraine, alors que l’Ukraine est une ancienne colonie russe (franco-russe de 1892 à 1917), est déjà très discutable. Mais de plus n’est-ce pas la tâche des "révolutionnaires" de rappeler que la révolution ne viendra pas "après la guerre", mais qu’elle a des chances de venir pendant ce type de guerre ? La révolution en tant que guerre civile entre exploités et exploiteurs, qui résulte souvent du développement d’une guerre entre les nations, est un concept absent des textes de la Fraction, tout comme la dictature du prolétariat qui lui est liée.

Donc pour la Fraction, au niveau national international, plus de révolution prolétarienne, c’est-à-dire de guerre civile des exploités contre les exploiteurs, avec restriction des libertés et des droits démocratiques des exploiteurs (pas de droit électoral dans les soviets pour les capitalistes) mais "liberté et de démocratie" pour tous.

"Prolétaire", "ouvrier" sont des mots absents de l’article de la Fraction, la "révolution" est une personne morale abstraite, ni bourgeoise, ni paysanne, ni nationale, ni prolétarienne. Le récent programme de la Fraction- en 15 paragraphes en vue du prochain Congrès du NPA qui risque de l’exclure, est typique de cette rhétorique centriste, l’adjectif "révolutionnaire" apparaissant 14 fois, jamais accompagné de l’adjectif "prolétarien". Ce terme "révolutionnaire" employé seul est systématique dans les textes de la Fraction. La politique de la Fraction n’est donc pas un programme pour la révolution prolétarienne, pour les révolutionnaires prolétariens, la Fraction n’emploie jamais ces termes, c’est très clair. !

Respectons le droit d’expression "libre et démocratique" de militants, mais lorsqu’une politique abandonne le terrain du mouvement ouvrier, cela ne doit pas être fait au nom du trotskisme ou du Programme de transition, ce que persiste à faire la Fraction. Dans ce Programme de transition dont se réclame la Fraction, les premières occurrences du mot « révolution » sont : « révolution socialiste », « révolution prolétarienne ». Le programme est clair, il a pour objet la révolution prolétarienne socialiste, pas « la révolution », terme avec lequel la Fraction a adapté son vocabulaire à celui de l’« anticapitalisme », terme lui-même jamais définit clairement par le NPA.

Notons au passage, comme révélateur de l’adaptation de la Fraction au langage ambigu du NPA , ce qui fut écrit autrefois dans la rubrique Qui sommes-nous ? du site de la Fraction. Nous venons de montrer que la Fraction ne parle plus depuis longtemps de révolution prolétarienne et de dictature du prolétariat, utilisant en permanence les mots trop vagues, sans caractère de classe, de "luttes", "révolutions". Or on lit dans cette rubrique que la Fraction a adhéré en 2009 au NPA :

Malgré de fortes réserves sur les ambiguïtés du programme fondateur du NPA (nature de la révolution, hésitations sur la nécessité du renversement de l’État bourgeois entre autres)

La petite -bourgeoisie "révolutionnaire" mais non marxiste est capable d’accepter toutes les révolutions ... sauf celles où le prolétariat prendra la direction politique. C’est pourquoi le NPA est opposé à la révolution dans la mesure où elle est prolétarienne. Millerand se disait partisan de la révolution française, il était "révolutionnaire bourgeois". La Fraction essaye de masquer l’opposition entre les révolutionnaire bourgeois et les révolutionnaires en utilisant le mot-valise "les révolutionnaires". "Bourgeois et prolétaires", titre de la première partie du Manifeste, est gommée par la Fraction.

Mentionner systématiquement « la révolution » sans préciser son caractère prolétarien, c’est quitter le terrain du marxisme. C’est depuis "la révolution" de 1830 que le prolétariat a compris que "la révolution", sous-entendu la continuation de la Grande, celle de 1789, n’existera plus, qu’elle s’est différenciée en "révolution bourgeoise" et "révolution prolétarienne", la première se transformant le plus souvent en "contre-révolution bourgeoise anti-prolétarienne", comme cela fut confirmé par 1848.

Dans "Que faire", Lénine avait planté un panneau indicateur toujours valable : vous voulez aller dans le marais réformiste ? pas de problème, mais ne nous y entrainez pas !

Millerand avait déjà montré la voie : "Ayons donc le courage de nous appeler de notre nom et de nous dire réformistes, puisque nous le sommes ! (pour la citation complète voir Millerand, Le socialisme réformiste français, 1903)".

Messages

  • Merci pour ces articles intéressants avec de bons rappels historiques.

    Il n’y a pas que la "Fraction l’Etincelle" qui soit concernée. Le NPA est tout contre son impérialisme, comme le fut la LCR, et bien d’autres "trotskystes" prétendus révolutionnaires en feu de paille depuis les années d’après-guerre. Bureaucrates révolutionnaires qui n’avaient que pour tâche, malgré des velléités à les défendre, de détruire la 4eme Internationale, l’héritage de la révolution de 1917, de la commune de Paris et la réfutation des analyses de Marx et bien d’autres. Tous ces trotskystes qui se prétendent comme tels, et ils sont nombreux, ne sont que des barrages politiques à la résolution des questions vitales de l’humanité et plus largement aux vivants.

  • Merci pour ton message, heureux que ce travail puisse être utile !

    Oui il y en a bien d’autres "prétendus trotskystes" sur cette ligne, le POI et le POID par exemple. Concernant la Fraction à propos de l’Ukraine, sa section allemande a également une position qui fait froid dans le dos. Dans l’article :

    https://www.convergencesrevolutionnaires.org/Otan-et-Russie-jouent-avec-le-feu

    qui fait des rappels historiques les militants allemands de la Fraction "oublient" de mentionner les crimes de l’impérialisme de leur pays : les suites du Traité de Brest-Litovsk qui faisait de l’Ukraine une colonie allemande, puis lors de la guerre suivante l’extermination des Juifs de cette région. Mais le terme "impérialisme allemand" n’est même pas mentionné dans ce texte de la Fraction.

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