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Qui était Zavis Kalandra, écrivain surréaliste et militant trotskiste tchécoslovaque, assassiné par les staliniens

dimanche 19 mars 2023, par Robert Paris

Qui était Zavis Kalandra, écrivain surréaliste et militant trotskiste tchécoslovaque, assassiné par les staliniens

Zavis Kalandra lors de son procès

Zavis KALANDRA (1902-1950), militant du parti communiste tchèque depuis 1923, membre de sa direction, prit publiquement position centre les procès de Moscou des août 1936, et rompit avec ce parti devenu stalinien à cette date en rejoignant l’opposition trotskiste et en devenant un leader en Tchécoslovaquie.

En 1950, le surréaliste tchèque est condamné à mort pour formation d’un groupe trotskiste. Il était sur le banc des accusés avec Milada Korakova, qui a refusé de plier devant le coup de force du parti communiste de 1948.

Paul Eluard rejettera la demande d’André Breton d’intervenir en faveur de Kalandra, arguant qu’il y a suffisamment de « vrais innocents à défendre » pour ne pas perdre son temps à se préoccuper du sort des faux…

Poème d’Albert Camus en hommage à Zavis Kalandra, condamné à mort par le stalinisme et en dénonciation de Paul Eluard, stalinien, qui avait refusé de le défendre :

De l’encre des prisons

sur les chaînes de l’esclave

au doux visage des fusillés

j’écris ton nom

Liberté

Tes jambages sont des barreaux

ton visage est un verrou

fraternel aux bourreaux

Sur les ordres des guichets

J’écris ton nom

Liberté

Liberté, liberté trahie

Où sont tes défenseurs ?

Dans la nuit des caves

Tes doux yeux ont crépité

J’écris ton nom

Kalande meurt

Facile est écrire

terrible est mourir

J’écris, j’écris

J’écris ton nom adultère

Sur le tien qui désespère

Oh ! Qu’as-tu fait de ma jeune

Kalande ? On meurt nu

Quand vos frères vous tuent

J’écris ton nom sonore

D’une encre qui déshonore

Pour barrer l’avenir

Pour raturer le souvenir

J’écris ton nom

Liberté

En capitales de douleur

Note : dans ce poème, pastiche ironique du fameux « Liberté j’écris ton nom » de Paul Eluard, Kalande est Zavis Kalandra

Source :
https://journals.openedition.org/carnets/1526?lang=pt#ftn3

Paul Éluard a écrit, « J’ai trop à faire avec les innocents qui clament leur innocence pour m’occuper des coupables qui clament leur culpabilité », en réponse à André Breton qui lui demandait d’intervenir en faveur de Zavis Kalandra, condamné à mort lors d’un procès-spectacle à Prague.

Lettre ouverte d’André Breton à Paul Eluard

Paris, le 13 juin 1950.

Il y a quinze ans, sur l’invitation de nos amis les Surréalistes tchèques, toi et moi nous nous sommes rendus à Prague. Nous y avons donné des conférences, des interviews. Plus récemment, je sais que tu as été très fêté mais c’était de manière plus convenue, plus officielle. Tu ne dois pas avoir oublié l’accueil de Prague.

Rien ne nous séparait alors : du point de vue politique nous étions loin de prétendre à l’orthodoxie. Nous n’étions forts que de ce qu’à quelques-uns, en commun, nous pensions par nous-mêmes. Ce que nous pensions était à nos yeux rigoureusement conditionné par l’activité poétique qui, entre toutes, nous avait d’abord concernés. Si, en chemin, nous nous étions ouverts à la revendication sociale, si nous voulions la concevoir uniquement sous la forme ardente que lui avait prêtée la révolution bolchevik, si tout notre effort tendait à réduire, entre telles vues “ culturelles ” du Parti Communiste et les nôtres, les divergences qui subsistaient, nous n’en croyions pas moins nécessaire de défendre nos positions lorsqu’elles procédaient de certitudes acquises dans le domaine de notre exploration particulière. Il y allait de l’authenticité de notre témoignage sur les deux plans : le moindre compromis dans un sens ou dans l’autre nous eût paru de nature à fausser radicalement ce témoignage, nous eût perdus à nos yeux.

C’est dans ces dispositions que nous sommes arrivés à Prague, anxieux malgré tout de la réception qui serait réservée à notre message. Une chose est d’affronter un public étranger lorsqu’on est décidé, quoi qu’il advienne, à faire état de ses seules convictions ; une autre est de venir à lui comme porte-parole dûment mandaté d’organisations puissantes, sans plus rien avoir à tirer de son propre fonds. Je le répète, nous n’étions, toi et moi, que nous-mêmes. Dans l’agitation un peu fébrile de ces premiers jours, il y a, si tu te rappelles, un homme qui passe, qui s’asseoit aussi souvent que possible avec nous, qui s’efforce de nous comprendre, un homme ouvert. Cet homme n’est pas un poète mais il nous écoute comme nous l’écoutons : ce que nous disons ne lui semble nullement irrecevable ; ce qu’il objecte parfois nous éclaire, voire nous convainc. C’est lui qui, dans la presse communiste, donne les plus pénétrantes analyses de nos livres, les comptes rendus les plus valables de nos conférences. Il n’a de cesse tant qu’il n’a pas disposé tout en notre faveur les grands auditoires où se mêlent intellectuels et ouvriers.

Sur le plan humain, cette assistance, cette générosité furent alors, pour nous, d’un immense prix. Le “ Bulletin ” publié à Prague, le 9 avril 1935, en tchèque et en français, signé de toi et de moi, l’atteste expressément.

Je pense que tu as retenu le nom de cet homme : il s’appelle - ou s’appelait - Závis Kalandra. Je n’ose décider du temps du verbe puisque les journaux nous annoncent qu’il a été condamné à mort jeudi dernier par le tribunal de Prague. Après les “ aveux ” en règle, bien entendu. Jadis tu savais comme moi que penser de ces aveux. Kalandra le savait aussi lorsqu’en 1936 il fut exclu du P.C. à la suite des commentaires que lui avait inspirés le “ procès des 16 ” à Moscou. Je sais bien qu’alors il est devenu l’un des dirigeants du Parti Communiste Internationaliste (section tchèque de la IVe Internationale) mais comment pour cela lui jetterais-tu la pierre, toi qui, peu de mois auparavant, signais un texte intitulé : “ Du temps que les Surréalistes avaient raison ”, concluant à notre défiance formelle à l’égard du régime stalinien - texte que chacun peut relire aujourd’hui ?

La guerre et l’occupation auraient-elles établi un tel partage entre les hommes que Kalandra soit passé manifestement du mauvais côté ? Serait-il coupable devant la Résistance ? Mais non, puisque ce sont ses articles de 1939 - où, en pleine occupation nazie, il ne craignit pas de tourner en dérision la propagande hitlérienne - qui lui valurent six années d’incarcération dans les camps (de Ravensbruck et de Sachsenhausen notamment).

A d’autres ! Ce n’est pas de ce bois-là qu’on fait les traîtres. Toi à qui je connus longtemps ce respect et ce sens sacré de la voix humaine jusque dans l’intonation, retrouves-tu la voix de Kalandra sous ces défroques de propagande sordide : “ Mon but était d’obtenir le raidissement du blocus discriminatoire tel qu’il est imposé par les impérialismes occidentaux à la Tchécoslovaquie, afin d’attenter à sa prospérité économique et de l’acheminer vers la marshallisation ” ?

Comment, en ton for intérieur, peux-tu supporter pareille dégradation de l’homme en la personne de celui qui se montra ton ami ?

André Breton.

Kalandra fut pendu le 27 juin 1950... au grand soulagement d’Éluard qui n’allait plus être importuné par Breton pour de telles vétilles !

Dans « La révolution prolétarienne » : QUI ETAIT ZAVIS KALANDRA ?

Né en 1902, il étudia l’histoire, d’abord à Prague, ensuite à Halle (en Allemagne) où il s’intéresse également aux questions agraires et collabore à la revue « Imprecor ». Deux de ses premiers ouvrages, consacrés à la philosophie grecque (à Héraclite et à Parménide), furent écrits en allemand ; mais, de retour à Prague après l’arrivée au pouvoir de Hitler, il se consacre entièrement à ses tâches de militant communiste et ne trouve même pas le temps de faire traduire en tchèque et de publier ces deux manuscrits que ses amis disent remarquables.

Il rencontre alors à Prague plusieurs intellectuels français, qui l’estimèrent, dont André Breton et… Paul Eluard.

Dès avant 1936, Zavis Kalandra a compris ce que Staline avait fait du communisme : le poison du mouvement ouvrier international. Et, lorsqu’en 1936, le premier « procès en sorcellerie » de Moscou ne permit plus aux opposants honnêtes de rester plus longtemps au sein d’un parti communiste manœuvré par les exigences russes, il publie dans le quotidien du parti (dont il était le directeur) un éditorial sur le « procès des Seize », qui entraîne automatiquement son exclusion comme non-conformiste.

Il devient à cette date, avec Josef Guttmann et Jan Sverma, une des têtes de l’opposition trotskyste tchèque. Sverma, historien comme Kalandra, capitulera vite et connaîtra une belle carrière… à Moscou et dans le panslavisme réactionnaire, avant de mourir en Slovénie, fêté comme héros national bolchéviste. Plusieurs autres de ses amis surent abandonner Kalandra à temps et le couvrir d’ordures lors du récent procès : le représentant de la république tchécoslovaque à Paris fut-il un de ceux-là ?

Au moment où Jan Sverma fuyait la Tchécoslovaquie, après l’occupation de ce pays par les nazis, Kalandra préféra tenir tête sur place au fascisme. Sans parler des tracts clandestins qu’il rédige, il faut rappeler les articles téméraires où il ridiculise systématiquement la propagande hitlérienne en particulier le dernier d’entre eux, article « à clefs » flétrissant le pacte Staline-Hitler, et qui lui valut le lendemain même la visite de la Gestapo puis six années de détention dans les camps nazis (à Sachshausen, Ravensbrück et Flassenberg) ; sa vie dans les bagnes hitlériens n’empêchera pas les successeurs staliniens de la Gestapo de le déshonorer, bien au contraire ; mais son sacrifice et ses actions passées de militant ouvrier lui ont assuré le respect des métallos du quartier prolétarien de Zizkov, comme le procureur général commit la gaffe de l’avouer au cours de son singulier procès, pourtant si bien monté.

De retour à Prague en 1945, après la libération, Kalandra est devenu assez sceptique sur ses activités antérieures de militant trotskyste. Il se consacre à un gros ouvrage historique en deux volumes sur le paganisme en Bohême ; publiée au printemps 1948, cette œuvre d’un déporté de fraîche date soulève un vif intérêt parmi les historiens de profession, en raison de ses vues originales et non chauvines sur les origines de la Bohême. Il écrit aussi après son retour des camps quelques articles dans la presse social-démocrate, dans la mesure où sa frêle santé… et la surveillance policière qui commençait le lui permettent. Épuisé, il avait peu à peu perdu sa confiance dans le rôle historique de la classe ouvrière, sans pour cela devenir un traître ; et le coup d’Etat de Gottwald en 1948 le trouve démoralisé, sans perspectives politiques, cherchant dans sa vie privée un dernier refuge.

Le 14 juin, dès que la nouvelle de la condamnation de Zavis Kalandra parvint en France, André Breton publia dans « Combat » une lettre ouverte à Paul Eluard. A la suite de la lettre de Breton et d’un télégramme d’Albert Camus demandant au président de la république tchécoslovaque la grâce pour Kalandra et pour ses trois coaccusés, une campagne de signatures fut lancée par les Groupes de liaison internationale. Nous voulons remercier ici tous les signataires, mais l’exécution de la sentence a rendu vaine la publication des derniers noms d’ouvriers, d’instituteurs, de répétiteurs, d’ajistes, d’employés et d’intellectuels divers qui nous sont parvenus trop tard.

Hors de France un mouvement encore plus vaste fut déclenché en faveur de Kalandra, par les syndicalistes norvégiens et par des organisations féminines suédoises, en particulier.

Quelle fut la réponse des staliniens ? Inutile de parler de l’entrefilet perfide de « l’Humanité », ni des piteux aveux du malheureux Kalandra, citons simplement cette phrase du procureur Vieska :

« En 1936, lorsque le P.C. vous chasse, vous vous êtes donné les allures d’un adversaire idéologique du P.C. … C’était le commencement et ceci est la fin. Avis aux oppositionnels amateurs ! »

Mais il convient de se souvenir d’un long article de Pierre Daix, ancien déporté, ex-trotskyste, bonne à tout faire des « Lettres françaises ». Le nommé Pierre Daix, dans cet article du 6 juillet, a le culot d’accuser Zavis Kalandra d’être un fauteur de guerre, en se fondant sur l’interview de « Combat » où une personne qui a vu Kalandra en 1947 (un an avant le coup d’Etat de Gottwald) dit :

« Kalandra nous a paru pêcher par optimisme. Quoique sans illusion sur l’avenir, puisqu’il envisageait le renversement du régime dans une proche troisième guerre mondiale… »

Il s’agissait, bien entendu (et le contexte ne permet pas le doute), du renversement du régime intermédiaire de Benès par les staliniens et par l’Armée Rouge. Pierre Daix sait lire un article ; il sait ce qu’il fait et pourquoi on le paie : un régime démocratique se devrait de poursuivre automatiquement une si entière mauvaise foi, quelle que soit la cause défendue.

Paul Eluard a tenu, lui aussi, à nous montrer ce qu’est « le déshonneur des poètes » en publiant dans « Action » cette simple phrase :

« J’ai trop à faire avec les innocents qui clament leur innocence pour m’occuper des coupables qui clament leur culpabilité ».

Quant à nous, saluons, indépendamment de toute attache politique, la mémoire de Zavis Kalandra, qui a souffert sa vie durant pour le respect de la vérité dans le socialisme.

J.-D. MARTINET

Dans « Socialisme ou barbarie :

Dans les premiers jours de juin s’est déroulé à Prague le procès des Treize, premier grand procès politique que connaisse la Tchécoslovaquie.

Les condamnations prononcées le 8 juin ont révolté de nombreux intellectuels en France, en Autriche, en Norvège. Des télégrammes ont été adressés au Président de la République tchécoslovaque pour qu’il renonce à exécuter la sentence frappant le principal accusé : Kalandra.

Pourquoi la peine de mort qui frappe Kalandra est-elle totalement inadmissible ? Pourquoi Kalandra fait-il figure de principal accusé ? Qui a lu la lettre ouverte de Breton à Eluard parue le 14 juin dans « Combat » comprend l’émotion soulevée par la condamnation à mort de Kalandra. Mais il ne suffit pas de savoir que Kalandra était un historien révolutionnaire de valeur, un intellectuel particulièrement ouvert, un déporté remarquablement courageux, il faut s’efforcer de comprendre le sens politique de ce procès. Il apparaît très clairement dès que l’on sait que la « Pravda » à la veille du procès, couvrait d’injures et de calomnies le « trotskyste Kalandra ».

Cette intervention flagrante du parti communiste russe laissait prévoir
que le procès de Prague serait une réédition tchèque des procès de Moscou. En effet, les coaccusés ont été soigneusement choisis pour montrer qu’un révolutionnaire s’opposant à l’U.R.S.S. devient rapidement un agent de toutes les puissances réactionnaires. Six des accusés au moins sont d’anciens membres du parti de Bénès qui ont reconnu être en liaison avec les ex-ministres socialistes nationaux émigrés ; un autre serait l’espion d’une centrale internationale sise en Allemagne occidentale et l’on trouve même un militant du parti populiste, agent stipendié du Vatican. Allemagne occidentale et ses occupants, Vatican, émigrés tchécoslovaques, il ne manque, que la Yougoslavie ; pour la représenter dignement, les policiers staliniens. ont trouvé un actionnaire de sociétés minières marié à une citoyenne yougoslave. Cela complète l’amalgame, et, comme les bureaucrates l’ont jugé réussi, ils s’en sont servis pour se débarrasser de deux sociaux-démocrates assez courageux pour s’opposer ouvertement à leur politique.

Ces douze co-accusés n’ont jamais rien eu de commun avec Kalandra, mais chacun d’eux est indispensable pour étayer un acte d’accusation soigneusement étudié en fonction des besoins de la politique stalinienne, et comme on craint de ne pas faire assez bien les choses dans les pays satellites, le procureur général a conclu avec une belle lourdeur que la critique de l’U.R.S.S. conduisait à l’espionnage aux dépens de sa patrie.

L’insistance mise à « démontrer » ce postulat prouve que la classe ouvrière tchécoslovaque murmure trop haut contre les exigences de Moscou. Il faut à tout prix effrayer les opposants les moins décidés, et pour cela on ne pouvait mieux trouver que Kalandra ; fondateur de la section tchèque de la IVe Internationale, il avait rapidement abandonné la position trotskyste traditionnelle à l’égard de l’U.R.S.S. Ayant compris le processus de bureaucratisation de l’Etat soviétique, il le caractérisait comme un bureaucratisme d’Etat. L’isolement relatif dans lequel vivait la Tchécoslovaquie ne lui avait pas permis de préciser complètement ses positions, mais il comprenait que les U.S.A. s’étaient engagés, eux aussi, dans la voie de la bureaucratisation et que seule la lutte révolutionnaire indépendante de la classe ouvrière pouvait apporter une solution aux problèmes mondiaux. Il apparaissait donc, dans le domaine théorique, comme l’opposant le plus résolu à l’U.R.S.S. Comme il était épuisé physiquement pat six années de camp de concentration en Allemagne, il était relativement facile de lui faire avouer tous les crimes imaginables. Il constituait donc une belle prise pour la police stalinienne et il n’est pas étonnant que le tribunal suprême de Prague ait condamné à mort Kalandra.

Jean LEGER.

Source :

https://sinedjib.com/index.php/2021/03/18/jean-leger-le-proces-kalandra/

Biographie de Zavis Kalandra, écrivain surréaliste et militant trotskiste tchécoslovque

Kalandra naît dans une famille de médecins. Après des études secondaires à Valašské Meziříčí, il entreprend des études de philosophie et de philologie classique (de 1922 à 1927), à l’université Charles de Prague. Entre 1928 et 1930, il poursuit ses études à Berlin. Il s’intéresse aux travaux d’Arthur Schopenhauer et à la psychanalyse, et devient l’un des membres du groupe surréaliste tchèque, dans lequel il fait la connaissance de Karel Teige. Dans les années 1930, il entre aussi en contact avec les surréalistes français, dont Paul Éluard.

Entré au Parti communiste tchécoslovaque en 1923, il consacre les années d’avant-guerre au journalisme politique. Il travaille ainsi pour plusieurs journaux de gauche : de 1926 à 1928, il travaille pour le journal étudiant Avant-garde ; de 1928 à 1936, il est rédacteur en chef pour les quotidiens Rudé právo (Le Droit rouge ou La Justice rouge) et Haló noviny et le journal Tvorba (La Création). Au milieu des années 1930, il fait partie, aux côtés de Jiří Weil, Karel Teige et Emil František Burian, des quelques intellectuels qui osent critiquer les procès staliniens en Union soviétique1. Avec Josef Guttmann, il publie deux brochures, dans lesquels les deux hommes critiquent les dirigeants moscovites et la soumission des communistes européens devant les procès organisés à l’Est.

En 1936, lors du VIIème congrès du Parti communiste tchécoslovaque, il est exclu, accusé d’être proche des idées trotskistes. Aussi, en 1937 et 1938, toujours avec Guttmann, entreprend-il de fonder deux journaux, Proletář (Prolétaire) et Proletářské noviny (Journal prolétarien), pour contrer la presse fidèle à Staline. Il écrit également pour le journal illustré Světozor et le magazine politique Přítomnost (Présent), et rédige l’encyclopédie Naučný slovník aktualit.

Après l’occupation de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne nazie, Kalandra intègre le journal résistant V boj. En 1939, il est arrêté par la Gestapo. Jusqu’à la fin de la guerre, il est emprisonné dans les camps de concentration de Ravensbrück et Sachsenhausen.

Après la guerre, il retourne à la politique. Il reprend également son travail d’historien avec České pohanství, une étude sur l’histoire et la mythologie de la Bohême. La première partie du manuscrit lui avait été confisquée par la Gestapo, lors de son arrestation en 1939. Kalandra doit donc la reconstituer. Son travail est publié en 1947. En 1948, il commence une étude psychanalytique sur la réalité du rêve, mais n’aura pas le temps de l’achever.

En effet, le 7 novembre 1949, il est accusé d’être à la tête d’un groupe trotskiste imaginaire, et emprisonné. Il s’agit du premier procès-spectacle tchécoslovaque. Au total, treize personnes sont inculpées d’espionnage et de trahison. Aux côtés de ses coprévenus, dont Milada Horáková, Jan Buchal et Oldřich Pecl, il est condamné à mort. Il est pendu dans la prison de Pankrác à Prague, le 27 juin 1950.

Le tribunal a décidé quatre condamnations à mort, celles de Kalandra, Milada Horáková, Jan Buchal et Oldřich Pecl, malgré les nombreuses protestations venues de l’étranger et demandant la grâce à la justice tchécoslovaque. En effet, Albert Einstein, mais aussi les écrivains français André Breton et Albert Camus s’étaient élevés contre ce procès et les condamnations qui lui firent suite.

Záviš Kalandra n’a été complètement réhabilité qu’en 1990. Václav Havel lui remet, à titre posthume, la grand-croix de l’ordre de Tomáš Garrigue Masaryk.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Z%C3%A1vi%C5%A1_Kalandra

Zavis Kalandra (1902-1950)

Nous ne savons que peu de choses sur la jeunesse de Zavis Kalandra. Son grand-père était directeur général des Chemins de fer d’Autriche-Hongrie à Vienne, son père était médecin de campagne, ami du premier Président tchécoslovaque Tomas Garrigue Masaryk. Zavis est né en 1902 dans la ville de Frenstat en Moravie du nord. Une photo d’enfance montre un beau garçon plein de vie au visage lisse où la naïveté enfantine jure avec la fermeté étonnante du regard. Il est intéressant de comparer cette image avec une photo prise beaucoup plus tard, en 1945, lorsque Zavis Kalandra avait 43 ans. La beauté a disparu, le visage est émacié et ascétique, les cheveux reculent au front, mais les yeux sont toujours aussi scrutateurs et nous fixent avec la même fermeté. On est tenté d’en déduire que, déjà dans son enfance, Zavis Kalandra n’était pas un garçon comme les autres.

Après la Première Guerre mondiale, Zavis étudie la philologie classique et la philosophie à l’Université Charles de Prague. Attiré irrésistiblement par la gauche, il entre au parti communiste en 1924, et, après avoir fini ses études il devient journaliste communiste de renom et travaille successivement dans plusieurs journaux du parti. "On n’arrive pas à imaginer la presse communiste et progressiste entre les années 1923 et 1936 sans Zavis Kalandra", dira de lui son ami le docteur Ungar. Zavis ne cesse d’étonner son entourage par l’ampleur de son érudition. Il domine six langues, ses connaissances du latin et du grec classiques sont admirées même par les spécialistes en la matière. Sa mémoire est prodigieuse, il est capable de citer de mémoire des passages entiers tirés des écrits de Karl Marx. Et on admire aussi ses connaissances d’histoire. Il met cette érudition au service de son travail journalistique mais il dépasse de loin les limites du journalisme et de la politique et entre dans les domaines philosophique et historique. Il soumet les tendances spirituelles de son temps à la critique marxiste, mais il tâche aussi de faire sortir le marxisme de son isolement, cherche les réponses aux défis spirituels de son époque, s’efforce de concilier l’idéologie, la philosophie, la politique, l’histoire et l’art. La philosophie de Schopenhauer, Freud et la psychanalyse, le surréalisme, l’histoire du peuple tchèque - tout cela et encore beaucoup d’autres thèmes seront soumis par Zavis Kalandra à l’interprétation marxiste qui sera souvent loin d’être orthodoxe. Il dénonce par exemple les platitudes du réalisme socialiste et devient membre du groupe surréaliste tchèque. Malgré leur charge idéologique, ses écrits sont pleins d’idées originales et leur style vif et brillant classe leur auteur parmi les maîtres de la plume.

Pendant quelque temps, Zavis Kalandra cherche, il ne peut pas en être autrement, la réponse à la question cruciale : "Faut-il croire à tout prix au parti communiste ?" Sa répugnance des simulacres, son individualisme inné et sa recherche de la liberté spirituelle l’obligeront finalement à dire non et cela le mènera loin car c’est le début de la suite des conflits qui l’opposeront à ses amis du parti communiste et finiront par son expulsion du parti. La série de ses malheurs a commencé et elle ne s’arrêtera plus.

En 1936 Kalandra proteste contre les procès staliniens en Union soviétique qui coûtent la vie à de nombreux leaders communistes remplacés aussitôt dans leurs postes par des valets de Staline. Kalandra, qui connaît les victimes de ces purges cruelles, qualifie les procès de crime contre l’internationalisme prolétarien. Il commet aussi le crime de lèse-majesté en dénonçant la brutalité et la vulgarité de Staline considéré comme intouchable par la majorité des communistes. Il s’en prend également à ses collègues journalistes, Fucik, Konrad, Stoll, Neumann, Sverma, fustige leur servilité et leur docilité au parti et va jusqu’à qualifier le chef du parti, Klement Gottwald, futur président de la Tchécoslovaquie communiste, d’"homme atteint d’une infection mentale immonde". On crie à la trahison, on le qualifie de "trotskyste", on le chasse du parti et, ce qui est pire, sa trahison ne sera pas oubliée.

Il se rallie effectivement aux positions défendues par Trotsky et milite pour la IVème Internationale.

Journaliste renommé, essayiste brillant, penseur original, Kalandra n’en est pas moins un homme qui manque de sens des choses pratiques et n’arrive tout simplement pas à gagner sa vie. Après l’expulsion du parti communiste, il devra renoncer à son poste dans le journal Rude pravo, ses revenus se rétrécissent et il ne subsiste que grâce à sa femme, le peintre Ludmila Rambouska, auteur de nombreuses caricatures et d’illustrations de livres. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Zavis Kalandra est déporté et passe six ans dans les camps de concentration de Ravensbrück et de Sachsenhausen. Dans le camp de Ravensbrück, il rencontre la journaliste Milena Jesenska, amie de Franz Kafka. Milena ne survivra pas aux épreuves terribles du camp de concentration, Zavis reviendra en 1945 à Prague. Professeur d’histoire, il se concentre sur ses essais et milite à l’intérieur du Parti social-démocrate où il s’efforce d’animer une tendance révolutionnaire. Il réécrit son oeuvre majeure "Le Paganisme tchèque", une interprétation phénoménale des racines historiques du peuple tchèque et des guerres hussites, oeuvre qui a été confisquée en 1939 par la Gestapo. Son dernier livre achevé "La réalité du rêve" développe un sujet cher à Zavis Kalandra - la naissance des rêves et les mécanismes qui les engendrent. Le texte incomplet de cet ouvrage sera sauvé, malgré la vigilance de la police politique, par le docteur Ungar.

On dit que Zavis Kalandra a été écroué par hasard. En 1949, la police, venue arrêter son ami, le docteur Ungar, trouve Kalandra dans l’appartement du docteur. En ce moment on prépare le procès contre Milada Horakova, juriste, ancien député et leader du Parti national socialiste tchèque dans l’opposition après le coup de Prague en 1948. L’arrestation fortuite de Zavis Kalandra convient aux autorités qui cherchent des éléments compromettants contre Milada Horakova et ses collaborateurs. Kalandra est l’homme qu’il leur faut. Il leur est égal que Kalandra ne connaît pratiquement pas Horakova ni les personnes de son entourage. La machine infernale des procès staliniens se met en marche. Les enquêteurs de la police politique, aidés par des conseillers soviétiques, disposent de méthodes efficaces pour obliger les accusés à avouer tous les crimes imaginables. Lucide et sans illusions, Zavis Kalandra, qui a dénoncé déjà dans les années trente les mécanismes de ce genre de procès, sait dès le début de l’instruction qu’il est perdu. Malgré cela il n’est pas une proie facile. Selon l’historien Karel Kaplan, les enquêteurs l’auraient interrogé et torturé sans interruption trois jours et trois nuits. Finalement il craque et signe le procès-verbal. Comme les autres accusés, il récitera ensuite devant le tribunal un texte appris par coeur, s’accusant de crimes inexistants, impossibles et absurdes. A la différence des autres accusés qui se prêtent à cette comédie horrible, sa voix est teintée d’ironie. Reconnu coupable de haute trahison, il est condamné à mort en même temps que Milada Horakova.

La publicité énorme qu’on fait à ce procès déclenche parmi les gens exposés à une propagande intensive une réaction proche du fanatisme. On demande la peine la plus sévère pour les condamnés, des lettres et des pétitions signées par des groupes d’ouvriers exigent leur mort. Il y a cependant aussi des demandes en grâce. Beaucoup plus pour Milada Horakova que pour Zavis Kalandra. Pourtant, Albert Einstein prie par téléphone le Président Gottwald de gracier le condamné, André Breton qui apprécie beaucoup Zavis Kalandra, prie Paul Eluard, membre du Parti communiste français, d’intervenir en sa faveur. Eluard, lui répond qu’il entend trop de cris des innocents pour s’occuper de ceux qui ont avoué leurs fautes. Ludmila Rambouska écrit au Président Gottwald. Dans une lettre émouvante elle cherche à sauver son mari en le présentant comme un homme souffrant de dépressions qui n’arrive pas à se remettre des épreuves des six années passées dans les camps de concentration. Tout est vain. Zavis Kalandra est pendu le 27 juin 1950. Sa femme ne survivra que deux ans à son exécution.

D’après une biographie de Vaclav Richter du 30-09-2006

Source : https://www.marxists.org/francais/4int/bios/kalandra.htm

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