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GCI : se réapropier notre histoire

vendredi 6 août 2021, par Robert Paris

Texte du GCI de 1997

1.
La réappropriation de l’histoire de notre classe est une tâche fondamentale pour l’organisation et la centralisation du prolétariat dans sa lutte pour la révolution communiste mondiale. De cette façon, nous pouvons tirer des leçons de ces expériences, tant les erreurs que les succès, et transformer les défaites passées en une arme de lutte pour le présent et l’avenir.
2.
Le capitalisme déforme et défigure toute la mémoire historique de notre classe. L’œuvre idéologique fondamentale effectuée par l’Etat consiste à camoufler les véritables contradictions de classe, à les présenter comme des antagonismes internes au système bourgeois de pouvoir, à occulter la force de la révolution. En Russie, avant et après 1917, on a essayé de nier la force révolutionnaire du prolétariat et sa capacité à lutter pour une société communiste, on nous a dit qu’il y avait du féodalisme là-bas et, finalement, sur la base de cette même conception social-démocrate qui […] [prédominait] chez les bolcheviks, c’est une politique ouverte de défense et de développement du capitalisme qui fut appliquée. De même, en Espagne, la social-démocratie affirmait que la révolution prolétarienne était impossible à réaliser parce qu’il subsistait du féodalisme et que le prolétariat devait d’abord assumer et réaliser les tâches démocratiques bourgeoises. Tous les courants qui défendaient la thèse de l’Espagne livrée au féodalisme et à la réalisation des tâches démocratiques bourgeoises se situaient, en toute logique, aux antipodes des intérêts du prolétariat et de son mouvement révolutionnaire, et luttaient pour transformer la lutte des classes et les projets antagonistes de la bourgeoisie et du prolétariat (capitalisme et communisme) en une lutte inter-bourgeoise entre des formes de gouvernement et de gestion du Capital. À cette conception, à cette pratique sociale décisive dans la contre-révolution, correspond une vision de l’histoire de l’Espagne dans laquelle ce qui s’est passé serait une guerre civile entre fascistes et antifascistes, entre franquistes et républicains.
3.
Pour nous, au contraire, le mouvement prolétarien dans la région espagnole pendant les années trente est la dernière tentative révolutionnaire de la plus grande vague mondiale de luttes prolétariennes jusqu’à présent, une période qui a commencé au seuil du 20ème siècle (1904/1905), qui a eu sa phase centrale entre 1917/1921, pour se terminer avec la défaite de 1937. Le mouvement révolutionnaire mondial de 1917/19 avait forcé l’arrêt de la guerre. Dans les années trente, après les nombreuses et importantes défaites que le prolétariat international avait subies jusqu’alors et qui avaient culminé avec la répression et la liquidation front-populiste du prolétariat en Chine, le Capital tendait inéluctablement vers la guerre impérialiste, repolarisant le monde entre fascistes et antifascistes, et affirmant ainsi la nécessité d’imposer son cycle infernal pour continuer à se reproduire sous une forme élargie. Face à cette tendance de la bourgeoisie mondiale à renouer avec la guerre impérialiste, le prolétariat ne parvient à répondre qu’en affirmant son terrain de classe (la lutte pour la révolution sociale) dans certains pays comme le Salvador, l’Autriche, et principalement en Espagne…, alors que dans le reste du monde il se trouve discipliné dans les fronts populaires et nationaux. Après cette série de jalons historiques, dans lesquels le prolétariat affronte régionalement le capital unifié, la bourgeoisie parvient à l’acculer et à le soumettre à sa guerre. La dernière grande bataille de cette résistance du prolétariat, qui refuse de se soumettre à la guerre capitaliste, où notre classe affirme la lutte contre le capitalisme, fut la lutte en Espagne durant les années trente. La défaite, la liquidation de l’autonomie prolétarienne qui aura lieu notamment durant la période de juillet 1936 à mai 1937, transformant en Espagne la guerre de classe en guerre impérialiste, jette définitivement les bases à la généralisation de la guerre capitaliste qui culminera dans ce qu’on a appelé la « Seconde Guerre mondiale ».
4.
Pendant les années vingt et le début des années trente, en contradiction avec la situation mondiale de défaite du prolétariat, l’agitation et la lutte du prolétariat en Espagne continuent de croître. Pendant la première moitié des années trente, l’affrontement de classe atteint des niveaux exemplaires.
Ainsi, par exemple, en mai 1931, des révoltes prolétariennes ont lieu à Madrid, Barcelone… où des églises et des couvents sont incendiés. Puis, au cours de la même année, d’importants mouvements prolétariens ont lieu dans toute l’Andalousie ainsi que d’importantes grèves, en solidarité avec les prisonniers, d’abord à Barcelone, puis à Saragosse, Algésiras, Bilbao, Huelva, Cadix, etc., pour se généraliser à tout le pays.
En 1932, l’affrontement de classe continue de se radicaliser, caractérisé par des batailles de plus en plus violentes entre prolétaires armés et agents de l’ordre, qu’il s’agisse de groupes d’action d’une classe ou de l’autre, ainsi que de mouvements de masse comme celui qui a lieu dans la province de Logroño en janvier, et qui finit par s’étendre à tout le pays. Dans le bassin minier d’Alto Lobregat et de Cardoner, la révolte prolétarienne affirme le projet révolutionnaire en essayant d’assumer les aspects centraux de la dictature révolutionnaire : on déclare l’abolition de l’argent et de la propriété privée et on assume la nécessité de la terreur révolutionnaire. Malgré la violence de la répression républicaine, les mouvements se poursuivent dans toute l’Espagne et les grèves sont le pain quotidien des prolétaires : Alicante, Valence, Grenade, Tarrasa… Dans des villages et des régions entières, on proclame le communisme libertaire, même si dans certains cas il s’agissait d’une simple déclaration, tandis que dans d’autres endroits, les minorités d’avant-garde tentent d’imposer par la violence des mesures élémentaires contre le capitalisme. Le prolétariat rural assume dans cette phase un rôle important en expropriant les domaines agricoles, par exemple dans les régions de Victoria, Saragosse, Barcelone, Avila, Tolède, Séville… Un autre secteur du prolétariat, les mineurs, joue également un rôle important à cette époque : en mars, d’importantes grèves ont lieu dans les Asturies. Des affrontements entre les forces de l’ordre et les prolétaires en lutte surviennent dans tout le pays : Tolède, Cordoue, Orense… tout au long de l’année.
L’année 1933 s’ouvre sur d’importantes luttes à Barcelone, Casas Viejas (Cadix)… qui aboutissent à la déclaration de la grève insurrectionnelle dans tout le pays, conduite et encadrée par la CNT/FAI. On organise l’évasion de prisonniers de la prison Modelo, à nouveau des églises sont attaquées et des couvents sont incendiés. Le communisme libertaire est proclamé dans divers endroits comme Sardanola-Ripollet et dans des villes et villages, on brandit le drapeau rouge et noir. La république d’Azaña (à laquelle se soumettra plus tard la CNT/FAI) montre sa capacité à porter le terrorisme d’État à son expression maximale : l’ordre est donné de tirer directement pour tuer les prolétaires insurgés. Les coups brutaux de la répression n’ont pas empêché le prolétariat de reprendre la grève en mai et d’occuper les rues de Madrid, Barcelone, Valence, Burgos, Alicante, Séville, Grenade, Bilbao… En décembre, le mouvement du prolétariat atteint ses plus hauts niveaux en Aragon et dans les régions environnantes : les archives sont brûlées, les couvents sont incendiés et on lutte ouvertement contre les élections.
L’année 1934 s’ouvre également sur d’importantes grèves ouvrières : métallurgistes et typographes à Madrid, gaz et électricité à Barcelone, grève générale à Saragosse, ainsi que des tentatives de grève des prolétaires agricoles. Mais le point culminant de cette année est sans aucun doute l’insurrection prolétarienne d’octobre 1934, connue sous le nom d’« insurrection des Asturies ». Malgré la violence du mouvement à Bilbao et compte tenu des tentatives infructueuses à Barcelone et à Madrid, le mouvement se cantonne rapidement à la région des Asturies, notamment dans les grandes concentrations minières. La grève générale menée par le prolétariat unifié sous la bannière de l’U.H.P. (Union des Frères Prolétaires) prend immédiatement un caractère armé et insurrectionnel, échappant à l’emprise des syndicats et des partis (principalement le P.S.O.E.) qui tentent de la contrôler. Le prolétariat minier prend la ville d’Oviedo à l’aide de dynamite et de quelques armes, et dans d’autres villes comme Gijon, le mouvement est directement insurrectionnel. Les usines d’armement sont attaquées, ainsi que les centres de pouvoir, on exproprie et on essaie d’organiser la production sur d’autres bases ; mais l’échec rapide de l’insurrection dans le reste du pays et les limites de l’armement du prolétariat permettent à l’Etat d’isoler le mouvement et de concentrer toutes ses forces pour le vaincre. Après une terrible lutte de 20 jours et une répression sanglante, l’État impose le retour à l’ordre. La répression et le terrorisme généralisé de l’Etat vont caractériser le reste de l’année 1934 et toute l’année 1935. Après l’isolement et la défaite de la Commune des Asturies en octobre 1934, de grandes luttes continuent à avoir lieu dans toute l’Espagne, mais en même temps l’idéologie front-populiste et antifasciste s’impose de plus en plus dans les structures organisationnelles du prolétariat jusqu’au triomphe électoral du Front Populaire et l’amnistie des prisonniers politiques, qui constituent déjà des formes de canalisation démocratique de la lutte prolétarienne développée jusqu’alors.
En 1936, le prolétariat est capable de s’armer, d’affronter et de vaincre le fascisme, mais en même temps il est paralysé face à la république. La tendance à « aller jusqu’au bout » et jusqu’à la « dictature de l’anarchie », qui s’était exprimée partout auparavant, perd de sa force face aux antifascistes qui, par ailleurs, trouvent un appui à leurs thèses en juillet 1936 dans la menace des flottes française et britannique. Avec le « collaborationnisme antifasciste » éhonté de la CNT, de la FAI, du POUM à partir de juillet 1936, le prolétariat perd son autonomie face à l’Etat bourgeois qui, sur cette base, parvient à le désarmer et à l’encadrer dans les armées antifascistes et fascistes. La dernière grande résistance généralisée du prolétariat a lieu pendant les jours glorieux de mai 1937, lorsque le prolétariat se retrouve seul dans les rues, affrontant toutes les structures de l’Etat bourgeois, y compris non seulement ses répresseurs républicains staliniens et socialistes, mais aussi ce qui avait été ses organisations, la CNT, la FAI, le POUM…
5.
Une fois encore, la défaite du prolétariat en Espagne s’est produite parce qu’il n’a pas réussi à s’organiser en classe et en parti autonome contre toutes les forces bourgeoises. Et tout cela grâce à la conception et à la politique social-démocrate du moindre mal, du soutien à la démocratie progressiste, de l’alliance des mal nommés « partis ouvriers ». L’Alliance Ouvrière d’octobre 1934 entre le PSOE, le BOC (le futur POUM), le PCE et des sections de la CNT, est suivie du Front Populaire du début de 1936 contre le fascisme, qui réunit le PSOE, le PCE, le POUM, la CNT et toute une série de partis bourgeois déclarés (ERC, Azaña…). La constitution du Front Populaire et de l’alliance antifasciste a signifié la dissolution rapide et totale de l’autonomie de classe du prolétariat et son enrôlement dans la guerre inter-bourgeoise, d’abord en Espagne et ensuite dans la Seconde Guerre mondiale dans le reste du monde.
6.
Le Front Populaire (et plus précisément la dualité fascisme/antifascisme) est la tactique utilisée à cette époque par la bourgeoisie contre le prolétariat pour liquider son autonomie de classe. Les phénomènes du fascisme, du nazisme, du front-populisme, du stalinisme, qui se développent au cours de ces années, ont tous les mêmes caractéristiques fondamentales de conciliation nationale, de mobilisation des masses, d’apologie du travail et de la production à grande échelle, et conduisent tous à l’abandon des intérêts prolétariens, à l’effort national et en dernière instance à la guerre impérialiste, où le seul rôle du prolétariat est celui de chair à canon. Malgré la résistance active des fractions communistes et internationalistes, le prolétariat ne parvient pas à rompre avec ces courants et finira par jouer exactement ce rôle de chair à canon. L’Espagne est alors le dernier pays où le prolétariat livre une grande bataille révolutionnaire pendant toute la période et par ailleurs le premier pays où le capitalisme mondial réussit à concrétiser la canalisation de toutes les énergies prolétariennes dans la guerre fascisme/antifascisme dont le point culminant sera la guerre mondiale.
7.
La lutte en Espagne pendant les années trente, dans la mesure où elle culmine dans la transformation de la guerre sociale en guerre impérialiste et dans la destruction/liquidation du prolétariat, parachève le processus contre-révolutionnaire qui était déjà généralisé dans le monde. Le rôle joué par la social-démocratie, en tant que parti bourgeois pour les travailleurs, a été fondamental à cet égard. Ce rôle a été joué par le PSOE, le PCE, le POUM et la CNT. Si les deux premiers ont un programme ouvertement bourgeois et opposé à la révolution prolétarienne (tâches démocratiques bourgeoises…), c’est dans les deux autres que le prolétariat structurera sa lutte. Il n’existe pas d’autres organisations de masse de prolétaires organisés de manière autonome. L’insurrection armée s’est organisée à partir de structures militantes de la CNT, de la FAI et de petits groupes qui, bien que non reconnus officiellement, se revendiquaient de ces structures. Les minorités et les groupes qui se réclamaient de la CNT étaient à l’avant-garde des expropriations prolétariennes et de l’action autonome de la classe ouvrière contre le capitalisme. Les masses prolétariennes non organisées ont également considéré la CNT comme leur organisation. Cependant, tant en raison de sa pratique sociale globale (la CNT était principalement un syndicat et fonctionnait comme un appareil de l’État bourgeois) que de sa conception (prédominance d’une idéologie anarchiste incapable de concevoir la lutte contre le Capital et l’État), cette organisation qui encadrait l’avant-garde du prolétariat ne pouvait donner d’autre direction que celle de l’antifascisme. En fait, bien avant 1936, la CNT avait confirmé sa nature sociale-démocrate et lors des élections de cette année-là, ainsi que par la suite, elle s’est montrée comme un appareil capable de fonctionner comme l’aile gauche du républicanisme et du Front Populaire. De plus, au cours des mois précédant l’assaut insurrectionnel de juillet 1936, une ligne ouvertement antifasciste (c’est-à-dire bourgeoise) s’était imposée, qui ne désignait plus comme ennemi la bourgeoisie et le système social capitaliste, mais bien le fascisme. Quoique cette pratique soit dénoncée au sein même de la CNT (par exemple, au congrès de Saragosse), le front-populisme s’impose totalement dans le renoncement à l’abstentionnisme révolutionnaire et dans la participation active aux élections du côté du Front Populaire.
8.
Dans les luttes en Espagne, le prolétariat est parvenu à des degrés d’autonomie très importants et a témoigné de l’ampleur de la révolution qu’il renferme. Il convient de souligner la concrétisation et la radicalisation de la lutte, l’autonomie des prolétaires pour s’armer et prendre les centres du pouvoir en diverses occasions comme en octobre 1934 et en juillet 1936, les ruptures des groupes ou des fractions qui allaient plus loin que leurs propres organisations, la diffusion rapide des consignes et des tentatives pratiques de lutte contre la propriété privée, les expropriations de terres et d’usines, les tentatives d’abolition de l’argent, la recherche d’organisations collectives de production et la recherche d’autres formes de production et de distribution, etc. Cependant, l’idéologie antiautoritaire, antidictatoriale, social-démocrate qui prédominait a dispersé cette formidable énergie en des milliers de petites actions sans force organique capable de briser le capitalisme. La conception gestionniste dominante complétait parfaitement la politique antifasciste et, ensemble, ils ont empêché le prolétariat d’imposer ses propres intérêts sur la base de sa dictature révolutionnaire. Ce mouvement extraordinaire du prolétariat n’avait pas de direction révolutionnaire au sens le plus fort du terme, mais plutôt une direction formelle qui ne correspondait pas à la pratique réelle du mouvement et qui l’a conduit dans l’impasse de l’antifascisme et du gestionnisme radical : la formation de collectivités en coexistence pacifique avec l’économie capitaliste.
9.
En 1936, le prolétariat s’arme et conquiert la rue contre la bourgeoisie, la propriété privée et l’Etat ; mais il se trouve politiquement désarmé par les organisations de la social-démocratie qui, avec leurs idéologies anarchistes et accessoirement socialistes et léninistes, l’amènent pieds et poings liés à accepter la discipline de l’antifascisme (milices antifascistes), de la république bourgeoise (légalité démocratique), de la gestion capitaliste (collectivités). Bien que les aspects militaires, politiques, économiques de la lutte des classes soient indissociablement liés, nous pourrions schématiser l’imposition de la contre-révolution en dissociant ces aspects pour l’exposer plus clairement. Militairement, la lutte des classes a été liquidée en soumettant le prolétariat au front militaire dirigé par la bourgeoisie républicaine. Politiquement, l’entrée et la collaboration de ces organisations dans le gouvernement républicain était une confirmation à la fois de leur incapacité à donner à la situation une solution révolutionnaire et de leur politique contre-révolutionnaire de conciliation des classes. Dans le domaine économique, l’idéologie qui prétend que la production peut être organisée sur une base révolutionnaire sans la dictature du prolétariat qui détruit centralement la propriété privée (la marchandise, l’argent, le travail salarié…) a conduit à canaliser l’énergie prolétarienne dans la gestion et la reproduction de l’économie marchande. Toute l’énergie révolutionnaire du prolétariat a été liquidée par l’antifascisme (guerre impérialiste) et le gestionnisme (collectivités) imposés par la CNT et le POUM, qui ont largement complété le rôle criminel joué dans le camp antifasciste par le PCE et le PSOE. Étant donné la cohérence entre la pratique sociale et l’idéologie (ainsi que les pratiques antérieures) de tous les grands partis étiquetés de gauche, il est absurde de parler de trahison. De la même manière que la social-démocratie formelle n’a pas trahi en 1914, mais a rempli son rôle historique de parti bourgeois pour les ouvriers, et que les meurtres de révolutionnaires et les maisons de torture utilisées par le PCE ont confirmé son rôle contre-révolutionnaire, le rôle centriste joué par la CNT et le POUM, qui partent de la lutte du prolétariat, de ses besoins et font des déclarations révolutionnaires, pour le soumettre sans tarder aux besoins de la guerre et de l’économie capitaliste, a été confirmé par la pratique contre-révolutionnaire de ces organisations. Cela était indispensable pour encadrer au mieux le prolétariat et le liquider sur le terrain de la guerre antifasciste et de la production militaire capitaliste ; et loin d’être une trahison, cela signifiait la confirmation de la conception générale de ces organisations et de leur politique des années précédentes.
10.
La défaite de l’insurrection de mai 1937 (la plus explicitement anti-bourgeoise, antistalinienne et antirépublicaine) est due au fait que l’antifascisme radical réussit à désarmer totalement le prolétariat insurrectionnel, notamment grâce à la direction de la CNT, du POUM et de leurs ministres. La paralysie/liquidation de l’insurrection et le retour au travail préconisé par ces organisations ont laissé le champ totalement libre aux tortures, disparitions et assassinats pratiqués par les staliniens pour briser la révolution. Comme lors des autres tentatives insurrectionnelles, en avril 1931, octobre 1934 et juillet 1936, le prolétariat n’a pas affirmé une direction propre véritablement révolutionnaire, qui refuserait de faire des compromis et qui n’accepterait pas les appels à la paix sociale de l’antifascisme. Son formidable élan révolutionnaire a réussi à être liquidé par la répression physique sélective, l’idéologie du retour au travail et la ligne de front antifasciste imposée par la CNT et le POUM.
11.
Face au développement des affrontements et après la défaite du prolétariat en Espagne, les prolétaires ailleurs dans le monde se sont retrouvés dans l’impossibilité d’agir en solidarité avec lui comme cela aurait été nécessaire pour éviter son isolement et sa liquidation. Cela est principalement dû à la faiblesse du mouvement prolétarien internationaliste à cette époque, puisqu’il avait été vaincu partout. Malgré les luttes en France en juin 1936, au Mexique… il y avait une situation d’isolement du mouvement au niveau international. La bourgeoisie mondiale a réussi à camoufler le véritable antagonisme de classe de la « guerre civile » en Espagne et à la vendre à l’opinion publique mondiale comme une guerre entre républicains et fascistes, ce qui a mené le prolétariat révolutionnaire en Espagne à un isolement politique très profond. Plus les drapeaux fascistes et antifascistes aux couleurs nationales étaient imposés au niveau international et plus le prolétariat était mobilisé dans les Brigades Internationales, plus les révolutionnaires et les internationalistes en Espagne se retrouvaient seuls pour affronter le capitalisme mondial.
En particulier, le rôle de l’Internationale Communiste, de l’URSS et des différents PC, ainsi que de leurs différents soutiens critiques (surtout le trotskisme dans ses multiples variantes), a été fondamental dans cet isolement. Plus on recrutait pour l’antifascisme, plus on liquidait la possibilité internationale d’une action internationaliste en communauté d’action et de lutte avec le prolétariat en Espagne. Il est évident qu’il existe une relation directe entre les besoins de l’URSS en tant que puissance capitaliste en concurrence avec d’autres puissances capitalistes et la défense de telle ou telle « tactique » dans l’IC. Celle du Front Populaire, qui a eu en Espagne sa confirmation la plus claire comme force de liquidation de l’énergie révolutionnaire du prolétariat, obéissait aux intérêts impérialistes du Capital dans cette région du monde.
12.
Contre toutes ces forces bourgeoises, seule une poignée de camarades dispersés dans le monde entier ont rejeté le fascisme et l’antifascisme de manière égale et ont poursuivi la lutte invariable du Parti contre le capitalisme mondial et l’État. Nous attachons beaucoup d’importance, non seulement pour l’analyse du passé, mais pour la lutte future, aux contributions de ces divers camarades, plus ou moins structurés en groupes ou fractions communistes dans différents pays du monde. L’un des axes fondamentaux des publications qui seront produites sera précisément celui du sauvetage historique du meilleur de ces matériaux. Sans ce travail décisif de réappropriation, le prolétariat devra toujours recommencer sa propre histoire à zéro, répéter les mêmes erreurs et improviser sur-le-champ la direction à prendre. Sans cette contribution décisive, les internationalistes d’aujourd’hui et de demain n’auraient pas tout ce bagage d’expérience, de théorie révolutionnaire, qui constitue l’arme la plus décisive et la plus puissante de la gestation d’une direction révolutionnaire qui assure le triomphe dans la prochaine vague de luttes prolétariennes.
Traduction en français : Los Amigos de la Guerra de clases

https://www.autistici.org/tridnivalka/gci-icg-theses-sur-la-revolution-et-la-contre-revolution-dans-la-region-espagnole-pendant-les-annees-1930/

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