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Discussion de l’article « Épidémies et sociétés de classes » de Michel Olivier

lundi 21 juin 2021, par Robert Paris

Discussion de l’article « Épidémies et sociétés de classes » (Michel Olivier

Source de l’article :

http://spartacus1918.canalblog.com/archives/2020/10/14/38589555.html

Sur épidémies et néolithique, Michel Olivier écrit :

« Les chasseurs-cueilleurs dans leur univers connaissent peu ou pas les épidémies. »

Nous sommes d’accord avec Michel Olivier que le faible niveau démographique et le faible niveau de concentration ne favorisent pas les épidémies, mais qu’elles ne sont pas impossibles pour autant. On voit bien qu’il suffit de quelques personnes pour faire un cluster et quand les humains sont très peu nombreux, il suffit d’une petite maladie pour éradiquer tout le groupe humain. L’humanité a pu en ces temps anciens ne tenir qu’à un fil ou à un virus ou à une bactérie…

En fait, c’est surtout la promiscuité homme-animal de l’élevage et pas la culture des plantes au néolithique ni la vie urbaine qui favorise les épidémies…

Dans l’article qui suit, même s’il va dans le sens de présenter le néolithique comme « une catastrophe écologique », l’auteur reconnaît qu’on est très loin de pouvoir affirmer l’absence d’épidémies avant le néolithique et cette affirmation de Michel Olivier vise à la suite de bien des autres à rendre plus dramatique la rupture du néolithique, plus qu’elle ne l’est même :

https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_2005_num_102_2_13114

Rappelons ce qu’a représenté le néolithique :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5424

L’épidémie est-elle entrée dans la vie des hommes avec la révolution néolithique ?

Jean-Paul Demoule répond :

« Non, mais le changement a été radical. On sait, grâce à la génétique, que les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique étaient déjà affligés de maladies : parasites intestinaux, rougeole, typhus, tétanos, malaria ou tuberculose transmise par les oiseaux. Mais ils vivaient en petits groupes isolés les uns des autres, avec des contacts réduits. »

Source :

https://www.lanutrition.fr/lepidemie-heritage-de-la-revolution-neolithique

Demoule remarque cependant que « vers – 7 000 cependant (en même temps qu’apparaissent les premières poteries), le système semble s’effondrer, sans doute pour des raisons logistiques, mais peut-être aussi des épidémies que favorise la proximité des animaux. »

Mai il écrit aussi :

« Certes, dans ce cas comme dans le précédent, cela ne signifie pas nécessairement qu’il y aurait eu une révolution populaire radicale, mais du moins que des forces sociales ont agi contre une trop grande concentration de la richesse et du pouvoir. »
Demoule n’a pas vu que des épidémies mais aussi les résultats de la division en classes sociales :

« Ce qui s’exprime dans les tombes se retrouve dans les habitats. A plusieurs reprises, dans l’histoire de l’Europe ancienne, de plus grandes concentrations humaines débouchent sur des débuts d’ubanisation, mais qui s’interrompent au bout de deux ou trois siècles, comme les grandes agglomérations de Moldavie et d’Ukraine à la fin du Ve millénaire avec leurs massifs remparts de pierre et leurs tombes royales ; ou encore les résidences princières celtiques du milieu du dernier millénaire avant notre ère, juchées sur les hauteurs. Mais, à chaque fois, la mayonnaise retombe, comme si un pouvoir fort et centralisé ne pouvait parvenir à s’imposer durablement. »

Source : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5442

Pour Michel Olivier, la chute des villes mésopotamiennes est due à des épidémies. En somme, pas à des révolutions sociales…

Il écrit :

« L’archéologie révèle qu’Uruk (vers -3200, la plus grande ville du monde avec 50 000 habitants) et les autres cités États mésopotamiennes s’effondrent après des crises. James Scott avance diverses raisons. Mais « plus nous disposons de sources écrites, plus les références aux maladies infectieuses et aux épidémies se multiplient : tuberculose, typhus, peste bubonique, variole »6.Il souligne également que les premiers États étaient en proie à des zoonoses, c’est-à-dire que des maladies se propagent des animaux aux humains, ce qui entraîne des taux de morbidité élevés. »

Nous pensons qu’il s’agit non pas d’épidémies mais de révolutions sociales :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5515

Lire aussi :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6104

Michel Olivier dit encore :

« Nous savons aussi comment la ville de Mari est tombée en 1761 avant JC. Ses tablettes décrivent les progrès rapides d’une pandémie : épuisée, dépeuplée, elle tombe aux mains des Babyloniens. »

Nous ne trouvons pas les références de cette affirmation historique. La ville de Mari a chuté plusieurs fois, soit par la guerre soit par la révolution, soit pour des raisons inconnues, ce que rappelle notamment wikipedia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mari_(Syrie)

Mari I est tombée pour raisons inconnues. Wikipedia écrit : « La ville Mai I connaît un affaiblissement à la fin de la période I pour une raison inconnue… La destruction de la ville II semble être due à la répression que Naram-Sîn, roi d’Akkad, fit subir à Mari en raison de sa participation à une révolte… Après sa destruction par Hammurabi, Mari sort de l’histoire de la Mésopotamie. Elle n’est plus qu’une petite bourgade sans importance, à la suite des déplacements des routes commerciales, qui évitent dès lors le Moyen Euphrate… »

Certes, « Valeurs actuelles » croit à la thèse de Michel Olivier :

https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/histoire/mesopotamie-rome-amerique-precolombienne-ces-empires-qui-ont-succombe-aux-pandemies/

Mais la plupart des historiens affirment que la ville de Mari est tombée sous la guerre de Hammurabi :

https://archeologie.culture.fr/mari/fr/histoire-politique

La plupart des historiens ne voient en 1761 que l’écrasement militaire de Mari par Hammurabi :

https://jworgfre.blogspot.com/2016/05/mari-origines-et-l.html

Puis Michel Olivier passe à l’Egypte antique…

« L’archéologue égyptien Zahi Hawass a évoqué l’histoire des épidémies en Égypte. Lui aussi, il a noté que l’Égypte a connu plusieurs crises sanitaires durant l’Antiquité. La peste s’est donc propagée à toutes les civilisations existantes à l’époque sans exception. »

C’est plus que vague : ni date, ni nom de pharaons de l’époque des épidémies, à part ce passage :

« Des textes ont décrit la manière dont la princesse hittite Maathorneferure, première épouse du roi Ramsès II (né aux alentours de -1304 ; mort vers -1213), s’est rendue au temple de Karnak, au temple Sobek dans le Fayoum, puis au temple Sekhmet à Abousir pour prier pour la guérison de cette peste. »

En fait, c’est avant le règne de Ramsès II que l’on cite effectivement une épidémie de peste… avant – 1291…

https://www.geo.fr/histoire/pourquoi-ramses-ii-est-il-le-plus-celebre-des-pharaons-201906

Un payrus incite à penser à la peste bubonique :

http://epoque-pharaonique.e-monsite.com/pages/la-peste-bubonique-qui-va-ravager-l-occident-serait-nee-sur-les-bords-du-fleuve-egyptien.html

Il est vrai que « les virus à couronne existeraient depuis au moins l’Antiquité »…

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5865

Mais de là à écrire, comme le fait Michel Olivier, que « Les pandémies entraînent des transformations du monde et/ou des chocs mortels pour les civilisations. », il y a un… pas énorme…

Que ce soit en Egypte antique, en Mésopotamie antique ou dans toute l’Histoire, les grandes transformations du monde qui ont bouleversé la civilisation humaine sont essentiellement des révolutions sociales !!!

En Egypte antique :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article222

En Chine antique :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article223

Y a-t-il eu un grand nombre de civilisations détruites par des révolutions sociales y compris dans l’antiquité :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6068

Michel Olivier croit se démarquer de l’écologisme mais il en défend la thèse :

Lire, par exemple, « Cataclysmes » de l’historien Laurent Testot :

« La majorité des auteurs travaillant sur l’âge du Bronze final, comme le souligne l’archéologue Eric H. Cline, décrivent peu ou prou le même processus : entre le XVIème siècle et le XIIIème siècle avant notre ère, les échanges diplomatiques et commerciaux atteignent une densité inédite, créant un système-monde cosmopolite. Les dirigeants d’Assyrie, de Babylonie, de Mycènes nouent des alliances matrimoniales et se jurent assistance….
Tout cela part en flammes au XIIème siècle avant notre ère. De la Grèce à la Mésopotamie, les cités sont détruites, les populations s’effondrent, famines et épidémies ravagent ces terres autrefois prospères… De la cité andine deTiwanaku à l’empire khmer, l’histoire abonde en effondrements de sociétés. Mais l’effondrement de la fin de l’âge de Bronze est systémique et, en cela, n’a qu’un seul équivalent dans l’histoire : celui qui ébranla l’ensemble des sociétés d’Eurasie, de la Chine des Han à l’Empire romain d’Occident, à partir du IIIème siècle de notre ère.
A la fin de l’âge du Bronze, la catastrophe anéantit cinq des six grandes puissances d’Asie occidentale. S’effondrent le puissant empire Hittite, occupant l’actuelle Turquie ; le récent royaume d’Assyrie, ayant tout juste conquis le royaume du Mitanni, en Syrie orientale ; le royaume kassite, solidement articulé autour de sa capitale Babylone ; la dynamique civilisation minoenne, entre Grèce et Crête, dominée par la cité de Mycènes ; le royaume élamite, en l’actuel Iran, l’empire égyptien, même s’il finalement survécu…
La Grèce et une partie du Levant semblent en proie à des révoltes internes… Au final, la complexité du système international entraîna la chute, en cascade, des royaumes grecs – mycénien, chypriote et crétois -, comme des empires des Hittites, des Babyloniens, des Assyriens et d’une multitude d’autres Etats… L’Egypte survécut à l’hécatombe. Mais l’Empire des pharaons fut brisé par le cataclysme qui engloutit ses voisins… »

Il faut remarquer cependant que l’index de cet ouvrage, s’il reconnaît une révolution agricole/néolithique, une révolution biologique/corporelle, une révolution cognitive/symbolique, une révolution démographique, une révolution économique/commerciale, une révolution énergétique, une révolution évolutive/démiurge, une première et une deuxième révolution industrielle, une révolution militaire, une révolution morale, une révolution médiatique, une révolution politique, une révolution scientifique, une révolution technologique, une révolution verte, une révolution islamique… refuse d’indiquer une révolution sociale des exploités contre les exploiteurs, et d’ailleurs n’emploie jamais ces termes d’exploités et d’exploiteurs.

Le parti pris de cet auteur est purement climatique. Les luttes sociales ne sont pas sa tasse de thé. Par exemple, il pense que ce sont les classes dirigeantes qui se sont détournées de l’emploi de l’esclavage et ne voit pas le lien avec la révolte et la révolution des esclaves, luttes auxquelles il ne fait même pas allusion, pensant que ce sont les protestants britanniques qui ont imposé au monde l’abandon de l’esclavage.

Toute son obsession dans cet ouvrage, c’est le climat et la politique environnementale des sociétés. Le sous-titre de son ouvrage est « une histoire environnementale de l’humanité », pas dans celle de la lutte des classes !

https://books.google.fr/books?id=BlmNDgAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=%C2%AB+Cataclysmes+%C2%BB+de+l%E2%80%99historien+Laurent+Testot+:&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj0h-WBxIfnAhXPA2MBHQk_AuUQ6AEIKzAA#v=onepage&q=%C2%AB%20Cataclysmes%20%C2%BB%20de%20l%E2%80%99historien%20Laurent%20Testot%20%3A&f=false

Dans sa conclusion, Michel Olivier écrit :

« Rien n’a été fait, et rien ne sera fait par le capitalisme pour éviter le renouvellement de ces catastrophes pourtant attendues et qui se répètent. »

Mais on reste sur sa faim pour comprendre pourquoi le capitalisme ne fait rien de sérieux pour les combattre. Si, comme semble le penser Michel Olivier, il n’y a pas de lien direct entre effondrement systémique du capitalisme et pandémie, alors il devrait avoir plutôt intérêt à combattre sérieusement l’épidémie, non ?

Pour notre part, nous pensons que la pandémie n’est pas la cause de la chute capitaliste mais sa conséquence :

La pandémie n’est même pas la cause de la surmortalité qui est due à la crise systémique :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5880

Lire aussi sur les multiples liens entre effondrement systémique et pandémie :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?rubrique150

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