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Hegel expose dans sa « Petite Logique » : « Lorsqu’on rencontre, dans un objet ou dans une notion, la contradiction (et il n’y a pas d’objet où l’on ne puisse trouver une contradiction, c’est-à-dire deux déterminations opposées et nécessaires, un objet sans contradiction n’étant que pure abstraction de l’entendement qui maintient avec une sorte de violence l’une des deux déterminations et s’efforce d’éloigner et de dérober à la conscience la détermination opposée que contient la première), lorsqu’on rencontre, disons-nous, la contradiction, l’on a l’habitude de conclure qu’elle donne pour résultat le néant. (…) Ici, c’est le néant, mais le néant qui contient l’être, et réciproquement, c’est l’être, mais l’être qui contient le néant. »
Friedrich Engels dans l’"Anti-Dühring" : "Tant que nous considérons les choses comme en repos et sans vie, chacune pour soi, l’une à côté de l’autre et l’une après l’autre, nous ne nous heurtons certes à aucune contradiction en elles. Nous trouvons là certaines propriétés qui sont en partie communes, en partie diverses, voire contradictoires l’une à l’autre, mais qui, dans ce cas, sont réparties sur des choses différentes et ne contiennent donc pas en elles-mêmes de contradiction. Dans les limites de ce domaine d’observation, nous nous en tirons avec le mode de pensée courant, le mode métaphysique. Mais il en va tout autrement dès que nous considérons les choses dans leur mouvement, leur changement, leur vie, leur action réciproque l’une sur l’autre. Là nous tombons immédiatement dans des contradictions. Le mouvement lui-même est une contradiction ; déjà, le simple changement mécanique de lieu lui-même ne peut s’accomplir que parce qu’à un seul et même moment, un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui. Et c’est dans la façon que cette contradiction a de se poser continuellement et de se résoudre en même temps, que réside précisément le mouvement.
Nous avons donc ici une contradiction qui se rencontre objectivement présente et pour ainsi dire en chair et en os dans les choses et les processus eux-mêmes (...)
Si le simple changement mécanique de lieu contient déjà en lui-même une contradiction, à plus forte raison les formes supérieures de mouvement de la matière et tout particulièrement la vie organique et son développement. Nous avons vu plus haut que la vie consiste au premier chef précisément en ce qu’un être est à chaque instant le même et pourtant un autre. La vie est donc également une contradiction qui, présente dans les choses et les processus eux-mêmes, se pose et se résout constamment. Et dès que la contradiction cesse, la vie cesse aussi, la mort intervient. De même, nous avons vu que dans le domaine de la pensée également, nous ne pouvons pas échapper aux contradictions et que, par exemple, la contradiction entre l’humaine faculté de connaître intérieurement infinie et son existence réelle dans des hommes qui sont tous limités extérieurement et dont la connaissance est limitée, se résout dans la série des générations, série qui, pour. nous, n’a pratiquement pas de fin, - tout au moins dans le progrès sans fin."
QU’EST-CE QU’UNE CONTRADICTION ?
Au sens de la logique formelle, la contradiction est une erreur ou une faute de raisonnement. Elle ne peut qu’être éliminée.
Au sens dialectique, employé ici, la contradiction est une opposition (qui peut exister au sein de la réalité) qui ne mène pas à la destruction des deux éléments contradictoires. En fait, la dialectique suppose que chaque élément contient en son sein la contradiction : deux principes opposés mais qui se sont combinés. Ainsi, les électricités opposées se combinent pour donner les atomes, les molécules, etc... Les deux éléments opposés ne se détruisent pas car ils n’entrent pas en contact. Si le contact matière/matière pouvait avoir lieu, toute la matière s’écraserait sur elle-même. L’électricité empêche cette catastrophe par répulsion d’électricités de même signe. Toutes les interactions physiques contiennent ce type de contradictions. L’expansion repousse les effets de la gravitation mais, en même temps gravitation entraîne expansion et inversement. A toutes les échelles, les effets attractifs et répulsifs se succèdent et se compensent sans cesse. Dans le positif, il y a du négatif et inversement. Le positif se change en négatif et inversement. Positif et négatif se combinent puis l’unité se dissocie à nouveau. Une particule chargée positivement est entourée d’un nuage négatif lui-même entouré d’un nuage positif, etc… Cela explique que l’attraction à longue distance soit compensée par une répulsion à distance courte. Par exemple, gravitation et électromagnétisme contrebalancent la pression du vide de même qu’électromagnétisme et gravitation se compensent mutuellement.
L’un des exemples clés de la physique quantique, celui des expériences de Young, l’illustre parfaitement. Cette expérience montre que lumière plus lumière peut donner de l’obscurité. Cela signifie que la lumière n’est pas simplement un principe positif et additif. De même, les chocs de particules démontrent que particule plus particule peut donner destruction de toute matière et production de lumière. Cela signifie que la matière n’est pas un principe positif indestructible mais une structure qui contient ses propres contradictions.
La contradiction dialectique ne concerne pas seulement les divers domaines de la physico-chimie-biologie mais également la société humaine et notamment la conscience et la pensée.
La contradiction est la source de tout mouvement et de tout changement. c’est la locomotive de la matière et de la société.
La contradiction est irréductible en physique quantique :
« Cette description des particules, entremêlant les propriétés des ondes et celles des corpuscules, est révolutionnaire. Elle met en relation des images que notre esprit isole dans des catégories distinctes, voire opposées. L’étrangeté de la chose vient de ce que toutes les particules, qu’elles soient de lumière ou de matière, nous appariassent soit comme des ondes (elles peuvent interférer – l’interférence est une addition qui est inhibitrice) soit comme des corpuscules (elles semblent ponctuelles quand on détecte leur position), mais elles ne sont ni des ondes ni des corpuscules. (…) Puisque les concepts d’onde et de corpuscule apparaissent mutuellement exclusifs en même temps qu’indissociables, il n’existe aucune possibilité de définir leur sens au moye, d’une seule expérience. On ne peut pas les combiner en une seule image. Néanmoins, ils sont nécessaires l’un à l’autre pour épuiser tous les types d’information que nous pouvons obtenir sur un objet quantique à l’aide des divers appareils de mesure. (…) Dans la bouche de Niels Bohr, le mot complémentarité n’est pas à prendre dans son sens usuel. La complémentarité ne signifie nullement pour lui quelque chose comme « collaboration » ou « association ». La dualité n’est pas un duo, l’association de l’onde et du corpuscule n’est pas une synthèse. Elle incluse toujours au contraire l’exclusion mutuelle et la disjonction des éléments qu’elle met en vis-à-vis. Il faut la voir comme une sorte de paradoxe irréductible qui lie un concept à sa négation. (…) Comme nous dit John Bell, dans la bouche de Niels Bohr, (…) la complémentarité est proche du concept de contradiction (…) Contradiction est le mot fétiche de Bohr, comme l’ont fait remarquer Wootters et Zurek dans un article de 1979. » écrit Etienne Klein dans « Dictionnaire de l’ignorance ».