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Dix leçons que nous tirons du stalinisme (détournement sanglant et violent d’une révolution prolétarienne, dans l’impasse, isolée des gros bataillons mondiaux du prolétariat et enfermée dans un pays arriéré et complètement détruit par la guerre et la guerre civile)

mercredi 20 novembre 2019, par Robert Paris

Dix leçons que nous tirons du stalinisme (détournement sanglant et violent d’une révolution prolétarienne, dans l’impasse, isolée des gros bataillons mondiaux du prolétariat et enfermée dans un pays arriéré et complètement détruit par la guerre et la guerre civile)

La plupart des leçons tirées du stalinisme par la société bourgeoise, les intellectuels, les partis politiques de tous bords, les média, les syndicats, l’histoire institutionnelle et le grand public consistent en gros à jeter la révolution prolétarienne à la poubelle de l’Histoire : le stalinisme étant systématiquement considéré comme un produit direct du léninisme et du trotskisme, de la révolution elle-même et de ses soviets, même si les militants léninistes, trotskistes et soviétiques en ont été les victimes directes et l’ont le plus souvent combattu, le stalinisme n’ayant conservé du léninisme, de la révolution prolétarienne et des soviets vivants de l’époque révolutionnaire que leurs noms et seulement pour mieux les salir et les démolir. Pour l’opinion publique, toute révolution prolétarienne mènerait fatalement à une dictature de type stalinienne puis à l’effondrement social, économique et politique qui a été celui de l’URSS. La plupart des travailleurs et de ceux qui s’estiment faire partie de leur camp, et aussi la jeunesse, qui ne veulent nullement soutenir la classe capitaliste, rejettent le léninisme et le trotskisme au même titre que le stalinisme. Ils ont perdu toute confiance dans la politique communiste révolutionnaire. C’est dire à quel point il est aujourd’hui difficile de défendre un point de vue communiste révolutionnaire soutenant la prise de pouvoir prolétarienne d’Octobre 1917, tout en démasquant la réalité du stalinisme qui, loin d’avoir combattu le capitalisme, l’a sauvé ! Mais il est impossible de défendre la perspective communiste sans mettre au clair la question du stalinisme. On ne peut ni l’escamoter, ni l’écarter, ni tourner simplement la page : il faut l’analyser du point de vue du communisme révolutionnaire. Il ne suffit pas de dire que Trotsky l’a fait. Il faut le refaire aujourd’hui à la lumière du passé mais aussi du monde actuel.

Et d’abord, il faut prendre conscience que le véritable pôle politique et social opposé au stalinisme n’est nullement la prétendue démocratie bourgeoise des pays riches capitalistes mais bel et bien le communisme révolutionnaire, celui de Russie comme du reste du monde, celui de l’époque comme celui d’aujourd’hui. Stalinisme et capitalisme ont en commun la haine de la révolution sociale, de l’organisation des prolétaires, de leur capacité à se diriger eux-mêmes, de leur nécessité de déstabiliser l’ancien monde, celui des bureaucrates comme celui des capitalistes.

Contrairement aux apparences, la classe capitaliste, loin d’être neutre dans le combat politique entre les communistes (trotskistes, zinoviévistes, gauches communistes, léninistes, etc.) et les staliniens de 1923-1927, était violemment hostile aux premiers, les dirigeants révolutionnaires qui l’avaient fait sortir de Russie et menacée de faire perdre son pouvoir mondial. Mais elle s’est parfaitement accommodée du stalinisme, ennemi de la révolution mondiale. Elle a pu compter sur lui pour détruire physiquement et moralement une génération de révolutionnaires communistes en Russie comme dans le reste du monde. Une tâche d’extermination et de discrédit que la bourgeoisie mondiale n’était pas capable d’accomplir par elle-même tant la vague révolutionnaire en Europe, même si elle n’avait triomphé durablement qu’en Russie, avait durement frappé la bourgeoisie mondiale et l’avait affaibli pour de longues années, anéantissant en particulier sa capacité d’intervention armée contre la Russie. Seul le fascisme allemand, triomphant grâce au soutien du stalinisme russe qui, à l’aide du « parti communiste allemand » ( le parti stalinien qui usurpait ce nom), a paralysé le prolétariat allemand en 1930-1933, devait durablement redonner un peu de confiance en elle-même à la bourgeoisie capitaliste mondiale qui préférait mille fois la marche à la deuxième guerre mondiale que la révolution prolétarienne. Le stalinisme, qui avait déjà trahi la révolution chinoise en 1925-1927, devait compléter sa tâche contre-révolutionnaire lors de la révolution espagnole, livrant ainsi le prolétariat mondial à la deuxième boucherie guerrière mondiale. L’isolement de la Russie avait été le produit des échecs des révolutions de la vague de 1917-1923 mais, à partir de 1923, elle était devenue le produit de la politique internationale de la bureaucratie russe, couche parasitaire contre-révolutionnaire qui n’avait aucun rôle historique et n’était parvenue progressivement au pouvoir que par l’absence politique et sociale à la fois du prolétariat révolutionnaire et de la grande bourgeoisie, tous deux saignés à blanc par la guerre civile en Russie et dans le monde.

La « compréhension » courante (celle diffusée par la bourgeoisie) du stalinisme ne connaît de la révolution russe d’Octobre que des caricatures et des mensonges et attribue à la révolution prolétarienne les horreurs imposées en Russie par la violence armée des classes possédantes russes ou étrangères : l’étatisme, le centralisme, la barbarie, la terreur, les procès, les massacres, la famine, la guerre civile, le parti unique, l’interdiction des libertés, la nationalisation forcée des petits paysans et bien d’autres. Bien sûr, cette image horrible ne permet pas de comprendre que la Révolution ait gagné la guerre et la guerre civile contre toutes les bourgeoisies du monde à commencer par la bourgeoisie russe et les forces tsaristes. Elle ne permet pas de comprendre le soutien massif que les bolcheviks et pouvoir ouvrier ont trouvé non seulement parmi les ouvriers mais aussi parmi les paysans et les nationalités et religions opprimées. Elle ne permet pas de comprendre que le pouvoir ouvrier russe a d’abord été réellement, pendant les cinq ans où le prolétariat russe a cru à son rôle révolutionnaire international, celui des soviets, de ces organisations de masse permettant à la grande majorité du prolétariat de discuter et de décider de manière autonome de toutes les mesures prises ou à prendre. Elle ne permet pas de comprendre que le projet qui sous-tendait cette action révolutionnaire ne se cantonnait nullement à la Russie et n’avait aucun sens dans une Russie isolée puisqu’il s’agissait de renverser le capitalisme mondial et pas le tsarisme russe, de construire une société socialiste fondée sur le plus haut niveau de développement industriel du capitalisme et pas sur l’arriération sociale féodale de la Russie.

Comment comprendre d’où vient l’échec d’une révolution si on en ignore complètement les buts et les projets réels de celle-ci, ou si on les cache sous une tonne de contrevérités ? Si on prétend que Lénine égale Staline, on occulte qu’il y a eu un échec de la révolution et on affirme qu’elle a continué à triompher sous le stalinisme et même pendant la première guerre mondiale et durant toute la guerre froide ! Si on comprend que Staline est diamétralement opposé à Lénine et à la révolution d’Octobre, il faut chercher comment la révolution a pu passer aux mains de la contre-révolution.

Comment questionner les causes de l’échec ? Sont-elles russes ou pas (proviennent-elles des échecs révolutionnaires hors de Russie) et dans quelle proportion et dans quelle logique d’interactions ? Proviennent–elles des décisions des dirigeants bolcheviks ou les dépassent-elles largement ? Proviennent-elles des bases mêmes de la révolution d’Octobre ? Proviennent-elles de la conception de la révolution, de celle du parti, de celle de l’internationale, de celle des soviets, des mesures politiques, des mesures économiques, des mesures sociales ?

Eh bien, la réponse dépend en fait des buts que l’on attribue à la révolution russe, de la signification qu’on lui donne. Si le but qui lui est attribué, c’est de faire progresser le régime économique et social de la seule Russie, alors ce n’est pas le but d’octobre 1917 que l’on discute mais seulement celui de Staline et de la bureaucratie. Le sens de la révolution n’est socialiste que si la révolution ne se fonde pas seulement sur la Russie mais au minimum sur une partie de l’Europe. Le sens de la révolution n’est socialiste que si l’Etat est celui du prolétariat organisé et pas celui de la bureaucratie. Le sens de la révolution n’est socialiste que si elle ne renforce l’Etat que provisoirement et vise ensuite à la dissolution de l’Etat.

On rappelle à juste titre qu’il n’y a pas de socialisme sans liberté, mais il conviendrait de rajouter que, dans la misère affreuse, il ne peut pas y avoir durablement de liberté. Et pas non plus de socialisation de la misère. Le socialisme nécessite le développement moderne, le dépassement du capitalisme et pas la collectivisation du sous-développement.

Du moment que la Russie arriérée, détruite, désorganisée, démolie, au prolétariat révolutionnaire physiquement éliminé, à l’activité économique complètement exsangue, se retrouve durablement seul pouvoir ouvrier révolutionnaire face au monde capitaliste, la défaite de la révolution prolétarienne internationale est acquise.

La situation pourrait sembler alors devoir être simplement le retour de l’Etat capitaliste et des classes possédantes mais c’est omettre un autre élément de la situation : le prolétariat, épuisé moralement et physiquement, trahi dans les métropoles impérialistes, ne disposant pas directions révolutionnaires dans le reste de l’Europe, n’a pas vaincu mais les classes possédantes, elles aussi, sont au bord de l’asphyxie. Elles sont bien incapables de lancer la contre-offensive et de balayer le pouvoir des soviets.

C’est de cette double impuissance des deux puissances sociales principales, situation que personne n’aurait pu deviner d’avance, que va naître un pouvoir fondé sur une couche sociale qui, elle, ne représente aucune perspective historique, aucun programme à part celui du maintien du statu quo, à savoir de la préservation de cette impuissance prolétarienne et de cette incapacité à revenir militairement sur le sol russe. Le premier à remettre en cause cela sera Hitler qui envahit la Russie.

C’est aussi de cette double impuissance que va naître la confrontation Staline-Trotsky entre deux personnalités que rien ne rapproche, qui ne les met pas naturellement en face à face. Tout au long des révolutions russes (1905, février et octobre 1917), nul n’aurait pu imaginer un tel affrontement, imaginant éventuellement un affrontement Lénine-Trotsky mais certainement pas avec un personnage comme Staline auquel personne n’attribuait une quelconque capacité de direction politique et sociale de la révolution et de l’Etat ouvrier. En effet, la contre-révolution a été contrainte, pour s’exprimer politiquement, de faire appel à des éléments du parti devenu unique du fait de la violence de la guerre civile, la classe possédante internationale ayant misé sur la destruction totale du pays plutôt que reconnaître la victoire des bolcheviks. Toutes les autres forces politiques bourgeoises en Russie s’étant au préalable discréditées, démantelées, débandées, il ne restait que des représentants de la bureaucratie pour représenter la réaction politique. Le prolétariat mobilisé par la révolution n’aurait fait qu’une bouchée de telles prétentions bureaucratiques, mais, au contraire affaibli, mortellement frappé dans ses éléments les plus dynamiques et révolutionnaires, démoralisé lui aussi, démobilisé, n’était pas capable alors de faire face aux prétentions bureaucratiques, issues à la fois des soviets, de l’Etat et du parti…

Bien des personnes favorables au socialisme, y compris des révolutionnaires, se heurtent ici à un handicap dans la compréhension des événements : leur engagement s’oppose curieusement à leur compréhension du cours des événements. S’il s’agissait d’une révolution bourgeoise, d’événements ne les concernant pas directement, ils auraient la capacité d’avoir une vision historique objective, mais, concernant une révolution socialiste, qui les engage directement, ils n’en sont plus capables. Impossible pour eux à la fois de prendre parti contre le stalinisme et d’en comprendre le sens historique. Un peu comme il est impossible à toutes les personnes qui sont marquées par leur réprobation de comprendre historiquement l’extermination des juifs par le nazisme. Quand trop de morale pénètre la compréhension de l’Histoire, celle-ci n’est plus analysable de manière rationnelle.

Le « bonapartisme » de Staline n’est pas le premier de l’histoire. On se rappelle des magnifiques pages de Karl Marx concernant le bonapartisme de Napoléon III. Mais, là, il s’agit pour nous de détournement de la révolution bourgeoise, l’un des exemples fameux de ce bonapartisme et qui lui a donné son nom étant celui de Napoléon 1er succédant à la Grande Révolution française. Pourtant, l’un des plus grands soulèvements de l’Histoire en faveur de la liberté avait achevé son cours par la dictature personnelle, guerrière et sanguinaire de l’empereur Napoléon 1er, massacrant les peuples d’Espagne et de Russie, notamment, et nommant rois et princes tous les membres de sa famille.

Les lois de la lutte des classes semblent bien difficiles à comprendre à tous ceux qu’infecte un tant soi peu le moralisme dans leur perception de la lutte politique. Bien sûr, ceux-là répliquent que c’est l’amoralisme bolchevik qui aurait mené au stalinisme. Ce serait lui qui aurait inauguré la suppression des libertés, la casse des droits des citoyens, et même la casse du pouvoir aux soviets en mettant en place le pouvoir du seul parti bolchevik. La thèse est bien connue et a été souvent discutée dans notre site sans qu’il soit nécessaire d’y revenir ici. Nous voulons seulement faire remarquer que le moralisme politique, même drapé dans des positions ultra-révolutionnaires de certains gauches communistes, n’éclaire nullement les leçons à tirer du stalinisme. En effet, une telle position n’explique nullement comment Lénine et Trotsky auraient pu, dialectiquement eux aussi comme le pouvoir soviétique, se transformer en leur contraire.

Lénine et Trotsky et l’immense majorité des dirigeants révolutionnaires n’ont pas eu l’occasion de se transformer : le stalinisme les a écartés comme s’ils n’avaient jamais eu de poids dans la société ! Ils ne s’étaient pas affaiblis politiquement. C’est que la force sociale qui les portait a été vaincue dans l’arène où elle exerçait sa force : dans la révolution en Europe essentiellement. Ce qui avait permis à la révolution russe de se maintenir face aux impérialismes occidentaux, c’était le lien entre la révolution « russe » et la révolution européenne et même mondiale. C’est quand ce lien a été rompu, fût-ce momentanément, que les prolétaires révolutionnaires russes se sont retrouvés devant une équation insoluble : faire le socialisme dans un seul pays.

Lénine et Trotsky savaient que ce défi n’avait aucune solution autre que le triomphe des anciennes classes possédantes et de la bourgeoisie mondiale en Russie. Mais ils n’imaginaient pas la forme que cela prendrait. Ils n’imaginaient pas que la révolution aurait triomphé en Russie sans qu’elle ait triomphé en Europe, ne serait-ce qu’en Allemagne. C’est pourtant ce qui s’est produit.

On peut discuter en long et en large sur les mesures prises par les bolcheviks devant une situation en impasse, on n’en tirera rien d’autre que le fait qu’il n’y avait aucune issue, ni politique ni sociale à une telle catastrophe. La « solution » de Lénine et Trotsky, après 1921, ne consistait pas à développer des perspectives mais seulement à tenir dans une citadelle assiégée, affamée, démoralisée. On ne peut ni condamner les mesures prises alors, ni en faire une politique « de principe », ni des méthodes d’avenir. On ne peut que souhaiter ne pas se trouver pris dans un piège aussi affreux lors des révolutions sociales qui viennent. Quelles leçons morales voulez-vous que tirent les moralistes des histoires de passagers d’avions jetés contre une chaîne de montagne recouverte de glaciers et qui mangent les cadavres pour survivre, rien que des balivernes ! Ceux qui les glorifient d’avoir tenu valent à peu près ceux qui les condamnent moralement.

Les leçons politiques révolutionnaires du stalinisme sont d’un autre ordre :

1°) Pas de révolution sociale qui soit dans des frontières nationales !

2°) La révolution socialiste n’est pas le partage de la misère et ne repose pas sur une économie inférieure à celle du capitalisme.

3°) Pas de statu quo avec le capitalisme pour la révolution socialiste triomphant dans un seul pays.

4°) Pas de solution formelle pour la démocratie réelle des opprimés. Le seul moyen de maintenir la démocratie, c’est de faire avancer la révolution. Misère et démocratie ne coexistent pas durablement.

5°) La révolution mondiale n’est pas un slogan mais une réalité qui repose sur la crise mondiale de la domination des classes possédantes. La révolution emploie des armes objectives contre ses adversaires. Quand celles-ci disparaissent ou ont été mal utilisées, les révolutionnaire retombent à leur ancienne position de groupes minoritaires et même groupusculaires et cessent de détenir des moyens extraordinaires de « faire l’histoire ».

6°) Personne ne peut remplacer le prolétariat révolutionnaire organisé en conseils, décidant et agissant par lui-même, ni une autre forme d’organisation comme les comités d’usine, les assemblées, les associations, les syndicats ou les partis politiques, fussent-ils révolutionnaires et prolétariens. La force sociale, c’est le prolétariat lui-même mais il n’est pas éternellement une force révolutionnaire et sa force n’est pas infinie. Elle peut décliner. Elle peut être affaiblie. Et, dans ce cas, tout le poids de la réaction, de l’arriération, de la passivité des exploités et des opprimés revient en surface, momentanément écarté par l’explosion révolutionnaire.

7°) Quand le prolétariat est mobilisé, organisé et conscient de son rôle historique, sa force amène même à oublier celle de ses adversaires intérieurs, réformistes et bureaucrates de toutes sortes. Quand le prolétariat recule, redevient seulement une classe pauvre, exploitée, frappée de tous côtés, qui recule politiquement et socialement, qui ne parvient plus seulement à nourrir ses membres, à leur donner du travail, à développer l’économie, alors ces adversaires intérieurs redeviennent des forces organisées difficiles à contrer, à combattre, et à bloquer. Les appareils bureaucratiques, syndicaux, politiques et même soviétiques, redeviennent des poids lourds trop pesants pour être soulevés et les révolutionnaires redeviennent moins forts que ces machineries réactionnaires.

8°) Le bureaucratisme, la démoralisation, la réaction ne sont pas très menaçants tant que la révolution prolétarienne va de l’avant, conquière du poids dans toutes les couches prolétariennes, et même dans les couches petites bourgeoises, chez tous les opprimés, dans la jeunesse, parmi les femmes, parmi les chômeurs, parmi les nations et religions opprimées, quand la révolution gagne de nouvelles régions, de nouveaux pays, frappe de nouvelles classes possédantes, supprime le pouvoir économique, politique et social des anciens exploiteurs. Les anciennes classes et idées réactionnaires sont alors balayées par le grand courant prolétarien qui semble capable de tout emporter avec lui. Dès que ce courant régresse, c’est l’inverse qui se produit. C’est arriération de l’ancienne société, l’inculture des masses, le manque de confiance en eux des exploités, les retards économiques, sociaux, politiques et même idéologiques de l’ancienne société qui pèsent à nouveau sur les prolétaires, ceux-ci perdant chaque jour du poids sur les couches sociales plus éloignées du prolétariat, sur la petite-bourgeoisie, sur les nationalités et religions opprimés. C’est à l’inverse le poids des anciennes idéologies réactionnaires qui reprend le dessus, seulement écartées momentanément par la vague révolutionnaire mais toujours capables de s’implanter dans les masses arriérées. C’est la dynamique révolutionnaire qui a été capable de les mettre au rencart mais, dès que cette dynamique est cassée, la révolution est gelée et la force révolutionnaire a disparu. La conscience prolétarienne se perd alors dans le recul général. Les plus conscients des révolutionnaires sont les derniers bastions politiques et idéologiques mais même eux ne sont pas éternels.

9°) Le rôle des individus, même révolutionnaires, dans l’Histoire ne consiste pas à inventer des perspectives là où l’Histoire n’en propose pas, ou plus. Il ne consiste pas à trouver des solutions politiques et sociales au prolétariat, là où le prolétariat est défait par le cours même des événements. Il est déjà bien suffisant que les révolutionnaires soient capables de comprendre les possibilités historiques quand elles se présentent et c’est déjà rarement le cas. Là non plus, ce n’est pas une question de morale. Ce n’est pas la malhonnêteté qui frappe les gens qui se revendiquent de la révolution sociale prolétarienne et qui les pousserait à trahir en devenant opportunistes ou sectaires. Non, ce qui leur fait défaut, c’est la compréhension des lois de l’Histoire, celles de la lutte des classes. Cette incompréhension les empêche d’appréhender la politique juste, capable de mener le prolétariat au pouvoir politique et social.

10°) Ce que les révolutionnaires russes ont fait, devant une impasse historique, ne provient pas essentiellement des politiques qu’ils ont menées en Russie, mais surtout de la défaite du prolétariat en Europe. Pour maintenir un véritable Etat ouvrier, dictature du prolétariat, alors que le prolétariat russe était isolé dans un pays arriéré, il aurait fallu une politique permettant de marcher au plafond. Une telle politique ne pouvait pas exister.

Conclusion : il y a d’autres réponses que celles consistant à tout justifier de ce qui s’est passé dans les années 1920 en Russie ou de tout rejeter. Comprendre n’est pas justifier. Rejeter les chemins historiques des révolutions ne permet pas de mieux faire face aux prochaines échéances révolutionnaires prolétariennes qui sont en train de venir. Les révolutions de 1917 est nôtre et pas sa caricature stalinienne et c’est au nom d’Octobre 1917 que l’on combat le mieux le stalinisme car on le comprend le mieux, pas au nom de l’anarchisme, du purisme conseilliste, du démocratisme, du pacifisme et autres. Comme on l’aura compris, la leçon que nous tirons n’est certainement pas que les prolétaires ont eu tort de prendre le pouvoir politique en Octobre 1917 et de tenter de l’étendre au monde entier par la suite, bien au contraire !!!

Nous ne sommes pas religieusement attachés à chaque mot proféré par des idoles qui s’appelleraient Lénine, Trotsky ou les bolcheviks, mais nous estimons que l’on ne doit pas faire croire qu’une autre politique fondamentalement différente de celle des révolutionnaires communistes russes aurait changé quoique ce soit à la venue du stalinisme. Ce n’est du fatalisme de notre part : c’est seulement la conscience que le seul choix était entre la révolution montante et la contre-révolution. Du moment que la révolution avait échoué en Europe, la Russie seule ne pouvait que tomber aux mains de forces contre-révolutionnaires, les noms et les personnes n’y changeant rien. Si Lénine et Trotsky proposaient de mener le combat face aux forces contre-révolutionnaires bourgeoises et bureaucrates et de le mener jusqu’au bout, ce n’est pas avec des illusions sur la possibilité de le gagner en cas de maintien de l’isolement de la révolution dans son seul bastion russe. Faire croire le contraire n’a rien de révolutionnaire, même si cela peut avoir un petit air radical parfois…

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