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Pas d’évolution linéaire de la taille du cerveau humain

jeudi 31 octobre 2019, par Robert Paris

On croirait bien à une linéarité progressive à première vue mais...

Néanderthal avait un cerveau plus gros que le notre (celui de Cromagnon)...

Commentaire de la photo du dessus sur l’Australopithèque de Taung

Il n’y a pas d’évolution linéaire de la taille du cerveau humain

On se souvient de toutes les représentations selon lesquelles l’homme actuel serait caractérisé par son « gros cerveau » et aurait cette supériorité intellectuelle qui serait issu de l’ « évolution progressive darwinienne ». Les représentations de cette conception sont nombreuses et les études également.

Lire sur ce thème une interview de l’auteur de « La mal-mesure de l’homme » de Stephen Jay Gould

Les primates sont caractérisés par un grand cerveau par rapport à d’autres mammifères et les hominidés par rapport aux primates et l’homme actuel par rapport aux premiers hominidés. De là à penser que nous sommes au sommet d’une croissance linéaire il n’y avait qu’un pas…

De l’Australopithecus (410 cm3) à l’Homo sapiens (1400 cm3) on assiste à un triplement du volume du cerveau. La facilité serait d’en déduire que nos facultés cognitives ont aussi progressé dans les mêmes proportions.

Mais les études sont loin de donner raison à cette conception :

 Homo georgicus pose lui problème... cérébral ! Jusqu’à sa découverte, on pensait que le premier hominidé à avoir quitté le berceau africain pour s’aventurer en Europe était doté d’un cerveau et de capacités importants. L’Homo erectus était tout désigné pour cette migration : un cerveau volumineux et une grande capacité à fabriquer des outils... Mais les restes d’Homo georgicus, retrouvés à Dmanissi et vieux de 1,8 millions d’années, en font le plus vieil hominidé connu sur le continent européen avec un cerveau plus petit d’un tiers qu’Homo erectus...

 L’homme de Néandertal présentait un volume crânien supérieur à celui de l’ Homo sapiens, soit 1 700 cm3. Aujourd’hui, l’homme actuel présente un volume crânien de 1 350 cm3.

Sapiens à gauche et Néandertal à droite

 L’étude de l’Homo floresiensis bouleverse aussi la vision linéaire de l’évolution des Homo. Voir ici

 Et, parmi les Homo sapiens, CroMagnon avait un cerveau de 1 550 cm3. Cro-magnon, un ancêtre direct de l’homme moderne dont le cerveau était en moyenne de 15% à 20 % supérieur en taille. Voir ici

L’élargissement du cerveau semble avoir débuté qu’à partir du genre Homo. En effet, les Australopithèques, qui ont vécu avant le genre Homo, présentaient un volume crânien de l’ordre de 400 cm3, soit un volume crânien plus ou moins équivalent à celui des grands singes africains. D’après les fossiles de l’ Homo habilis, son volume cérébral est plus important comparé à celui des Australopithèques. Ainsi, il est indéniable qu’au cours de l’évolution, la taille relative (à la taille du corps) et absolue du cerveau ont augmenté. Cependant, l’élargissement du cerveau ne se serait pas fait progressivement au cours du temps mais il se serait fait par étapes. Effectivement, entre -4 et -2 millions d’années, on observe que le volume cérébral d’ A.afarensis est de 450 cm3 alors que celui de l’ Homo habilis varie entre 650 et 700 cm3, à -2 et -1,5 million d’années. Le processus d’élargissement du cerveau, caractéristique de l’hominisation, aurait connu une importante évolution, au cours de cette période, soit entre -2 et -1,5 million d’années. L’élargissement du cerveau aurait également connu une importante augmentation entre -500 000 et -100 000 ans, à l’époque où vivait Homo sapiens. Ainsi, le volume crânien aurait doublé, durant cette période pour atteindre 1 400 cm3, chez l’ Homo sapiens. Cette importante augmentation du volume crânien a connu des variations puisque l’homme de Néandertal présentait un volume crânien supérieur à celui de l’ Homo sapiens, soit 1 700 cm3. Aujourd’hui, l’homme actuel présente un volume crânien de 1 350 cm3.

En moins de 4 millions d’années, la taille du cerveau aurait triplé, soit trois fois la taille du cerveau d’un primate dont l’évolution cérébrale aurait duré 60 millions d’années. De récentes études indiquent que l’élargissement du cerveau aurait évolué en simultané avec d’autres caractères spécifiques aux Hominidés. Par ailleurs, vers les dernières étapes de l’hominisation, l’évolution du cerveau consistait plus en une croissance allométrique (croissance du cerveau relative à la taille du corps) qu’à une réorganisation cérébrale.

Une des explications de l’élargissement cérébral serait l’apparition du langage. En effet, il y aurait un lien étroit entre l’augmentation du volume cérébral et le développement du langage articulé puisqu’il a été vu précédemment que le langage était associé à plusieurs zones cérébrales telles que les zones de Broca et de Wernicke. Ainsi, leur présence dans le cerveau entraînerait l’augmentation du volume cérébral. Par ailleurs, la socialisation et l’apparition des traditions culturelles auraient également entraîné une augmentation du volume cérébral afin d’assimiler, entre autres, les règles complexes de la société. Par ailleurs, bien que le moment où les outils seraient apparus, par rapport au début de l’élargissement cérébral fait débat, il y aurait un lien entre l’élargissement du cerveau et la fabrication d’outils. En effet, un développement au niveau du cerveau de nos ancêtres aurait un lien avec le développement et l’organisation des compétences impliquées dans la fabrication des outils.

Il en résulte que l’être humain actuel qui est un Homo sapiens sapiens est au sein d’une phase descendante de la taille crânienne ! Fort heureusement, il peut se prévaloir du fait que l’intelligence n’est finalement pas proportionnée à la taille du crâne !

Nous aurions tort de ne voir dans l’augmentation de la capacité de la boîte crânienne qu’une donnée quantitative. Il ne faut pas perdre de vue que le tissu cérébral se caractérise plus que tout autre par une structure systémique "en gigogne" productrice de propriétés émergentes. Un réseau de neurones acquiert des capacités de calcul ou de reconnaissance de formes qui ne sont pas présentes au niveau des simples neurones individuels. Des réseaux se regroupent en réseaux d’ordre supérieur ; ils sont structurés en noyaux intereliés et en couches superposées qui intègrent l’activité des couches inférieures et modifient leur activité en boucles auto-régulées complexes. Finalement c’est tout l’encéphale qui intègre l’ensemble de ses sous-systèmes en une seule unité.

Une autre manière d’évaluer l’intelligence est de comparer la taille du cerveau d’une espèce à la naissance et celle de celui des adultes complètement développés. Cela indique à quel point une espèce accumule d’apprentissage encore jeune. La majorité des mammifères naissent avec un cerveau avoisinant 90 % du poids adulte alors que pour les êtres humains il est à peine de 28 % du poids des adultes, et de 54 % chez les chimpanzés, de 42,5 % chez les dauphins et 35 % chez les éléphants. En dix-huit mois, la masse du cerveau d’un dauphin est d’environ 80 % de celui d’un adulte. Les êtres humains n’atteignent ce pourcentage qu’à l’âge de trois ou quatre ans.

« Au départ, nous avons interprété les capacités des Hommes un peu à l’envers. Pour utiliser les outils et parler, il faut être intelligent. Pour ce faire, il faut avoir un gros cerveau. Donc nous nous sommes d’abord dit que les australopithèques ne pouvaient pas faire d’outils, que c’était forcement propre au genre Homo. »

D’autres erreurs similaires ont été commises concernant les capacités de langage. Seul Homo sapiens aurait été capable de parler. Il aurait été le seul à posséder un cerveau suffisamment grand.

Plusieurs découvertes récentes ont montré que les australopithèques et les paranthropes fabriquaient des outils. Au final, la taille du cerveau n’a pas un lien direct avec ces capacités.

« Nous montrons maintenant que tous les ancêtres de l’Homme possédaient des cerveaux asymétriques. Ils ont donc tous au moins un support anatomique dont on sait qu’il joue un rôle dans les capacités manuelles et dans les capacités de langage. Cela enlève cette idée très simplificatrice voulant que seul Homo sapiens ait été capable de parler et d’utiliser des outils. »

Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences

La suite...

Ce que les singes nous apprennent sur la "nature humaine"....

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