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Gracchus Babeuf en 1794 contre la Terreur bourgeoise

samedi 26 octobre 2019, par Robert Paris

Gracchus Babeuf en 1794 contre la Terreur bourgeoise

Note M et R : Il y a eu deux Terreurs dans la Révolution française, l’une du peuple contre les anciennes classes possédantes, l’autre de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie. Elles ne visaient pas du tout le même objectif.

Les « noyades » de Carrier à Nantes

La terreur de Carrier

Babeuf :

« Ils veulent sauver Carrier ! Ils veulent que le tribunal révolutionnaire soit jugé ! Que le peuple se méfie !

« Les crimes des représentants du peuple et de leurs agents ne doivent jamais rester impunis. Nul n’a le droit de revendiquer être plus inviolable que les autres citoyens. »

Déclaration des droits de l’homme, art. 51

« Le peuple parisien, le peuple de toute la République, n’a lancé qu’un cri depuis l’ouverture du procès des complices du plus exécrable des dépopulateurs. Ce cri appelle à la vengeance la plus terrible, la vengeance appelée à ne pas tomber sur la tête, mais sur toutes les parties sensibles de l’être le plus monstrueux que la nature aie jamais produit. Jamais les expressions d’indignation n’ont été aussi générales et exprimées avec autant d’énergie contre un individu. Et jamais une telle accumulation d’atrocités n’a mieux justifié l’irritation du public.

Carrier : ce nom horrible frappe toutes les oreilles, il sort de toutes les bouches. En parlant simplement, cela provoque un frisson d’horreur. Il n’y a pas un seul Français pour qui ce mot ne suffit pas pour raconter l’histoire de l’homme qu’il désigne. Cela rappelle à tous ses contemporains le plus irascible des êtres carnivores. La postérité ne pourra trouver dans aucune tradition un exterminateur qui soit son égal. Les crimes de ce méchant maître sont reconnus par tous et prouvés pour tous. Pourtant, il a des défenseurs non officiels à la Convention nationale et il semble même qu’il existe un parti fort qui souhaite le sauver. De plus, il y a des signes qui annoncent qu’il y a ceux qui veulent influencer, voire terrifier le juste tribunal qui, avec sa sagesse habituelle, enquête sur l’affaire du tristement célèbre noyeur qui a dépassé de loin Nero et tous les autres grands bourreaux.

Ne sommes-nous pas scandalisés de lire dans tous les journaux ce qui s’est passé à la Convention lors de la session du 12 brumaire, lors de l’apparition de cet assassin féroce, dont la présence au sénat est une insulte continuelle envers les personnes représentées ? Passons en revue cette session et évaluons ses circonstances étonnantes en ce qui concerne Carrier.

Il est un fait qu’un officier de police a été accusé d’avoir ordonné de garder Carrier en garde à vue, de l’empêcher de quitter Paris et, s’il tentait de le faire, de le conduire à la Commission des Vingt et un. C’est un fait que le policier a été arrêté et emprisonné pour avoir conduit Carrier à cette commission.

Rien ne dit que le policier chargé de l’ordre n’ait pas arrêté Carrier parce qu’il estimait que Carrier avait voulu quitter Paris. Étant donné que l’ordre indiquait « s’il tentait » de quitter Paris, il en résultait que le caractère vague du mot « tentative » laissait au garde une grande latitude. Le moindre mouvement, la moindre initiative aurait pu lui apparaître comme une tentative de fuite ; il en était le seul juge et sa responsabilité devait lui paraître si lourde que cela ne lui permettait pas de courir de grands risques. Et il est clair que l’arrestation n’aurait pas dû le rendre répréhensible, et le fait d’avoir procédé à cette arrestation supposait incontestablement qu’il y avait lieu de le faire, et on ne peut s’empêcher de voir dans le traitement de la garde de Carrier une peine pour avoir rempli son mandat.

Mais ce qui est plus digne d’observation, c’est la tendre sollicitude de plusieurs députés envers leur collègue Carrier. La Commission des Vingt et un a exprimé sa grande surprise de le voir accompagné d’un gendarme et d’un officier de police ; Guyomard trouve qu’il s’agit d’une attaque terrible contre la représentation nationale et appelle à la punir.

En ce qui concerne la première circonstance, je n’ai que cette idée : c’est la dernière goutte de joie pour Guyomard qui souhaite maintenir le respect de la représentation nationale en ne craignant pas le respect de ses membres les moins respectables.

Ensuite, il y a Legendre. Il trouve méchants ceux qui révèlent à leurs groupes leurs craintes quant au projet de sauver Carrier. C’est donc un crime que de s’inquiéter de ce qui serait, sans contredit, un grand malheur ; c’est-à-dire voir l’incomparable criminel échapper à une vengeance exemplaire.

Nous ne sommes pas un peu surpris d’entendre Legendre expliquer le tort impardonnable de l’agent qui a procédé à l’arrestation en disant qu’il avait abusé de ses ordres en ne respectant pas la considération due à la représentation nationale en arrêtant Carrier d’une manière inappropriée pour la dignité de son poste. C’est pourquoi le Comité de sécurité générale a libéré le représentant du peuple et arrêté l’individu qui s’est permis cet acte arbitraire à l’encontre d’un membre de la Convention.

Quand nous entendons Legendre parler ainsi, ne sommes-nous pas tentés de dire que lui aussi est fini, que le retour à la campagne l’a ruiné ? Mais si, pour ces personnes, il s’agit de faire preuve de la considération qui convient, c’est aux fléaux de ce monde qu’ils veulent que nous accordions notre considération. Que veulent-ils dire par considération due à la représentation nationale en la personne de Carrier, à la dignité de son poste ? Je ne vois rien d’autre que Carrier dans Carrier ; Je ne vois aucune dignité inhérente à sa position. Et en ce qui concerne la représentation nationale, je vois l’indignité de la part de Carrier de souiller le titre. Quel est ce fanatisme concernant les positions, qui appelle au respect de ce qui n’est plus respectable ? Allons-nous revenir aux temps superstitieux, lorsque des prêtres menteurs ont également parlé d’une position à respecter en leur personne ? Je ne connais que des hommes et pas des positions. Je les respecte quand ils méritent d’être respectés. Quand ils sont comme Carrier, je les déteste. On dira qu’il n’a pas encore été jugé. Mais il a été jugé par l’opinion publique, et cela suffit. C’est même trop.

Duhem vient de révéler son intention de protéger le dévoreur de l’humanité de la justice nationale. Les journaux disent : « Il parle d’affiches qui ont pour objet de capturer les opinions de la population et des jurés du Tribunal révolutionnaire. Il est surpris que le procureur général de ce tribunal n’ait pas été condamné à comparaître à la barre pour rendre compte de sa conduite à cet égard. Il accuse les dirigeants du tribunal d’être une faction qui veut poursuivre plusieurs membres de la Convention, notamment les députés, qui ont tout fait pour sauver la patrie en Vendée. "

C’est le plan du complice de l’exterminateur des peuples. Ils vont intimider, ils vont faire taire le tribunal, ils vont même essayer de le faire passer en jugement. Et ils justifieront le tueur de masse de l’Occident en prétextant que le terrorisme dont il a fourni à la terre un exemple était nécessaire au salut de la Patrie.

Système d’extermination ! Il était nécessaire que le salut de la France efface toute la population de ses parties occidentales ! Il était nécessaire pour le salut de la Patrie de transformer sa plus belle campagne en horrible désert, pour en faire le repaire d’animaux voraces à la fois terrestres et aquatiques en recouvrant de cadavres les eaux, les champs et les bois ! Féroce Duhem, vous sanctionnez ces horribles dévastations, vous absous les meurtriers d’un quart de la France : votre âme non moins barbare aurait fait la même chose qu’eux. Où les républicains ont-ils trouvé des législateurs comme vous ? Quel génie diabolique les a conduits vers les bourreaux au lieu de les guider parmi les sages ? Pour sauver la patrie, cette dernière aurait trouvé d’autres moyens que de dépeupler les plus belles régions. Phélipeaux et Dubois-Crancé ont déclaré que la Vendée aurait pu être convertie par des moyens moins atroces. Des bataillons de missionnaires, des apôtres de la liberté auraient dû être envoyés là-bas ; capables de présenter leur doctrine avec tous ses charmes, sans effusion de sang, ils auraient facilement amené un peuple maltraité par une horde d’imposteurs. Hommes de sang et de mort, pensez-vous atténuer l’horreur générale de vos terribles exploits inspirés par le charlatanisme d’une phrase froidement abominable : « Tout ce qu’ils ont fait est tout ce qu’il a été possible de faire pour sauver la patrie ». pas travailler. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour réprimer l’indignation, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le maintenir en vie, afin d’empêcher le pire méchant possible d’échapper à la vengeance attendue et attendue par tous les Français. Si nous devons chaque jour retracer les horreurs les plus révoltantes de nos cannibales, alors nous le ferons ; nous ne permettrons pas aux gens d’oublier. Commençons cette tâche. Reste tranquille, beaucoup de mânes ; les gens ne se refroidiront pas à la satisfaction qui vous est due. Tu seras vengé.

Pour sauver la patrie, avait-on besoin des 23 noyades de Nantes, l’un des 600 enfants ? Des « mariages républicains » étaient-ils nécessaires, où des jeunes garçons et des filles attachés nus étaient assommés à coups de sabre, puis jetés dans la Loire ? (Déposition de Philippe Tronjoli et Bourier) Était-il nécessaire (nouvelle déposition du 25 vendémiaire) de faire mourir dans les prisons de Nantes la faim, l’infection et la misère, 10 000 citoyens, 30 000 si l’on inclut les exécutions et les noyades ? Les sabrades étaient-elles nécessaires (déposition de Laéné) sur la place du département, qui occupa 300 hommes pendant six semaines, remplissant les fosses communes de ceux qui ont péri de cette torture ? Était-il nécessaire que Carrier (déposition de Tronjoli des 27) dorme avec trois belles femmes et les noie ensuite ? Était-il nécessaire d’exécuter (dépôt de Renaudot) des détachements d’infanterie et de cavalerie de l’armée rebelle qui s’étaient volontairement rendus ? Était-il nécessaire de noyer ou d’exécuter (déposition de Thomas) 500 enfants, dont le plus âgé n’avait pas 14 ans et que Carrier appelait des vipères qu’il fallait supprimer ? Était-il nécessaire (même déposition) de noyer 30 à 40 femmes enceintes de huit et huit mois et demi et d’offrir aux yeux horrifiés les cadavres encore palpitants des bébés jetés dans une baignoire remplie d’excréments ? Était-il nécessaire (déposition d’Abraham et de l’épouse de bonne femme Puchotte) de tuer en une nuit par suffocation (causée par une infection et un manque d’air) de 50 à 60 prisonniers dans un galion dont les panneaux latéraux étaient expressément fermés pour provoquer la suffocation ? Était-il nécessaire, après l’exécution d’un groupe de femmes par peloton d’exécution (dépôt de Delamarie) de faire un tas de leurs cadavres et de plaisanter de mauvais goût, appelant cela une montagne ? Était-il nécessaire (déposition de Coron) d’arracher leurs fruits aux femmes sur le point d’accoucher, de les porter au bout des baïonnettes puis de les jeter à la rivière ? Était-il nécessaire de répandre parmi les soldats de la Compagnie Marat cette horrible doctrine voulant que chacun d’entre eux soit capable de boire une coupe de sang ? Était-il nécessaire (déposition de Forget) de faire du gardien de la prison l’unique juge de ses détenus ? Était-il nécessaire de permettre aux généraux de se proclamer ouvertement les bouchers de la Convention ? Faut-il (déposition de Jeanne Laillet) que Carrier donne lui-même l’ordre spécial de guillotiner les six jeunes soeurs Lamettries ; que les cris douloureux de ces malheureux qui demandaient des juges ne firent impression que sur le bourreau, décédé trois jours plus tard de chagrin parce qu’il avait exécuté cette exécution ? Faut-il (déposition de Lavigne) que Carrier professe ouvertement sa jurisprudence exécrable à travers ces terribles paroles : « Bah, vous avez besoin de cent preuves, cent de témoins pour guillotiner un homme. Jetez-les tous dans la rivière ; c’est ce que vous auriez dû faire. ”Était-il nécessaire (déposition du Tabouret) pour les malheureux qui étaient emmenés par bateau dans une noyade qui passait les bras par les ouvertures des panneaux latéraux pour demander grâce, pour se faire frapper au sabre avec les bras comme ils ont demandé la pitié de leurs bourreaux ? At-il fallu (déposition de Moutier) à Carrier de dire publiquement à Nantes qu’ils devaient jouer à la pétanque avec les têtes de tous les nantais ?

Ah, Carrier, ah, Duhem, et vous tous qui en êtes les défenseurs officieux.

Si ce n’est que de cette manière que vous savez comment sauver la patrie, la patrie assassinée se lèvera contre vos mains ensanglantées et portera le coup de grâce avant que vos cœurs atrocement insatiables aient réalisé leur souhait évident : enterrer tous l’humanité dans les abysses de destruction et de régner sur les cadavres et les déserts. Pourquoi prenez-vous les Français en pensant qu’ils permettront au cannibalisme perfectionné de sortir triomphant des horreurs qui émerveilleront les siècles et les nations. Comptez sur lui que le jugement de l’opinion publique, qui ne s’est jamais prononcé aussi unanimement contre un coupable, ne s’inclinera pas devant les appels insensés de quelques vociférants qui ont partagé et partagent ses dogmes populicides. La nature ne le permettra pas, n’a jamais permis aux assassins de cette terre de récolter les fruits de leur barbarie en toute impunité. Le sang des hommes a toujours éclaboussé ceux qui l’ont provoqué. La mort du transporteur est vivement réclamée. C’est le but d’un souhait universel ; cela est nécessaire pour le repos de la République, dont aucune région ne sera à l’abri des fureurs inouïes d’un pareil bourreau si un exemple effrayant n’est pas imposé à quiconque serait tenté de l’imiter. Loin d’écouter les appels à la pitié provoqués en faveur du monstre vomi par le Cantal, il n’est peut-être ni impolitique ni peu philosophique de solliciter pour cet être extraordinaire, pour cet ennemi de la nature, un châtiment particulier. Nero, son mentor, aurait souhaité que l’humanité ne dispose que d’une seule tête pour pouvoir l’anéantir d’un coup. L’humanité ne devrait-elle pas alors souhaiter que Néron et Carrier aient mille têtes pour pouvoir subir mille morts ? Non, un coup de guillotine ne suffit pas pour de tels êtres exécrables. Les victimes des départements de l’Ouest ne se contenteront pas d’un si petit sacrifice. Que se passerait-il si une cabale caligulaite se retrouvait assez forte pour avoir voté pour le féroce noyeur et dépopulateur et pour classer cet homme-mangeur parmi les sauveurs de la Patrie ? Ces nuances larmoyantes joindront leurs cris de désespoir aux cris des vivants, et ces derniers voudront seulement atteindre les rivages fatals avant l’époque où les hordes du Carrier impuni se sont répandues à travers les quatre parties de la France pour en faire un vaste cimetière.

Mais non, le tribunal révolutionnaire, dont la bonne conduite rassure et donne confiance à tous les citoyens, saura rester ferme contre toutes les suggestions de ruse, de crime et même de pouvoir. Il se rendra digne du poste honorable auquel il a été confié. Il n’oubliera pas que les yeux de toute la France sont fixés sur elle, que le destin des Français dépend en grande partie du soutien de sa marche dans l’importante affaire dont elle tient le premier fil. Et le plus grand de tous les auteurs de massacres verra bientôt sa dernière heure, malgré les efforts généreux du docteur Duhem et de son groupe.

GRACCHUS BABEUF, rédacteur en chef du « Journal de la liberté de la presse », puis du « Tribunal du peuple ».

Note : je signe ouvertement ceci. Je ne suis pas un de ces timides qui écrivent de manière tremblante et anonyme. On me verra bientôt monter à la tribune, plus fier que jamais, et donner à Merlin de Thionville des raisons de rougir pour ses infâmes calomnies envers moi que les journaux esclaves embellissent et propagent.

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