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Une grande révolution sociale de l’antiquité : à Corfou, en 427 avant notre ère

jeudi 6 décembre 2018, par Robert Paris

Une grande révolution sociale de l’antiquité : à Corfou, en 427 avant notre ère

Corcyre (entre -427 et -425) est considéré comme un exemple typique de la “statis”, terme grec qui désigne la guerre à l’intérieur même de la cité ou guerre civile.

Il est fort probable que vous n’ayez jamais entendu parler de la révolution sociale de Corfou (autrefois appelée Corcyre) en -427 et pourtant elle a été la première d’une longue série de révolutions des masses pauvres des villes grecques. On a souvent pris comme principal source des faits l’historien Thucydide qui était ouvertement partisan des classes oligarchiques qui ont été battues et tuées au cours des événements. Il fait comme si les Corcyriens étaient simplement des barbares et comme si les événements avaient surtout un caractère de guerre et pas de révolution, mais cela est faux. La colère des masses pauvres qui a frappé les oligarques et leurs soutiens provient de la haine accumulée due à des années d’exploitation et d’oppression !

Commentaire de Jules Michelet, pas du tout révolutionnaire, dans « Histoire romaine » :

« Le pauvre et le riche, enfermés dans la même cité, placés en face l’un de l’autre, et séparés par une éternelle barrière se regardaient d’un oeil de haine. Le riche n’assurait sa richesse qu’en devenant plus riche et achevant d’accabler le pauvre. Le pauvre ne pouvant sortir autrement de la misère, rêvait toujours des lois de meurtre et de spoliation. Tel est le tableau des cités grecques. La victoire alternative des riches et des pauvres est toute l’histoire des cités grecques ; à chaque révolution, une partie de la population fuit ou périt, comme dans cette hideuse histoire de Corcyre que nous a conservée Thuycide. »

Corinthe dominait Corcyre sous Périandre mais, à sa mort, Corcyre se révolte…

En 427 av. J.-C., après que les oligarques aient fait assassiner Pithias, le chef du sénat, la guerre civile a commencé contre ses assassins et la révolte n’a cessé de grandir en juillet et en août, et, pour finir, toute la noblesse aristocratique de Corfou (ou Corcyre) a été anéantie physiquement et son système social complètement éradiqué par les opprimés, dont la colère avait été portée à bout, avec une participation marquante des femmes. La révolte avait duré deux ans, jusqu’en 425 avant J.-C.

Extrait de l’histoire des îles grecques

Lire le point de vue de Thucydide

Le contexte guerrier, rapporté par Thucydide

Le résumé des conflits entre villes grecques à l’époque qui se mêle de révolte contre les aristocrates

La guerre civile débute entre les démocrates et les oligarques, entre oppressés et oppresseurs, et c’est seulement ensuite qu’interfère l’affrontement entre Sparte et Athènes et Corcyre devient « un monde à l’envers », les possédants et les gouvernants sont renversés, les riches sont dépossédés

Histoire de la Grèce ancienne :

« A Corcyre, comme partout, l’aristocratie et le peuple, les riches et les pauvres, ceux-là soutenus par Lacédémone, ceux-ci par Athènes, se disputaient avec fureur le pouvoir. Longtemps, ces discordes intérieures n’amenèrent pas d’autre catastrophe que l’exil du parti le plus faible ; maintenant que les vaincus peuvent appeler l’étranger à leur aide, ces luttes intestines prendront le caractère d’atroce cruauté et de perfidie que nous allons voir à Corcyre.

Les riches Corcyriens que les Corinthiens avaient fait prisonniers à la bataille de Sybota avaient été relâchés, et, depuis leur retour, s’efforçaient de remplir la secrète condition de leur mise en liberté, d’entraîner l’île dans le parti des Péloponnésiens. Pithias, chef de la faction populaire, accusé par eux de trahir la patrie, accuse à son tour de sacrilège cinq d’entre eux, qui se vengent en l’immolant au milieu même du sénat. Ils s’emparent de la ville, égorgent 60 partisans de Pithias, promettent la liberté aux esclaves qui se joindront à eux et appellent la flotte péloponnésienne. Le peuple, d’abord surpris, reprend courage ; douze vaisseaux accourent de Naupacte et donnent l’avantage au parti populaire. Mais cinquante-trois galères arrivent du Péloponnèse ; les Athéniens, malgré leur petit nombre, balancent la victoire dont le général spartiate ne sait pas profiter. Averti par les signaux de feux que soixante galères athéniennes approchaient, il s’enfuit ; alors commence un horrible massacre. Les nobles et leurs partisans s’étaient réfugiés dans un temple. Pour les en tirer, on leur promet un jugement impartial ; 500 qui l’acceptent sont condamnés à mort et égorgés. Les autres se frappent eux-mêmes dans le temple.

Pendant sept jours, on tua dans Corcyre, et les passions déchaînées profitèrent de cet affreux désordre pour se satisfaire : des débiteurs tuèrent leurs créanciers pour éteindre une dette ; des inimitiés personnelles se couvrirent du prétexte de la vengeance publique. 600 de ces malheureux s’étaient échappés ; ils se fortifièrent sur le mont Iston et s’y défendirent deux années. Forcés par les Athéniens de se rendre, ils furent transportés sur un ilot pour y attendre le jugement d’Athènes. Jusque-là leur vie était sauve, mais à condition que pas un ne tenterait de fuir. De faux amis les engagèrent à s’échapper et leur en offrirent les moyens. Quelques-uns acceptèrent ; aussitôt la sentence fut portée… 60 furent ainsi emmenés et exécutés… Les Corcyréens enlevèrent le toit de l’édifice où ils s’étaient réfugiés et les accablèrent de projectiles de toute sorte. Les malheureux se tuaient eux-mêmes avec les flèches qu’on leur lançait et se pendaient aux lits de leur prison, ou s’étranglaient de leur propres mains.

Il en coûte de dire que ce fut seulement après ces odieux massacres que Corcyre retrouva enfin son ancienne tranquillité. Il n’avait pas fallu moins pour cela, tant la haine des deux côtés était féroce, que l’extermination de tout un parti par l’autre. Mais le signal de ces perfidies et de ces violences, qui l’avait donné ? Ceux qui, sans cause, voulurent détacher Corcyre d’Athènes, et qui poignardèrent Pithias en plein sénat, la faction des grands.

« Dans cette guerre de Corcyre, dit Thucydide, il se commit toutes les horreurs qui arrivent ordinairement dans de telles circonstances ; elles furent même surpassées… La Grèce fut dans la suite presque toute ébranlée… Les villes étaient en proie à la sédition, et celles qui s’y livraient les dernières, instruites de ce qui s’était fait ailleurs, s’abandonnaient à de plus grands excès… »

Aristocratie et démocratie :

« C’est pendant la guerre civile de Corcyre, en 427, que les oligarques utilisèrent le slogan d’aristocratie contre celui d’isonomie politique ». Opposer la « sagesse » à l’ « égalité politique » était une autre façon d’opposer la « physis » aristocratique au « nomos » démocratique. Pisandre également, devant l’Assemblée, présentait l’oligarchie comme un gouvernement « plus sage ».

C’est précisément à propos des événements de Corcyre que nos sources mentionnent pour la première fois le terme d’ « aristocratie ». Il s’agit d’un slogan oligarchique qui remplace avantageusement le terme d’ « oligarchie »… En 427, à Corcyre, les partisans de l’aristocratie avaient bien l’intention d’établir un gouvernement oligarchique, et de même dans d’autres cités alliées en 411… »

La révolution à Corcyre, par Ben Zarit :

« Au cours de la cinquième année de la guerre du Péloponnèse (427 av. J.-C.), Corcyra, alliée d’Athènes, est victime d’un conflit interne, une lutte acharnée entre les communes, alliés d’Athènes, et les oligarques, désireux d’obtenir l’appui des Spartans. La révolution a commencé lorsque Corinthe, un allié de Sparte, a libéré des prisonniers corcyréens avec la promesse que les anciens prisonniers travailleraient pour convaincre Corcyra d’abandonner son alliée Athènes et de rejoindre la partie du Péloponnèse. Pithias, un dirigeant civique pro-athénien, fut poursuivi en justice pour "asservissement de Corcyre à Athènes" (Thucydides, 3.71.1). Il a été acquitté et s’est vengé en chargeant cinq d’entre eux à tour de rôle. Cependant, ces hommes ont fait irruption au Sénat et ont tué Pithias et soixante autres personnes.

Peu de temps après, des escarmouches ont éclaté dans la ville, entre les communes, qui ont sollicité l’aide des esclaves, et les oligarques, qui ont engagé des mercenaires, qui ont abouti à la mise en déroute des oligarques. Le général athénien Nicostratus a tenté de parvenir à un règlement pacifique et de garantir une alliance offensive et défensive entre Corcyre et Athènes. Nicostrate a accepté de laisser cinq navires athéniens pour défendre Corcyre tandis que cinq navires corcyréens l’accompagnaient. Les communes ont essayé d’amener leurs ennemis à servir sur ces navires qui partaient avec Nicostratus. Leurs ennemis, craignant pour leur vie, se présentèrent en suppliants à la déesse Héra et furent finalement convaincus de rester sur l’île devant le temple.

Quatre ou cinq jours après ces événements, les navires du Péloponnèse s’approchant de Corcyre et engagèrent le plus petit nombre de navires athéniens, tandis que les navires de Corcyre étaient inefficaces en raison de la désorganisation. Les Péloponnésiens ont chassé les navires athéniens et corcyreens, dévastant le pays environnant, mais ont choisi de ne pas attaquer la ville elle-même. Le désordre et la panique ont sévi dans la ville alors que les rumeurs touchaient la population.

Les Péloponnésiens finissent par partir, craignant l’approche d’une plus grande flotte athénienne. Les communes ont profité de cette occasion pour massacrer autant d’ennemis que possible. Ils ont réussi à tuer certains des hommes qui avaient fait appel à Hera en tant que suppliants. Les autres se sont suicidés ou se sont tués. C’était le début du chaos à Corcyre et « les Corcyre s’engageaient pour massacrer ceux de leurs concitoyens qu’ils considéraient comme leurs ennemis ; et bien que le crime imputé soit celui de tenter de réprimer la démocratie, certains ont également été tués pour haine privée, d’autres par leurs débiteurs à cause des sommes qui leur sont dues. " (Thucydides 3.81.4). »

Histoire de Corfou

Voir le récit de de Thucydide

Voir le récit de Wikipédia (lire particulièrement ce qui concerne Corcyre)

Lire encore le récit de Thucydide

L’affaire de Corcyre dans celle de la guerre du Péloponnèse

Histoire de l’ancienne Grèce

Histoire de la guerre du Péloponnèse par Thucydide

Lire aussi

In English :

The Revolution at Corcyra

Corcyra B.C., in english

Civil War in Corcyra

Sedition in Corcyra

Tucydides and the Stasis in Corcyra

What is the Stasis

Lire aussi :

Loraux, Nicole, « Corcyre 427, Paris 1871. La “guerre civile” grecque entre deux temps », in Nicole Loraux, La tragédie d’Athènes, Paris, Éditions du Seuil, 2005b, p. 31-60 (1993).

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