lundi 11 décembre 2017, par
Edito
De Jérusalem à la Corée du Nord, du Yémen à l’Iran, des migrants mexicains aux noirs américains, tout est de la faute de Trump ?
Trump provoque la Corée du Nord, Trump s’attaque aux migrants, Trump s’en prend à l’Iran, etc. : dans tous les domaines « Trump » est considéré comme une explication suffisante du tournant de la politique mondiale. C’est le méchant qui mènera une politique méchante. Une version simple, morale, facile mais qui n’explique rien, même pas Trump lui-même !
Si les guerres (ou les menaces de guerre) ainsi que les affrontements violents montent partout dans le monde, on nous dit à chaque fois que l’explication serait l’élection de Trump comme président des USA. Bien sûr, il est facile d’opposer l’image d’un Trump président d’extrême droite raciste à celle d’un Obama, premier président noir des USA se présentant comme un humaniste pacifique, ouvert et démocratique. Mais ce n’est pas moins une tromperie grossière ! C’est Obama qui a lancé ou accentué la guerre des USA au Pakistan, en Syrie, au Yémen, en Irak et soutenu l’intervention en Libye, qui a radicalisé la lutte contre la Russie en Ukraine. C’est lui qui a encouragé la politique du Brexit. C’est encore sous Obama président que se sont multipliés les assassinats de Noirs par des policiers et le blanchiment des crimes des policiers. C’est aussi sous Obama que la violence sociale contre les Américains les plus démunis s’est considérablement accrue et notamment la précarité et la misère.
De toutes manières, les classes possédantes américaines n’ont jamais choisi de déléguer au président des USA la totalité du pouvoir de décision et elles ne sont pas tributaires d’une simple élection politicienne. Ce n’est certainement pas aux Etats-Unis que c’est l’opinion publique et pas le grand capital qui fait la loi !!! Et, sur ce plan, un Obama n’était pas moins l’émanation du grand capital qu’un Trump ! Ou qu’une Clinton !!! Pas plus qu’en France, les guerres françaises en Libye, au Mali ou au Centrafrique, ce n’est davantage la droite que la gauche ou que l’extrême droite.
En réalité, la fameuse candidate anti-Trump, madame Clinton est apparue bien plus belliciste que Trump, plus favorable à un conflit armé avec le Russie notamment. Et, de toutes manières, la montée vers la guerre mondiale est très loin de concerner les seuls Etats-Unis, sans parler de la seule politique politicienne américaine. Le monde entier est sur la même voie : vers des affrontements violents de toutes sortes, des guerres soi-disant pour libérer les peuples mais qui bombardent massivement les populations civiles, et qui soutiennent même les bandes armées terroristes sous prétexte de renverser des dictateurs, des dérives antidémocratiques et antisociales de tous les Etats sous prétexte d’objectifs antiterroristes, une offensive contre les droits des peuples à s’informer librement, à manifester, à faire grève, etc. Cette dérive est mondiale et nullement le produit du seul fait que Trump soit président.
Bien sûr, il y a eu plusieurs tournants importants (au moins dans le discours) dans la politique mondiale des USA depuis que c’est Trump qui dirige les USA : positions sur l’Iran, sur Cuba, sur le Venezuela, sur la Corée du nord ou, tout récemment, dans le conflit palestinien et tout particulièrement sur Jérusalem, capitale de l’Etat hébreu.
En ce qui concerne la question palestinienne, il y a certainement pas un vrai changement dans la politique américaine et il consiste dans la fin de l’hypocrisie des gouvernants américains qui ne font même plus semblant de souhaiter la paix, la négociation, la concorde et autres balivernes. Dans la réalité, ce n’est un tournant car Obama, avec des mots différents, agissait dans le sens des demandes des gouvernants israéliens d’extrême droite, leur fournissant même l’aide financière et militaire la plus grande jamais donnée par les USA. Cela compense bien des discours platoniques, prétendument réticents vis-à-vis de la poursuite de la colonisation israélienne contre les territoires palestiniens occupés.
En fait, les classes dirigeantes ont un nouvel affichage, plus agressif, plus guerrier, plus violent, qui ne se limite pas aux USA ni à Trump. On se souvient du « nous sommes en guerre, intérieure et extérieure » de Hollande-Valls ! Tous les gouvernants européens notamment soutiennent « les guerres pour libérer les peuples », les mêmes peuples qu’ils présentent ensuite comme des affreux migrants qui envahissent leur pays ! La politique anti-migrants, anti-musulmans, anti-ouvrière, antidémocratique sous prétexte d’antiterrorisme et guerrière tous azimuts, cela concerne tout autant les diverses puissances impérialistes et pas seulement les USA ni le seul Trump !
Certes, de nombreux chefs d’Etat ont pris leurs distances vis-à-vis du choix de Trump sur Jérusalem, comme ils l’ont fait sur l’Iran ou sur le climat, mais ces mêmes gouvernants ne reconnaissent pas pour autant l’existence d’un Etat palestinien et aucun d’entre eux n’a réellement pris ses distances vis-à-vis des massacres commis par l’Etat d’Israël, et pas même vis-à-vis du bombardement actuel de Gaza par Israël sous prétexte des actes de révolte des Palestiniens contre le choix d’une ambassade américaine à Jérusalem. Tous ces chefs d’Etat n’ont jamais cessé de recevoir en amis les dirigeants israéliens, y compris quand ceux-ci menaient une véritable guerre de massacre contre des Palestiniens désarmés.
Que pourraient reprocher ces Etats impérialistes à Israël et qu’ils ne font pas eux-mêmes contre les peuples, que ce soit en Syrie, en Irak, en Afghanistan, d’ailleurs avec le même prétexte qu’Israël : la lutte contre le terrorisme !
Tous ont condamné à mort des civils pacifiques qu’ils ont bombardés massivement, que ce soit en Syrie, en Irak, au Yémen, au Mali, au Tchad ou ailleurs. Tous condamnent à mort le peuple du Yémen par leur guerre et leur blocus. Tous sont d’accord pour faire vivre le peuple afghan dans une guerre permanente depuis des décennies, sans que l’on ne voie en rien en quoi cela libère ce peuple de la dictature, de la misère, du terrorisme ou de la guerre.
Nos gouvernants, quelle que soit leur couleur politicienne, - elle ne compte pas en la matière puisque c’est un choix de classe, un choix de possédants contre des non-possédants, d’exploiteurs contre les exploités -, ne peuvent pas condamner la montée de la violence guerrière dans le monde puisque c’est eux-mêmes qui l’ont décidée, estimant qu’il fallait détourner les peuples travailleurs du monde de la colère contre les classes dirigeantes, colère qui ne pouvait pas manquer d’exploser sous forme de révolution sociale et politique suite à la crise historique de la domination du capitalisme débutée en 2007 et qui avait commencé d’amener les peuples à la révolte en Egypte et en Tunisie. C’est pour endiguer les révolutions que les classes possédantes ont favorisé les bandes armées terroristes, soi-disant afin d’aider les peuples à renverser les tyrans, puis ont mené des guerres prétendument de libération ! Mais ces guerres n’ont libéré aucun peuple et n’ont endigué aucun terrorisme. Dans les pays où ces guerres ont soi-disant triomphé du terrorisme, l’ordre qu’elles établissent est lui-même terroriste, et nourrit à nouveau le terrorisme, y compris si c’est une ordre pro-occidental, comme en Afghanistan ou en Irak.
Ce n’est pas le Moyen Orient qui fait basculer le monde dans la violence. Ce n’est pas le monde musulman qui explique ce qu’est en train de devenir le monde entier. Ce qui dirige le monde, c’est le capitalisme et si le monde va mal, c’est parce que la domination capitaliste bat de l’aile, est bloquée devant un mur qu’elle est incapable de franchir, une limite qui étouffe le système et l’empêche d’envisager de nouveaux développements.
Le capitalisme n’est pas désarmé devant des terroristes, n’est pas désarmé devant des dictateurs, n’est pas désarmé devant des présidents excités, n’est pas désarmé devant des idéologies fascistes, mais il l’est devant la crise historique que connaît le capitalisme depuis 2007. Certes, il a pu survivre apparemment à cette crise pendant presque dix ans puisque, depuis 2008, il a donné une réponse qui a fait durer la situation, qui a permis un répit. Mais, sur le fond, il n’a fait qu’aggraver toutes les conditions de la crise de 2007, que rendre le développement économique plus tributaire des moyens artificiels, purement financiers, spéculatifs et étatiques et il en crève. Son incapacité à développer davantage les investissements productifs ne provient pas de la délocalisation de toute l’activité productive en Chine ou en Asie. A preuve cette région connaît elle-même la crise, pour exactement les mêmes raisons. Dans cette région aussi, sans les milliers de milliards des fonds d’Etat, aucune banque ni aucun trust ne serait encore en fonctionnement, tous ayant fait faillite. C’est tout le grand capital mondial qui est maintenant en faillite permanente, sauvé sans cesse par les fonds publics, des Etats et des banques centrales. Au point que les classes possédantes attendent maintenant le « Big One », le grand krach financier à venir devant lequel elles seront désarmées, contrairement à ce qui s’est passé en 2008, les Etats et les banques centrales étant eux-mêmes endettés et en faillite !
La montée à la guerre n’est pas le produit d’un méchant Trump, pas plus qu’autrefois, lors des guerres mondiales, elle n’avait été causée par un méchant Hitler ou un méchant Kaiser. La violence guerrière est un besoin des classes dirigeantes de détourner la colère sociale des peuples de son issue naturelle : la révolution.
Ce sont les réformistes qui essaient de nous faire croire qu’en restant au sein de la logique du grand capital, on pourrait quand même faire des choix plus pacifiques, plus démocratiques, plus favorables aux peuples, alors que les classes possédantes ne peuvent plus faire de tels choix. Il est vital pour elles de s’attaquer violemment aux peuples, de remettre en cause la démocratie, comme de remettre en cause l’équilibre social établi dans le code du travail, dans l’existence de services publics, de santé public, d’un certain niveau général de bien-être et d’un consensus social. C’est tout cela que les classes possédantes sont en train de détruire et on nous sert à chaque fois en guise d’explication : tout est de la faute de Sarkozy, puis tout est de la faute de Hollande, et enfin tout est de la faute de Macron, comme si cela changeait quoique ce soit au problème de changer celui qui, pantin des possédants, fait tout ce qui leur plait, au détriment de la population, y compris des électeurs de ces politiciens.
Prétendre que tout est de la faute de l’homme qui gouverne, c’est un bon moyen de faire croire que rien n’est de la faute des possédants et de leur système de domination, ce qui est exactement l’inverse de la réalité !