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La dissolution des milices

dimanche 25 mai 2008, par Robert Paris

LA LUTTE DE CLASSES nº 38

Barta

5 novembre 1944

"La bourgeoisie a mené sa société à une banqueroute complète. Elle n’est capable d’assurer au peuple ni le pain ni la paix. C’est précisément pourquoi elle ne peut supporter plus longtemps l’ordre démocratique. Elle est contrainte d’écraser les ouvriers à l’aide de la violence physique". (L. Trotsky, Où va la France)

Devant le coup de force gouvernemental

DRESSONS NOS COMITES OUVRIERS !

FORMONS LES MILICES OUVRIERES !

Par un coup de force, le gouvernement vient de décider le désarmement des milices patriotiques. Dans le camp de la "Résistance" cela a entraîné l’approbation des uns (les bourgeois de "l’ordre") et la protestation platonique des autres (Saillant, les socialistes). L’Humanité proteste "vigoureusement", mais ce n’est quand même en fin de compte qu’une protestation.

Le gouvernement déclare avoir pris cette mesure afin de mettre les milices patriotiques sous le contrôle direct de l’armée et de la police de l’Etat. Ceci étant justifié par le maintien de "l’ordre".

Pourtant, Saillant a déclaré que le C.N.R. projetait de transformer les milices patriotiques en "gardes civiques et républicaines". Et l’Humanité n’a jamais cessé de répéter : "les milices patriotiques ne désirent rien d’autre qu’une collaboration disciplinée avec les Autorités et une collaboration confiante et amicale avec la police rénovée" (30/8/44).

Mais si les milices patriotiques ne sont effectivement qu’une "garde civique et républicaine", dévouée aux intérêts de la patrie, dont le gouvernement est actuellement le maître, POURQUOI CE GOUVERNEMENT PREND-IL CONTRE CELLES-CI DES MESURES DE FORCE ?

"C’est la 5ème colonne !", disent les staliniens. Mais comment un groupe de traîtres et d’espions, formant cette fameuse "5ème colonne" pourrait-il imposer au gouvernement "démocratique" des mesures auxquelles les forces politiques de la Résistance seraient opposées ? OU ALORS IL FAUT AVOUER OUVERTEMENT QUE C’EST LA "5ème COLONNE" QUI EST LE MAITRE DE L’ETAT, et non pas la "démocratie" !

En réalité, ces mesures ont été prises parce que l’Etat bourgeois, même s’il s’intitule "démocratique et républicain", ne peut tolérer aucune force armée qui soit indépendante de lui, sauf les groupements directement aux ordres de la bourgeoisie (fascistes, briseurs de grève, gardes du corps, etc...).

Or, les milices patriotiques sont composées en majorité d’ouvriers, d’exploités qui bien que prisonniers de la politique d’union sacrée des social-patriotes, aspirent quand même à l’abolition de l’injustice et de l’inégalité, à l’amélioration de leur sort. C’est cela pour eux, la défense de la patrie. Mais la patrie bourgeoise ne peut se sauvegarder à l’aide d’un tel patriotisme. La guerre qu’elle mène est une guerre pour l’exploitation de son propre peuple et de peuples plus faibles. Pour mener une guerre de rapine, on ne peut pas tolérer à l’intérieur le désir d’émancipation des esclaves, il faut que les instruments de REPRESSION et de COMMANDEMENT soient bien dans les mains de la bourgeoisie et qu’elle puisse s’en servir à sa guise.

La guerre patriotique mobilisant l’enthousiasme des masses et donnant satisfaction à leurs aspirations n’est possible que si la classe capitaliste a été d’abord renversée et qu’elle n’est plus maître dans le pays. L’Humanité veut mobiliser les ouvriers pour cette guerre des capitalistes, en nous donnant l’exemple de la Russie ou de la Révolution française. Mais la Russie est un pays où la Révolution prolétarienne et la guerre civile ont mis fin au règne des capitalistes. Quant à la France, il est question de la Révolution d’il y a 150 ans, où la bourgeoisie révolutionnaire renversait la féodalité. Mais aujourd’hui c’est la bourgeoisie qu’il s’agit de renverser. Sa domination étant chancelante, la bourgeoisie craint comme la peste tout véritable mouvement d’en bas, même dévié par les social-traîtres vers le patriotisme. En un mot, la bourgeoisie nous frappe uniquement parce que nous sommes des ouvriers et que nos intérêts sont naturellement tout à l’opposé des siens.

Duclos se plaint dans l’Humanité du 31/10 que nous allons vers un "régime pétainiste sans Pétain", que les lois dites républicaines, appliquées par le gouvernement de De Gaulle, ne sont que les lois anti-ouvrières féroces de Daladier. Mais pourquoi alors les staliniens ont-ils fait alliance, et engagé par là la classe ouvrière, avec De Gaulle, le chef de ce pétainisme ? Pourquoi ont-il laissé à ce gouvernement pétainiste l’avantage de gagner du temps et de frapper les ouvriers, au lieu de le dénoncer dès le début et de mettre en garde les ouvriers ? Ce pétainisme était-il difficile à prévoir ? Non ! La Lutte de Classes avertissait les travailleurs le 19 septembre 1944 : "De Gaulle affirme s’appuyer sur les lois de la République : mais ces lois de la "République" ce sont les lois scélérates votées depuis 1938 et surtout en 1939-1940 par le Parlement, lois féroces anti-communistes et anti-prolétariennes qui donnent un pouvoir dictatorial au gouvernement bourgeois".

En novembre 1943 notre journal (n° 20) disait : "la libération du sol de la patrie par De Gaulle et Cie, signifierait que, plus que jamais, le sol, le sous-sol et tout ce qui recouvre le sol de la France, resterait la propriété des capitalistes... Or, le maintien du régime capitaliste... signifie non seulement le maintien de l’esclavage salarié, mais aussi son aggravation avec les bas salaires et le chômage comme principaux moyens de la bourgeoisie française pour maintenir son exploitation. Si bien que le soutien du Comité d’Alger par les prétendus socialistes et communistes, en reniant le programme socialiste de l’EXPROPRIATION DES EXPROPRIATEURS, doit mener le peuple français à une nouvelle série de souffrances".

Si la classe ouvrière a besoin d’une direction, d’un Etat-major, c’est bien pour prévoir les événements. Or, tandis que nous écrivions les lignes ci-dessus, le PC engageait les ouvriers dans le sillage de De Gaulle, sous prétexte d’une lutte commune pour la "démocratie" !

Le programme du PC ne se différencie pas du programme du gouvernement de De Gaulle. Le gouvernement veut l’ordre et le calme. L’Humanité dit aussi : "il faut à l’arrière une France calme et détendue dans l’intérêt de la défense intérieure et extérieure" (26/9). Le gouvernement désarme les gardes pour instituer à leur place la préparation paramilitaire de la jeunesse sous le contrôle de l’armée. Mais l’Humanité aussi dit (21/10) : "l’acte le plus révolutionnaire est aujourd’hui de faire la guerre". L’Humanité était pour la reconnaissance du gouvernement De Gaulle par les impérialistes alliés et présentait cette reconnaissance comme une condition de la "grandeur" de la France. Or, le communiqué gouvernemental du 29/10 parle de l’urgence du règlement du problème des milices patriotiques, "eu égard à l’ordre public et à la POSITION INTERNATIONALE du pays" : une des premières conséquences de la reconnaissance, c’est l’exigence des impérialistes alliés pour l’instauration de "l’ordre", c’est-à-dire de l’obéissance aveugle du peuple devant la clique des dirigeants avec laquelle ils traitent.

Les social-patriotes ont tort de se plaindre : le gouvernement bourgeois ne fait qu’appliquer un programme dont ils se sont fait les promoteurs au sein des masses ouvrières. Les social-patriotes sont enchaînés à leur politique gouvernementale d’union sacrée et ne peuvent opposer aucune résistance sérieuse aux projets réactionnaires du gouvernement. Voilà pourquoi toute leur action se borne à des protestations et à des compromis.

Avec le désarmement des gardes patriotiques, c’est toute la politique stalinienne qui fait faillite : "la punition des coupables", "la mise en marche de l’industrie", "la parole au peuple". CAR LE DERNIER CONFLIT REVELE QUE DEVANT LE POUVOIR DE LA BOURGEOISIE LA CLASSE OUVRIERE SE TROUVE DESARMEE ET A LA MERCI DES EXPLOITEURS.

Au coup de force gouvernemental, Duclos répond en appelant les ouvriers à s’engager en masse dans les milices patriotiques placées maintenant sous le contrôle gouvernemental. Mais les ouvriers peuvent-ils faire partie d’un organisme et avoir le sentiment d’y œuvrer pour leur propre cause, quand cet organisme est sous la férule du gouvernement, ennemi de la classe ouvrière ?

On ne peut effacer le bilan de la politique social-patriote qu’en renversant cette politique.

Si les ouvriers et les masses exploitées se sont trouvés impuissants dans toutes les questions vitales, c’est parce que la question du pouvoir a été escamotée par les social-patriotes en faveur de De Gaulle. C’est en liaison avec la création d’un pouvoir qui soit le leur propre, que les masses doivent donc envisager toutes les questions se posant à elles.

Les ouvriers doivent obliger les social-patriotes à poser la question du pouvoir sous l’angle du pouvoir ouvrier, c’est-à-dire :

1. Soutenir la création de COMITES OUVRIERS (englobant tous les ouvriers sans distinction) d’usine, de chantier, de quartier, etc..., démocratiquement élus, au-dessus de toute division politique ou professionnelle, qui soient l’émanation et l’instrument exclusif des masses ouvrières contre les entreprises de la bourgeoisie.
2. Tendre toutes les forces vers l’armement du prolétariat.

Les milices ouvrières doivent être formées sur la base du lieu de travail et d’habitation et être indissolublement liées à l’ensemble de la classe ouvrière. Elles doivent avoir comme objectif non pas la défense de "l’ordre" en général, mais la défense des usines contre les attaques fascistes, la défense des grèves, des réunions, des syndicats ouvriers, des organisations et de la presse ouvrières. Elles doivent montrer devant le gouvernement une résolution inébranlable, qui seule peut imposer le respect à celui-ci.

Ce n’est que si les Milices se posent des objectifs spécifiquement ouvriers, concernant les intérêts des classes exploitées et non de la nation en général (c’est-à-dire d’abord de la bourgeoisie), que les millions de travailleurs auront la confiance et le dévouement nécessaires pour mettre en échec les tentatives réactionnaires de la bourgeoisie.

Une politique prolétarienne, saine, claire sur les tâches à accomplir et les méthodes à suivre, renforcera et resserrera les rangs du prolétariat. Autour du prolétariat uni dans ses Comités, dans une seule et même action pour la défense des opprimés, contre la politique de réaction, de sabotage et d’affamement de la bourgeoisie, contre tout soutien du gouvernement qui est le suppôt de cette bourgeoisie, se rallieront les millions d’opprimés des villes et des campagnes, qui trouveront dans le prolétariat un guide pour leur lutte. La force du camp prolétarien serait alors invincible. Mais si le prolétariat ne montre pas cette cohésion et cette capacité de lutter, la haute bourgeoisie pourra s’emparer des masses petites-bourgeoises pauvres, déçues, désespérées, pour canaliser leur mécontentement contre le prolétariat : ce serait alors le fascisme.

Les travailleurs français comme autrefois les travailleurs d’Allemagne, se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins : vers la défaite, par l’union sacrée, ou vers la victoire, par une lutte de classe pour les intérêts de tous les exploités et opprimés.

VIVENT LES MILICES OUVRIERES !

VIVENT LES COMITES OUVRIERS !

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