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Que voulait dire Socrate par son fameux « connais-toi toi-même » ?

samedi 26 août 2017, par Robert Paris

Que voulait dire Socrate par son fameux « connais-toi toi-même » ?

Il ne voulait pas dire qu’il ne faut pas chercher à s’introspecter plutôt qu’à connaître le monde, la nature, la société. Non, il ne s’agit pas d’une « sagesse » qui voudrait dire que la connaissance du monde n’est pas à la portée des faibles humains, ni que l’arbre de la connaissance du jardin d’Eden ne doit pas être violé par la curiosité humaine. Non, il voulait dire que chacun est le propre fabricant de sa propre pensée, de sa conception du monde, de ses mœurs, de sa vie.

Il ne voulait pas écrire, ne voulait pas faire école, ne cherchait pas des disciples, mais voulait que chacun développe sa propre philosophie.

Socrate, quelle école de pensée ?

Socrate : « Je ne suis le maître de personne ! »

Socrate : « Vous voulez me suivre, ne vous préoccupez pas où est Socrate, cherchez seulement la vérité... »

Socrate : « Quel bonheur ce serait, Agathon, si le savoir était chose de telle sorte que, de ce qui est plus plein, il pût couler dans ce qui est plus vide, pourvu que nous fussions, nous, en contact l’un avec l’autre ; comme quand le brin de laine fait passer l’eau de la coupe la plus pleine dans celle qui est plus vide ! …. Le mien, vois-tu, a toute chance d’être un maigre savoir, si même il n’est pas, tel un rêve, d’une réalité discutable. »

Socrate : « Quel avantage retirerais-tu [d’accumuler des livres rares] ? Pour ta culture, même si tu les plaçais sous ton oreiller et dormais dessus ou si tu collais tous ces rouleaux à la suite, même si t’en faisais un vêtement, et allais déambuler en tous sens ? Car « le singe reste un singe », dit le proverbe, « même s’il a une médaille en or ».

Socrate affirme : « Je sais que... je ne sais rien ! »
et il rajoute : « J’ignore l’étendue de mon ignorance. Les hommes croient savoir ce qu’ils ne connaissent pas. »

Pour Socrate, la connaissance comme accumulation de savoirs ne vaut rien, ou, au moins, elle ne remplace pas la réflexion personnelle. A chacun selon ses questions. La réponse peut être très différente d’un homme à l’autre, d’une société à l’autre, d’une classe à l’autre. Socrate ne considérait pas qu’il n’y ait qu’une seule notion du bien. Il remarquait seulement que les hommes parvenaient à échanger par le langage, parce qu’ils mettaient quelque chose en commun au travers des mots. Et c’est ce quelque chose qu’il recherchait, car cela lui semblait représenter des vérités plus profondes que les images immédiates. Une morale définitive pour tous n’est pas dans l’esprit de Socrate, contrairement à ta conception, Platon. La définir et ensuite l’imposer à tous était encore plus loin de sa conception. La morale personnelle doit être produite par chaque individu, mais cela ne suffit pas, selon Socrate, à régler la question des buts de l’ensemble de la société. La société n’existe pas non plus une fois pour toutes et elle n’est pas telle que les hommes le souhaitent. Platon, tu essaies de pallier à cette grande distance entre individus et société en prenant des Etats correspondants à des cités peu nombreuses en population, mais le saut n’en est pas moins important, pour passer des individus à la société. Elle n’est pas la somme des individus, et il ne suffit pas que chaque individu essaie de suivre la morale de la vertu pour que la société soit organisée dans le même sens. Socrate ne refusait pas de se poser la question en termes globaux, sociaux et politiques, mais il ne le faisait pas entièrement publiquement et pas du tout par écrit.

Socrate est adepte de la connaissance. Or, la connaissance s’oppose aux dieux, comme le montre le mythe de Prométhée, celui qui a volé le trésor de la connaissance et l’a payé cher, d’une souffrance sans fin. Prométhée répondit au serviteur des dieux, Hermès, « Je hais tous les dieux ; ils sont mes obligés, et par eux je subis un traitement inique. (…) Contre une servitude pareille à la tienne, sache-le nettement, je n’échangerais pas mon malheur. J’aime mieux, je crois, être asservi à ce roc que me voir fidèle messager de Zeus, père des Dieux ! » « L’homme est la mesure de tout. » de Socrate s’oppose à un discours du type dieu est la mesure de tout ou la morale est la mesure de tout. La connaissance, selon Socrate, est une démarche humaine, c’est-à-dire une recherche de l’homme vers sa propre existence et non vers un univers idéal et donc pas une démarche vers dieu.
Le « Connais-toi toi-même. » de Socrate signifiait que l’homme devait chercher ses vérités en lui-même et non dans les mythologies divines, les miracles, les oracles, les sacrifices… Nous remarquerons qu’il ne citait jamais que la première partie de ce qui était inscrit au fronton du temple de Delphes consacré à Apollon (un dieu dont le nom venait difficilement à ses lèvres) et qui disait : « Connais-toi toi-même, laisse le monde aux Dieux. » Pour Socrate, l’homme devient la mesure de chaque chose. Socrate expliquait ainsi à Xénophon que « les hommes ne sont jamais plus heureux que lorsqu’ils se connaissent eux-mêmes. » C’est une démarche très éloignée que celle consistant à chercher à connaître dieu et d’en tirer une manière de vivre…

“Une vie sans examen ne vaut d’être vécue“

Socrate se présente ainsi souvent, dans son rôle de questionneur, comme un accoucheur d’âme.

Socrate ne sontente pas du « cpnnais-toi toi-même » :

« - Socrate : Maintenant, ne borne pas ton enquête aux hommes, si tu veux découvrir plus aisément la vérité ; étend la à tous les animaux et aux plantes, bref à tout ce qui a naissance et voyons, en considérant tout cela, s’il est vrai qu’aucune chose ne saurait naître que de son contraire, quand elle a un contraire. « (…) Voyons donc si c’est une nécessité que tout ce qui a un contraire ne naisse d’aucune autre chose que de contraire. (…) Autre question : n’y a-t-il pas entre tous ces couples de contraires une double naissance, l’une qui tire l’un des deux contraires de l’autre, et l’autre qui tire celui-ci du premier ? (…) N’en est-il pas de même de ce que nous appelons se décomposer et se combiner, se refroidir et s’échauffer, et ainsi de tout ? Et si parfois les mots nous font défaut pour le décrire, en fait du moins, c’est toujours une nécessité qu’il en soit ainsi, que les contraires naissent les uns des autres et qu’il y ait génération de l’un des deux à l’autre. (…) N’admet-tu pas que le contraire de la vie, ce soit la mort ? (…) Et qu’elles naissent l’une de l’autre ? (…) Si en effet les naissance ne s’équilibraient pas d’un contraire à l’autre, et tournaient pour ainsi dire en cercle, si au contraire elles se faisaient en ligne droite et uniquement d’un contraire à celui qui lui fait face, si elles ne revenaient pas vers l’autre et ne prenaient pas le sens inverse, tu te rends bien compte qu’à la fin toutes les choses auraient la même figure et tomberaient dans le même état et que la génération s’arrêterait. (…) Si, par exemple, l’assoupissement existait seul, sans avoir pour lui faire équilibre le réveil né du sommeil, tu te rend compte (…) que tout le monde serait endormi. (…) D’où nous vient l’idée d’égalité ? (…) Nous disons bien qu’il y a quelque chose d’égal, je n’entend pas parler d’un morceau de bois égal à un autre morceau de bois, ni d’une pierre égale à une pierre, ni de rien de pareil, mais d’autre chose qui est par delà toutes celles-là, de l’égalité elle-même. (…) Il faut donc que nous ayons eu connaissance de l’égalité avant le temps où, voyant pour la première fois des choses égales, nous nous sommes dit : « Toutes ces choses tendent à être telles que l’égalité, mais ne le sont qu’imparfaitement. » (…) Il faut donc que l’égalité ait existé avant que nous naissions pour qu’elle nous apparaisse ensuite comme une réminiscence. (…) Te parait-il aussi que tous les hommes puissent rendre raison de ces réalités dont nous parlions tout à l’heure ? (…) Tu ne crois pas que tous les hommes connaissent ces réalités ? (…) Qu’on m’apporte le poison. (…) Jusque là nous avions eu presque tous assez de force pour retenir nos larmes ; mais en le voyant boire et quand il eut bu, nous n’en fûmes plus les maîtres. (…) Que faites vous mes étranges amis, s’écria-t-il, soyez donc calmes et fermes. »

Socrate a dit : "Vous voulez me suivre, ne vous préoccupez pas où est Socrate, cherchez seulement la vérité..."
"Comment découvrir découvrir des vérités ? Dans vos observations, remarquez des contradictions. Frottez les comme deux morceaux de bois pour obtenir de la lumière. La connaissance jaillit des contradictions."
"L’être et le non-être sont partout présents, à tous les niveaux. le devenir et le mouvement sont toujours à la fois être et non-être."
"Science et philosophie sont inséparables. Une science qui n’est pas fondée sur la philosophie est sans valeur."

Socrate :
« Cher Critias, tu me traites comme si je prétendais savoir les choses sur lesquelles je t’interroge et qu’il dépendait de moi d’accorder avec toi. Il n’en est rien. Je cherche. Ensemble nous examinons chaque problème qui se présente. Et si je cherche, c’est que moi-même je ne sais pas. »

On a beaucoup parlé de la sagesse de Socrate, propos qui avaient commencé de son vivant et dont lui-même aimait beaucoup rire.

Mais lui disait plutôt :

"La sagesse commence par l’émerveillement"

« Aie le courage de te servir de ta propre intelligence » nous dit Socrate…

Platon prête des propos à Socrate…

Dans le Charmide, il dit :

« […] J’irais presque jusqu’à dire que cette même chose, se connaître soi-même, est tempérance, d’accord en cela avec l’auteur de l’inscription de Delphes. Je m’imagine que cette inscription a été placée au fronton comme un salut du dieu aux arrivants, au lieu du salut ordinaire « réjouis-toi », comme si cette dernière formule n’était pas bonne et qu’on dût s’exhorter les uns les autres, non pas à se réjouir, mais à être sages. C’est ainsi que le dieu s’adresse à ceux qui entrent dans son temple, en des termes différents de ceux des hommes, et c’est ce que pensait, je crois, l’auteur de l’inscription à tout homme qui entre il dit en réalité : « Sois tempéré. » Mais il le dit, comme un devin, d’une façon un peu énigmatique ; car « Connais-toi toi-même » et « Sois tempéré », c’est la même chose, au dire de l’inscription et au mien. Mais on peut s’y tromper : c’est le cas, je crois, de ceux qui ont fait graver les inscriptions postérieures : « Rien de trop » et « Cautionner, c’est se ruiner. » »

On la trouve aussi dans le Philèbe :
« SOCRATE — C’est en somme une espèce de vice qui tire son nom d’une habitude particulière, et cette partie du vice en général est une disposition contraire à celle que recommande l’inscription de Delphes.
PROTARQUE — C’est du précepte : Connais-toi toi-même, que tu parles, Socrate ?
SOCRATE — Oui, et le contraire de ce précepte, dans le langage de l’inscription, serait de ne pas se connaître du tout. »

Ainsi que dans le Premier Alcibiade :
« Allons, mon bienheureux Alcibiade, suis mes conseils et crois-en l’inscription de Delphes : Connais-toi toi-même, et sache que nos rivaux sont ceux-là et non ceux que tu penses et que, pour les surpasser, nous n’avons pas d’autre moyen que l’application et le savoir. »

Hegel écrit sur le « connais-toi toi-même » de Socrate :

« Socrate fut un héros en ce qu’il comprit consciemment le principe suprême et le proclama. Le principe suprême possède un droit absolu. Telle est en général la condition des héros dans l’histoire universelle : c’est par leur intermédiaire que se réalise l’ascension du monde nouveau. Parce qu’il contredit le principe établi, le principe nouveau parait un principe destructeur. Pour la même raison, il semble aussi que les héros font violence aux lois ; et, individuellement, ils sont condamnés à périr ; mais leur principe poursuit son action, encore que sous une autre forme, et il sape ce qui est établi. »

« Avec Socrate, au début de la guerre du Péloponnèse, le principe de l’intériorité, l’indépendance absolue de la pensée en soi, est parvenu à s’exprimer librement. On enseignait que l’homme devait trouver et reconnaître en lui-même ce qui est juste et bien et que par sa nature ce juste et ce bien est universel. Socrate est célèbre comme maître de morale ; mais bien plus, il a inventé la morale. Les Grecs ont eu de la moralité, mais les vertus, les devoirs moraux, voilà ce que voulait leur enseigner Socrate. L’homme moral n’est pas celui qui veut et qui fait le bien, ce n’est pas seulement l’homme innocent, mais celui qui a conscience de son action. En appelant Sagesse la conviction qui détermine l’homme à agir, Socrate a attribué au sujet, à l’encontre de la patrie et de la coutume, la décision finale, se faisant ainsi oracle, au sens grec. Il disait qu’il avait en lui un "daimon" qui lui conseillait ce qu’il devait faire et qui lui révélait ce qui était utile à ses amis. Le monde intérieur de la subjectivité en paraissant a provoqué la rupture avec la réalité. Si Socrate lui-même, il est vrai, accomplissait encore ses devoirs de citoyen, la vraie patrie pour lui n’était pas cet État actuellement existant et la religion de celui-ci, mais le monde de la pensée. Alors fut soulevée la question de l’existence des dieux et de leur nature. »

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Nietzsche contre Socrate

Le véritable combat de Nietzsche : contre Socrate !

Conclusion : n’en déplaise à Nietzsche, Socrate, l’homme libre, disait : personne ne peut penser à ta place, personne ne peut philosopher à ta place, personne ne peut décider de ta conception de l’existence à ta place. N’interroge pas que les connaissances de hommes mais aussi ta propre connaissance, ta conscience, tes propres interrogations et consulte aussi ton inconscient, ton « daimon »…

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