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Le capitalisme à l’agonie

mercredi 5 juillet 2017, par Robert Paris

Le capitalisme à l’agonie

Dix ans séparent l’état du capitalisme actuel, survivant sur des artifices et grâce à des financements publics en attendant le prochain krach financier destructeur, de l’effondrement du capitalisme en 2007 bloqué en 2008 à coups de milliers de milliards de dollars des Etats et des banques centrales. Et, durant ces dix ans, le système s’est révélé incapable de sortir de son impasse, même s’il est parvenu au moins à durer, en mettant pour cela tous ses moyens financiers étatiques et institutionnels.

Dix-huit ans seulement séparent la chute du stalinisme, que la bourgeoisie mondiale a réussi à présenter comme la chute du communisme, de celle du capitalisme de 2007-2008, qu’elle est parvenue à bloquer momentanément par des injections massives de fonds publics. La raison de fond de cet écroulement du système, devenu clairement le seul dominant du monde, est justement l’ampleur de son succès : la trop grande masse de capitaux, incapable de trouver suffisamment d’investissements productifs et obligée de fabriquer artificiellement un nombre de plus en plus grand de faux investissements spéculatifs, pour éviter la catastrophe : que des capitaux meurent faute de pouvoir s’investir nulle part. Du coup, non seulement on a vu la création exponentielle de ces faux investissements mais l’intervention massive des Etats et banques centrales a produit un nouvel investissement nocif : dans la faillite des Etats ! Le désinvestissement des capitaux dans la production ne cesse de s’accroître alors que le système capitaliste ne peut produire de la plus-value que par l’exploitation du travail humain productif, même s’il distribue cette plus-value à d’autres activités, dont la finance et la banque…

« Notre modèle de société s’effondre. Notre système économique ne survit que par des artifices. Le relancer semble impossible, vu son délabrement… A la place du risque encouru par des entités isolées, on voit apparaître le risque du système entier, réalité qui devint familière à partir de 2007 sous l’appellation de « risque systémique », expression jusqu’alors inédite mais que l’opinion publique à l’échelle du globe apprit rapidement à connaître à ses dépens… Les grandes banques d’investissement de Wall Street – les Bear Stearns ou Lehman Brothers -, les grandes compagnies d’assurances telle AIG, les colosses du crédit au logement que sont Fannie Mac et Freddie Mac implosèrent… Il existe au sein des sociétés humaines un obstacle insurmontable, et notamment un seuil indépassable dans la logique capitaliste…

Le moment où ce seuil a été atteint, nous le savons maintenant, se caractérisa à la fois par une grande stabilité apparente (celle des années 1990 à 2000 qu’égratigna à peine la bulle de l’internet) – stabilité si grande que devint même plausible à cette époque, l’hypothèse d’une « fin de l’histoire » où l’on n’observerait plus, à l’avenir, que la répétition infinie des mêmes configurations…

Cette combinaison de stabilité visible en surface des choses et d’une fêlure fondamentale progressant en profondeur fait que la plage sur laquelle se tient le système économique est de plus en plus étroite : il ne reste plus aujourd’hui qu’une ligne de crête séparant deux précipices. Le physicien par le dans ce cas de « processus critique » : la chute est désormais certaine, seul son moment précis doit encore être déterminé…

Le secteur bancaire s’est écroulé, l’Etat s’est porté à son secours et est tombé à sa suite. La banque a alors grimpé sur les épaules de l’Etat, ce qui lui a permis de sortir du trou. L’Etat, lui, y est resté…

Marx ne fut pas le seul, bien entendu, à envisager la fin du capitalisme, et parmi ceux dont je tiendrai à parler se trouvent aussi G.W.F. Hegel et Sigmund Freud…

Nous atteignons aujourd’hui des limites que nous impose le cadre fini de notre planète. Mais d’autres limites ont également été atteintes… Mervyn King, le président de la Banque d’Angleterre, paraphrasant Churchill, déclare de son côté que « jamais tant d’argent ne fut dû à tant, par un si petit nombre »…

Certains économistes considèrent que le système a tendance à s’équilibrer ; d’autres soulignent que seules des simplifications excessives dans sa modélisation conduisent à cette conclusion, et qu’il s’agit en réalité d’une machine infernale à de multiples tendances en sens contraire déboucheront nécessairement, à terme, sur une catastrophe. On devine en particulier qu’une trop grande concentration du capital (qu’engendre nécessairement le versement d’intérêts) débouche automatiquement sur une production de marchandises en quantité excédentaire, puisqu’elle génère d’énormes sommes d’argent qui ne pourront être dépensées entièrement (ni en biens de première nécessité, ni en biens de luxe).

On devine ainsi que le développement du crédit à la consommation débouche lui aussi sur une production de marchandises en quantités excédentaires, puisqu’une partie des salaires sera divertie en paiement d’intérêts, ce qui, d’une part diminuera d’autant le pouvoir d’achat de celui qui achète à crédit, et, d’autre part, augmentera chez celui qui reçoit ces intérêts, le montant des capitaux qu’il est susceptible de prêter, soit, encore une fois, comme prêt à la production, soit comme prêt à la consommation.

On peut définir le capitalisme contemporain comme un système social caractérisé par l’existence de trois classes principales : celle des « capitalistes », celle des patrons et celles des travailleurs… Le rapport de forces est favorable aux deux premiers groupes, s’appropriant la part du lion, ne laissant comme revenus aux salariés que des sommes qui s’amenuisent au fil des ans. Ces revenus ne suffisent plus à satisfaire les besoins, ni surtout, du point de vue de la machine économique dans son ensemble, à écouler les marchandises produites. Une industrie financière bienveillante tente alors de combler le déficit des ménages… les forçant à hypothéquer leurs salaires à venir, lesquels seront grevés de surcroît par la ponction des intérêts proportionnels aux sommes empruntées et au temps qu’il faudra aux salaires pour suppléer aux crédits obtenus. Plus longtemps la dynamique du crédit a pu se poursuivre sans provoquer un effondrement économique, plus la crise devient sérieuse au moment où elle éclate…

Boursouflé par une expansion colossale du crédit, le secteur bancaire s’est effondré au niveau mondial d’août 2007 à octobre 2008, tarissant les soutiens de financement des entreprises et des ménages, et provoquant une récession à l’échelle de la planète. Au lieu de reprendre en main ce secteur bancaire par sa nationalisation immédiate, et de s’offrir ainsi une chance de crever l’abcès, les Etats ont procuré aux banques suffisamment d’argent pour compenser les crédits défaillants et leur permettre d’échapper à l’insolvabilité – ou, tout au moins, d’en offrir l’apparence…

Jean-Claude Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, devait déclarer dans un entretien accordé en juin 2010 au « Welt am Sonntag » : « Elles auraient toutes disparu si nous ne les avions pas sauvées. » - ajoutant qu’il était incompréhensible que le secteur bancaire ait cru pouvoir ensuite adopter à nouveau, comme si de rien n’était, le comportement qui était le sien avant la crise…

Le prétexte… fut que les banques n’auraient en réalité pas été insolvables, mais auraient seulement souffert d’un « manque de liquidités », autrement dit, que leur incapacité à accorder du crédit - et à se prêter entre elles, en particulier – n’était pas due au fait que le montant de leurs dettes dépassait désormais celui de leurs avoirs, mais à une difficulté passagère à transformer leurs actifs en liquidités, c’est-à-dire en argent. Comme s’il était plausible que les emprunteurs « subprime » paient un jour leurs traites !...

A l’instar des prêteurs sur gages, les Etats « prirent ainsi en pension » des produits financiers dépréciés… Les banques utilisèrent ces fonds pour acheter des obligations d’Etat d’un rendement plus élevé, prétèrent ces fonds au public à des taux beaucoup plus élevés, allèrent même redéposer ces fonds auprès de leur banque centrale, refermant la boucle et empochant la différence entre le taux proche de zéro auquel elles les empruntaient et la rémunération qu’elles obtenaient pour les prêter à nouveau. Les Etats étaient en réalité complices de ces manœuvres…

Lorsque l’accroissement de la dette des Etats causée par le sauvetage des banques fit croïtre pour eux le coût de leurs emprunts, les prêteurs – pas fous – augmentèrent la prime incluse dans le taux d’intérêt réclamé pour couvrir le risque croissant de non remboursement…

Parallèlement, les autorités gouvernementales fermaient les yeux quand les entreprises prenaient des libertés avec leur comptabilité, voire les encourageait à le faire… Un consensus s’était instauré, au niveau des instances supérieures, autour du fait que les règles jusque-là en vigueur avaient cessé d’être applicables…

Nous avons construit des modèles où rien n’indique que la machine puisse exploser. Est-ce, comme en physique, parce que nul n’a pensé à ces transitions qui peuvent éventuellement se révéler catastrophiques ? Pas vraiment : quelqu’un y avait pensé. Malheureusement pour la science économique, le fait que le système puisse exploser faisait plutôt plaisir à cette personne-là. Et de cela nul ne voulait parler. Comme Karl Marx – puisque c’est de lui qu’il s’agit – était un malotru qui ne s’intéressait au capitalisme que parce qu’il lui semblait condamné à terme… La « science » économique préféra couler une dalle de béton sur le nom de Marx et sur sa proposition sacrilège selon laquelle le capitalisme pourrait avoir une fin…

Un spectre hante la science économique : le spectre de Karl Marx… »

Paul Jorion dans « Le capitalisme à l’agonie

« La crise structurelle du capitalisme : pourquoi les capitalistes risquent de ne plus y trouver leur compte »

« Mon analyse repose sur deux prémisses : premièrement, le capitalisme est un système, et tous les systèmes ont une durée de vie, ils ne sont pas éternels. Deuxièmement, affirmer que le capitalisme est un système revient à dire que, durant ce que je définis comme ses cinq siècles d’existence, il a obéi à un ensemble de règles spécifiques que je vais essayer de décrire brièvement.

Les systèmes ont une durée de vie. Ilya Prigogine a exprimé cette vérité de façon succinte : « Nous avons un âge, notre civilisation a un âge, notre univers a un âge. » Ce qui signifie, me semble-t-il que tous les systèmes, du plus infinitésimal au plus gigantesque dont nous ayons connaissance (l’univers), y compris les systèmes sociohistoriques de taille moyenne, doivent être analysés comme composés de trois moments qualitativement différents : le moment de leur naissance, celui de leur fonctionnement « normal » courant (la phase la plus longue) et celui de leur dépérissement (la crise structurelle)…

L’idée que nous défendons, c’est qu’une fois que nous aurons compris quelles ont été les règles qui ont permis au système-monde moderne de fonctionner en tant que système capitaliste, nous comprendrons aussi pourquoi il traverse actuellement la phase terminale de sa crise structurelle. Dès lors, nous pourrons offrir une description des modalités opératoires de cette phase terminale telle qu’elle se continuera à de manifester dans les vingt ou trente prochaines années.

Quelles sont les signes distinctifs, les conditions sine qua non, de l’existence du capitalisme en tant que système, le système-monde moderne ? Pour de nombreux analystes, ce système repose essentiellement sur une et une seule institution fondamentale : tantôt il s’agira du travail salarié, tantôt de la production pour l’échange et/ou pour le profit, tantôt encore de la lutte des classes entre les entrepreneurs/capitalistes/bourgeois et les travailleurs salariés/prolétaires sans propriété, voire la simple présence du marché « libre ».

De mon point de vue, aucune de ces définitions ne tient vraiment la route.

Les raisons en sont simples. Le salariat existe sous une forme ou une autre dans diverses parties du monde depuis des milliers d’années, et pas seulement dans le monde moderne. En outre, au sein du système-monde moderne, il existe bien des emplois et des fonctions qui ne relèvent pas du travail salarié. De même, cela fait des milliers d’années qu’il existe des secteurs de l’économie où prévaut la production pour le profit, même si elle n’a jamais été la réalité dominante d’aucun système historique avant l’avènement du capitalisme. Quant au « libre marché », nul doute que le système-monde moderne en ait fait un véritable mantra, mais les marchés modernes réellement existants n’ont jamais échappé aux considérations politiques, ni à un certain niveau de régulation étatique, et il n’aurait pas pu en être autrement. Quant à la lutte des classes, elle existe bien dans le système-monde moderne, mais la réduire à un conflit entre bourgeois et prolétaires revient à en faire une description beaucoup trop lacunaire.

A mon avis, pour qu’un système historique puisse être considéré comme un système capitaliste, il doit avoir pour caractéristique dominante ou décisive la recherche persistante de l’accumulation « sans fin » du capital – à savoir l’accumulation du capital afin d’accumuler encore plus de capital. Et pour que cette caractéristique soit décisive, il faut qu’il existe des mécanismes qui pénalisent les acteurs cherchant à fonctionner sur la base d’autres valeurs ou d’autres objectifs. Ces acteurs hétérodoxes seront tôt ou tard éliminés de la scène, ou du moins leur capacité d’accumulation d’un volume significatif de capital se verra-t-elle sévèrement entravée. Les nombreuses institutions du système-monde moderne visent toutes à promouvoir l’accumulation sans fin du capital, ou du moins sont-elles fortement contraintes à le faire…

Tous les systèmes connaissent des fluctuations. Autrement dit, le fonctionnement du système s’écarte constamment de son point d’équilibre. Pour la plupart des gens, l’exemple le plus familier de ce phénomène est la physiologie du corps humain. Nous aspirons et nous expirons. Aspirer et expirer est pour nous une nécessité vitale. Mais il existe dans le corps humain, tout comme dans le système-monde moderne, des mécanismes qui assurent son retour à l’équilibre, un équilibre certes mobile, mais un équilibre tout de même…

Il est possible de changer de stratégie d’accumulation en abandonnant totalement ou partiellement la sphère productive, voire la sphère commerciale, pour le domaine des profits strictement financiers… Comment gagne-t-on de l’argent dans la sphère financière ? Le mécanisme de base consiste à prêter de l’argent et à se le faire rebourser avec intérêt. Pour les créanciers, les dettes les plus profitables sont celles où les débiteurs ont emprunté au-delà de leurs moyens et peuvent rembourser les intérêts, mais pas le capital. Il s’ensuit une augmentation systématique et exponentielle des revenus des créanciers, et ce jusqu’à ce que le débiteur soit acculé à la faillite.

Ce type de mécanisme financier ne crée pas vraiment de la valeur, ni même de nouveaux capitaux ; il se contente pour l’essentiel de redistribuer le capital existant. Il exige également la création constante de nouvelles cohortes de débiteurs pour remplacer les débiteurs en faillite et maintenir le flux du crédit et de l’endettement. Il s’agit là d’une dynamique financière qui peut être extrêmement rentable dès lors que vous êtes du bon côté du manche, celui des créanciers.

Le cycle prêt-endettement a toutefois un inconvénient du point de vue du fonctionnement « normal » du système capitaliste. Il finit par assécher la demande effective. Il s’agit là d’une menace tout à la fois économique et politique pour le système, qui exige donc un retour à l’équilibre, à savoir un retour à une situation dans laquelle l’accumulation du capital passe essentiellement par de nouvelles productions…

En tant que système historique, le système-monde s’est très fortement écarté de son point d’équilibre. Ses mécanismes autocorrecteurs ne semblaient plus en mesure de fonctionner. Il était désormais entré dans une crise structurelle.

Deux évolutions cruciales ont contribué à cette crise structurelle. La première relève des tendances à très long terme de l’économie-monde, qui rendent désormais très difficile le processus d’accumulation sans fin du capital…

Dans un système capitaliste, comment fait-on pour accumuler indéfiniment du capital ? La principale méthode, même si ce n’est pas la seule, passe par la production : l’entrepreneur-producteur conserve la différence entre le coût de production de sa marchandise et le prix auquel il peut la vendre. Plus ce coût est faible et le prix de vente élevé, plus les profits sont substantiels et peuvent être réinvestis…

Dans les années 1970, l’accumulation du capital n’a pu se perpétuer qu’en ayant comme source de profits non plus l’efficacité productive mais les manipulations financières, à savoir la spéculation. Le mécanisme clé de la spéculation est l’incitation à la consommation par le biais de l’endettement… Ce qui différencie la phase actuelle, c’est l’ampleur et la sophistication des nouveaux instruments financiers auxquels a recouru l’activité spéculative. A la plus forte phase d’expansion de l’histoire de l’économie-monde capitaliste a succédé la plus grande frénésie spéculative…

La question de savoir comment réformer le système capitaliste de façon à relancer sa capacité à poursuivre efficacement l’accumulation sans fin du capital ne se pose plus aujourd’hui. Il s’agit d’un problème sans solution. La vraie question est désormais de savoir ce qui va remplacer ce système et elle se pose tout à la fois aux 1% et aux 99%, pour reprendre la réthorique d’Occupy Wall Street. Bien entendu, tout le monde n’est pas d’accord, y compris sur la formulation même de la question. De fait, la plupart des gens estiment que le système peut continuer à fonctionner en suivant les mêmes règles, ou en ne les modifiant qu’à la marge. Ce n’est pas faux en soi, mais le problème c’est que, dans le contexte actuel, la perpétuation de ces règles intensifie de fait la crise structurelle.

Certains acteurs sont cependant tout à fait conscients de la crise structurelle. Ils savent que si nous ne pouvons pas préserver le système actuel, nous pouvons en partie décider quelle voie emprunter face à cette bifurcation historique, quel nouveau système historique est susceptible d’être construit. Que nous le reconnaissions ou non, il s’agit aujourd’hui d’une lutte pour une alternative systémique. Si l’on s’en tient à une analyse en termes de complexité, l’issue de cette bifurcation est intrinsèquement imprévisible… Enfin ce type d’incertitude aggrave les difficultés à court terme du système existant. Elle a un caractère à la fois exaltant (en donnant le sentiment qu’une action volontariste peut être décisive) et paralysant (au sens où nous craignons d’entreprendre quoi que ce soit étant donné l’imprévisibilité des conséquences à court terme). Cela est vrai à la fois pour ceux qui bénéficient du système actuel (les capitalistes) et pour la grande majorité des secteurs subalternes.

Pour résumer, le système-monde moderne dans lequel nous vivons ne peut plus se perpétuer parce qu’il s’est trop écarté de l’équilibre et ne permet plus aux capitalistes d’accumuler indéfiniment du capital. Par ailleurs, les classes subalternes ne croient plus qu’elles sont du bon côté de l’histoire et que l’avenir leur appartient. Nous vivons donc une crise structurelle qui se caractérise par une lutte autour des alternatives systémiques. Bien que l’issue en soit imprévisible, nous percevons bien que l’un des deux camps en présence l’emportera au cours des prochaines décennies et qu’un nouveau système-monde relativement stable (ou un ensemble de systèmes-mondes) s’installera…

La révolution anticapitaliste sera-t-elle pacifique ou violente ?... La réponse à cette question n’est pas à chercher du côté de la théorie des crises économiques, mais du côté des théories de la révolution…

C’est la crise du capitalisme qui définit l’ordre du jour. A un moment ou à un autre, les masses politiquement mobilisées devront s’y confronter. Cela peut passer par la voie classique d’une crise de l’Etat : une fois sa légitimité remise en question, l’appareil d’Etat cesse de fonctionner (paralysé par la crise budgétaire et/ou par des scissions politiques dans ses propres rangs, qui ne feront que refléter la polarisation politique au sein de la société) et le monopole de la violence organisée vole en éclats à mesure que la police et l’armée perdent leur cohésion organisationnelle et se divisent en diverses factions. Il peut s’ensuivre – ou pas – une vague de violence généralisée passant par des émeutes et leur répression, voire une situation de guerre civile…

Le plus grand danger, c’est que la perspective d’une révolution anticapitaliste perçue par ses ennemis comme une menace de changement violent engendre une solution de type néo-fasciste : un régime autoritaire soutenu par des mouvements populaires nostalgiques aspirant à sauver le capitalisme et qui mettrait en œuvre un niveau de redistribution suffisant pour maintenir en vie la masse des chômeurs sous l’égide d’un Etat policier constamment en alerte contre la subversion…

Toutes les sociétés humaines ayant existé jusqu’à aujourd’hui ont eu tendance à finir par saturer leur environnement, outrepassant les limites de leur capacité de charge. De telles crises donnaient lieu à trois possibilités radicalement différentes. La première était tout simplement la mort. On enregistre de façon récurrente au cours de l’histoire des catastrophes similaires, se traduisant par une extermination partielle ou totale de groupes humains entiers sous l’effet de famines, d’épidémies ou de guerres génocidaires… la deuxième possibilité est celle de la diversification. Elle a conduit nos ancêtres à la découverte et à la colonisation adaptative de nouvelles frontières géographiques, de la toundra nordique aux îles tropicales en passant par les steppes, les déserts, les montagnes et les forêts, jusqu’à ce que la race humaine ait peuplé toute la surface de la planète. Enfin, la troisième est généralement connue sous le nom de progrès (à savoir l’intensification qualitative de toute notre panoplie technologique), qui permet à l’être humain de tirer un bénéfice de plus en plus grand de ses ressources. Cette dernière issue a été la principale force motrice de l’innovation évolutive au sein des sociétés humaines…

Les décennies à venir seront tout sauf ordinaires, ou du moins pas au sens du cours « ordinaire » des 500 dernières années. La trajectoire collective de l’humanité connaît aujourd’hui un grand tournant, même si ce n’est pas nécessairement pour le pire…

L’idéed de crise majeure et de grande transformation, quel qu’en soit le déroulement concret, ne signifie pas que nous assistions à la fin du monde. Si l’on s’en tient à l’acquis des connaissances accumulées par la sociologie, il n’y a aucune raison de croire à une quelconque fin de l’histoire, du moins aussi longtemps qu’il y aura des êtres humains interconnectés par une forme d’organisation sociale. S’il semble heureusement possible d’échapper aux scénarios les plus sombres, qu’il s’agisse d’une guerre nucléaire mondiale ou d’une catastrophe écologique, c’est précisément parce que la possibilité d’une extinction collective est largement perçue comme un danger réel depuis plusieurs décennies. La fin du capitalisme n’est pas une catastrophe de ce type. Une crise des structures fondamentales de l’économie politique du monde moderne ne se traduira pas nécessairement par un scénarion d’apocalypse. Au fond, la fin du capitalisme est aussi porteuse d’espoir. Certes, elle comporte également des dangers. Nous ne devons pas oublier qu’au début du XXe siècle les premières tentatives de promouvoir des alternatives anticapitalistes en réponse à la crise ont engendré des dynamiques totalitaires et sombré dans l’inertie bureaucratique… Face à l’impasse dans laquelle se trouve l’économie politique du capitalisme, nous sommes à un carrefour historique où des options longtemps considérées comme utopiques pourront devenir techniquement réalisables dans le cadre d’un nouveau type d’économie politique…

Immanuel Wallestein dans « Le capitalisme a-t-il un avenir ? »

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Marx sur la mort du capitalisme

Marx sur l’hypothèse d’une surproduction de capital ?

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Sur la suraccumulation du capital

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Messages

  • Le Wall Street Journal a réalisé une interview avec un économiste bien connu, le Dr Nouriel Roubini, surnommé par ses confrères « Dr Doom » suite à sa prédiction de la crise financière de 2008. Il existe une vidéo de cette interview extraordinaire ; elle mérite d’être étudiée avec attention, car elle révèle ce que pensent les stratèges du Capital les plus intelligents.

    Roubini y explique que la chaîne du crédit est brisée et que le capitalisme est entré dans un cercle vicieux : la « surcapacité » (surproduction), la baisse de la demande et les hauts niveaux d’endettement engendrent un manque de confiance des investisseurs, ce qui en retour va se traduire par une chute des bourses, du prix des actifs et finalement de l’économie réelle.

    Comme tous les autres économistes bourgeois, Roubini n’a aucune solution réelle à la crise actuelle. Il défend juste de nouvelles injections monétaires des banques centrales pour éviter une autre débâcle. Mais il admet franchement qu’à elle seule, la politique monétaire ne sera pas suffisante, d’autant que les gouvernements et les entreprises n’aident pas. L’Europe et les États-Unis mettent en œuvre des programmes d’austérité pour essayer de résorber leurs dettes publiques massives – alors qu’ils devraient davantage recourir à une politique de relance monétaire, explique Roubini. Ses conclusions ne sauraient être plus pessimistes : « Marx avait vu juste : à un certain point, le capitalisme peut se détruire lui-même. […] Nous pensions que les marchés fonctionnaient. Ils ne fonctionnent pas. »

  • Dix ans après la crise, l’économie à l’aube d’un nouveau choc ?

    Lire ici comment la presse bourgeoise s’inquiète

  • « Les populations se répartissent désormais en deux camps : une vaste majorité qui n’obtient que ses revenus représentant son moyen d’accès à la consommation, que par le travail, et une petite minorité qui se procure de l’argent uniquement en le "plaçant", autrement dit dont les revenus proviennent des intérêts versés comme rendement des avances qu’elle procure en capital à l’économie et à la spéculation, c’est-à-dire, en fait, en ponctionnant une partie de la richesse créée ailleurs par du travail. »

    « En s’étant portés au secours du secteur bancaire et en ayant écarté comme solution envisageable le gel de la situation par la nationalisation, les Etats avaient déversés dans le puits sans fond des crédits qui ne seraient jamais honorés des sommes à ce point considérables que l’insolvabilité était désormais également la leur. »

    « Le versement d’intérêts aux capitalistes conduit inéluctablement à un déplacement du capital vers eux, et à sa concentration parmi eux en un nombre de mains de plus en plus réduit. Comme l’argent finit par se retrouver concentré dans sa totalité en un endroit où il n’est d’aucun usage et d’où il doit être prêté pour servir à quelque chose, la mécanique s’enraye. Nous en sommes là aujourd’hui.

    Paul Jorion

  • Connaissez-vous ces nouveaux oins pour les noyés qui ont avalé trop d’eau : leur en faire ingurgiter des tonnes ?!!!

    Eh bien, ce sont les soins prétendus des autorités financières mondiales pour l’économie malade d’un trop plein de capitaux : leur balancer des tonnes de fric en supplément...

    La BCE a acheté plus de 2.000 milliards d’euros d’actifs au cours des deux dernières années. Ce programme d’achats, appelé assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE), doit s’achever à la fin de l’année. Mais les responsables de la zone euro ont décidé en juillet d’ajourner pour l’instant les discussions sur les prochaines étapes, entretenant ainsi volontairement le flou sur les décisions qu’ils pourraient prendre entre septembre et décembre.

  • Mais le président Draghi a averti que, malgré le soutien des politiques monétaires dans le monde, la catastrophe approche et que la montée du protectionnisme menace de limiter le commerce, de freiner les gains de productivité et in fine de freiner la croissance.

    Il a noté que la mondialisation avait laissé des pans de la société en plan, éveillant une défiance vis-à-vis des politiques traditionnelles d’ouverture et de coopération internationale.

  • Vers une nouvelle crise économique mondiale ? C’est ce que craint le FMI, le fonds monétaire international dans un nouveau rapport. Les experts de l’institution mettent en avant la fragilité du système financier mondial.

    Ils ont élaboré un scénario catastrophe sur les 5 prochaines années, en se basant sur 5 facteurs de vulnérabilité qu’ils ont déterminé. Parmi ceux-là, la dette croissante des pays du G20. Qu’elle soit privée (ménages et entreprises), ou publique (Etat) cette dette auprès des banques et des marchés obligataires dépasse les 135 000 milliards de dollars, soit 235 % de leur PIB.

    Le scénario se déroulerait en deux temps. D’aujourd’hui à 2020, une poursuite de la situation actuelle. Puis à partir de 2020, le FMI craint une hausse rapide des taux d’intérêt, une chute de 15 % des marchés et un recul de 7 % des prix de l’immobilier.

    Conséquence envisagée, une production mondiale en chute de 1,7 %. “L’intensité du choc est égale à un tiers de celle enregistrée en 2008”, précise le FMI. Et pourrait bien être plus importante si la chute des marchés est supérieure à 15%.

    C’est volontairement omettre que la perte de confiance fera chuter les banques, que les Etats n’auront pas les moyens financiers de les sauver, que les capitaux agissant en individualistes feront encore davantage pour augmenter la panique générale.

    Eh bien, les classes possédantes n’attendront pas une telle chute et déclencheront plutôt un début de guerre mondiale... avant tout cela et surtout avant que les classes exploitées ne se révoltent !!!

  • Dans son rapport sur la stabilité financière dans le monde, le Fonds monétaire international (FMI) évalue l’impact sur l’économie mondiale d’un scénario baissier dans lequel une réévaluation des risques provoque une flambée du coût du crédit, une chute des cours des actifs et un retrait des capitaux des marchés émergents. “Les répercussions économiques de ce resserrement des conditions financières mondiales seraient considérables (environ le tiers de l’intensité de la crise financière mondiale de 2008-2009) et plus généralisées”, explique le FMI qui estime que la production mondiale chuterait de 1,7% (par rapport à ses dernières prévisions).

    Dans le scénario catastrophe du FMI, tout se passe bien jusqu’aux environs de 2020 : les marchés actions et immobiliers continuent de grimper, les taux d’intérêt et la volatilité resteraient à un faible niveau. Cet environnement toujours aussi favorable conduit les investisseurs à dépasser les limites pour rechercher de bons rendements, jusqu’au moment où les marchés s’inquiètent de la viabilité de la dette. C’est la seconde phase du scénario. On assisterait alors à un rééquilibrage des risques entraînant une hausse des écarts de crédit et une chute des marchés actions jusqu’à 15% et des prix de l’immobilier jusqu’à 9% selon les régions, “faisant dérailler la reprise économique et la stabilité financière”.

    Comment cacher que la dynamique du capitalisme est cassée et ne se reconstruira jamais ?

  • Ceux qui sont contre la thèse de la fin du capitalisme :

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  • La descente aux enfers s’accélère en Turquie. La livre turque a plongé de plus de 27 % en séance, selon les données de Bloomberg, touchant un nouveau plus bas historique à 6,99 livres pour un dollar. En fin de journée, la monnaie cédait encore 15,5 % à plus de 6,4 livres pour un dollar.

    La pression sur les marchés turcs s’explique par les tensions diplomatiques entre Ankara et Washington après des sanctions américaines contre deux ministres turcs et sur le sort d’un pasteur évangélique américain accusé de « terrorisme » par Ankara.
    La pression s’est étendue aux bourses européennes qui, de Londres à Francfort en passant par Paris, perdent entre 1 % et 2 %. Les valeurs bancaires sont les plus touchées. L’indice des banques européennes cède 3 %. Tous les établissements sont dans le rouge, sauf AIB. Les plus fortes baisses sont enregistrées par BBVA (-5,16 %), Deutsche Bank (-4,17 %) UniCredit (-4,73 %) et BNP Paribas (-2,99 %).

    Selon les informations du « Financial Times », la Banque centrale européenne (BCE) est préoccupée par l’exposition de certains acteurs à la Turquie. Le quotidien britannique cite notamment BBVA, UniCredit et BNP Paribas, très présents dans le pays. Le régulateur est inquiet du risque que certains emprunteurs ne soient pas couverts contre la baisse de la livre turque et commencent à faire défaut sur des emprunts en devises. Ces crédits représentent jusqu’à 40 % des actifs du secteur bancaire turc, relève le « FT ».

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