mardi 31 janvier 2017, par
Avec ce programme d’attaques tout prêt, il est clair que le délire qui frappe l’Amérique et le monde n’est pas celui d’un individu, ni celui d’une opinion publique, mais celui d’une classe dirigeante aux abois !
Avec Trump et ses semblables du reste du monde, les classes dirigeantes iront très très loin, et sont prêtes à toutes les horreurs pour conserver leur pouvoir malgré l’effondrement du capitalisme. Leur seule limite sera le moment où nous, travailleurs, femmes et jeunes, décideront de nous mettre nous-mêmes à faire de la politique, à nous organiser en conseils, à choisir nos délégués et à décider de l’avenir de la société.
Edito
Trump semble vouloir aller vite et changer bien des choses dans la politique de l’Etat américain en termes de politique économique et sociale, d’immigration, de relations internationales. Cela apparaît comme un changement radical et même comme un retournement de politique. En fait, il avance dans un sens qui lui est permis par la politique menée par Obama-Clinton, en matière de guerre sociale et de guerre tout court, et il en profite pour aller encore plus loin, en détournant la colère sociale de nombreux milieux sociaux vers une aggravation des attaques et des reculs, sociaux comme politiques, que ce soit à l’égard des femmes, des Noirs, des Mexicains, des étrangers, des immigrés, des travailleurs, des aides sociales, des services publics… Il change également la relation des USA avec le reste du monde, en plongeant la planète dans le protectionnisme tous azimuts. Il confirme sa campagne plus agressive envers les femmes qu’aucun autre président précédent par de premières mesures contre les droits des femmes et notamment le droit à l’avortement ! Il développe sa pression contre les média et contre la liberté d’internet. Il se proclame favorable à la torture, aux prisons secrètes dans les pays étrangers, à la défense des forces spéciales américaines qui ont commis des actes répréhensibles, etc.
Trump s’est constitué un appareil politique, les postes clefs et l’entourage de la présidence, qui n’est pas identique au parti républicain et qui est le plus à l’extrême droite que l’Amérique ait connu depuis belle lurette, avec de véritables fascistes, et pas seulement en paroles. Des organisateurs de l’extrême droite, des racistes virulents, des généraux bellicistes, des militants anti-femmes, des potentats du capital assoiffés de casse des droits sociaux, des xénophobes violents, des partisans de la suppression des libertés, des droits politiques, des droits sociaux, des partisans de la torture, et bien d’autres brigands qui sont depuis longtemps passés des discours aux actes et que Trump est en train de mettre au plus haut niveau de l’Etat. Le gouvernement Trump s’affiche comme celui des mâles sexistes blancs, et agressifs, prônant une politique violente des USA à l’intérieur comme à l’extérieur. Le gouvernement de Trump, ce n’est pas seulement le Ku Klux Klan au pouvoir, ce sont les milliardaires, du pétrole notamment, directement au pouvoir politique, ce sont les généraux bellicistes directement au pouvoir, ce sont les fascistes ayant mis un premier pied dans l’Etat américain.
Dès ses premiers jours et même avant d’avoir été intronisé président, Trump a fait quelques pas en avant qui ne sont pas négligeables. Et ils vont tous dans le même sens, celui qu’indiquaient ses discours de candidature : de protectionnisme économique américain sous prétexte de reconstruire une Amérique forte, de mesures répressive et liberticides, de suppressions des taxes et impôts pour les capitalistes.
Trump a déjà commencé à mettre en cause les délocalisations d’emplois, ou à s’en donner l’air, en exerçant des pressions sur quelques trusts productifs comme ceux de l’Automobile. Il a également commencé à remettre en question les accords commerciaux internationaux signés jusque là par les USA : l’accord transpacifique, l’accord avec l’Amérique latine et aussi les liens économiques avec l’Europe que Trump affirme vouloir remplacer par une alliance avec l’Angleterre post-Brexit tournée vers une guerre économique contre l’Europe. Si cela devait aller au-delà des discours et des déclarations d’intention, ou même des pressions pour renégocier ces accords, cela signifierait un changement radical, non seulement pour les USA mais pour le monde… Déjà d’autres pays comme le Canada semblent prendre la mesure du changement et se diriger eux aussi vers un protectionnisme accentué, ce qui signifierait à terme une baisse massive des échanges mondiaux…
En réalité, le Brexit avait déjà montré, avec l’appui d’une partie de la bourgeoisie américaine à la fraction de la bourgeoisie anglaise pro-Brexit, que la classe dirigeante US avait commencé de prendre le tournant, bien avant l’élection de Trump et que c’est, au contraire, cette élection qui est le produit du tournant de la politique de la classe dirigeante US et non l’inverse, même si cette élection accélère considérablement le tournant, tournant américain et mondial.
Le caractère agressif de l’impérialisme américain est également accentué, même si on ne peut pas dire que la politique d’Obama-Clinton se soit caractérisée par une phase pacifique, sans guerre, sans accroissement des interventions militaires aux quatre coins du monde, sans menaces de la paix mondiale sous prétexte de lutte contre le terrorisme, contre l’intégrisme musulman, contre les dictatures ou contre la Russie… Au contraire, avec des discours quasi pacifistes, Obama-Clinton représentent une phase d’accroissement mondial des guerres et des tensions.
Un exemple : les liens entre les USA et l’Etat israélien plus belliqueux, violent, colonialiste que jamais, avec une extrême droite au pouvoir. Sous Obama-Clinton, officiellement le gouvernement a combattu les excès de Nétanyahou mais, réellement, jamais le soutien financier et militaire des USA à l’Etat d’Israël n’a été à un tel niveau élevé.
La logique guerrière des USA n’a pas attendu Trump et elle s’est confirmée, après Bush, sous Obama-Clinton, que ce soit en Syrie, en Irak, au Pakistan, au Yémen, en Libye, etc… et aussi à l’égard de la Russie et de la Chine…
Le but affiché de Trump, remettre les USA au premier rang mondial, n’est pas autre chose qu’un but de propagande et un drapeau idéologique pour camoufler une politique américaine qui se tourne un cran de plus vers la guerre mondiale, politique que la présidence précédente préparait aussi….
Le protectionnisme nationaliste est la politique économique qui correspond à un monde se tournant vers la guerre mondiale, vers un affrontement militaire entre puissances impérialistes.
Que cela ramène les USA comme puissance dominante sur le plan économique n’est certainement pas le cas. Au contraire, le protectionnisme américain va favoriser la Chine dans ses aspirations à remplacer les USA, qui se replient sur eux-mêmes, comme investisseur sur de nombreux continents. En dressant des frontières économiques soi-disant pour préserver les emplois américains, les USA ne font que reconnaître qu’ils doivent renoncer au leadership mondial et ne peuvent plus espérer le maintenir.Ils reconnaissent ainsi la montée irrésistible de l’ensemble Chine-Russie-Inde dirigé par la Chine.
Plus les USA tiennent un discours agressif et protectionniste vis-à-vis du reste du monde, plus ils laissent place à la Chine, comme le récent sommet de Davos l’a bien montré.
La Chine peut ainsi se positionner, à l’opposé des USA, comme une nation commerçante, non agressive, non impérialiste, pacifiste, prête à tous les accords commerciaux égalitaires et développant la prospérité des deux côtés, prête à des investissements extérieurs comme à des investissements étrangers à l’intérieur, prête à « sauver » des entreprises étrangères menacées, etc… Ce faisant, la Chine fait un pas de plus, grâce à Trump, pour se positionner comme la puissance capitaliste dominante du monde !
Bien entendu, le pacifisme de la Chine n’est pas à prendre au mot. Il n’est que momentané et tactique et la montée de cette nouvelle puissance est celle d’un Etat bourgeois développant des investissements financiers dans le monde entier, conquérant les matières premières, l’énergie, les marchés et les investissements, en somme d’une puissance capitaliste impérialiste, au sens que lui donnait Lénine.
Trump est donc très loin de réussir, dans un premier temps, l’opération consistant à replacer les USA comme la puissance dominante incontestée du monde. Il faut dire qu’une telle opération ne pourrait pas être qu’économique, commerciale ou protectionniste. Elle ne peut être que militaire et menée par le moyen de la guerre mondiale inter-impérialiste !!!
Si, dans un premier temps, la politique protectionniste de Trump, en exerçant des chantages auprès des trusts pour combattre l’externalisation des emplois, peut ramener quelques embauches aux USA ou faire croire en la démagogie de Trump à une fraction de la population américaine, elle va nécessairement nuire massivement aux échanges économiques mondiaux, et du coup aux investissements productifs privés, déjà le principal point faible du capitalisme depuis les années 2000…
Trump ne va pas faire remonter les investissements productifs mais plutôt les investissements spéculatifs !!
Il prétend diminuer les dettes de l’Etat américain tout en diminuant les taxes et impôts des capitalistes ! Il ne diminuera pas les aides aux banquiers et capitalistes, aux bourses et aux financiers, qui sont la source essentielle des dettes de l’Etat, particulièrement depuis l’effondrement de 2007-2008 !
Trump n’a d’ailleurs jamais critiqué les politiques d’aides massives sur fonds publics des capitalistes et banquiers lors de la crise mondiale…. Ce n’est pas son gouvernement qui comprend plus de milliardaires que jamais dans l’histoire des USA qui risque de rompre avec ces politiques de défense des intérêts sacrés du grand capital !!!
La démagogie anti-étrangers, anti-délocalisations, nationaliste et protectionniste satisfera, dans un premier temps les classes dirigeantes et les sentiments xénophobes d’une partie de la population américaine, en particulier de la petite bourgeoisie et des petits blancs racistes mais elle ne résoudra aucun des problèmes économiques et sociaux liés à la crise du historique capitalisme car ceux-ci ont de toutes autres racines… Mais personne, ni Trump ni Clinton ni aucun gouvernant bourgeois ne pourrait les résoudre. Tous ne peuvent que botter en touche, retarder les problèmes politiques et sociaux liés à l’effondrement économique, détourner les colères sociales, diviser les travailleurs et les peuples et préparer la marche à la guerre mondiale en la présentant comme une défense des intérêts de la population. Trump ne défendra ni les « emplois américains », ni la grandeur de l’Amérique, ni les « classes moyennes » paupérisées, et même pas l’avenir de la classe capitaliste. Il n’y peut rien. Il peut tout juste agiter l’opinion publique, la détourner de la compréhension de la situation, éventuellement concentrer sur son nom tout le mécontentement d’une partie de la population laborieuse et concentrer contre les immigrés, contre les étrangers, contre les noirs, contre les femmes, contre les libertés tous les mécontentements de l’autre partie de la population, celle des petits blancs, des petits-bourgeois racistes et xénophobes.
De toutes les manières, il vise autant qu’Obama ou Clinton à protéger les intérêts du grand capital d’une situation de plus en plus explosive et menaçante pour la classe capitaliste.
Pour dédouaner les capitalistes de l’accusation des milieux populaires, la politique de Trump vise à désigner du doigt l’étranger, la mondialisation, les accords économiques, les délocalisations. Il ne fait ainsi que suivre une tendance montante du capitalisme mondial, celle vers le protectionnisme qui s’est déjà développée en Europe, en Angleterre mais aussi dans le reste de l’Europe qui se détourne de l’Union européenne, qui s’oppose aux migrants, aux étrangers, à la mondialisation, aux délocalisations et se tourne vers le nationalisme exacerbé comme la campagne du Brexit anglais l’a montré. Et, Trump et May le savent, le nationalisme économique ne peut que mener au nationalisme guerrier…
Accuser la mondialisation des problèmes du capitalisme, c’est cacher le fait réel : la libéralisation, la mondialisation, la financiarisation ont permis au capitalisme d’accumuler plus de capital que jamais, d’augmenter plus que jamais les échanges économiques, et c’est ce succès qui a mené le capitalisme non à une maladie, non à un échec mais à un niveau maximal qu’il n’avait jamais atteint et qu’il est incapable de dépasser. La limite, ce sont les investissements productifs qui l’ont montrée : ils ont complètement cessé d’augmenter et auraient même massivement chuté sans l’intervention massive en sens inverse des fonds publics, ceux de l’Etat, ceux des banques centrales.
Le cadre de la propriété privée des moyens de production et des capitaux est devenu trop étroit pour permettre à la production de continuer à se développer or la production de biens est à la source de toutes les richesses développées par le capital, les autres formes d’enrichissement provenant toutes de la production, que ce soit le commerce, la finance, la spéculation et autres formes bancaires. Sans la plus-value extraite du travail humain productif, pas de profit, pas d’accumulation du capital, pas d’augmentation de la taille des biens et des richesses qui est au fondement de la dynamique du système.
Les politiques, celle de Trump comme celle d’Obama, visent surtout à cacher qu’aujourd’hui ce sont les capitalistes eux-mêmes, qui par leurs investissements non seulement spéculatifs mais pourris, nécrophiles, misant sur les dettes, sur les chutes, sur les échecs, sur l’effondrement, qui détruisent le système, pas pour des raisons politiques ni idéologiques bien entendu mais pour des raisons économiques très simples : parce qu’ils continuent à rechercher la voie du profit individuel et immédiat le plus assuré et le plus grand. Et aujourd’hui, les titres pourris, la titrisation des dettes et autres moyens spéculatifs qui spéculent sur la chute sont de loin plus rentables que les investissements productifs ! C’est le cas aux USA mais c’est aussi le cas en Chine où l’intervention de l’Etat n’est pas plus capable, malgré son pouvoir répressif, d’interdire aux capitalistes de miser sur la chute !
Pour le moment, les bourses réagissent favorablement aux excès de Trump mais ce n’est que provisoire. L’inquiétude et le scepticisme perce. Trump risque bien plus de favoriser la spéculation que l’investissement productif, aggravant plutôt le sens même de la crise du capitalisme.
C’est à propos de la politique protectionniste de Trump que les dirigeants du FMI déclaraient peureusement : « Nous entrons dans un territoire inexploré et inquiétant. »
Trump ou pas Trump, avec un chef d’Etat ou un autre, le capitalisme n’est pas capable de sortir de son effondrement de 2007-2008. Bush n’y est pas parvenu avec ses interventions financières massives. Obama n’a fait mieux qu’en intervenant encore plus massivement et sans y parvenir davantage. Toutes les politiques bourgeoises mènent à l’impasse et ne font que faire durer la situation et que préparer la marche à la guerre mondiale, à la barbarie mondiale, au massacre généralisé et à la destruction de la civilisation humaine.
La seule véritable issue à la situation d’impasse du capitalisme est la remise en cause du cadre trop étroit de la propriété privée des entreprises et des capitaux, cadre dans lequel le capitalisme lui-même étouffe désormais, sans parler des classes ouvrières et des milieux populaires. Il est plus que temps pour les travailleurs de quitter le chemin sans issue des réformistes du capitalisme, des syndicalistes et des « gauches », et d’entrer dans la voie de la remise en cause radicale de l’ancien mode de production et d’exploitation, dépassé désormais pas l’Histoire.