jeudi 11 mai 2017, par
On l’a bien cherché, « le propre de l’homme », et la vérité nécessite de dire qu’on ne l’a trouvé nulle part. Des auteurs qui avaient affirmé l’avoir trouvé ont été contredits par les recherches scientifiques ultérieures et aucun critère simple n’a pu être dégagé. Ni le rire, ni le langage, ni les outils, ni la station debout, ni l’organisation sociale, ni la capacité de chasser de manière organisée et planifiée, ni le gros cerveau, ni la capacité de calculer, ni la conscience, ni l’éducation des enfants, ni la raison, ni l’affectivité, ni l’intelligence, ni les émotions, ni la souffrance pour soi et pour les êtres aimés, ni le rêve, ni la capacité de faire des projets, ni les maîtrise des outils, ni la culture, ni le travail, ni le goût, ni … même les gènes ! Et même pas la violence, la capacité de destruction, les guerres...
Ce qui signifie que la question est philosophiquement mal posée. Différencier d’un côté l’homme en général et de l’autre l’animal en général n’a pas de sens matériel concret. Il est certain que l’humanité a eu une histoire mais tous les êtres qui y ont participé ne sont pas des étapes d’une évolution linéaire ni séparée de celles des autres espèces vivantes.
Le terme « animal », au singulier, est rejeté par le philosophe français Jacques Derrida dans sa généralité, – parce qu’il est une « simplification conceptuelle » vue comme un premier geste de « répression violente » à l’égard des animaux de la part des hommes, et qui consiste à faire une césure totale entre l’humanité et l’animalité, et un regroupement tout aussi injustifié entre des animaux qui demeurent des vivants radicalement différents les uns des autres, d’une espèce à une autre :
« Chaque fois que « on » dit « L’Animal », chaque fois que le philosophe, ou n’importe qui, dit au singulier et sans plus « L’Animal », en prétendant désigner ainsi tout vivant qui ne serait pas l’homme (...), eh bien, chaque fois, le sujet de cette phrase, ce « on », ce « je » dit une bêtise. Il avoue sans avouer, il déclare, comme un mal se déclare à travers un symptôme, il donne à diagnostiquer un « je dis une bêtise ». Et ce « je dis une bêtise » devrait confirmer non seulement l’animalité qu’il dénie mais sa participation engagée, continuée, organisée à une véritable guerre des espèces. »
« L’Animal que donc je suis », Jacques Derrida.
Ainsi, dans son dernier ouvrage, L’Animal que donc je suis, le philosophe français Jacques Derrida conçoit la question de l’« animal » comme une réponse à la question du « propre de l’« homme » », et a mis en doute la capacité à ce dernier d’être en droit de se faire valoir toujours aux dépens de l’« animal », alors qu’il semble bien que ce réflexe conceptuel soit, par essence, un préjugé, et non le fruit d’un raisonnement philosophique garant de ce droit :
« Il ne s’agit pas seulement de demander si on a le droit de refuser tel ou tel pouvoir à l’animal (parole, raison, expérience de la mort, deuil, culture, institution, technique, vêtement, mensonge, feinte de la feinte, effacement de la trace, don, rire, pleur, respect, etc. – la liste est nécessairement indéfinie, et la plus puissante tradition philosophique dans laquelle nous vivons a refusé tout cela à l’« animal »), il s’agit aussi de se demander si ce qui s’appelle l’homme a le droit d’attribuer en toute rigueur à l’homme, de s’attribuer, donc, ce qu’il refuse à l’animal, et s’il en a jamais le concept pur, rigoureux, indivisible, en tant que tel. »
« L’Animal que donc je suis », Jacques Derrida.
Ce que les singes nous apprennent sur la "nature humaine"....
La conscience est-elle le propre de l’homme ?
La science n’a pas trouvé le propre de l’homme
L’intelligence abstraite est-elle le propre de l’homme ?