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Albert Einstein : quelle révolution de la pensée en physique ?

mercredi 27 avril 2016, par Robert Paris

Albert Einstein :

« Il est plus difficile de casser une croyance que de briser un atome. »

« Certains physiciens peuvent calculer mais ne peuvent pas penser. »

« La lune existe même quand on ne la regarde pas. »

L’expression « Subtle is the Lord » d’Einstein, plutôt qu’un signe d’admiration de dieu, voulait dire que le fonctionnement de la nature est subtil, difficile à décrypter, mais n’est pas dépourvue de sens…

Albert Einstein : quelle révolution de la pensée en physique ?

Max Planck, inventeur des quanta avec Einstein et le plus proche de ses collaborateurs, écrit dans "Initiations à la physique de la nature des lois physique" :

« La physique, considérée par la génération précédente comme une des plus vieilles et des plus solidement assises parmi les connaissances humaines, est entrée dans une période d’agitation révolutionnaire qui promet d’être une des plus intéressantes de son histoire. »

Planck écrivait en 1911 à propos de la personnalité d’Einstein :

« Mr Einstein est un des esprits les plus originaux que j’aie connu, malgré sa jeunesse il a pris un rang très honorable parmi les premiers savants de son temps. Ce que nous devons surtout admirer en lui, si la facilité avec laquelle il s’adapte aux conceptions nouvelles et sait en tirer toutes les conséquences. Il ne reste pas attaché aux principes classiques et, en présence d’un problème de physique, il est prompt à envisager toutes les possibilités. »

« Le problème fondamental de la pensée philosophique d’Einstein, autour duquel s’organisent ses propres analyses, est celui de la réalité du monde et de son intelligibilité, c’est-à-dire de la capacité de la pensée à le pénétrer, à s’en donner une représentation " vraie " (quoique provisoire), qui ne soit pas illusoire ou précaire. »

"Einstein" de Michel Paty

« Je ne suis pas vraiment un physicien, mais un philosophe et même un métaphysicien »

cité par Michel Paty dans « Einstein Philosophe »

« Il n’a donc pas manqué d’arriver que l’activité du chercheur individuel a dû se réduire à un secteur de plus en plus limité de l’ensemble de la science. Mais il y a encore pire : il résulte de cette spécialisation que la simple intelligence générale de cet ensemble, sans laquelle le véritable esprit de recherches doit nécessairement s’attiédir, parvient de plus en plus difficilement à se maintenir à hauteur du progrès scientifique. »

« C’est en fait un véritable miracle que les méthodes modernes d’enseignement ne soient encore parvenues à étouffer complètement la sainte curiosité pour la recherche. Car celle-ci est une plante extrêmement fragile qui, si elle a besoin d’encouragements, réclame surtout de la liberté, faute de quoi elle dépérit immanquablement. C’est une grave erreur de croire que la joie de l’observation et de la recherche peut croître sous l’effet de la contrainte ou du sens du devoir. »

Albert Einstein dans « Comment je vois le monde »

« Rien n’obligeait Einstein à passer du premier exploit au second, et du second au troisième. A chaque fois le physicien, sans renier ses acquis, a dû modifier ses conceptions de l’espace et du temps. »

Hervé Barreau, Einstein et la conception physique de l’espace et du temps

« Peu d’êtres sont capables d’exprimer posément une opinion différente des préjugés de leur milieu. »

Einstein dans « Comment je vois le monde »

« L’imagination est plus importante que le savoir. »

Albert Einstein – dans « Sur la science »

« Je suis tout à fait d’accord avec vous à propos de l’importance et de la valeur éducative de la méthodologie, ainsi que de l’histoire et de la philosophie des sciences. Tant de gens aujourd’hui – et même des scientifiques professionnels – me paraissent comme quelqu’un qui a vu des milliers d’arbres mais n’a jamais contemplé une forêt. La connaissance du fond historique et philosophique donne une espèce d’indépendance vis-à-vis des préjugés dont souffrent la majorité des scientifiques d’une génération. Créée par l’intuition philosophique, cette indépendance est, à mon sens, la marque de distinction entre un artisan ordinaire ou un spécialiste, et le véritable chasseur de vérité. »

Einstein dans une lettre à un jeune professeur qui se voyait refuser d’inclure la philosophie à son cours de physique :

« La relation réciproque de la théorie de la connaissance et de la science est d’un genre remarquable : elles dépendent l’une de l’autre. La théorie de la connaissance sans contact avec la science n’est qu’un schéma vide. La science sans théorie de la connaissance – pour autant qu’elle est concevable – est primitive et confuse ; mais, dès que le théoricien de la connaissance, dans sa recherche d’un système clair, y est parvenu, il est enclin à interpréter le contenu de pensée de la connaissance dans le sens de son système et à écarter tout ce qui n’y est pas conforme. (...) Il apparaît comme un réaliste dans la mesure où il cherche à se représenter un monde indépendant des actes de perception ; comme un idéaliste dans la mesure où il considère les concepts et les théories comme des libres inventions de l’esprit humain (non dérivables logiquement du donné empirique) ; comme positiviste dans la mesure où il considère ses concepts et théories comme fondés seulement pour autant qu’ils procurent une représentation logique des relations et expériences sensorielles. »

Albert Einstein dans l’article « L’opportunisme du savant », cité par les Œuvres choisies d’Albert Einstein édité par le CNRS (tome 5) :

« Il ne suffit pas qu’une poignée de spécialistes de chaque domaine s’attaque à un problème, le résolve et l’applique. Réduire et limiter le corps de la connaissance à un petit groupe anéantit l’esprit philosophique d’un peuple, et conduit à la plus grave pauvreté spirituelle. »

Einstein dans son Avant-propos à l’ouvrage de vulgarisation sur la Relativité de Lincoln Barnett intitulé « Einstein et l’univers »

« Nous constatons avec évidence combien sont dans l’erreur les théoriciens de la connaissance qui croient que la théorie vient par induction de l’expérience. Même le grand Newton n’a pu s’affranchir de cette erreur (« Hypotheses non fogo = je ne fais pas d’hypothèses […] Il n’y a pas de méthode inductive qui puisse conduire aux concepts fondamentaux de la physique. Faute de comprendre ce fait, nombre de chercheurs au XIXe siècle ont été victimes d’une erreur philosophique fondamentale. Ce fut probablement la raison pourquoi la théorie moléculaire et la théorie de Maxwell ne purent s’établir qu’à une date relativement tardive. »

Einstein dans « Physique et réalité »

« Généralités concernant la méthode scientifique
On a souvent dit, non sans raison, que les chercheurs en sciences de la nature étaient de piètres philosophes. S’il en était ainsi, le physicien ne ferait-il pas mieux de laisser au philosophe le soin de philosopher ? Cela est sans doute vrai dans les périodes pendant lesquelles les physiciens croient disposer d’un système solide et incontesté de concepts fondamentaux et de lois fondamentales ; mais il en va autrement à une époque où toute l’assise de la physique est remise en question, comme c’est le cas aujourd’hui. A une pareille époque, où l’expérience le contraint à chercher des bases nouvelles et inébranlables, le physicien ne peut tout simplement abandonner à la philosophie l’examen critique des fondements de sa science, car il est le mieux placé pour savoir et sentir où le bât blesse ; dans sa recherche d’une assise nouvelle, il doit s’efforcer, autant qu’il peut , de prendre conscience de la pertinence, voire de la nécessité, des concepts dont il fait usage. »

Einstein dans « Physique et réalité »

« Les ouvrages de physique sont remplis de formules mathématiques compliquées. Mais c’est la pensée, ce sont les idées qui sont à l’origine de toute théorie physique. »

Albert Einstein et Leopold Infeld dans « L’évolution des idées en physique »

« Les concepts physiques sont de libres créations de l’esprit humain et ne sont pas comme il semble, seulement déterminés par le monde extérieur »

Einstein dans « L’évolution des idées en physique »

Abraham Pais écrit dans sa fameuse biographie d’Einstein, malheureusement toujours pas traduite en français :

« Einstein était un amoureux de la sagesse. Mais était-il un philosophe ? La réponse à cette question est davantage une question de faits que d’appréciation… Il est aussi certain qu’Einstein était passionné de philosophie qu’il ne se considérait pas lui-même comme un philosophe. Il a étudié la philosophie tout au long de sa vie… Einstein, Gödel, Bertrand Russel et Pauli se réunissaient chez Einstein pour discuter de philosophie des sciences au moins une demi douzaine de fois. « Science sans épistémologie est – dans la mesure où une telle chose est tout simplement pensable – primitive et embrouillée ». écrivait-il dans ses dernières années, avertissant à la fois contre le danger pour les scientifiques d’adhérer à un système épistémologique. « Il (le scientifique) doit sembler à celui qui défend un système épistémologique comme le type même de l’opportuniste sans scrupule : il semble un réaliste dans la mesure où il cherche à décrire un monde indépendant des actes de perception ; et aussi un idéaliste au sens où il cherche des concepts et des théories qui sont de libres créations de l’esprit humain (ne dérivant pas logiquement de ce qui est donné empiriquement) ; comme des positivistes dans la mesure où il considère ses concepts et théories comme justifiées uniquement dans la limite où ils fournissent une représentation logique des relations au sein d’expériences sensibles. Il peut aussi apparaitre comme platonicien ou pythagoricien dans la mesure où il considère le point de vue de la simplicité logique comme un outil indispensable et efficace de sa recherche.

Des éléments de tous ses « ismes » sont clairement discernables dans la pensée d’Einstein. Dans les trente dernières années de sa vie, il a cessé d’être un « opportuniste sans scrupule », même quand, à son corps défendant, il devint un philosophe en se réfugiant dans le réalisme philosophique, ou, comme il préférait l’appeler, dans l’étude de la réalité objective.

L’intérêt et l’importance de la philosophie pour Einstein étaient très forts même s’il n’écrivait pas lui-même d’articles qu’on pourrait dire philosophiques au sens technique du terme. Cependant, après 1920, il écrivit des articles de revue ou des introductions d’ouvrages philosophiques… »

Sur le caractère d’Einstein, Pais apporte son témoignage :

« Rien n’était plus étranger à la conception d’Einstein que de rechercher une issue en termes de compromis, que ce soit dans sa vie, ou en sciences. »

Sur le plan politique, il se situait très « à gauche » sans pour autant être un militant politique, étant antimilitariste, antiguerre, antinationaliste, anti-bourgeois, dans le camp de la révolution russe à l’époque de Lénine, qu’il considérait comme « L’homme politique que j’admire le plus » et il avait fondé en 1923 l’association des amis de la nouvelle Russie. La Russie nouvelle était bien entendu celle des soviets, pas celle de la bureaucratie !!!

Einstein et la physique quantique

La présentation classique des positions d’Einstein vis-à-vis des développements de la physique de l’école de Copenhague consiste à le présenter comme un conservateur accroché à de vieilles conceptions dépassées et incapable d’intégrer les révolutions de Bohr et compagnie.

Cette manière de voir semble très loin de la réalité. C’est Einstein lui-même, plus encore que Planck, qui initie toute la grande révolution quantique en 1904-1905, en même temps qu’il donne à la révolution relativiste initiée par Poincaré et Lorentz, un développement inattendu.

Einstein a inventé la dualité onde/corpuscule de la matière et de la lumière, a démontré le caractère probabiliste de la microphysique en y introduisant des considérations de physique statistique (à la fois dans ses travaux de 1905, de 1924 et 1925 soit bien avant l’école de Copenhague), a développé dès 1904-1905 la conception quantique des interactions matière/lumière, a développé la théorie de l’émission/absorption de la lumière par la matière inventant le premier l’idée de création/annihilation, étudiant l’émission spontanée et stimulée de lumière par la matière, créant aussi le concept de corpuscule photon et de corpuscule électron. Au début des années 1930, Bohr était encore très réticent devant ces notions corpusculaires et ne s’est convaincu que progressivement de la dualité, qui est pourtant explicitement dans les travaux d’Einstein dès 1905 ! Bohr a, en effet, attendu la preuve par l’effet Compton de dispersion de la lumière par les électrons pour croire à ceux-ci ! Il est exact que les affirmations philosophiques péremptoires de l’école de Copenhague l’ont amené à entrer en résistance et que la fameuse école l’a mis à l’index, Bohr n’étant pas tendre avec quiconque ne le soutenait pas, mais cela ne justifie pas de propager une image conservatrice d’Einstein. Il ne trouve pas la physique quantique trop révolutionnaire mais estime qu’elle n’a pas encore été jusqu’au bout !!! Il était tellement peu réticent vis-à-vis des avancées quantique que c’est lui qui proposé Schrödinger et Heisenberg pour le prix Nobel ! Ce qui lui déplaisait foncièrement dans la philosophie de l’école de Copenhague, c’est le rejet de l’objectivité, de l’existence de la matière indépendamment de l’observateur humain, le rejet de toute description de « ce qui se passe quand », le rejet de la causalité, le rejet de toute démarche d’interprétation des phénomènes et la position du scientifique devenant un simple calculateur et expérimentateur incapable d’expliquer ce qui fait marcher le monde…

Non seulement Einstein a donné des contributions déterminantes à de nombreux domaines des sciences, presque à tous, mais il a toujours cherché à se poser des questions clefs de la philosophie des sciences, estimant que la science ne consiste pas seulement en expériences et en calcul mais en une pensée scientifique.

Les idées nouvelles d’Einstein sont multiples. On peut dire que dans de nombreux domaines, il agi en novateur de manière étonnante. Il a œuvré aussi bien en théorie moléculaire, en thermodynamique, en relativité, en physique quantique, en physique statistique…

Les sujets sur lesquels Einstein a porté sa marque de manière indélébile sont divers : opalescence critique, émission spontanée et stimulée, mouvement brownien, entropie, ondes gravitationnelles, effet photoélectrique, radiations de la matière, inertie de l’énergie, relativité de l’électromagnétisme, éther, condensation Bose-Einstein, etc.

Einstein s’est interrogé toute sa vie sur les grandes questions posées à l’homme par la matière :

 Pourquoi la matière crée une rupture entre le futur et le passé ?

 Pourquoi la matière est limitée par l’impossibilité d’approcher la vitesse de la lumière alors que cette dernière se déplace toujours à cette vitesse (dans le vide) ?

 Comment un photon se déplaçant à la vitesse de la lumière peut-il percevoir le reste de l’univers ?

 Comment se fait-il que les particules (niveau macroscopique) n’existent actuellement que si on les mesure, contrairement à la matière à notre échelle macroscopique ?

 La physique quantique de l’école de Copenhague, qui dénie toute description des phénomènes et renonce à la continuité causale est-elle la loi ultime de la matière ? Doit-on vraiment renoncer à réponde à la question : « que se passe-t-il quand » ?

etc, etc…

Une présentation d’Albert Einstein

Einstein et sa conception de la matière

Einstein raconté par Abraham Pais (en anglais ) - « Subtle is the Lord… », The Science and the Life of Albert Einstein, by Abraham Pais

Le même ouvrage en google books

Et une autre version d’Abraham Pais sur Einstein

Einstein, un socialiste

La pensée révolutionnaire de la science

Einstein, un penseur révolutionnaire

Einstein, un philosophe

Einstein, le physicien principal de la théorie de la Relativité

Ce qu’Einstein combattait dans la Physique quantique

Einstein, défenseur de la continuité, de la causalité et du déterminisme

Einstein contre Bohr et l’Ecole de Copenhague

E = mc² expliqué par Einstein

Einstein et les expériences dites EPR

Les questions qu’Einstein posait à la nature

La conception d’Einstein sur Physique et Réalité

La question de l’objectivité du monde matériel

Entretien entre Albert Einstein et Sigmund Freud

La révolution d’Einstein en 1905

Albert Einstein :

« Il faut toujours penser par soi-même. Ne rien apprendre par cœur, mais tout découvrir et, en tous cas, ne rien accepter qui ne soit prouvé. Ne rien négliger de ce qui est concevable ou imaginable. »

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