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La Corse ne se radicalise pas qu’à l’extrême droite

mardi 26 janvier 2016, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

La Corse ne se radicalise pas qu’à l’extrême droite

Deux événements ont marqué la nouvelle année en Corse : l’indépendance et les manifestations racistes. D’un côté, Simeoni et Talamoni ont pris la tête de la région corse après un succès nationaliste incontestable aux élections régionales (36% des suffrages exprimés) et qu’ils ont affirmé être « une nation » amie de la France. De l’autre, il y a eu les manifestations racistes, anti-Arabes, d’Ajaccio avec notamment le saccage d’un lieu de prières musulman.

Hausse massive et spéculative des prix de l’immobilier rendant l’accession à la propriété impossible pour les insulaires, crises de la SNCM à répétition, situation des prisonniers politiques que leur familles ne peuvent même pas visiter, procès injuste de Colonna, menaces de fermeture des bureaux de poste par La Poste, plus grande cherté de la vie, manque d’emplois, précarité pour les jeunes et surtout la très grande misère des très démunis qui sont extrêmement nombreux même si on en parle très peu : la question sociale n’est pas moins brûlante en Corse que la question nationale, ni moins explosive !!! Elle a eu ses moments forts : voir ici

Pourtant, actuellement les nationalistes corses, plus influents que jamais, sont très loin d’avoir poussé à la lutte sociale, bien au contraire… Le patronat corse a leur soutien.

Dirigeant syndical STC (Syndicat des Travailleurs Corses), Alain Mosconi déclare ainsi que "la grève pour rien, ce n’est pas notre tasse de thé" alors que son syndicat était en pointe aux débuts de la lutte de la SNCM, quand la CGT était contre la poursuite de la grève et alors que les salariés de la SNCM et les emplois sont plus que jamais menacés.

Rappelons que, sous prétexte de faillite, la SNCM a été abandonnée par l’Etat français !

Mais les salariés de la SNCM avaient surtout été lâchés par… la CGT lors de la principale lutte en 2005 !

Le choix de la CGT de la SNCM, la direction nationale ayant pesé de tout son poids, de cesser la grève a été assez soudain pour surprendre de nombreux grévistes, qui étaient décidés à tenir malgré le chantage au dépôt de bilan et aux licenciements, fait par le gouvernement sous le couvert de lois présentées comme inexorables. C’est la CGT qui a organisé le vote de reprise du travail. Deux piles de bulletins furent posées sur l’estrade où se tenaient les dirigeants syndicaux. Ils avaient été préparés de façon très particulière puisque l’un des bulletins portait « Oui à la reprise de l’activité. Pour éviter le dépôt de bilan » et l’autre « Non à la reprise de l’activité = dépôt de bilan » ! Ainsi celui qui votait « non » à la reprise du travail avait le sentiment qu’il votait pour le dépôt de bilan.

Le patronat a le soutien de tous les chefs de la communauté corse. L’arrivée de Patrick Rocca aux manettes de la SNCM, enfin ce qu’il en reste, en témoigne d’autant mieux qu’il a un casier judiciaire bien rempli.

Cependant, le STC a mené des journées d’action syndicale comme celle des cheminots ou des pompiers… mais sans dépasser le radicalisme très faible des centrales syndicales, classique en France.

Pourtant, la question sociale n’est pas moins explosive en Corse que la question nationale et ce n’est pas peu dire !

La Corse est l’une des régions françaises les plus pauvres (si tant est que l’on peut encore parler de région de France). Dans un territoire envahi par un tourisme de masse qui détruit tout, qui génère toujours plus de profits, un cinquième de la population corse - soit 60 000 personnes (d’autres statistiques, qui minimisent la pauvreté, disent à tort seulement 25.000) - vit en-dessous du seuil de pauvreté… Sur ces 25.000, la moitié vit avec moins de 760€ mensuels ! D’après les chiffres de 2012, la moitié des insulaires, vivant en ménage, on un revenu inférieur à 1520 euros par mois, soit 18 300 euros par an. Il est inférieur de 6% à celui des autres régions de province françaises.

Le revenu moyen des agriculteurs de Haute-Corse en 2004 était de 15,860 euros, en déclin de 10 % par rapport à 2002.

La pauvreté touche particulièrement les jeunes (22 %).

Les prix des produits alimentaires étaient en 2006 supérieurs de 9,7 % par rapport au sud-est de la France (jusqu’à 20 % pour les légumes).

La saisonnalité de l’emploi liée au tourisme est aussi un problème majeur. Près de 20 % des emplois dans les services sont saisonniers.

Le salaire moyen est de 16 100 euros, soit 10 % de moins que la moyenne nationale.

Environ 13% de la population d’Ajaccio perçoit au moins 75% de ses revenus par les allocations de la CAF. Le salaire médian annuel en Corse est de près de 2000 euros inférieur à la moyenne « nationale », quand des milliers de personnes paient l’ISF. La Corse est la région aux plus grandes inégalités du territoire français. Et encore, en parlant de la Corse et du peuple corse, on en oublierait presque les dizaines de milliers de travailleurs/euses saisonniers qui viennent se faire exploiter à peu de frais en Corse chaque été.

Une bonne partie des habitants, qui sont propriétaires occupant leur maison, vivent dans des habitations en mauvais état dans des conditions d’hygiène et de propreté très dégradées.

L’inégalité entre les ménages, riches et pauvres, est la plus forte de France

Loin de diminuer, la misère s’aggrave, même si les touristes ne s’en rendent pas compte…

Malgré le tourisme, les emplois, loin de grimper, ne cessent de chuter en Corse…

En Corse, la pauvreté se cache ou se nie. Les laissés pour compte, eux, affirment souvent que des Corses galèrent, parce qu’on leur vole tout : travail, avenir. Bien sûr, le nationalisme dit détenir une réponse : tout est volé par les étrangers, traduisez la France et les autres pays.

Une petite partie du courant nationaliste a trouvé son issue dans les gangs et les mafias, dans le « contrôle » de la sécurité qui se paie. Mais la population, dans son ensemble, ne peut pas bien entendu y trouver son compte…

Il est vrai que de nombreux corses sont contraints d’émigrer sur le continent s’ils veulent trouver un travail et ne risquent pas d’en avoir un dans l’île.

Une bonne partie du courant nationaliste est de gauche, même s’il en existe aussi un de droite et même d’extrême droite (qui explique que le nationalisme ait volé les voix de Le Pen en Corse). Mais tous ont fusionné pour les élections régionales et sont encore unies pour le moment. En fait, le nouveau nationalisme offre la grande réconciliation de tous les Corses, en feignant de ne plus voir de classes sociales dans l’île.

Les nationalistes affirment que les seules revendications sociales justes tournent autour des deux fondamentales : « corsisation des emplois dans tous les secteurs d’activité de l’île », ainsi que leur « soutien inconditionnel aux prisonniers politiques ».

Les gouvernants français, Hollande, Valls et Cazeneuve, sont loin d’avoir cherché à désamorcer le nationalisme corse et l’ont même attisé, allant y compris jusqu’à la provocation

Ils ont joué le tout sécuritaire face aux assassinats à répétition, sans pour autant ramener le moindre reflux de l’insécurité.

C’est dans ce cadre d’une situation sociale explosive, d’une insécurité grandissante et d’un malaise politique et social que se placent les deux derniers événements qu’a connu la Corse : l’affirmation nationaliste et l’affirmation aussi publique d’une fraction raciste de la population.

Mais cela ne doit pas nous faire oublier une autre particularité de la Corse : une radicalité fréquente des milieux populaires avec des explosions politiques et sociales importantes qui ont marqué l’Histoire :

Peu avant la révolution française

Gilles Simeoni, pour modéré qu’il apparaisse, est le fils d’Edmond Simeoni, docteur de profession, et politique de conviction. On ne peut oublier qu’il a commencé son action nationaliste en 1967 par une lutte sociale : l’occupation par douze homme armés d’une cave viticole appartenant à un important chef d’entreprise d’origine pied-noir, pour protester contre une escroquerie qui menace de ruiner des centaines de petits viticulteurs (condamnation le 19 novembre 1975 de Depeille, Siegel, Junqua, Cuaz frères, ainsi que celle du groupe Covirep pour infraction sur les lois sur la société et banqueroute). L’assaut donné deux jours plus tard par la gendarmerie (1 200 hommes officiellement), renforcée par des véhicules blindés légers, sur les ordres du ministre de l’Intérieur Michel Poniatowski, approuvé par le Premier ministre Jacques Chirac, fait deux morts parmi les forces de l’ordre et un blessé dans la cave. C’est la première action violente et spectaculaire de la mouvance autonomiste.

Edmond Simeoni est aujourd’hui le président du Comité de soutien à Yvan Colonna.

L’affaire Colonna est la plus claire expression de l’état d’exception qui règne en Corse et cela bien avant l’état d’urgence sur le continent…

L’avenir en Corse appartient à qui ? Sans doute au peuple travailleur et ce sera à lui d’exprimer ce que sont ses vraies perspectives…

Messages

  • Siméoni : "La question fondamentale aujourd’hui, c’est : est-ce que Paris accepte, oui ou non, de prendre en considération la révolution démocratique qui s’est passée dimanche dernier ? Est-ce que, oui ou non, Paris accepte de prendre en compte les suffrages des Corses ? Est-ce que, oui ou non, Paris accepte de prendre en compte les délibérations de l’Assemblée de Corse qui ont été votées et qui malheureusement pour l’instant restent sans suite ni effet ?", a-t-il ajouté en référence, notamment, à la coofficialité de la langue corse, votée en 2013 par l’Assemblée de Corse mais jugée contraire à la constitution.

    Vendredi, le Premier ministre Manuel Valls a téléphoné à Gilles Simeoni, lui promettant de maintenir un "dialogue serein, constructif et apaisé". Mais sur la question des prisonniers corses, l’Etat français reste intraitable : "il n’y a pas de prisonniers politiques corses", assène un haut responsable.

    Puis Valls les a reçus :

    "Le Premier ministre nous a fait part de son attitude de fermeté par rapport aux revendications que nous portons. Nous avons réaffirmé en ce qui nous concerne le bien-fondé de celles-ci, notamment en ce qui concerne la co-officialité de la langue corse, la question du statut de résident, la question des prisonniers et celles du transfert de la compétence fiscale", a déclaré Gilles Simeoni en sortant de près de deux heures d’entretien à Matignon.

    "Nous avons constaté en l’état le désaccord, mais nous avons convenu de l’ouverture d’un dialogue avec la constitution de trois groupes de travail" entre les représentants de la Corse et les représentants de l’Etat, a expliqué le président du Conseil exécutif de Corse -le mini-gouvernement de l’île.

    Un premier groupe sera "consacré à la question de la langue" corse, un deuxième "à la question foncière et à la lutte contre la spéculation" et un troisième "sur les institutions de la Corse, le statut et la question notamment de l’intercommunalité", a-t-il détaillé, en indiquant que ces trois groupes se réuniraient "à intervalles réguliers" jusqu’en juin.

    Cette rencontre avec le Premier ministre était la première depuis la victoire du camp "natio" en décembre lors des élections territoriales en Corse, avec plus de 35,3% des voix au second tour.

    Pour Gilles Simeoni, "il s’agira pour nous de démontrer la pertinence de nos arguments et la nécessité d’aller vers une révision constitutionnelle pour permettre les mesures qui nous semblent indispensables, mesures pour lesquelles nous avons été mandatés par une majorité de Corses à l’occasion des élections territoriales de décembre".

    "Chacun campe pour l’heure sur ses positions mais le propre d’un processus de dialogue c’est de permettre à chacun d’écouter l’autre. Nous avons nous la volonté de nous inscrire dans une logique de dialogue", a-t-il assuré.

    Si les dirigeants corses comptent discuter avec Valls, ils ne valent pas plus cher que les dirigeants syndicaux qui l’ont cru et se sont cassés les dents...

  • En réponse à la recrudescence d’actes et de discours racistes en Corse, un collectif citoyen, réuni cet après-midi à Bastia, appelle la population de l’île à un "sursaut citoyen" en refusant le rejet de l’autre.

    Ce collectif a pris contact pour organiser des débats avec des collèges, lycées et l’université et a adressé une lettre ouverte aux maires pour qu’ils fassent effacer dans les plus brefs délais les tags à caractère raciste et d’appel à la haine inscrits sur des murs notamment d’édifices publics.

  • L’extrême droite européenne a été accueillie par une manifestation d’hostilité légitime en Corse...

    Les députés français du groupe d’extrême droite au Parlement Européen, venus passer trois jours sur la rive sud pour y tenir un séminaire de « réflexion et de cohésion » privé, ont en effet été accueillis par quelques 200 personnes venues leur faire entendre leur désapprobation de les voir débarquer sur le sol insulaire.

    Les fascistes ont eu du mal à débarquer, du mal à entrer dans leur car et à sortir de l’aéroport...

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