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Contradictions diamétrales et contradictions dialectiques

mardi 25 février 2014, par Robert Paris

Contradictions diamétrales et contradictions dialectiques

Un lecteur du site Matière et Révolution nous écrit :

« Vous dites sur votre site vouloir contribuer au développement de la philosophie dialectique et pourtant elle a comme caractéristique de ne pas séparer les contraires et de mêler ainsi « tout et son contraire ». Rien ne prouve que cela aide à s’y retrouver dans un monde où la confusion est le mode de gestion politique des masses. Tout nous porte à ne plus faire aucune différence entre ce qui est juste et ce qui est faux, entre les idées scientifiques et les mystifications, entre les pensées rationnelles et les dogmes complètement mensongers, entre les mythes et les réalités, entre la vérité et le mensonge, entre le crime et l’action juste, entre un vrai combat et une action de terreur, entre la réalité du monde et les imaginations complètement débridées. Nier ces oppositions ou les effacer par la dialectique, un élément pouvant selon elle se changer en son contraire, c’est contribuer à se tromper ou à tromper. Le fascisme s’est-il transformé en son contraire ? Les camps de la mort peuvent-ils se transformer en leur contraire ? Le mal peut-il se transformer en bien et inversement ? Faut-il que le rejet de l’idéologie exagérément moraliste des religions se change en son contraire : le mélange complet du mal et du bien par la dialectique ? La médecine n’est-elle pas la démonstration que les maladies ne sont pas simplement des effets de l’imagination mais de la matière, une preuve que le monde est matériel et pas spirituel ? Pourtant la dialectique va chercher à mixer le corps et l’esprit, au lieu d’opposer diamétralement matérialisme et idéalisme !

Je voudrais montrer en quelques mots combien les sciences elles-mêmes ne sont nullement le terrain des contradictions dialectiques mais plutôt des contradictions diamétrales. Et j’en dirais de même pour l’économie, la philosophie, l’histoire ou la politique.

Pour débuter mes exemples de contradictions diamétrales et non dialectiques, je commencerais par les mathématiques où cela semble le plus évident qu’il faut répondre par oui ou par non, c’est-à-dire de manière diamétrale (un terme exclue l’autre).

Ainsi, soit un nombre vaut 1 soit il est différent de 1. Les deux termes sont opposés et ne peuvent coexister. Il n’y a pas de long combat entre les deux éventualités, pas de coexistence des deux, pas d’interaction, pas de construction d’une nouvelle situation, pas de risque que l’une se change en l’autre.

Je saute direct à la politique : ou vous dites que vous êtes communiste ou vous dites que vous ne l’êtes pas. Je ne vois pas moyen de concilier ni d’intérêt à construire une espèce de confusion, de manière dialectique ou autre, qui refuse d’opposer les deux termes. L’anti-communisme ou le refus du communisme ne s’accommode pas avec une conception consciemment et clairement communiste. On pourrait dire de même pour le choix entre réforme ou révolution, le « ou » est exclusif. Ou encore dans « socialisme ou barbarie ». Le « ou » ne suppose pas que les deux coexistent, s’échangent, ni se transforment l’un dans l’autre. A moins que je n’aie rien compris ! Il s’agit bien d’une opposition et elle est diamétrale : loin de coexister et de s’échanger, les contraires se détruisent mutuellement et radicalement…

De même, on est pour le capitalisme ou pour le communisme. Je ne vois aucun intérêt ni aucune clarification à mêler, dialectiquement ou autrement, les deux choix qui s’excluent mutuellement, j’espère que vous en convenez….

En sciences, il me semble également, bien que je ne sois pas spécialiste du tout, que l’on aie affaire à des contradictions diamétrales et non dialectiques.

Et tout d’abord dans la validité des affirmations :
Ou la matière est formée d’atomes ou elle ne l’est pas.

Ou la relativité (1ère ou 2ème version) est exacte ou elle ne l’est pas.

Ou la physique quantique a raison ou elle a tort.

Il n’y a pas de troisième possibilité, ni une transformation d’une assertion dans l’autre opposée, ni le moyen de les composer pour en former une troisième.

Si on entre maintenant dans les domaines d’étude des sciences et dans les affirmations qu’ils emploient, il en va de même.

S’il y a des espèces, c’est qu’un individu d’une espèce est né d’un autre de la même et donnera naissance à un autre de la même espèce. Une telle remarque n’a rien de dialectique puisque son opposée est tout simplement fausse et qu’elle ne peut donc pas se changer en son opposé : les chiens ne donnent pas des chats, comme le dit justement le proverbe. Je ne vois pas comment l’assertion contraire pourrait coexister, lutter contre la précédente et se composer avec la précédente pour donner une nouvelle idée… Je serais curieux que tu me montres cela !
Ou un animal est un chat ou il n’est pas un chat. Il est clair qu’il s’agit d’un « ou exclusif », c’est-à-dire que les deux assertions ne peuvent coexister. Cela signifie qu’on peut répondre seulement « par oui ou par non », donc ni « par oui et non » ni « par oui pouvant se transformer en non pour construire un ni oui ni non »…

Pas de place donc pour une négation qui peut être vraie en même temps que l’assertion qu’elle niait, pas de place pour une négation qui peut elle-même être niée, pas de place pour « la négation de la négation qui devient une affirmation ». Donc pas de dialectique….

Ou on a affaire à une espèce animale ou pas. Ou on a affaire à un être vivant ou inerte. Ou c’est une plante ou ce n’en est pas une. Ou c’est la vie ou c’est la mort. Ou c’est utile à la lutte des travailleurs ou cela ne l’est pas. Ou c’est une organisation ouvrière ou cela ne l’est pas.

Dans tout cela, non seulement je ne vois aucune opposition dialectique mais je n’ai aucune envie de renoncer à ma compréhension diamétrale qui me semble un guide politique et un guide pour l’action.

Donnez-moi s’il vous plait la contradiction, si vous estimez que je ne dois pas rester dans la contradiction diamétrale du jour et de la nuit, de l’homme et de la femme, de l’humain et de l’animal, de la vie et de la mort, de la matière et du vide, du mouvement et du repos, de réforme ou révolution, du capitalisme et du socialisme.

Ma réponse

Cher lecteur, merci d’exposer ainsi clairement et précisément ton désaccord qui démontre effectivement quelque chose d’important : le fait que le monde apparaît, au premier abord et avec l’aide du seul bon sens, comme constitué de termes opposés diamétralement et pas dialectiquement. Effectivement, sans l’usage de la philosophie scientifique, on peut parfaitement croire aux assertions diamétrales comme :

 je suis malade ou suis en bonne santé

 je suis vivant ou je suis mort

 je suis un être humain ou pas

 le capitalisme fonctionne ou il ne fonctionne pas

 ceci est de la matière ou de la lumière

 je suis un homme ou je suis une femme

Etc, etc…

Ces possibilités opposées semblent s’exclure absolument, se détruire immédiatement mutuellement, ne jamais pouvoir coexister, se composer, construire une troisième possibilité, etc…

C’est effectivement ce que l’on appelle des opposés diamétraux. On les retrouve dans la logique formelle. On y a également affaire dans les points de vue du bons sens du genre « il n’y a pas de fumée sans feu » ou « les chiens ne donnent pas des chats » et ils semblent tout à fait indiscutables à moins d’adopter une logique de fous….

Et pourtant, il faut aller au-delà de cette première impression si on veut employer une philosophie scientifique et ne pas s’en tenir aux apparences….

Commençons par ton exemple mathématique. Soit un nombre vaut 1, soit il ne vaut pas 1 et tu nous dis de trancher par oui ou par non. Les deux affirmations opposées ne peuvent coexister. Je vais essayer de te montrer que cela dépend à quel niveau de raisonnement mathématique tu opère. Si on regarde le nombre en tant qu’un simple individu, tu as parfaitement raison mais les mathématiques sont loin d’en être restées là. Elles ont conçu des ensembles de nombre, des transformations des nombres, des fonctions de nombre, des différentielles de fonction de nombre et des intégrations de ces différentielles, des probabilités de valeur des nombre et j’en passe. Et, avec toutes ces notions, tu vas voir que la réponse « par oui ou par non » devient périmée.

Parlons tout d’abord de la notion de variable. On dit que la variable est un nombre mais c’est un nombre qui n’a pas une seule valeur mais une très grande quantité et souvent une « infinité » de valeurs, ce qui signifie que la variable peut valoir 1 ou ne pas valoir 1. Mais, me diras-tu avec raison, ce n’est pas grave puisque la variable ne pourra pas, en même temps, valoir 1 et ne pas valoir 1. Par contre, si on a une variable qui a une certaine probabilité de valoir 1 et une autre probabilité de ne pas valoir 1, alors notre « nombre » que nous appelons variable doit être conçu en même temps comme valant 1 et ne valant pas 1. Il est une superposition de l’hypothèse « valoir 1 » et de l’hypothèse « ne pas valoir 1 ». Et c’est loin d’être fini car on peut avoir un nombre qui soit fonction d’une variable et que ce nombre s’approche de 1 dans le domaine considéré de la variable. Alors, on ignore quand on sait qu’à un moment la fonction vaudra 1 et à un autre moment elle ne vaudra pas 1. La valeur de la fonction est un nombre qui possède à la fois les deux propriétés : valoir 1 ou être différente de 1. On constate à quel point cela peut poser problème philosophiquement si on choisit une situation dans laquelle la fonction s’approche de la valeur 1 sans jamais atteindre tout à fait cette valeur (on parle d’asymptote). Suffisamment près de la valeur 1, la fonction peut numériquement être considérée comme valant 1 alors qu’elle ne vaut jamais vraiment 1. Donc à la fois, on peut dire qu’elle vaut 1 et qu’elle ne vaut pas 1 !

Dès que l’on fait tendre une variable vers un nombre, dès que l’on utilise des infiniment petits et des infiniment grands, en calcul différentiel ou intégral, les contradictions dialectiques sont multiples. Par exemple, numériquement un infiniment petit peut être considéré comme valant zéro mais ce n’est pas zéro… Un nombre qui tend vers 1, si on s’en approche suffisamment peut être considéré comme valant 1 mais ce n’est pas 1.

Désolé pour tous ceux que les mathématiques ne passionnent pas particulièrement mais c’est surtout de la philosophie. Il se trouve qu’en fondant les mathématiques, on a construit des niveaux successifs dont chacun est contradictoire par rapport au précédent même si bien des gens croient encore que les mathématiques ne supportent pas les contradictions.

Ce sont les contradictions formelles qui sont à bannir en mathématiques, c’est-à-dire les contradictions diamétrales et pas les contradictions dialectiques.

Un nombre est une valeur fixe que les mathématiques considèrent comme ayant une précision infinie, absolue et pourtant les mathématiques vont partir de ces nombres infiniment précis par définition pour construire des nombres bougeant, changeant que sont les variables… C’est un deuxième niveau, contradictoire par rapport au premier.
C’est pour étudier des changements que les mathématiques ont dû construire la dérivation, les différentielles et les intégrales, c’est-à-dire des outils qui examinent non les valeurs une par une mais leur transformation globale. Et le fait de passer du local (la valeur en un point) au global (les changements, les vitesses, les accélérations) est aussi une contradiction. Et elle est dialectique car les deux s’opposent tout en coexistant, en interagissant, en se composant, en bâtissant une réalité plus complexe qui utilise l’un et l’autre niveau.

Pour ceux qui n’aiment pas les mathématiques, c’est encore du chinois, si l’on peut dire et je passe vite à ton exemple du chat qui semblera bien plus à la portée de tous puisque tu me mets au défit de prouver qu’on peut trouver une contradiction dialectique au sein de la proposition : « un chat engendrera toujours un chat qui engendrera toujours un chat ». Et il prétend que l’on peut parfaitement affirmer que oui sans avoir de contradiction dialectique de cette proposition puisque le « non » serait absurde… Voyons donc cela de plus près.

Je propose, au lieu d’examiner les descendants d’un chat actuel, descendants dont nous ne connaissons pas exactement l’évolution, d’examiner les ancêtres d’un chat. Seront-ils toujours des chats ? Cela dépend à quel point on remonte. Tous ceux qui reconnaissent la conception darwinienne de l’évolution des espèces auront compris où je veux en venir. Je remonte jusqu’au moment où il devient très difficile de savoir si un ancêtre de ce chat est un chat ou une espèce proche, au moment de la bifurcation entre deux ou plusieurs espèces, une transition dans l’évolution des espèces. Or, à ce moment le père d’un « chat » ou de quelque chose d’approchant n’est plus tout à fait un « chat ». Ce qui signifie que l’adage « les chiens ne donnent pas des chats » trouve sa contradiction. Mais, me direz-vous, cela n’arrive pas tous les jours sous nos yeux et les changements d’espèces comme les autres changements qualitatifs du monde qui nous entoure sont suffisamment rares et brutaux pour ne représenter qu’une fraction minime des phénomènes qui nous entourent. Et donc, on pourrait les négliger dans notre pensée sans faire de grande erreur. Ce n’est pas sûr que quelqu’un se retrouve un jour devant un changement d’espèce avec des enfants d’un chat qui ne seront plus vraiment des chats !

Cependant, nous retiendrons que la dialectique devient indispensable à chaque fois que de tels changements qualitatifs se produisent.

Est-ce que de tels changements sont courants autour de nous. On pourrait penser qu’on vit dans un univers stable, proche de l’équilibre, où ces changements sont rarissimes et donc tant pis pour la dialectique ! C’est une erreur. Les phénomènes les plus simples autour de nous comme la vie, les changements sociaux ou économiques, les changements de mœurs, etc., nous montrent que le monde est instable. Même la matière dite inerte est en permanence le siège de transformations qualitatives.

Or, dès qu’il y a une dynamique spontanée des systèmes, il y a coexistence d’états contradictoires et donc mécanisme dialectique.

Prenons un exemple de situation dynamique : les états de l’eau (gaz, liquide, solide). Généralement, l’eau existe non pas dans un seul état mais dans un composé de deux (et parfois trois états). Quand on observe une surface d’eau, on ne remarque pas qu’au dessus de la surface, il y a la vapeur et que les deux s’échangent sans cesse. On ne remarque pas non plus le nuage en formation au dessus d’une grande surface d’eau. Si on pose la question : l’eau est-elle dans un état liquide ou gaz, la réponse est sans cesse changeante. Un état se change sans cesse spontanément en son contraire. On parle de cycle de l’eau et il s’agit bel et bien d’une négation de la négation. Et ce cycle ne se contente pas d’être une répétition sans modification car les cycles de l’eau sont à la base de la transformation de la terre, des climat et de la vie…

La cellule vivante est un autre exemple d’état dynamique. Dès qu’elle nait, un processus nait en même temps selon laquelle la cellule devrait s’autodétruire et décomposant à l’intérieur tous les produits biochimiques qui pourraient être un poison pour les cellules voisines. C’est le mécanisme d’apoptose qui est général et indispensable à tout le vivant. C’est curieux de dire qu’un mécanisme de mort soit indispensable à la vie et pourtant c’est cela la base du caractère dialectique du vivant. Sans cesse, au sein de la cellule vivante, les gènes et les protéines de la mort vont combattre les gènes et les protéines de la vie. Du coup, on ne peut pas se contenter de dire que la cellule c’est la vie car c’est un combat de la vie et de la mort. C’est un équilibre instable qui entraîne le caractère dynamique du vivant. La vie et la mort ne s’opposent pas diamétralement mais dialectiquement.

La multiplication des cellules, elle-même, est un processus dialectique puisqu’une cellule doit mourir pour donner naissance à deux nouvelles cellules (méïose). C’est la multiplication cellulaire qui donne naissance à un nouvel être vivant mais ce dernier n’est pas seulement un amas de millions de cellules. Il y a un saut qualitatif dialectique. Les cellules, à force de se multiplier, échangent, se stimulent, s’éliminent mutuellement, s’organisent en se servant de l’apoptose, se spécialisent. Un être vivant n’est pas une simple somme de cellules. Il forme des tissus, des organes, des systèmes (nerveux, sanguin, respiratoire,…), des organismes spécialisés (cœur, cerveau), des liaisons intérieur/extérieur.

La contradiction dialectique est sans cesse présente dans tous ces processus. La contradiction diamétrale ne peut pas servir : elle oppose les contraires sans leur permettre de se composer.

On ne peut pas dire le corps OU le cerveau puisque les deux sont construits sans cesse en interaction et qu’il n’y a pas moyen de les séparer sans tuer l’individu.

On ne peut pas opposer diamétralement les deux hémisphères cérébraux car chacun construit des liaisons à l’intérieur de l’autre. Le langage n’est pas d’un seul côté. Le rationnel n’est pas d’un seul côté. L’imaginaire n’est pas d’un seul côté. L’inconscient ne s’exprime pas d’un seul côté, etc…

Tu affirmes qu’on doit être capable de répondre par oui ou par non aux questions scientifiques comme philosophiques, économiques ou politiques. Et pourtant, il est si important de ne jamais tomber dans le piège philosophique de la conception du « ou oui ou non »…

Bien des scientifiques, des philosophes, des économistes, des révolutionnaires sont tombés dans ce faux raisonnement :

La valeur est OU valeur d’usage OU valeur d’échange ;

Le capital est OU capital constant OU capital variable ;

L’Etat est OU ouvrier OU bourgeois.

Le syndicat est OU ouvrier OU bourgeois ;

L’homo sapiens est OU homme OU animal. Il est OU un singe OU un homme ;

Un organisme est OU inerte OU vivant ;

Une situation est OU révolutionnaire OU contre-révolutionnaire ;

Une innovation est OU un progrès OU un danger ;

Le capitalisme est historiquement OU positif OU négatif ;

La Commune de Paris de 1871 est OU un échec OU un succès historique.

Or, dans tous ces exemples, il faudrait dire que les deux opposés sont vrais en même temps et sont donc des opposés dialectiques. Cela ne veut nullement dire qu’on ne pourrait rien affirmer mais seulement que la réalité contient des aspects contradictoires. Ainsi, un Etat ouvrier, même si les travailleurs le dirigent activement par leurs conseils ouvriers, reste un Etat, c’est-à-dire un appareil placé au dessus de la société, un reste de la barbarie passée et même partiellement un Etat qui gère les inégalités, un peu un Etat bourgeois.
De même, une situation de crise aigüe de la domination des classes dirigeantes est en même temps une situation révolutionnaire et contre-révolutionnaire et la montée (ou la chute) de l’un peut provoquer la montée de l’autre.

On peut même dire qu’il est fondamentalement important de raisonner ainsi pour comprendre la dynamique de la situation.

Les opposés diamétraux ne servent qu’à justifier que la situation va se maintenir, que le monde ne va pas changer, que les classes ne vont pas entrer en action. L’opposition diamétrale, en politique, en termes de société, mais aussi en termes de sciences, est synonyme de l’inaction, de l’inexistence changements qualitatifs.

Pour la philosophie de l’opposition diamétrale, l’opposition n’est que destructrice. L’un des contraires l’emporte ou les deux se suppriment et c’est tout. Ils ne peuvent construire à eux deux un troisième terme. Il n’y a pas de monde nouveau possible, pas de dynamique produisant de la nouveauté…

Cher lecteur, tu expliquais au début que l’histoire, que la politique, que la société ne montrent jamais des exemples ou un élément se change en son contraire. Pourtant, je vais t’en citer quelques uns :

 le coup d’Etat du général d’extrême droite Kornilov est l’action qui a poussé les soviets prolétariens de Russie vers la révolution d’Octobre et la prise du pouvoir des soviets. voir ici

 le coup d’Etat fasciste de Franco s’est changé en l’action qui a provoqué la révolution prolétarienne en Espagne voir ici

 même les camps de la mort ont provoqué des actions révolutionnaires des Juifs : voir ici

Inversement, la montée révolutionnaire des masses a provoqué la réaction des classes dirigeantes.

 la montée de la révolution bourgeoise contre la féodalité, la noblesse et son appui catholique a entraîné la contre-révolution anti-protestante et notamment le massacre de la Saint-Barthélemy. voir ici

 En Italie, avec le fascisme

 En Allemagne, également le fascisme

 Au Rwanda, le génocide

 Au Chili, la dictature militaire

C’est parce qu’il est dialectique que l’univers change, qu’il a même des potentialités de changement radical. Il ne suffit pas de dire « réforme ou révolution » ou « socialisme ou barbarie ». Il ne suffit pas d’opposer le capitalisme au socialisme. Car sinon, on en reste aux déclarations et aux abstractions. On ne montre pas concrètement comment les uns entraînent les autres. Comprendre la crise actuelle, c’est montrer comment elle entraîne nécessairement révolution ou contre-révolution et que la réforme est impossible. Tous les éléments du combat font donc partie de la situation. Comprendre le capitalisme actuel, c’est aussi chercher comment il peut, en essayant de continuer à fonctionner malgré l’impasse actuelle, rendre impossible tout fonctionnement capitaliste. En effet, la recherche du profit pour tout capital privé investi impose, dans une situation de suraccumulation du capital dans la production et le commerce, un investissement massif dans la spéculation qui accroît la crise de suraccumulation. C’est l’effort de maintenir le système qui l’empêche de fonctionner et l’étouffe… Ce sont donc des contradictions dialectiques. Les Etats et les banques centrales, devant le surplus de capitaux, ne peuvent qu’augmenter les capitaux en circulation, en inondant les marchés de l’argent des banques centrales. Encore une contradiction dialectique.

Luttant pour retarder sa mort officielle, le capitalisme se tue encore plus sûrement…

L’économie n’est pas moins dialectique que le reste du monde. Le capitalisme s’est appuyé sur des valeurs d’usage pour produire des valeurs d’échange mais il développe de plus en plus de valeurs qui n’ont aucun usage comme toutes les valeurs spéculatives. C’est le capitalisme qui a développé la formation massive de plus-value issue des investissements privés dans la production de marchandises et pourtant ce qui caractérise la situation actuelle, c’est que le capital privé a intérêt à se retirer de ses investissements en capital productif. C’est le capitalisme lui-même qui scie la branche sur laquelle il est assis. Défendre le capitalisme nécessite aujourd’hui de détruire le capitalisme. C’est cette contradiction qui fait que le capitalisme est entré dans une spirale définitivement mortelle.

Les contradictions diamétrales ne peuvent nous mener à comprendre la situation. Ils nous disent « ou les riches s’enrichissent ou ils s’appauvrissent ». Et ils concluent du constat que les riches s’enrichissent que le capitalisme a de beaux jours devant lui. Contresens complet.

Les contradictions diamétrales nous disent que les banques centrales aident les riches donc que la crise est nécessitée pour justifier que les pauvres se sacrifient pour enrichir les riches. Comme si la crise du capitalisme n’était qu’un prétexte. Pour les raisonneurs diamétraux, ou le capitalisme est toujours en place ou il est mort. Ces manières de raisonner, du type « je ne crois que ce que je vois » ne permettent pas de comprendre ce qui se passe.

On ne verra l’effondrement que lorsque le système aura lancé le monde dans la guerre mondiale. Il n’attendra pas que l’effondrement économique entraîne l’effondrement social et la révolution prolétarienne.

Contradictoire est aussi la situation du prolétariat : ses principales organisations sont au service de ses pires adversaires comme l’Etat bourgeois. Syndicats et partis de gauche ne s’intéressent qu’à participer à cet Etat au service des capitalistes.

La classe la plus révolutionnaire de l’Histoire, la plus capable de changer le monde n’a pas de conscience immédiate de son rôle. Voilà encore une contradiction qui ne doit surtout pas être considérée comme diamétrale car alors cela signifierait que la défaite serait fatale….

Messages

  • « A notre époque, l’idée du développement, de l’évolution, a pénétré presque entièrement la conscience sociale, mais par d’autres voies que la philosophie de Hegel. Cependant, cette idée, telle que l’ont formulée Marx et Engels en s’appuyant sur Hegel, est beaucoup plus vaste et plus riche de contenu que l’idée courante de l’évolution. Un développement qui semble reproduire des stades déjà connus, mais sous une autre forme, à un degré plus élevé ("négation de la négation") ; un développement pour ainsi dire en spirale et non en ligne droite ; un développement par bonds, par catastrophes, par révolutions, "par solutions de continuités" ; la transformation de la quantité en qualité ; les impulsions internes du développement, provoquées par la contradiction, le choc des forces et tendances diverses agissant sur un corps donné, dans le cadre d’un phénomène donné ou au sein d’une société donnée ; l’interdépendance et la liaison étroite, indissoluble, de tous les aspects de chaque phénomène (et ces aspects, l’histoire en fait apparaître sans cesse de nouveaux), liaison qui détermine le processus universel du mouvement, processus unique, régi par des lois, tels sont certains des traits de la dialectique, en tarit que doctrine de l’évolution plus riche de contenu (que la doctrine usuelle). (Voir la lettre de Marx à Engels en date du 8 janvier 1868, où il se moque des "trichotomies rigides" de Stein, qu’il serait absurde de confondre avec la dialectique matérialiste.) »

    Lénine, dans "Karl Marx"

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