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La Grèce montre la voie… de l’impasse capitaliste

jeudi 13 juin 2013, par Robert Paris

EDITO de LA VOIX DES TRAVAILLEURS

La Grèce montre la voie… de l’impasse capitaliste

Trois mille suppressions d’emplois publics par une simple coupure de l’émetteur de la télévision et de la radio publics, voilà une démonstration du gouvernement grec qui va être méditée par les classes ouvrières de toute l’Europe. Elle signifie que désormais des emplois de fonctionnaires pourront être supprimés du jour au lendemain, que la séparation entre salariés du public et du privé a fait son temps. Elle montre également qu’un service public peut être fermé, arrêté, du jour au lendemain, y compris par un prétendu gouvernement démocratique, issu des élections et regroupant des partis de la droite et de la gauche (soutenus par la gauche de la gauche) dans un gouvernement de soi-disant unité nationale face à la crise. L’unité nationale pour faire face à la crise, c’est donc bel et bien une arme de combat contre le peuple travailleur.

Ce gouvernement qui a trouvé la force d’interdire les grèves, de casser les manifestations de manière ultra-violente et maintenant de démolir un service public, prétend qu’il n’a pas trouvé le moyen de combattre les agressions racistes et fascistes des groupes armés nazis de Grèce qui attaquent violemment des immigrés et même qui les assassinent. En quelques mois d’effondrement économique et étatique, la prétendue démocratie grecque a rebasculé violemment dans un monde qu’elle avait cru définitivement oublié depuis la dictature fasciste des colonels. Non seulement les forces de l’ordre n’ont pas bougé le petit doigt devant les agressions fascistes, mais elles sont elles-mêmes le principal centre de gangrène raciste et fasciste. Elles ont plutôt applaudi les proclamations du groupe nazi Aube Dorée et son ultimatum aux immigrés, leur enjoignant de quitter immédiatement le territoire sous peine d’être sabrés, menace qui a déjà mené au moins à un crime raciste.

L’Europe, qui a imposé à la Grèce le sauvetage des banquiers, des financiers, des bourses, de tout ceux qui avaient spéculé en Grèce, se dit impuissante face à la fermeture des média publics. La France de Hollande (comme avant celle de Sarkozy) fait partie de ces Etats qui ont imposé les sacrifices pour le peuple grec. On sait donc ce qui nous attend. Ils ne seront pas gênés de préconiser la même politique ici.

Inutile de nous tromper avec la prétention des gouvernants (là aussi Hollande aussi bien que Sarkozy) à vouloir réformer. Le peuple grec en sait quelque chose, lui qui en est à énième réforme et vient de voir que, loin de sortir du gouffre, ces réformes mènent à la destruction de toute la société, à une misère collective inconnue depuis longtemps, à des remises en question que l’on n’imaginait pas possibles.

En Grèce, tout a été remis en question en même temps : retraites, salaires, emplois, services publics, droits des chômeurs, situation des immigrés et des sans papiers, etc… Toutes ces attaques ne sont pas des dispositions isolées les unes des autres et face auxquelles on devrait réagir séparément mais une offensive d’ensemble des classes dirigeantes qui, si elles frappent davantage la Grèce, pour en faire le ballon d’essai de leurs agressions, pour mesurer localement ce qu’elles vont devoir faire partout en Europe et même dans le monde.

Nous devons en tirer des leçons, nous qui sommes appelés par les centrales syndicales à des réactions séparées, secteur par secteur, entreprise par entreprise et même site par site, le public séparément du privé comme on vient de le voir ces jours-ci avec les grèves séparées de la SNCF et des contrôleurs aériens qui seront suivies par un mouvement sur les retraites. Chaque attaque (ou prétendue réforme nouvelle) prend appui sur des défaites précédentes (d’autres réformes réalisées). L’attaque des salariés de PSA a pris appui sur la défaite des retraites de 2010 et elle sert de point d’appui à une nouvelle attaque contre les retraites par le gouvernement Hollande. De la même manière qu’en Grèce, chaque plan de réformes a été le point de départ d’une nouvelle attaque, chaque remise en cause des retraites, des salaires, des emplois, le prétexte à la casse de nouveaux services publics et d’autres destructions économiques et sociales qui, loin de redresser l’économie, la démolissent comme vient de le reconnaitre, la main sur le cœur, le FMI !

Inutile de chercher à nous rassurer en nous disant que la France n’est pas la Grèce. L’effondrement économique qui est à l’origine de tout cela n’a rien de grec. Il est mondial et touche les fondements même su système. Les gouvernants nous ont bien dit que c’est pour des raisons de « risques systémiques » qu’ils ne pouvaient se permettre de laisser une seule grande banque, une seule grande assurance, une seule bourse ou un seul trust faire faillite et devaient jeter régulièrement des centaines de milliards sur les marchés pour l’éviter. Nous sommes toujours en plein risque systémique. Ce n’est donc nullement des exagérations de la Grèce qui sont en cause. Les « exagérations » des subprimes ne sont nullement derrière nous. Elles ne concernent pas simplement d’autres pays. Ici, c’est le trust Peugeot qui place des subprimes, des titres de ses dettes. C’est aussi les trusts publics ou semi-publics EDF et SNCF qui le font, tout en s’appuyant sur leurs dettes pour s’attaquer à leurs salariés, au service public et aux usagers. Nous sommes tous dans le même bateau et il faut cesser de nous raconter qu’il s’agit de petite voie d’eau.

Le risque systémique n’est pas une récession conjoncturelle qui sera naturellement suivie d’une reprise économique. Ceux qui le prétendent ont de bonnes raisons de nous tromper pour nous faire accepter des reculs qui permettront seulement d’en faire passer d’autres et non d’éviter des effondrements graves.

La Grèce le montre bien, au bilan de toutes ces réformes, il n’y aura ni reprise ni amélioration, mais une chute sans cesse accrue.

Car le but des classes dirigeantes et des gouvernants à leur service est d’affaiblir le rapport de forces avec la classe travailleuse et, après chaque affaiblissement, de provoquer un nouvel affrontement pour mesurer jusqu’où ils peuvent aller trop loin sans prendre le risque d’incendie révolutionnaire.

Bien sûr, les dirigeants syndicaux et politiques de la gauche de la gauche peuvent prétendre qu’ils ont d’autres solutions que la destruction méthodique et organisée de toute la société. Ils prétendent relever l’économie en prenant le contrepied des politiques d’austérité. Comme si la chute du capitalisme provenait du manque d’acheteurs et pas du défaut des investisseurs privés dans tous les secteurs de production !
La prétendue compétitivité accrue causée par la destruction du salaire fixe, de la charge de travail fixe, du site fixe et de l’emploi fixe à durée déterminée ne change rien car, dès qu’une fraction de la classe ouvrière mondiale accepte des conditions dégradées, cela sert à faire pression sur les autres dans le même sens soi-disant pour rester compétitifs.

Inutile de nous leurrer : dans le cadre du capitalisme ayant atteint ses limites et en voie d’effondrement, tout ce que nous allons connaitre, ce sont des destructions sociales et économiques sans cesse accrues. Et les politiques des gouvernants seront d’autant plus violentes, comment le montre celle du gouvernement grec.

La perspective n’est pas de rester attachés au Titanic capitaliste, comme le sont les réformistes sociaux-démocrates mais aussi la gauche de la gauche et les dirigeants syndicaux de tous bords.

Seule la classe ouvrière peut offrir une autre perspective en développant des luttes sur des bases de classe, pas site par site, secteur par secteur, entreprise par entreprise, pas en laissant les classes dirigeantes mener leur politique sans s’organiser politiquement à la base.

Montrer sa colère, faire pression sur les gouvernants pour se faire entendre, on va entendre sans cesse de telles expressions qui sont parfaitement compréhensibles mais de la part des dirigeants réformistes, ce sont des buts trompeurs. Les classes dirigeantes s’en moquent de nous entendre. Elles savent déjà qu’elles vont nous mettre en colère et elles savent aussi que, tant que nous nous en tenons à vouloir leur parler, elles ne risquent rien. Tant que nous ne nous décidons pas à nous organiser en comités de travailleurs et de chômeurs en unissant public et privé, français et immigrés, avec et sans papiers, elles n’ont rien à craindre car nous ne pourrons pas les frapper. Les centrales syndicales, les classes dirigeantes le savent bien, c’est de la guimauve : même si on en entasse des tonnes, cela n’a aucune force ! Que voulez-vous qu’ils craignent d’une CFDT qui appartient au gouvernement qui mène les attaques ? Comment voulez-vous qu’ils croient à une mobilisation organisée par les centrales syndicales contre la privatisation du service public ferroviaire, alors que, derrière le nouveau secrétaire général de la CGT Lepaon, elles ont toutes voté, avec les syndicats patronaux et les représentants du gouvernement Sarkozy, son rapport qui prévoit la privatisation de la SNCF. Ce rapport, contrairement à ceux de Bianco ou d’Auxiette, elles se gardent bien d’en parler comme de la corde dans la chambre d’un pendu !

Non ! On ne pourra pas se défendre tant qu’on laissera les complices des attaques diriger nos luttes !

Discutons entre nous, assemblons-nous, constituons nos comités, l’avenir ne viendra pas d’ailleurs. Personne ne va nous sauver à notre place ! C’est aussi la leçon que nous donne la situation en Grèce qui est seulement un peu en avance sur la nôtre.

Messages

  • Après six années de dépression économique, la Grèce ne semble guère en meilleure forme à présent qu’elle aborde 2014. Les perspectives de croissance pour la nouvelle année sont effectivement toutes pessimistes et négatives alors que le P.I.B. pour 2013 est de 4% inférieur à 2012. De fait, l’économie grecque se retrouve aujourd’hui amputée de pas moins de 25% de ses richesses et de ses ressources et, ce, par rapport au démarrage de cette crise. A titre de comparaison, l’économie US avait fondu de l’ordre de 30% lors de la Grande Dépression. Cette nation subit donc une authentique dépression dont l’amplitude est proprement terrifiante puisqu’elle se traduit par un taux de chômage officiel de 27%, dont 55% chez les jeunes !

    La réalité est encore plus dramatique, puisque c’est deux grecs qui sont au chômage pour un grec qui bénéficie d’un emploi : ce ratio étant le plus élevé au monde. L’effort à fournir par les grecs devrait donc être surhumain - et inhumain - si leur ambition est d’égaler ce ratio en vigueur auprès des pays à croissance molle, comme la France.

    Le rythme de créations d’emploi devrait en effet atteindre une cadence formidable pour atteindre un ratio de 1.5, alors que les salaires en Grèce sont toujours plus élevés que dans des pays comme la Pologne et la Hongrie. Autrement dit, la Grèce ne pourra toujours pas miser sur son secteur à l’exportation pour redresser sa croissance, en dépit d’efforts de productivité intenses qui ont été consentis et malgré des salaires réels en chute libre. L’année 2014 ressemblera donc aux années précédentes, malgré les prédictions du gouvernement grec, de l’Union européenne et du F.M.I. qui - il est vrai - se trompent systématiquement depuis plusieurs années en prévoyant l’imminence d’une reprise grecque.

    Pourtant, l’économie de ce pays a changé ces deux dernières années. En effet, la Grèce affiche désormais un excédent commercial, principalement grâce à son secteur du tourisme en progression de 12% en 2013, et du fait d’un chômage massif et d’une déprime économique qui se sont logiquement traduits par un recul sensible de ses importations. Toujours est-il que la Grèce n’a plus besoin aujourd’hui d’emprunter sur les marchés comme elle n’a plus besoin de l’assistance de l’Europe pour financer ses nouvelles dépenses. En outre, après avoir réalisé quelque 110 milliards d’euros d’économies en 2012 et en 2013, le budget grec sera excédentaire dès 2014 ! Ce pays ne disposera évidemment pas de revenus suffisants pour lui permettre de s’acquitter des intérêts de sa dette phénoménale, mais il peut désormais se targuer d’être en capacité de payer ses dépenses courantes.

    En d’autres termes, ce n’est pas seulement les statistiques et les chiffres qui ont évolué. C’est l’ensemble de la donne grecque qui, aujourd’hui elle aussi, a changé. S’il est vrai que les innombrables prédictions selon lesquelles la Grèce serait chassée de l’euro en 2011 ou en 2012 ont toutes fait fausse route. S’il était littéralement impossible à ce pays de quitter la monnaie unique en 2012 ou en 2013 car il n’avait aucunement les moyens d’assurer sa subsistance. L’excédent commercial de 2013 et l’excédent budgétaire prévu cette année lui permettraient et lui donneraient tous les moyens de claquer la porte de l’euro, s’il le souhaitait. De fait, la Grèce serait aujourd’hui capable de quitter unilatéralement la monnaie unique sans être réduite à quémander pas plus l’assistance de l’Union européen que celle du F.M.I.

    Son excédent commercial l’autoriserait en effet à retrouver une drachme solide, qu’elle pourrait en outre dévaluer afin de doper ses exportations. Son gouvernement comme son ordre public ne seraient pas menacés car le pays aurait à sa disposition des fonds en quantités suffisantes pour payer ses factures. La Grèce ne ferait pas forcément défaut, puisque ses dettes pourraient être graduellement remboursées dans une drachme qu’elle serait en mesure d’imprimer en cas d’extrême urgence. Bref, une sortie grecque de l’euro serait loin de représenter une catastrophe, en tout cas pour la Grèce. Le fait est que, en ce début d’année 2014, nul ne saurait balayer d’un revers de main l’éventualité d’un « Grexit ».
    Va-t-on mettre fin à la stratégie du pire ?

    Les grecs se rebelleront-ils contre la stratégie du pire systématiquement employée par les autorités européennes, elles-mêmes sous la botte allemande ? Qui consiste à analyser la crise sous le seul prisme des déficits et à n’y remédier - en toute logique - que par l’austérité budgétaire. Qui punit par la même occasion celles et ceux qui sont le moins responsables du déclenchement de la crise, c’est-à-dire les peuples ? La technocratie européenne s’est en réalité donnée à cœur joie dans l’imposition de cette rigueur au sein des pays européens périphériques comme en France, tant et si bien que les grecs - les espagnols, les italiens, les portugais - en sont aujourd’hui au stade du questionnement existentiel. Tous ces sacrifices en valent-ils la peine ? L’Europe - cette Europe là !- en vaut-elle la peine ? Quand les seules réponses et que les seuls signaux émanant d’Allemagne et de Bruxelles se déclinent en chômage et en économies supplémentaires, lesquels ne manqueront pas de se traduire à leur tour en une radicalisation supplémentaire ?

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