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« Fleurs de Chine », roman de Wei-Wei ou la Chine racontée par les femmes

dimanche 31 mars 2013, par Robert Paris

« Fleurs de Chine », roman de Wei-Wei ou la Chine racontée par les femmes

Ce roman est la somme de seize histoires qui couvrent l’histoire de la Chine contemporaine, seize jeunes filles ou femmes, jeunes ou d’âge mur comme vieilles femmes, qui racontent ainsi la Chine de 1940 à nos jours. Histoire des femmes mais aussi histoire de toute la société. On y pénètre la vie des villages mais aussi la vie d’une participante de la longue marche, d’une victime de la « révolution culturelle », d’une participante de l’ouverture économique aux « lois du marché ». C’est la vie des femmes vue de l’intérieur par une femme puisque ce roman est en grande partie autobiographique. L’oppression des paysans et des ouvriers y est retracée mais c’est surtout le sort dramatique des femmes qui est souligné. Du patriarcat agraire à la dictature des seigneurs de guerre et à celle du Kuomintang puis celle du maoïsme et du néo-capitalisme, la situation et l’image des femmes ne se sont pas améliorées, au point qu’avec la politique de l’ « enfant unique », il y a tellement eu de disparitions artificielles de petites filles que l’équilibre filles/garçons est complètement rompu… Pour voir si le maoïsme a changé la place de la femme, il suffit de regarder une réunion des élites dirigeantes et d’y chercher les femmes…

Une autre source d’étonnement : ce roman est écrit par une chinoise mais directement en français, ce qui signifie que l’on ne rate rien de ce que l’auteur a voulu communiquer d’humour, de tendresse, de tristesse, d’amour… et tout cela ne manque pas dans ces histoires d’amours et de violences… Et c’est fondamental car la poésie est intraduisible !

Extrait :

« Reconnaissez-vous ce mur en terre jaune à demi écroulé ? Non ? Mais c’est un tronçon de la Grande Muraille ! Le plus ancien que fit élever le premier empereur des Qin, il y a plus de deux mille ans, pour empêcher la pénétration massive des peuples barbares du Nord-Ouest. Après vingt siècles de pluies et de vents, il est tombé en ruine et dans l’oubli. Par contre, les tranches de la muraille en brique et en pierre que les empereurs des Ming firent construire au XIVe siècle, près de Pékin, sont devenues un haut lieu touristique, attirant des millions de visiteurs chaque année. Nous les Chinois en sommes très fiers. Nous avons la seule construction humaine sur la Terre que les astronautes américains ont vue de la lune ! Mais si cette gigantesque muraille savait parler, elle nous dirait sa vérité : elle n’est pas ce symbole de la gloire et de la grandeur de la Chine que nous voulons tous croire, non mais le témoin d’une politique… ou d’une psychologie ? de la fermeture, de la peur des autres, du refus du monde extérieur. »

Deuxième extrait :
« Ce n’est pas du tout étonnant pour moi, cette course hystérique et nationale, à l’argent. Si la Révolution culturelle avait fait table rase de toutes les valeurs millénaires, la répression sanglante du mouvement démocratique sur la place Tian’anmen a achevé de broyer le peu de confiance que les gens avaient encore dans le Parti communiste. Plus personne ne croit maintenant à son idéal, à son idéologie, à ses belles certitudes. Comment pourrait-on croire encore à un régime qui a été capable de tant de folies meurtrières ? …. Le vide a besoin d’être comblé. Par quoi ? Le culte de l’argent. Car ça, au moins, redonne un but concret à la vie. Après ? Bah, quand on ara gagné assez de fric, quand on n’aura plus de soucis pour remplir son estomac, quand on aura un toit sur sa tête, on pensera à l’Après… S’enrichir, s’enrichir, voilà le mot qui dégouline de toutes les lèvres. Et, dans cette course forcenée à l’argent, tout est permis. Enfin presque. A condition qu’on ne dise ni ne fasse rien contre le Parti ou le régime. »

Fleurs de Chine

Wei-Wei

Editions de l’Aube (poche)

Wei-Wei a également écrit La couleur du bonheur et le Yangtsé sacrifié, tous deux aux éditions de l’Aube, poche.

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