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La révolution tunisienne à un tournant

samedi 16 février 2013, par Robert Paris

La révolution tunisienne à un tournant

Pour l’armement des travailleurs contre les bandes islamistes et la police bourgeoise !

La lutte des classes vient d’entrer dans une nouvelle phase après l’assassinat le 6 février de Chokri Belaïd, secrétaire général du « Parti des patriotes démocrates unifiés » (Watad) et l’un des porte-parole de l’opposition groupée autour du « Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution » (FP).

Depuis que la première phase de la révolution a chassé Ben Ali en janvier 2011, les capitalistes tunisiens et les bourgeoisies impérialistes ont majoritairement misé sur les islamistes du « Mouvement de la renaissance » (Ennahdha) appuyé par la monarchie du Qatar pour remplacer la dictature issue du nationalisme à la Bourguiba, pour défendre la propriété, pour reconstruire l’État bourgeois, pour faire régner l’ordre en s’appuyant sur la religion.

Au Mali, les islamistes se sont tant mis à dos la population que l’intervention impérialiste française les a chassés facilement des villes. En Égypte, le gouvernement des Frères musulmans est confronté au mécontentement populaire. Le gouvernement bourgeois de Tunisie ne dispose pas de la rente pétrolière comme le régime militaire algérien ou le régime clérical iranien. Le maintien de la propriété privée et de la domination impérialiste conduisent inévitablement à l’augmentation de la pauvreté et du chômage. En novembre et décembre, des grèves générales ont éclaté à Sned et à Siliana. Dans cette ville, les grévistes ont été attaqués par la police et les islamistes.

La responsabilité de l’assassinat politique incombe aux barbus. Chokri Belaid avait déjà été plusieurs fois la cible d’attaques de la part des bandes armées islamistes salafistes dont le 2 février lors du congrès de son parti. Les nervis des « Ligues de protection de la révolution » (sic), le bras armé de Ennhada, rivalisent avec les bandes salafistes (Hizb al Tahrir) dans les agressions contre les mausolées, les universités, les expositions, les cinémas, les cafés, les militants et les locaux des autres partis ou de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), les grévistes.

Contre ces milices fascistes qui agglomèrent des éléments du lumpen prolétariat et des anciens de la police politique de Ben Ali, plus de 40 000 personnes ont manifesté le 8 février lors des obsèques du dirigeant du Front populaire à Tunis. La foule a scandé, à l’entrée du cimetière d’El-Jellaz, où Chokri Belaïd a été inhumé, « Le peuple veut la chute du régime », « Le peuple veut une nouvelle révolution », et s’en est pris au chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi aux cris de : « Ghannouchi assassin ! ». La police a attaqué des manifestants.

Conséquence de cette réaction populaire massive, la crise politique s’est accentuée au sommet de l’État bourgeois tunisien. D’un côté, une partie d’Ennahda ralliée au Premier ministre Hamadi Jebali, estime que les rapports de forces ne lui permettent pas aujourd’hui d’aller à l’affrontement direct contre la classe ouvrière et la jeunesse. Jebali a annoncé en conséquence la dissolution du gouvernement et la formation d’un « gouvernement technique » avant de nouvelles élections. De l’autre, Ghannouchi et ses fidèles refusent cette décision et pensent venu le temps de mater le mouvement ouvrier et d’écraser la révolution.

Face à la réaction bourgeoise regroupée derrière l’islamisme, la classe ouvrière et la jeunesse tunisienne viennent de montrer leur détermination à ne pas se faire voler la révolution qu’elles ont initiée, sans les islamistes, contre le régime de Ben Ali et l’impérialisme, en particulier la bourgeoisie française, qui le soutenait. La grève générale lancée le 9 février à l’appel de plusieurs partis d’opposition et de l’UGTT a été largement suivie dans tout le pays et en particulier dans les bastions ouvriers de Sfax, Gasfa, fers de lance de la révolution où des locaux du parti Ennhada ont été pris d’assaut et incendiés par la jeunesse, les chômeurs et des travailleurs.

Mais les masses restent sans perspective propre, car l’UGTT, qui avait laissé isolées les grèves de fin 2012, s’est bornée à une grève de 24 heures et les partis ouvriers, prisonniers de l’héritage du stalinisme et du « front uni anti-impérialiste » sont incapables de tracer une voie indépendante de la bourgeoisie, qu’elle soit démocrate, cléricale ou panarabe. Ainsi, le « Parti des travailleurs tunisiens » (PTT, ex-PCOT) brandit les portraits du colonel Nasser et participe au Front populaire. Le FP est un conglomérat de partis staliniens, écologistes et nationalistes panarabes dont le programme est déterminé par l’aile bourgeoise. Il réduit l’écho de l’islamisme à un complot de l’étranger et s’oppose à la lutte des classes : « L’unité du peuple tunisien est menacée par des luttes doctrinaires artificielles, mues par des forces étrangères à travers des agents locaux, qui se cachent derrière la religion. » (Charte politique, 28 septembre).

Il est indispensable de regrouper les éléments avancés de l’UGTT, du PTT… dans un parti ouvrier, un parti qui n’ait pas peur de poser la question du pouvoir des ouvriers et des paysans, qui relie les questions démocratiques à la révolution socialiste mondiale.

Le pacifisme, la prosternation devant l’état-major de l’armée bourgeoise, les palabres sans fin avec les islamistes de la part de tous les partis dans l’Assemblée constituante désorientent la classe ouvrière, paralysent la révolution et permettent à la réaction, à l’ombre du « dialogue » et de « l’unité nationale », de regrouper ses forces et de préparer les meurtres.

Aucune participation des organisations ouvrières au « gouvernement d’union nationale » !

Contre les attaques fascistes des islamistes, milices d’autodéfense ouvrière !

Pour la laïcité, pour l’égalité des femmes, pour toutes les revendications des travailleurs des villes et des campagnes, organisation des travailleurs et des jeunes en comités de quartier, de ville, de village, d’usine, d’université !

Pour un gouvernement ouvrier et paysan, basé sur les comités et sur l’armement du peuple, qui exproprie les capitalistes pour être en mesure de répondre aux immenses besoins de la population !

Pour l’expulsion de l’impérialisme de Tunisie et de toute la région, pour la fédération socialiste du Maghreb et du Machrek !

12 février 2013

Collectif révolution permanente / Autriche, France, Pérou

Comité communiste internationaliste (trotskyste) / France

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