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L’effondrement inégal et combiné du capitalisme

jeudi 7 février 2013, par Robert Paris

L’effondrement inégal et combiné du capitalisme

On se souvient de la thèse de la révolution permanente de Léon Trotsky, dont l’un des éléments était le développement inégal et combiné, loi générale d’évolution des systèmes sociaux. Cette loi combattait la conception linéaire, continue, régulière du développement menant aux conceptions progressistes et donc réformistes. Elle signifiait que les avancées de la société humaine, loin de suivre un chemin tranquille et progressif, régulier, saute brutalement d’un niveau très retardataire au plus avancé. Les pays dits en retard peuvent plus facilement être la base d’un développement brutal et exponentiel que les anciens pays très avancés, dit cette thèse, anticipant la notion de pays émergents…

Et certains ont vu dans la mondialisation une espèce de développement inégal et combiné du capitalisme, trouvant en Chine, en Inde, au Brésil, en Russie ou en Afrique du sud de nouvelles ressources de dynamisme pour donner de l’oxygène au capitalisme. C’était effectivement une tentative pour redonner de l’oxygène au capitalisme, en bout de course en 1990. Mais la catastrophe était bien trop importante pour que la « solution » puisse durer longtemps. L’effondrement a repointé son nez en 2000, déjà… La situation a pu être retardée jusqu’en 2007 par un appel au crédit complètement invraisemblable, médicament qui a été la nouvelle source d’un autre effondrement… Depuis, il n’est même plus question de solution économique pour le système, seulement de gagner du temps sur la chute inévitable, pour profiter de ce répit momentané afin de maintenir en place le pouvoir de la classe capitaliste, ou, tout au moins, empêcher et détourner la vague montante de la révolution prolétarienne que les capitalistes savent inévitable.

Le but des classes dirigeantes est de profiter de ce temps limité pour démoraliser la classe ouvrière, détourner sa colère vers des cibles démagogiques, fascistes, fatiguer sa colère sociale, discréditer sa force sociale, ses capacités de combattre, sa confiance en elle-même. C’est une course de vitesse qui est enclenchée et nul ne peut dire qui ira plus vite de la révolution sociale ou de la contre-révolution…

En tout cas, tous les plans, toutes les interventions étatiques et des banques centrales n’ont aucun but économique. En ce sens, nous n’avons pas affaire à une crise classique qui a pour but de débarrasser les marchés des « canards boiteux » du capitalisme pour permettre un nouveau développement.

Il n’y a plus de loi des marchés qui impose à des trusts et des banques de faire faillite. Ce sont les Etats et les banques centrales qui décident qu’aucune grande entreprise capitaliste ne doit chuter. Cela, ce n’est plus de l’économie en termes capitalistes. C’est uniquement faire durer le mythe selon lequel le mort serait toujours vivant. Cela a surtout un but politique : faire durer un pouvoir politique des capitalistes qui, lui, est toujours bien vivant, avec ses forces militaires et policières en premier. Et ils veulent en profiter pour plonger le monde dans un chaos de guerres civiles, de guerres tout court dans lequel les peuples ne voient plus du tout leurs intérêts et se jettent dans les bras du pouvoir pour les sauver…

Ils comptent profiter des années qui viennent pour mettre en place ce piège, monter les peuples les uns contre les autres, préparer les fascismes et la guerre mondiale.

En même temps que l’effondrement du jeu de de cartes gagne du terrain, ils en profitent pour augmenter leurs interventions impérialistes et justifier l’état de guerre permanent aux yeux des peuples, avec le prétexte de la « guerre au terrorisme », du « soutien aux révolutions pour aider la démocratie » et autres balivernes… Les objectifs ne sont pas seulement locaux, ne sont pas que la remise en place d’une mainmise plus étroite sur les pays les plus dépendants. L’objectif général, mondial, du capitalisme est de faire entrer discrètement le monde dans la guerre générale…

La zone de déstabilisation sociale et politique du monde, la zone de guerres et de révolutions continue de s’étendre. Là où elle est passée, la situation reste confuse et est loin de s’être stabilisée. Là où elle a commencé sans vraiment éclater, rien n’est réglé non plus. Cette zone va de l’Inde, du Pakistan et de l’Afghanistan à l’Afrique noire, en passant bien sûr par le Maghreb, le monde arabe et le Moyen-Orient.

Dans toute cette zone, le discrédit des classes dirigeantes et des Etats à leur service aux yeux des masses n’a jamais atteint un tel niveau. Les milieux populaires Indiens ne croient plus en leur pouvoir ni en leur classes dirigeantes. Pas plus que ceux d’Afrique du sud, d’Algérie ou du Mali. C’est la base objective de la révolution mondiale qui peut demain emporter le pouvoir des exploiteurs….

Bien sûr, les révolutionnaires ne peuvent pas se peindre cette situation en rose car, en même temps, la compréhension de la situation par les masses va complètement à rebours. Ces dernières ne se sont jamais senties aussi faibles, aussi exploitées, méprisées, licenciées, et elles ont le sentiment d’une grande impuissance en même temps que d’une grande révolte. Cela n’a rien d’un effet du hasard. La misère, les licenciements mais surtout l’effort politique des classes dirigeantes a surtout pour but d’implanter au sein des masses toutes les formes possibles de démoralisation et de perte de confiance des travailleurs dans la perspective sociale d’avenir qu’elles représentent. Les militants révolutionnaires peuvent facilement se laisser abuser eux-mêmes par ces sentiments des masses qui vont a contrario du mouvement réel de la société.

Le développement inégal et combiné fait que les « nouveaux pays » émergents sont ceux qui étaient très en retard mais aussi que ce sont eux qui sont les bombes à retardement les plus explosives potentiellement de tout le monde capitaliste, celles où les prolétaires mènent déjà les luttes sociales les plus radicales, celles dont la déstabilisation peut mener à des avancées extraordinaires du prolétariat mondial : la Chine, l’Inde, la Russie, l’Afrique du sud, à eux seuls cumulent plus de forces explosives sur le terrain social que tout le reste de la planète….

Inégal et combiné veut donc dire aujourd’hui que ces pays combinent en même temps plus de développement récent explosif et plus de moyens explosifs sur le terrain social en vue de la destruction du système mondial d’exploitation.

La révolution prolétarienne renversant le système mondial est peut être moins que jamais dans la tête des travailleurs mais elle est plus que jamais dans la situation objective d’un système qui ne peut que retarder sa propre fin en temps que système d’investissement privé dans la production créatrice de plus-value.

Faire croire que ce système fonctionne toujours est un mensonge, à l’heure où ce sont des capitaux publics qui permettent que tous les trusts et toutes les banques n’aient pas irrémédiablement fait faillite. Cela signifie que le minimum de honnêteté nécessiterait de reconnaitre que toute l’économie mondiale est aujourd’hui étatisée et que le capital privé a disparu. La fiction ne peut pas faire renaitre le capitalisme, tout au plus préparer la contre-révolution menée par les Etats bien entendus restés au service des classes dirigeantes et qui préparent la seule perspective utile de leur point de vue : le bain de sang des prolétaires et des peuples.

Pour le moment, loin de se sentir renforcées dans leur combat, les prolétaires du monde sentent peser sur eux une situation économique, politique quand ce n’est pas militaire, plus catastrophique que jamais depuis longtemps.

Dans toutes les zones de déstabilisation, les forces qui montent semblent être des forces réactionnaires comme celles qui poussent les peuples chinois et japonais, les peuples noirs et maures, les sud-africains et les immigrés africains, etc., les uns contre les autres. L’idée même d’une force internationale unique des prolétaires du monde semble plus loin des consciences que jamais et pourtant la situation y amène irrémédiablement et les classes dirigeantes n’en ignorent rien. Justement, c’est ce mouvement qui les affole, les pousse à intervenir aux quatre coins du monde, à développer des guerres et des confrontations, à préparer les esprits à la guerre et au fascisme, sous le prétexte de protéger les peuples d’une insécurité qu’ils ont eux-mêmes produits.

Le capitalisme se transforme de plus en plus en règne de la terreur et de la contre-terreur parce qu’il veut éviter les risques mortels de la lutte des classes.

Il est inutile de verser des larmes sur l’ancienne vie plutôt acceptable dans les « paradis capitalistes » y compris pour les exploités des grandes entreprises. Cette société est inéluctablement derrière nous. Les tentatives des réformistes de tous poils de nous faire croire qu’ils vont se mobiliser pour négocier une issue pacifique sont pitoyables. La lutte des classes la plus féroce est plus que jamais d’actualité brulante et l’action directe des prolétaires politiquement organisés en comités, en conseils, en collectifs sur des bases de classe va revenir aussi inéluctablement sur le devant de la scène même si, pour le moment, personne ne peut dire si cela se produira d’abord en Chine, en Inde, en Egypte, en Algérie, en Afrique du sud, en France, aux USA ou en Russie.

Le caractère impitoyablement opposé des intérêts des capitalistes et des peuples travailleurs impose sa loi. Ses rythmes vont être différents suivant les pays, le développement inégal et combiné de l’effondrement dictant l’ordre temporel de la déstabilisation. Il ne doit pas cacher à notre vue que l’effondrement est mondial, qu’il a été marqué en 2007 par l’annonce du pourrissement irrémédiable du système au cœur même du système, aux USA…

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