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La révolution mexicaine 1911-1920

vendredi 19 mars 2010, par Robert Paris

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Emiliano Zapata

Révolutionnaire Méxicain né à San Miguel de Anenecuilco le 8 Août 1880 – mort à Chinameca le 10 Avril 1919.
Né en 1883 à San Miguel de Anenecuilco, Morelos, au sein d’une famille paysanne, il travaille comme gardien de bétail.
En 1906 il rejoint la Junte de Cuatla qui revendique pour ses travailleurs les terres communales des paysans indiens de Morelos, et qui est réprimée violemment par le gouvernement.
Fils de fermiers, la peau mate et bon cavalier, il dirige le mouvement d’occupation des terres, formé par des fermiers vêtus d’une chemise et de pantalons blancs qui, aux cris de "tierra y libertad" (terre et liberté), entrent dans les haciendas défendues par leurs propriétaires.
Après avoir obtenu leur reddition, les haciendas sont expropriées et réparties entre les paysans qui les travaillaient.
En tant que leader de la rébellion, Zapata doit se réfugier dans la montagne pendant la répression.
Il réapparaît en 1909, en étant proclamé président de la Junte de Défense des terres de Ayala, commençant de cette manière son activité révolutionnaire.
En Mars 1911 il rejoint le mouvement guérillero de Madero, renforçant le Plan de San Luis Potosí contre le dictateur Porfirio Díaz.
Le Plan Ayala prévoit la restitution des terres à la population indigène et une véritable Réforme Agraire.
Son ascension politique le conduit à prendre en charge l’organisation du mouvement révolutionnaire dans le sud du Mexique, étant nommé chef suprême du mouvement révolutionnaire de la région méridionale, puis chef maderiste de Morelos.
Après l’accession de Madero au pouvoir, Emiliano Zapata se dresse contre ce dernier en raison de son peu d’empressement à appliquer la Réforme Agraire, objectif principal de la Révolution Mexicaine.
Son dévouement pour la Réforme Agraire lui vaut aussi l’inimitié de Carranza.
L’attaque de Victoriano Huerta contre le gouvernement de Madero, qu’il fait assassiner, le pousse à s’unir avec les troupes constitutionnelles en 1913.
Un an plus tard, avec Pancho Villa et Orozco, ils signent la Convention de Aguascalientes, rejetée par Carranza, au cours de laquelle ils décident d’occuper la capitale mexicaine avec les forces conventionnelles (1914).
La force des troupes zapatistes leur permet d’occuper la capitale en deux occasions, contrôlant la moitié du territoire mexicain.
Cependant, la forte contre attaque du président Carranza et la défaite ue lui inflige Álvaro Obregón l’oblige à se retirer vers Morelos et à installer son quartier général à Tlaltizapan, conservant l’implantation du mouvemnt révolutionnaire au sud du Mexique.
Depuis son retrait, il affronte en permanence les attaques de Carranza, défendant l’instauration d’une authentique réforme agraire qui éliminera la répartition inégale des terres, et prendra en compte des droits des indigènes, modèle implanté par Zapata à Tlaltizapan.
Il crée également dans cette ville un réseau d’écoles et de services publiques.
L’accusation de Zapata envers son ancien compagnon révolutionnaire, Carranza, est rendue publique dans sa lettre ouverte de 1919 et adressée au « Citoyen Carranza », dans laquelle il l’accuse d’avoir « profité de la lutte pour son propre compte et celui de ses amis qui l’ont aidé. Puis d’avoir partagé le butin, les richesses, pour réaliser des affaires, des banquets, des fêtes somptueuses, des bacchanales et des orgies.
Puis il poursuit dans son accusation : « Vous n’avez jamais pensé que la Révolution puisse bénéficier au Peuple, aux légions d’opprimés que vous avez encouragés par vos discours ».
En réponse à cette accusation, Carranza organise un plan pour assassiner Zapata.
En 1919, il est convoqué pour un entretien politique au cours duquel un officier fédéral, Jesús Guajardo, lui offre des troupes et un appui pour sa campagne, lui donnant rendez-vous dans une hacienda située dans un territoire dominé par le général révolutionnaire.
Selon le récit d’un des témoins (un des soldats), en arrivant su le seuil, « à bout portant et sans lui donner le temps de sortir ses pistolets, les soldats qui portaient des armes ont tiré deux salves, et notre inoubliable général Zapata est tombé pour ne jamais se relever ».
Avec Zapata, à l’âge de 39 ans, s’est éteint le plus farouche défenseur des droits des indiens mexicains et de la Réforme Agraire.
Son exemple a été repris, plus récemment dans l’actualité, par le Sub Comandante Marcos à la tête de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional), qui défend les droits des indigènes du Chiapas.

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L’insurrection, le régime de Francisco Madero et sa chute (1910-1913)

Rebelles mexicains armés d’un canon en 1911
Le régime porfirien tombe en mai 1911 avec la démission et le départ en exil de Porfirio Díaz. En novembre 1910 l’insurrection démarre très lentement, et l’échec est sanglant à Puebla où les principaux conspirateurs (dont Aquiles Serdan) sont découverts et massacrés. Les premiers soulèvements ont lieu dans les régions minières du nord dans l’État de Chihuahua avec Pascual Orozco et les classes moyennes rurales, mais aussi en Basse-Californie, à Oaxaca, au Sonora et à Coahuila sous l’impulsion de guérilleros liés au Parti libéral mexicain, organisation de tendance libertaire fondée par Ricardo Flores Magón. Au printemps 1911, l’insurrection s’étend à d’autres régions, dans les États du nord et, tardivement, dans le Morelos, où se forme une armée de paysans villageois, sous la conduite d’Emiliano Zapata, un petit propriétaire, maire de son village : il soutient la cause madériste en échange de la promesse d’une réforme agraire. En mai 1911, la victoire des « révolutionnaires » est surtout due à la volonté du gouvernement de Díaz d’éviter un bain de sang : l’armée fédérale n’est pas vaincue, bien que constituée d’environ 15 000 hommes pour un pays qui compte 15 millions d’habitants sur une superficie de 2 millions de km². Cette première étape de la révolution débouche sur le renversement du gouvernement, mais n’entraine pas le bouleversement des structures du régime. L’insurrection n’a concerné que quelques régions du pays, la majorité des États n’y ont pas participé.
Le régime de Madero peut être considéré comme une « révolution démocratique ». En effet, il est élu sans difficultés en octobre 1911 ainsi que le vice-président Pino Suarez : les élections sont régulières, et la participation est assez élevée. Les dispositions libérales et démocratiques de la Constitution de 1857 s’appliquent pour la première fois pleinement : elle permet la liberté de presse et par conséquent l’apparition de nombreux nouveaux journaux, en particulier une presse d’opposition très combative. La liberté d’association permet la création de partis politiques, notamment un parti catholique (jusqu’alors interdit en raison de l’anticléricalisme officiel du régime de Díaz), mais aussi des groupes politiques réunissant les partisans de « l’ancien régime », et enfin un parti d’obédience madériste. On assiste alors à un foisonnement d’organisations syndicales dans le monde ouvrier, alors qu’elles étaient auparavant limitées par la politique autoritaire, et dans celui des artisans urbains. En particulier, la Casa del Obrero Mundial anarcho-syndicaliste (COM : « Maison de l’ouvrier mondial »), est créée à Mexico : elle lance des revendications économiques, n’effectue pas d’alliances politiques, et mène une action directe. Pour la première fois depuis 1876 (et en fait dans l’histoire du pays indépendant), des élections « effectives » et compétitives - c’est-à-dire non contrôlées entièrement par le gouvernement - ont lieu pour désigner les gouverneurs et pour élire un nouveau congrès en 1912. Celui-ci voit arriver une courte majorité de députés madéristes, et une majorité de sénateurs catholiques et conservateurs.
Très rapidement pourtant, Madero doit faire face à de nombreuses oppositions, revendications et problèmes politiques. Les partisans de l’ancien régime (à savoir les anciennes oligarchies locales, l’armée fédérale et les milieux d’affaires) sont nombreux et occupent encore des positions de pouvoir (comme gouverneurs des États, notamment). Ils craignent pour la stabilité politique du pays et organisent une opposition, laquelle se traduit notamment dans la presse par des attaques féroces contre Madero. Sur le plan social, le renversement du régime a fait naitre de nombreux espoirs : avec les organisations ouvrières, les grèves se multiplient, provoquant l’inquiétude du patronat mexicain et étranger. Dans les entreprises nord-américaines, les grèves ne sont pas exemptes d’anti-américanisme et de nationalisme : les ouvriers demandent l’égalité de salaire et l’égalité de conditions de vie avec les employés américains. Des émeutes anti-américaines ont lieu à Guadalajara en 1911. Les États-Unis, qui avaient donné l’asile politique à Madero en 1910, reconnaissent son gouvernement.
Dans le monde rural, et plus précisément dans le Morelos, Zapata et les paysans guerilleros attendent vainement que Madero tienne sa promesse de réforme agraire, c’est-à-dire rendre aux villages les terres communales usurpées par les grands propriétaires sucriers. Mais Madero est un démocrate libéral, un partisan de la propriété et de l’entreprise privée, et n’est pas un réformateur social : il compte sur la démocratisation de la vie politique pour réduire les inégalités, et entend prendre son temps pour faire voter des lois sociales. Zapata fait alors connaître le Plan d’Ayala (novembre 1911), dans lequel il méconnaît le gouvernement de Madero et réclame la réforme agraire : c’est le début de l’insurrection zapatiste, qui s’étend rapidement dans le Morelos et sur le pourtour de l’État. Or, par ailleurs, Madero n’a guère su récompenser ceux qui se sont battus au nom du Plan de San Luis Potosi. Dans le nord, un madériste de la première heure, Pascual Orozco, reprend les armes contre le gouvernement et s’allie avec les oligarques locaux, les Terrazas, qui sont des porfiristes depuis les années 1870. Ils possèdent des millions d’hectares de terres et contrôlent l’essentiel de l’économie de l’État de Chihuahua. Pour combattre les insurrections zapatiste au sud, et orozquiste au nord, Madero doit faire appel à l’armée. Or, celle-ci est porfiriste de cœur, et les généraux s’allient à Bernardo Reyes, rentré d’exil, et conspirent contre Madero. Plusieurs tentatives de coup d’État ont lieu, de la part du général Felix Díaz (neveu de Díaz), et de Fernando Reyes, mais Madero ne réagit pas.
Madero est renversé en février 1913 lors de la « décade tragique »). La montée des oppositions aboutit à une crise ouverte : en février 1913, le général Huerta (qui a mis le Morelos à feu et à sang avec la tactique de la « terre brûlée ») conduit un coup d’État sanglant à Mexico : le palais national, siège du gouvernement, est bombardé. Huerta a alors le soutien ouvert de l’ambassadeur des États-Unis à Mexico, mais pas celui du gouvernement de Washington, qui ne reconnaîtra jamais son régime, contrairement à celui de Madero. Par la suite, Francisco Madero et Pino Suarez sont arrêtés et assassinés, et Huerta prend le titre de président provisoire et instaure un régime dictatorial. Il conserve cependant le congrès en place, dont la majorité soutient le coup d’État).
Les forces révolutionnaires en guerre contre Huerta (février 1913-juillet 1914)
Le régime de Huerta n’est pas dépourvu de soutiens : les porfiristes, le parti catholique et l’Église (qui en sortira discréditée pour longtemps), l’armée fédérale, le congrès, les milieux d’affaires. Il compte revenir à « l’ancien régime » porfirien mais il est immédiatement confronté à des oppositions armées de grande ampleur : c’est la seconde étape de la révolution. Il n’a pas non plus la sympathie des Etats_Unis car il favorise les investisseurs européens.
Dès lors commence l’insurrection zapatiste. Déjà engagés dans la guerre contre l’armée fédérale, les paysans du Morelos poursuivent le combat contre le régime de Huerta. Les armées zapatistes sont celles de paysans-soldats, organisées en groupes de guerilleros issus d’un même village et conduits par un des leurs. Ils connaissent le terrain et comptent sur l’appui de la population. L’armée zapatiste n’a jamais été centralisée, et les unités agissent de manière autonome. En mars 1911 Madero fait parvenir à Zapata sa nomination au grade de général par l’intermédiaire de Juan Andrew Almazan plus tarde il le confirmera à ce grade dans son discours du 18 août 1911 à Cuautla le nommant "son plus cher général". Zapata a su s’entourer d’instituteurs, de curés, et plus tard d’intellectuels anarchistes (dont Otilio Montano qui plus tard (1917) complotera contre lui et qu’il fera fusiller) dont le mot d’ordre est : « Tierra y libertad » (« Terre et liberté ») qui cependant n’est pas celui de Zapata ni celui du plan d’Ayala qui est "Reforma, Libertad, Justicia y Ley" (Réforme, Liberté Justice et Loi). Si la révolution mexicaine est une révolution agraire, c’est surtout dans au su de Mexico : les zapatistes remportent des victoires et activent l’insurrection dans les États environnants, ruraux comme le petit Etat de Morelos. Ce que les paysans appellent « réforme agraire », c’est la restitution des terres communales usurpées par les haciendas sucrières. Ils ne réclament pas la suppression de la grande propriété privée, mais une coexistence avec elle selon les modalités traditionnelles.
La révolution « constitutionnaliste » se produit dans le nord, plus moderne et plus dynamique sur le plan économique et social, que le vieux sud rural et indien. Le chef des « constitutionnalistes » est Venustiano Carranza, grand propriétaire foncier du Coahuila (ancien sénateur porfirien, madériste en 1911). Au nom du respect de la constitution de 1857, il méconnaît le gouvernement de Huerta en proposant le Plan de Guadalupe, mars 1913) et se proclame « Primer Jefe » (« commandant en chef ») de l’armée constitutionnaliste ; il agit comme le président intérimaire légitime de la république et constituera, peu à peu, un gouvernement. L’armée constitutionnaliste est, en réalité, à construire. Carranza fait alliance avec le gouverneur de l’État du Sonora, état dans lequel se constitue l’essentiel de l’armée constitutionnaliste : il s’agit de milices disciplinées et professionnelles, dont les soldats sont rémunérés, équipées d’armes achetées aux États-Unis. Le recrutement est effectué parmi les ruraux et les milieux urbains. Les soldats sont davantage des mercenaires que des révolutionnaires, et n’ont pas d’idéologie bien définie. Un commerçant aisé et madériste de la première heure, Alvaro Obregón, sera le génie militaire de l’armée constitutionnaliste. Plutarco Elías Calles, ancien instituteur, férocement anti-clérical, sera l’un de ses chefs politiques.
Pancho Villa, Madériste de la première heure, restera toujours fidèle à Madero. C’est d’ailleurs son assassinat qui provoque le retour aux armes de Villa : en quelques années, il constitue une armée, la « Division du Nord », qui atteindra 40 000 hommes en 1914 et devient la plus grande force militaire de la révolution. L’armée est bien organisée et commandée par un ancien officier de l’armée fédérale et les soldats sont bien payés. En effet, Pancho Villa confisque les haciendas des Terrazas au Chihuahua, non pas pour faire la « réforme agraire », mais pour financer son armée et acheter des armes aux États-Unis et pour distribuer la terre, par la suite, aux anciens combattants, il payait ses troupes avec des pesos en argent contrairement aux aux autres qui ne payaient qu’avec du papier. L’armée utilise le chemin de fer pour se déplacer, et dispose d’une redoutable cavalerie. Pancho Villa fut un chef très populaire, jouissant de l’aide et de la sympathie des USA qui iront jusqu’à filmer ses campagnes et les prjeter dans tous les inémas du pays, disposant d’une grande autorité sur les hommes, et fit très souvent exécuter les prisonniers. Le villisme n’a pas non plus d’idéologie bien définie, ni de programme : il est anti-porfiriste, et revendique la « justice sociale ».
On peut aussi noter d’autres soulèvements locaux, à savoir dans les milieux ruraux autour de caciques, comme par exemple dans l’État de San Luis Potosí, et ce plutôt par souci d’autodéfense face aux exactions des troupes fédérales ou révolutionnaires.
La conjonction de ces trois forces (zapatiste, constitutionnaliste, villiste), qui agissent indépendamment les unes des autres (en effet, ni Villa ni Zapata n’ont reconnu le pouvoir de Carranza comme « Chef » de la révolution) vient à bout de l’armée fédérale, qui sort détruite de la guerre civile. En juillet 1914, Huerta quitte le pouvoir et s’exile aux États-Unis. Inquiet de la guerre civile au Mexique, le gouvernement américain a envoyé une flotte de guerre devant le port de Veracruz, au printemps 1914, pour intimider Huerta qui favorisait les capitalistes européens... L’intervention a provoqué une poussée de nationalisme et d’antiaméricanisme, qui produit l’inverse de l’effet recherché, c’est-à-dire un regain de soutien pour Huerta mais qui ne durera pas.
La guerre civile entre révolutionnaires (1914-1917)
Une fois atteint l’objectif commun, c’est-à-dire le renversement de Huerta, les révolutionnaires se divisent. Il s’ensuit une guerre civile d’une rare violence, qui oppose les constitutionnalistes aux armées villistes et zapatistes. Les constitutionnalistes en 1914 n’étant pas les plus forts militairement, les troupes villistes et zapatistes entrent dans Mexico en décembre 1914. Villa et Zapata posent devant les photographes, tour à tour assis sur le siège présidentiel. Villistes et zapatistes convoquent la Convention d’Aguascalientes (1914-1915), à laquelle les carrancistes (ou constitutionnalistes) refusent d’envoyer des députés. L’assemblée n’est composée que de chefs militaires et de quelques civils zapatistes qui prônent une réforme agraire radicale. Il apparaît très vite que la Convention est incapable de formuler un projet politique capable de ramener la paix dans le pays. Ni les villistes ni les zapatistes n’ont une vision nationale : c’est le sort du Morelos ou du Chihuahua qui les intéresse. Les constitutionnalistes ont, eux, clairement, un projet national : rétablir l’ordre constitutionnel, mais ils doivent élargir leurs alliances. C’est pourquoi Carranza promulgue une première loi de réforme agraire, en 1915 (qui ne sera pas appliquée), répondant plus ou moins au demandes des zapatistes. Obregón passe aussi une alliance avec la Casa del obrero Mundial, contre promesse d’une législation sociale favorable aux ouvriers. La Casa forme les « Bataillons rouges », des milices ouvrières qui partent en particulier combattre les zapatistes. Des alliances locales se créent aussi entre d’autres chefs constitutionnalistes, avec des organisations ouvrières ou paysannes. Parallèlement le « génie militaire » d’Obregón fait merveille : il remporte une série de victoires sur les villistes, et la División del Norte doit se replier vers le nord et dans l’État de Chihuahua ; ces défaites entraînent de nombreuses désertions. En 1916, les zapatistes dans le Morelos et les villistes dans le Chihuahua poursuivent des guerillas sanglantes, mais ils ne sortiront plus de leur zone initiale d’influence. Les constitutionnalistes ont gagné, Carranza convoque un congrès constituant qui se réunit en décembre 1916 dans la ville de Querétaro.

Extrait de wikipedia

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Le processus de là révolution mexicaine présente des caractéristiques idéologiques difficiles à classer et très complexes, comme on peut le supposer d’un peuple sortant d’une longue période de colonialisme esclavagiste et qui a reçu l’impact des nouvelles idées d’émancipation et de justice projetées depuis l’Europe et reflétées ici par ses penseurs et sociologues les plus clairvoyants., Vers le milieu du XIXè. siècle, les idées de Fourrier et Proudhon trouvèrent écho chez des personnes comme Ignacio Ramirez et Melchor Ocampo (ce dernier en vint à traduire quelques oeuvres de Proudhon), qui s’efforçaient de faire connaître ces idées au peuple pour ce qu’elles. signifiaient d’espérance et de moyens vers la conquête de son émancipation intégrale. A l’opposé, le régime politique dans lequel le Mexique vivait, était pratiquement dictatorial, surtout depuis la mort de Benito Juàrez, survenue en 1872, époque à laquelle la présidence de la République est occupée par Sebastiàn Lerdo de Tefada, élu pour la période 1873-1876, à la fin de laquelle il sera réélu. En 1884, le général Porfirio Diaz conquiert la présidence de la République pour la seconde fois et ne la quittera pas avant 1911, date à laquelle la Révolution le met en déroute. Ce gouvernement qui dura 30 ans vit se dérouler sept élections : 1877-1880 (de 1880 à 1884, le général Manuel Gonzàlez assuma la présidence), 1884-1888, 1888-1892, 1892-1896, 18961900, 1900-1904, 1904-1910, et en 1910, on le déclara élu pour la période 1910-1916. Durant ces trente ans, le gouvernement de Porfirio Diaz s’employa à " pacifier " la république en employant une poigne de fer contre le petit peuple, en aidant au développement matériel dans le but de fortifier les grands propriétaires et le clergé, et finalement. les grands capitalistes qui entreprenaient la formation d’une industrie débutante.

La révolution
En pleine domination porfiriste, le 7 août 1900, paraît le journal Regeneration fondé par R. Florès Magôn, dans lequel on combat la dictature porfiriste et propage des idées très proches des conceptions anarchistes et révolutionnaires. Le 30 du même mois, un groupe de libéraux, dirigés par l’ingénieur Camilo Arriaga, lance un manifeste pressant le peuple mexicain à former le Mouvement Libéral mexicain et dès lors, avec l’apparition des frères Flores Magôn (parmi lesquels se distinguait Ricardo), de Pràxedes Guerrero, Librado Rivera, et d’une pléiade de lutteurs, anarchistes, la lutte contre la dictature porfiriste ne connut plus de trêves ; les publications, les manifestes, les emprisonnements et les faits sanglants se succédèrent, tel le massacre de Cananea, où les sbires des compagnies minières de la région mirent à mort plus de cent travailleurs, ceux de Rio Blanco et de Veracruz qui suscitèrent une haine croissante contre la tyrannie et un sentiment révolutionnaire chaque fois plus intense, qui allait en s’étendant dans tout le pays. Parallèlement à ce mouvement révolutionnaire,surgit un mouvement politique anti-porfiriste, dominé par Francisco I. Madoro, qui, en 1908, publia un livre contre la réélection.
Le 4 octobre 1910, Porfirio Diaz est réélu président pour la période de 1910 à 1916. Madero lance le plan de San-Luis (en date du 5 octobre) déclarant nulles... ces élections et proclamant la non-réélection comme loi suprême, en même temps qu’un appel aux armes, fixant au 20 novembre un soulèvement général. A cette date éclate la révolution à Puebla et à Chihuahua. En Basse-Californie, Ricardo Flores Magôn se soulève et s’empare provisoirement de Mexicali. Six mois après le soulèvement du 20 novembre Porfirio Diaz est vaincu.
On signe le 21 mai 1911 l’accord de Ciudad Juarez. Le vieux dictateur, maître absolu du Mexique durant trente ans, part pour l’Europe.
Madero entre à Mexico le 7 juin. Il est élu président en octobre et prend possession de ses fonctions le 6 novembre. En. moins d’un an, la rébellion servit de tremplin à Madero pour s’élever jusqu’à la présidence. Madero, qui n’était pas un vrai révolutionnaire, mais un bourgeois libéral assez modéré et propriétaire terrien, s’engagea dans la tâche impossible de détruire la tradition gouvernementale porfiriste viciée, avec les éléments mêmes qui la composaient et qui en avaient : profité. Et en réalité, même s’il avait appelé ’à son cabinet des ministres plus radicaux que ceux qu’il avait choisis, la situation n’aurait pas été substantiellement modifiée, car les nécessités étaient beaucoup plus profondes.
Madero n’ébaucha même pas les profonds changements que l’on espérait d’une révolution tant désirée et aux racines si radicales. Les révolutionnaires qui exigeaient l’accomplissement des demandes de la révolution pour ce qui était des véritables transformations sociales, finirent par prendre les armes.
C’est ainsi que le fit Emiliano Zapata dans le sud de la République et le 28 novembre 1911, il expédia le plan d’Ayala. De même, Pascual Orozco, dans le nord, lança le 25 mars 1912 le plan de Chihuahua. Zapata, avec le drapeau Tierra y Liberta (Terre et Liberté), et en relations avec le mouvement Magoniste (relations niées par quelques historiens), représentait le désir de la Terre exprimé par les dépossédés tout au long de l’histoire mexicaine. Par héritage ancestral, sa famille était dépositaire des désirs revendicatifs des communautés indigènes de sa région et jouissait de l’adhésion quasi religieuse des multitudes paysannes du sud.
Les réactionnaires se levèrent aussi contre Madero, et le général Bernardo Reyes se joignit à la révolte avec quelques éléments, confiant dans le fait que les partisans qu’il eut en d’autres temps le suivraient. Mais il échoua et se livra à Linares (Nuevo Leôn), le 25 décembre 1911 et fut emmené à la capitale pour être enfermé dans la prison militaire de Santiago Tlaltelolco. De même, Félix Diaz, neveu du dictateur Porfirio Diaz, se souleva à Veracruz, le 16 octobre 1912, et au bout d’une semaine tomba au pouvoir du général Beltràn et fut transporté à la prison de Santiago Tlaltelolco. Pendant ce temps, en plein développement de la révolution, les éléments avancés des forces ouvrières de la capitale fondèrent, le là juillet 1912, la Maison de l’Ouvrier Mondial, où se formèrent les célèbres bataillons rouges dans lesquels intervinrent quelques éléments anarchistes. Mais ni la Maison de l’Ouvrier Mondial, ni les bataillons rouges ne purent donner à la révolution une orientation proprement socialiste ou anarchiste.
La décade tragique
Après quinze mois de gouvernement madériste, les divers mouvements armés qui prétendaient radicaliser la révolution, et l’opposition constante des forces réactionnaires créèrent un climat propre à un soulèvement dans la ville même de Mexico. Le dimanche 9 février 1913, à l’aube, les forces d’artillerie de Tacubaya et les jeunes militaires de l’Ecole des Aspirants de Tiaipan arrivèrent à la ville et ouvrirent les portes de la prison de Santiago Tlaltelolco aux généraux Bernardo Reyes et Félix Diaz qui, accompagnés de Manuel Mondragôn, se dirigèrent vers le palais national, en pensant qu’il était déjà entre les mains des forces insurrectionnelles. Mais le général Lauro Villar, qui avait réussi à maintenir le palais en son pouvoir, reçut avec une décharge les insurgés qui avançaient sûrs et confiants sur la place de la Constitution. Le général Bernardo Reyes fut tué et ses alliés Félix Diaz et Manuel Mondragôn fuirent et se réfugièrent dans la citadelle.
Alors commença la Décade tragique, épisode qui opposa durant 10 jours les forces du gouvernement qui avaient comme centre d’opérations le Palais national et les forces réactionnaires qui s’étaient retranchées dans la citadelle. Le président Madero surveilla personnellement les opérations pour étouffer la rébellion et donna le commandement des troupes au général Victoriano Huerta qui avait déjà vaincu, le rebelle Pascual Orozco à la bataille historique de Bachimba. Mais Huerta trahissait le gouvernement et. une. semaine après, le 21 février, il faisait prisonnier le président Madero et le vice-président Pino Suàrez qui, le jour suivant, sous prétexte qu’ils essayaient de fuir pendant leur transfert en prison, furent assassinés.
La révolte renaît
Après avoir assassiné Madero, le général Huerta s’empara de la présidence pour rétablir la vieille politique, implantant, une dictature de type porfiriste. Mais les assassinats de Madero et de Pino Suàrez indignèrent et émurent le pays. Le 8 mai 1913, Ignacio L. Pasqueira, gouverneur de l’Etat de Sonora, renie Huerta, et nomme le général Alvaro Obregôn, qui avait déjà ; combattu contre Pascual Orozco, chef de la section de guerre. Au même moment, Venustiano Carranza, ancien gouverneur de l’état de Coahuila, lance le 26 mars son plan de Guadalupe, en reniant aussi Huerta et en appelant le pays à prendre les armes, en même temps qu’il déclarait assumer la charge de premier chef de l’armée constitutionnaliste.
Alors commence une lutte féroce entre l’aimée fédérale au service de Huerta et les divers contingents révolutionnaires, formés de la façon la plus bigarrée et la plus hétérogène. Voyant sa déroute imminente, Victoriano Huerta abdiquait le 15 juillet 1914 et quittait le pays. Durant cet inter-règne intervient le gouvernement des U. S. A., tout d’abord par l’intermédiaire de son ambassadeur à Mexico, Henry Lane, et ensuite, par désir express de Woodrow Wilson, récemment nommé président des U. S. A. Henry Lane, ami personnel de Porfirio Dlaz, qu’il connut dans la splendeur des fêtes du centenaire de l’indépendance était ennemi de la révolution et durant la Décade tragique, il fit tout. ce qui était en son pouvoir pour le triomphe de la cause de la réaction.
Woodrow Wilson voyait avec plus de sympathie le mouvement révolutionnaire et se déclara ennemi de Huerta. Il intervint alors dans la lutte en ’ordonnant l’occupation du port de Veracruz par les forces de la marine de guerre nord-américaine, dans le but d’empêcher que Huerta ne reçoive un chargement d’armes que lui apportait le bateau à vapeur allemand Ipiranga. Mais la réaction du peuple mexicain fut de refuser cette occupation et les forces nord-américaines rencontrèrent une résistance et entamèrent une lutte dans laquelle moururent quelques militaires et civils qui opposèrent une vaillante résistance à une occupation qui, finalement, eut lieu.
Les groupes révolutionnaires qui se multipliaient dans tout le pays, eurent trois principaux pôles d’attraction : Emiliano Zapata, Francisco Villa, et Venustiano Carranza.
Emiliano Zapata représentait les désirs de revendication agraire, généreux et qu’on ne pouvait facilement émouvoir, guidé par des idéaux un peu confus, mais avec de vigoureux principes libertaires et justicialistes, il se concentra dans la zone de l’Etat de Morelos, rendant propice de tous côtés la répartition de la terre aux paysans.
Francisco Villa, guerillero audacieux et téméraire, sans pitié et presque toujours brutal, qui mit une note d’agressivité et d’enthousiasme dans la lutte contre Huerta, ne faisait pas reposer son action sur dés idéaux concrets et définis de justice sociale, mais la projetait principalement vers la vengeance contre les puissants qui maintenaient le peuple mexicain dans la misère et l’ignorance. Dans l’action de Villa, pleine de génie et de valeur, il manquait le désir qui s’ébauchait dans la lutte de Zapata. Venustiano Carranza, premier chef de l’armée constitutionnelle, homme énergique, put compter sur des collaborateurs capables pour planifier et établir un gouvernement. Avec quelques variantes, c’était le continuateur des idéaux démocratiques, libéraux et bourgeois de Madero. Quand, le 14 juillet 1914, Huerta renonçait et quittait le pays, la révolution avait triomphé pour la seconde fois. Il ne restait qu’à consolider ce triomphe cimenté par le sang.
Le manque d’idéaux à véritable contenu social et l’influence ancestrale de la politique de soumission au chef requerraient impérieusement une dictature pour stabiliser la révolution.
Lequel des trois chefs révolutionnaires assumerait cette dictature ?

Les luttes internes de la révolution
Même si la Convention convoquée par Carranza ne fut suivie d’aucun résultat positif, l’idée d’une convention prévalut et celle-ci fut à nouveau remise, mais cette fois-ci à Aguascalientes, dans la région controlée par Francisco Villa. Carranza craignant un mauvais tour de la part de Villa ne voulut pas y assister et la Convention résolut les problèmes du mieux qu’elle put, même si les problèmes restèrent sans résultat.
La Convention suspendit Carranza comme chef de l’exécutif, nommant à cette charge le général Eulalio Gutiérrez. Elle destitua Pancho Villa de sa fonction de chef de la fameuse division du nord, l’armée avec laquelle il réalisa ses exploits légendaires. Mais ces mesures ne menèrent à rien, et les deux Conventions qui continuèrent à fonctionner durant quelques mois réussirent seulement à prouver que la rivalité entre les trois chefs ne pourrait se régler que par la voix des armes.
En décembre 1914, le gouvernement de la Convention que coiffe Eulalio Gutiérrez arrive dans la ville de Mexico, et en janvier 1915, commencent les Campagnes de l’armée constitutionnaliste de Venustiano carranza pour récupérer le terrain perdu. La lutte reprend et les groupes révolutionnaires qui s’étaient dispersés dans tout le pays durant le bref laps de temps que dura la paix se trouvèrent dans l’alternative de s’unir avec Villa ou Carranza (les armées de Zapata, unies par un idéal plus défini, continuèrent toujours à soutenir le romantique général Suriano) .
En juillet 1915, les forces carrancistes occupèrent Aguascalientes, San Luis Potosi, Zacatecas et Querétaro ; le 2 août, elles s’emparèrent de la ville de Mexico et en septembre de Saltitto et de Torreôn. En octobre, Carranza transporte son gouvernement de Veracruz à Mexico, et le 19 du même mois, Woodrow Wilson, après avoir pris le pouls de la situation mexicaine par l’intermédiaire de ses agents personnels, reconnut le gouvernement de Carranza comme gouvernement de fait. Les principaux pays d’Amérique du Sud en firent autant au même moment.
Pour mettre fin à la lutte, les U.S.A, décrétèrent l’embargo sur les armes à destination du Mexique avec toutefois une exception pour celles destinées au gouvernement reconnu. Dans ces conditions, la situation de Villa empira de semaine en semaine.
En octobre, il perd le port de Guaymas, en novembre, il est repoussé à Agua Prieta et à Hermosillo et battu à San Jacinto (province de Sonora). En janvier 1916, désespéré et sans possibilité de triompher, Villa est une bête sauvage, cernée et enragée. Il accuse, non sans raisons, les U. S. A. d’avoir contribué en grande partie à cette situation désastreuse, il veut se venger et en janvier 1916, il arrête un train dans la gare de Santa Isabel (Chihuahua) et fusille quinze nord-américains qui s’y trouvent ; le 8 mars suivant, il entre dans la ville de Colombus aux U. S. A. (dans l’Etat du Nouveau-Mexique), tue quatorze nord-américains et incendie entièrement deux pâtés de maisons. Comme on peut le supposer l’indignation aux U. S. A. fut énorme.
Bon nombre demandèrent l’invasion immédiate du Mexique, mais Wilson trouva le moyen de satisfaire en partie ces demandes en envoyant une expédition punitive qui, on doit le reconnaître, n’exerça pas de représailles contre le Mexique, mais se consacra uniquement à poursuivre Villa, qu’elle ne put d’ailleurs pas trouver.
En avril 1919, les forces de Carranza assassinèrent Emiliano Zapata, en se servant d’un traître rusé. Les forces que dirigeait la victime se trouvèrent désorientées et se soumirent passivement au développement postérieur de la révolution. Mais on trouvait toujours, ayant pris les armes : Villa, Pelàez, Félix Diaz et Almazàn et un climat de haine et de mécontentement imprégnait tout le pays.
La véritable phase sociale et revendicative qui avait pu se manifester dans la révolution était terminée et la lutte se polarisa dans des personnes et des problèmes exclusivement politiques.
A l’approche des élections présidentielles pour la période 1920-1924, Carranza appuya Ignacio Bonillas, ambassadeur du Mexique à Washington, à la place d’Alvaro Obregôn qui, en juin 1919, accepta depuis Sonora sa candidature. Carranza envoyait alors des troupes à Sonora, foyer de l’obregonisme et Obregôn, qui avait vaincu Villa au profit de Carranza, renia ce dernier et se découvrit en envoyant son plan de Agua Prieta. Obregôn nomme Plutarco Elias Calles chef de ses troupes et celles-ci envahissent Sinaloa et occupent Culiacàn.
La rébellion se propage rapidement et les Etats de Guerrero, Michoacàn, Zacatecas et Tabasco s’y rallient. Le 7 mai, Carranza et ses ministres abandonnent la ville de Mexico dans laquelle, deux jours après, entrera Obregôn. Sur la route de Veracruz, la suite de Carranza est surprise.
Celui-ci est assassiné à Tlaxcalaltongo le 21 mai 1920.
Adolfo de la Huerta est nommé président provisoire et aux élections du 5 septembre Obregôn est élu président pour ta période 1920-1924.
La révolution mexicaine fut le premier grand événement révolutionnaire de ce siècle et son, impact eut des répercussions sur la conscience du monde occidental, où les idéaux du socialisme avaient puissamment germé à travers les semailles d’idées et l’arrosage de sang si prodigue durant les trente années qui précédèrent cette révolution, dans laquelle " Terre et Liberté " fut la devise de ses contingents les plus sains et les plus forts.
B. Cano Ruiz
traduit de " Tierra y Libertad " Novembre 1973

Messages

  • Bonjour,
    je vous transmet un article sur la situation sociale à Oaxaca.
    Les professeurs de Oaxaca de nouveau en lutte
    09-09-2009

    Les barricades et les actions contre l’Etat néolibéral d’Ulises Ruiz Ortiz refont surface depuis quelques jours dans la région de Oaxaca au Mexique après l’assassinat, vendredi 28 août, d’un professeur membre du très combatif syndicat démocratique des enseignants de Oaxaca (dénommée « section XXII »), à l’origine de la révolte populaire de 2006.

    Dans un contexte de rentrée scolaire, l’assemblée des professeurs de cette section XXII a annoncé trois jours de grève pour protester contre cet assassinat qui a eu lieu lors d’une tentative de « prise d’école » par les enseignants organisés. En effet, depuis le début des années 1980, et surtout depuis la grande grève de 2006, les professeurs organisés sont l’objet d’agressions, d’assassinats (100 depuis le début des années 1980) et de disparitions. Une des formes de répression également très en vogue, surtout depuis 2006, consiste pour l’Etat à attribuer les postes laissés vacants temporairement par les grévistes à des personnes conformes aux intérêts du gouverneur, personnes qui pour la plupart n’ont aucun lien avec l’éducation ou l’enseignement.

    Un professeur de la section XXII de Huautla, dans le nord de Oaxaca, évoque le terme de « crime professionnel » dont l’objectif est de démanteler l’organisation des professeurs à Oaxaca. Ces derniers se mobilisent sans cesse depuis 2006 pour, en autres, retrouver leur poste. En théorie, un accord a été signé en janvier 2009 entre les gouvernements fédéral, régional et local pour que chaque professeur gréviste puisse retrouver son poste mais l’accord n’a pas été respecté, d’où la nécessité pour ces professeurs de « reprendre » leur école lors d’actions concertées en assemblées avec les parents et parfois les autorités locales.

    Les trois jours de grève décrétés il y a un peu moins d’une semaine par la section XXII se sont traduits dans toute la région de Oaxaca par des assemblées, bloquages de rues et manifestations. A l’heure où nous écrivons cet article, les principales artères de la ville de Oaxaca sont bloquées, ainsi que celles des autres villes de l’état. Les enseignants sont fermement décidés à se faire entendre, à ne pas accepter les réformes libérales éducatives qui voient le jour dans les hautes sphères de l’Etat et qui ont pour propos, comme partout dans les pays capitalistes, d’adapter les programmes éducatifs aux besoins du marché.

    UNE NOUVELLE EDUCATION

    La section XXII refuse catégoriquement toutes ces réformes et ne reste pas dans la contestation mais dicte et met en place de réelles propositions pour donner une alternative concrète à l’ACE (Accord pour la Qualité de l’Enseignement), qui a été signé entre le gouvernement et Elba Esther Gordillo, présidente du syndicat national des travailleurs de l’éducation, connue pour ses pratiques de clientélisme et de répression envers les enseignants organisés).

    La section XXII a rédigé un programme éducatif qui se développe ainsi :

     Sur l’évaluation des enseignants. La section XXII propose d’autres formes d’évaluation du travail de l’enseignant pour contrer celle du gouvernement qui tend a créer une hiérarchie salariale entre les « bons » et « mauvais » professeurs, ceci pour mieux les diviser. De plus cette évaluation est faite par des entreprises privées et n’est donc pas toujours partiale. Pour la section XXII, l’évaluation doit permettre à chaque professeur de progresser dans son métier, de le faire réfléchir sur sa façon d’enseigner et de pouvoir l’améliorer ; ainsi les élèves seront, comme il se doit, les premiers bénéficiaires de ce système.

     Sur la formation des professeurs. Dans cette même voie, la section XXII invite aussi à revoir la formation des maîtres. Celle-ci reste trés inégalitaire selon les différentes écoles de formation. Cela fait que certains n’arrivent pas à obtenir le diplôme final ou s’ils l’obtiennent, ont dû mal à répondre aux exigences de l’évaluation en cours de carrière. La section XXII demande donc une formation de qualité pour tou-te-s et propose de compléter celle-ci par des ateliers comme formation continue. Le mouvement de 2006 à Oaxaca a créé de nouvelles approches pédagogiques inspirées du pédagogue brésilien Paolo Freire. Le syndicat souhaiterait que ces écoles soient reconnues et respectées et non pas, comme nous le disions plus haut, attribuées aux professeurs « du gouvernement » dès qu’une grève éclate.

     Une éducation respectueuse de la diversité culturelle. Dans leur programme est prise aussi en compte la grande diversité culturelle de la région de Oaxaca où sont parlées plus de seize langues. La section XXII est contre une éducation homogène qui ne correspond pas à la réalité du Mexique. Elle pense que chaque école et chaque maître devraient pouvoir adapter son enseignement aux besoins de son public. Elle veut revaloriser et développer la richesse culturelle que possède son pays. Elle soutient par exemple des événements culturels comme la Guelaguetza populaire et en défend sa gratuité.

     Sur la question des infrastructures. Enfin, la section XXII insiste aussi dans son programme sur la nécessité d’un budget réservé à la maintenance des infrastructures et à l’achat de matériel avec lequel les enseignants et les élèves travaillent. Certaines écoles se détériorent et n’ont pas été restaurées depuis de nombreuses années. De plus dans de nombreuses écoles, les enseignants écrivent encore à la main sur chaque cahier d’élèves les exercices à réaliser.

    Ce programme de la section XXII n’en reste pas au stade de propositions mais est mis en place directement dans les écoles. En cela les enseignants gardent encore une certaine autonomie mais celle-ci reste à défendre car elle est en danger si les moyens viennent à manquer et surtout si les maîtres de la section XXII sont remplacés par les pions du gouvernement, plus dociles et qui n’ont pas la même vocation. En effet, on reste émerveillé devant la dévotion des maîtres de Oaxaca qui ont compris l’importance de former les futures générations et qui veulent le faire du mieux possible car ils ont conscience que c’est elles qui portent l’espoir des futurs changements.

  • D’autres nouvelles d’Oaxaca

    Oaxaca : APPO ?... APPO ?... Quelle APPO ?
    29-09-2009
    Le sang coule encore à Oaxaca. L’incident à San Pedro Jicayán, une agression de membres du PRI contre des maîtres de la 22e section [du Syndicat national des travailleurs de l’éducation, SNTE] a mis l’indignation à fleur de peau, et on a vu à nouveau des manifestations et des barricades pour défier l’impunité, la répression, la destruction systématique de l’état de droit. Sur le papier, cette manche a été gagnée. Trahissant les siens, le gouvernement [de l’État] rendra 58 écoles à la 22e section, délivrera des mandats d’arrêt contre les agresseurs et décrétera la disparition des pouvoirs dans les municipalités concernées.

    Tout cela est l’expression de la normalité nationale. Le jeu de dupes continue, l’hypothèse qui résoudrait la prétendue énigme de la permanence d’Ulises Ruiz au pouvoir. Plusieurs gouverneurs et Felipe Calderón lui-même doivent être en train de se dire : s’il a été possible de soutenir l’imprésentable Ulises, en serrant les rangs autour de lui, pourquoi pas moi ?

    Rien de tout cela n’est une nouveauté. Mais l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), qu’est-ce qui se passe avec l’APPO ? Quelle APPO est à nouveau descendue dans la rue ?

    On discute encore pour savoir si ce qui s’est passé en 2006 a été une simple révolte populaire, à présent éteinte, ou un mouvement de mouvements qui pourrait se réactiver n’importe quand.

    Ça a été les deux. En 2006, le mécontentement a éclaté en une éruption spectaculaire. La répression a éteint l’éruption, mais le magma volcanique continue à bouillir dans les entrailles de la société, et il reste les traces de la lave qui a débordé lors de l’éclatement et s’est largement étendue.

    La révolte a été l’expression de divers mouvements sociaux (ceux qui émergent du tissu social oaxaquègne et les manifestations locales de mouvements nationaux et internationaux). Ces mouvements s’articulent et se désarticulent continuellement, pour une grande variété de raisons et de circonstances. Celle de 2006 aura été une de leurs articulations les plus étendues et spectaculaires.

    Caractériser l’APPO n’est pas une affaire théorique, mais pratique. Depuis qu’elle est née, elle est traversée par un conflit entre deux courants politiques et idéologiques qui s’expriment vigoureusement en son sein. Tous deux essaient de donner à l’APPO la configuration et l’orientation qui à leur avis sont appropriées. Et ainsi sont interminablement disputés ou adoptés des accords instables.

    Pour cette raison et d’autres, l’APPO n’est pas parvenue à exister. Elle n’est ni une organisation ni un mouvement. Il n’est pas vrai que « c’est nous tous » : on n’y trouve pas tous ceux qui devraient en être, alors qu’y figurent des participants à l’existence réelle problématique. On ne peut pas non plus la réduire à ses mécanismes d’articulation.

    Le courant orienté de façon traditionnelle vers la « prise du pouvoir » en a affronté à chaque pas un autre, extrêmement hétérogène. Issu de l’expérience des peuples indiens, et non d’un groupe d’illuminés, d’une idéologie, d’un dirigeant ou d’un parti, il était unifié par la méfiance vis-à-vis des schémas de sommet de l’action politique et des structures organisationnelles verticales et centralisées, ainsi que par un grand désenchantement envers les élections, la démocratie formelle et les institutions existantes.

    Il essayait de projeter vers l’ensemble de la société la forme d’existence sociale et d’organisation politique des communautés indigènes. Il s’est articulé autour de l’assemblée, la figure qui a donné son nom à l’APPO, mais il ne la voyait pas seulement comme un mécanisme de prise de décisions ou un exercice rituel, mais aussi comme la composante centrale de la lutte elle-même et du régime politique qui en surgirait : c’était un dispositif qui évitait la séparation des moyens et de la fin, et qui maintenait l’exercice de l’autonomie dans tout le processus. Cela manifestait une exigence d’innovation qui n’a pu être satisfaite, mais qui a donné lieu à une constante expérimentation, en particulier en ce qui concerne la tension et la contradiction entre présence et représentation.

    L’APPO a été jusqu’à présent une possibilité, une tentative. Elle n’a pas encore d’existence ni de réalité. Mais ce n’est pas un fantôme. À sa manière, bousculée et dispersée, ce que nous continuons d’appeler APPO exprime la vigueur et la vitalité d’une façon d’être et de penser qui constitue une tendance politique profondément enracinée parmi les peuples d’Oaxaca.

    Par son origine, en tant qu’intention et espoir, l’APPO tend à être une assemblée d’assemblées. Pour qu’elle le soit réellement, il faut d’abord que les communautés indigènes, les quartiers métis et tous les groupes qui forment le tissu social bigarré de l’Oaxaca d’aujourd’hui se constituent en assemblées capables d’exprimer convenablement la volonté collective, et que toutes ces assemblées se regroupent en une autre, qui les articule toutes démocratiquement, conformément au principe du Congrès national indigène : être réseau quand nous sommes séparés et assemblée quand nous sommes ensemble, et non suivant le principe de représentation. En chemin pourra disparaître le sigle pléonastique, entre autres pour contribuer à la réconciliation dans une société violemment polarisée.

    Il faudra encore de grands efforts pour que toutes les volontés qui vont dans cette direction se généralisent et que toutes confluent dans l’APPO, c’est-à-dire qu’elles décident conjointement et simultanément de donner réalité à ce rêve amplement partagé.

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