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Une discussion sur la crise actuelle

jeudi 12 juillet 2012, par Robert Paris

Une discussion sur la crise actuelle

Samuel
Il y a bien des choses que je ne comprends pas sur la crise actuelle et je m’aperçois que je ne sais pas non plus comment fonctionnait le capitalisme avant cette crise. Mais d’abord, selon toi est-ce que cette crise est du même type que les précédentes, est-ce que l’histoire va se répéter ensuite avec une nouvelle reprise économique, par exemple ?

Robert
Tu n’es pas le seul qui est amené, par les interrogations sur la crise actuelle, à en venir à te demander si tu connaissais vraiment le système capitaliste et tu as parfaitement raison de remarquer que ce n’est pas parce qu’on vit dans un système qu’on en connaît les fondements réels. Bien entendu, ce n’est que lors des maladies qu’on se pose des questions sur la santé et sur le fonctionnement physiologique.

D’autant que ces bases même du système ne sont pas nécessairement apparentes, pas plus que les autres fondements du monde matériel, vivant, humain ou social. La réalité n’est pas quelque chose qui saute aux yeux. Tu admets, comme tout le monde, que la matière est faite de particules très petites même si on ne les voit pas. Eh bien, la physique quantique a également remis en question le caractère « solide » de ces particules ainsi que la vision d’objets compacts du monde matériel… Le fondement du vivant est lui aussi, semble-t-il bien connu, mais nous étudions les virus et nul n’est capable de dire s’ils sont ou non du domaine du vivant. Qu’est-ce qui est le fondement du vivant : l’ADN, l’ARN, les protéines ou d’autres encore ? On ne le sait pas vraiment. Les bases d’un système ne sont pas une évidence sensible ni une évidence rationnelle. L’étude de Karl Marx intitulée « Le Capital » avait justement pour but de mettre en évidence les bases même du capitalisme, ce qui ne supposait pas en connaître toutes les formes à venir… Car un système dynamique peut sauter d’une structure à une autre. Ainsi, les crises du capitalisme ont été multiples mais elles ont eu aussi des formes et des conséquences extrêmement diverses. C’est vu de loin qu’on les englobe dans le caractère des crises capitalistes du passé. Mais il y a eu des crises financières, des crises de surproduction, des crises couplant les deux comme la crise de 1929. Il y a eu aussi des crises concernant essentiellement un ou deux domaines de l’économie et d’autres qui étaient générales à tout le capitalisme.

Selon moi, la crise actuelle est encore différente et pas seulement dans sa forme mais dans le fond. Et d’abord par le fait que tous les tenants du système sont d’accord sur un point : on ne peut absolument pas laisser la crise produire ses effets « normaux », ses faillites de trusts, de banques, de bourses, sous peine d’un effondrement brutal et général de tout le système.

Remarquons tout de suite qu’une telle situation n’a jamais existé. Dans aucune crise, on n’a jamais empêché les plus grandes banques, les bourses et les trusts à subir la crise et à s’effondrer si leur situation économique le nécessitait. Au travers des crises passées, il y avait une adaptation, une régulation après coup, certes dramatique et brutale, entre offre et demande. Cette fois-ci, tous les dirigeants estiment qu’il est tout à fait impossible de laisser la crise se dérouler, de laisser couler les plus grosses entreprises, les plus grosses banques, sous peine que tout s’effondre immédiatement.

Samuel
Qu’est-ce qui montre qu’ils n’ont pas laissé la crise de 2008 se développer ?

Robert

On constate en effet, qu’après avoir laissé chuter la banque Lehman Brothers, les Etats du monde n’ont plus abandonné une seule grande banque ni un seul grand trust. La régulation que représentaient les crises ne peut donc plus s’exercer.

Depuis 2008, les Etats n’ont mis aucune limite aux centaines de milliards d’euros qu’ils ont déversé pour « sauver » le système, pour « sauver » les banques, ou pour « sauver » les trusts. Aucune demande du grand capital n’a été refusée par les institutions financières centrales et par les banques centrales dans aucun pays, et c’est assez remarquable ! Et, mieux, ils ont tous affirmé publiquement qu’ils ne s’arrêteraient jamais de les financer…

Samuel
N’est-ce pas une manière d’avoir tiré des leçons de la crise de 1929 pour en éviter les conséquences dramatiques (ruine générale, guerre, fascisme) ?

Robert
Le coût global de ces aides au grand capital, qui n’ont pas cessé depuis 2008 quels que soient les gouvernants de Bush à Obama et de Sarkozy à Hollande, a depuis longtemps dépassé les richesses réelles dont on dispose et cela signifie que le capitalisme a déjà ruiné son fond et ses bases économiques d’avenir.

Ces aides massives n’ont fait que déplacer les trous financiers des grands possesseurs privés de capitaux vers les Etats, mais cela n’a en rien réglé le fondement de la crise et cela a hypothéqué définitivement l’avenir du système.

Samuel
Mais alors pourquoi les dirigeants de la planète sont-ils si convaincus qu’il ne faut pas laisser la crise se dérouler « normalement » ? Est-ce pour éviter que les travailleurs et les peuples la subissent trop durement, pas crainte peut-être des réactions, de la révolution sociale ?

Robert
S’ils pouvaient ou voulaient, il leur aurait suffi de « sauver » les personnes endettées, expulsées, licenciées ou ruinées et ce n’est nullement ce qu’ils ont fait ni ne comptent faire, dans aucun pays ! Le système, qu’il y ait ou pas risque révolutionnaire, n’a jamais cherché ce qui permettait de rendre la population plus riche ou mieux portante. Tout au plus a-t-il cherché, seulement dans les métropoles impérialistes, à développer la consommation pour irriguer les fonctionnements commerciaux du système.

Samuel

S’ils sont capables d’émettre du papier monnaie sans limite pour aider les capitalistes et les banquiers, pourquoi n’en font-ils pas autant pour combler les trous financiers des Etats et des services publics ?

Robert
Hormis le fait que cela entraînerait une inflation massive et une perte de confiance générale dans les monnaies, cela signifierait que les épargnants retireraient massivement leurs économies des banques et les consommateurs réduiraient massivement leurs achats, provoquant une aggravation dramatique de la situation économique. On y arrivera nécessairement, amis toute la politique économique depuis 2008 consiste justement à ne rechercher aucune solution de fond à la crise mais seulement à en retarder l’issue.

Samuel

Quel peut être l’intérêt de retarder si on ne résout aucun des problèmes économiques et financiers du système ?

Robert

Si les capitalistes et les gouvernants sont conscients que le système est non réparable, il ne reste aux classes dirigeantes qu’à préparer la suite politique indispensable : éviter les révolutions sociales en détournant la colère des masses populaires vers la résignation, vers les fausses solutions du nationalisme, du fascisme, de la xénophobie, de la guerre… Mais cela ne peut pas se mettre en place en un ou deux ans. Il faut quelques années à la classe capitaliste pour mettre en place ses pièges à l’échelle mondiale, désigner des boucs émissaires, préparer la guerre mondiale.

Samuel

Est-ce qu’ils iront à la guerre comme solution économique pour relancer l’économie grâce aux destructions ou pour détourner les peuples de la révolution ?

Robert

Dans l’état actuel du capitalisme, il ne suffirait nullement de détruire un peu de richesses pour relancer l’activité.

Samuel

Comment se fait-il que cela ait suffi alors après les deux guerres mondiales précédentes ?

Robert

C’est là que la connaissance de la cause profonde de la crise actuelle est indispensable pour comprendre les possibilités de la suite de l’histoire…

Samuel

Il me semble que Marx avait clairement défini les fondements des crises capitalistes en les posant comme des crises de surabondance, de surproduction par rapport aux besoins solvables, les opposant ainsi aux anciennes crises, celles des systèmes précédents le capitalisme et qui étaient des crises de pénurie, notamment les crises des sociétés féodales et marchandes.

Robert

Tu as tout à fait raison de souligner cette base générale des crises capitalistes. A nouveau, dans la situation qui a causé l’effondrement finalement retardé de 2008, il y aussi un état de l’économie où ce n’est nullement la pénurie qui cause la crise, bien au contraire. Mais ce n’est pas une crise liée à un surcroit de la production par rapport à la consommation. Ce n’est pas dans cette sphère que ce situe la crise actuelle. Certes, les capitalistes réduisent leur production, retirent leurs capitaux des investissements productifs et commerciaux, mais ce n’est pas faute d’acheteurs. La sphère économique dont il s’agit est celle des capitaux et non celle des marchandises.

La surproduction est celle de capitaux. Les années de prospérité ont produit un capital d’une masse trop considérable qu’il est largement impossible d’investir massivement dans la production sans baisser énormément le taux de profit industriel et commercial. Du coup, se sont multipliés les moyens financiers de participer à la distribution de revenus sans participer, par ses investissements, à la production et à la commercialisation des marchandises. Mais cette financiarisation a elle-même ses limites et ses conséquences contradictoires. Notamment, elle a une conséquence : elle se développe de manière exponentielle. Plus il y a de capitaux qui s’investissent dans la spéculation, plus la spéculation devient rentable et plus elle devient rentable, moins l’investissement productif le reste. On est donc arrivés à une situation de déséquilibre : le profit a pour source l’exploitation du travail salarié et pourtant le capital s’investit de moins en moins dans cette exploitation.

Cette contradiction a atteint dans les années 2000 son point de rupture et les Etats ont commencé à utiliser de subterfuges pour maintenir le système en vie. Le processus artificiel le plus important pour stimuler le système a été le crédit.

Ce qui est présenté comme la cause de la crise de 2008 n’est en fait que le médicament de l’époque pour le système !

Samuel

Pourtant, les subprimes étaient bel et bien une cause de la crise de 2008 ? Ou nous aurait-on menti ?

Robert

Les subprimes, tout d’abord, ce ne sont pas simplement les dettes des Américains face à l’immobilier dus à des prêts exagérés comme cela est souvent dit, mais la financiarisation de ces dettes, leur titrisation, les profits financiers réalisés sur ces dettes.

Et, comme pour les dettes d’Etat, ce qui caractérise la situation, c’est que les prêteurs privés de capitaux se jettent sur les situations d’effondrement car elles sont une source de profits exceptionnellement élevés quoique dangereux. Les subprimes ont été une forme de la financiarisation des dettes. Les dettes souveraines sont aujourd’hui une autre forme de la manière dont les capitaux se jettent sur les secteurs en difficulté afin de spéculer dessus.

Samuel

Puisque le système risque de mourir de telles spéculations, qu’est-ce qui l’empêche d’interdire des spéculations contre les monnaies, contre la crédibilité des dettes souveraines, contre les économies ? Ne suffirait-il pas qu’un gouvernement un peu plus soucieux de l’intérêt général élève un peu le ton contre les spéculateurs ?

Robert

Encore faudrait-il que les capitaux trouvent véritablement le moyen d’investir dans un domaine productif ou commercial sans y perdre. Quelles que soient ou pas les envies des dirigeants politiques de juguler la crise, ils ne commandent pas au système capitaliste. Personne, pas même les grands possesseurs de capitaux, ne commande au système. Ils essaient d’agir et regardent ensuite pragmatiquement ce que cela va donner mais ils ne le savent pas d’avance. Jamais on ne saura jamais d’avance ce qu’une mesure économique va donner car la réactivité du système a toujours été imprédictible. C’est toujours le cas dans les systèmes dynamiques fondés sur des myriades de rétroactions permanentes.

Il faut rappeler que le système capitaliste est un système dynamique auto-organisé, ce qui signifie qu’il n’est pas un produit des Etats, des gouvernants, ni d’une volonté organisée des capitalistes. C’est un système qui fonctionne spontanément malgré l’interventionnisme plus ou moins grand des Etats et des institutions. Ce qui dicte l’action des possesseurs privés de capitaux, consistant à investir ou désinvestir dans tel ou tel domaine, ce n’est pas les lois, les décisions gouvernementales, c’est la recherche du profit et de la prise de risque. Cela est une base qui n’a jamais été remise en question dans le capitalisme. Cela a mené le système à un grand développement des moyens économiques mondiaux. Et c’est cette même loi spontanée de l’investissement privé qui mène actuellement à l’effondrement, qui détruit le système !

Samuel

Si cela a toujours été le cas, qu’y a-t-il de nouveau en ce moment ?

Robert

L’imprédictibilité a toujours existé, mais ce qui est nouveau, c’est la masse considérable de capitaux produits par rapport aux capacités d’investissement : la surproduction de revenus capitalistes entraînant une suraccumulation du capital. Dans les crises passées, il pouvait y avoir trop de tissus, trop de rails de chemin de fer, trop de café ou trop de voitures. Dans la crise actuelle, le système est entravé parce qu’il y a trop de capitaux dans le monde. C’est nouveau et, aussi bizarre que cela puisse paraitre, c’est catastrophique que le système soit devenu aussi riche au point de ne plus être capable de trouver où placer ce capital et ce pour une part de plus en plus importante de ce capital.

Samuel

Pourtant, cela témoigne d’un grand succès ?

Robert
Oui, mais c’est aussi le commencement de la fin car le système a atteint ses limites en termes d’investissements rentables.

Samuel

Comment peut-on savoir quelle est la limite de la croissance du système ? Qu’est-ce qui prouve que cette limite est atteinte ?

Robert

A partir où l’ensemble des capitalistes ne veulent plus que spéculer parce que c’est beaucoup plus rentable et plus sûr, les capitaux ne misent plus que sur la chute du système, sur des investissements qui détruisent la production de profit, qui rejettent l’exploitation du travail humain, qui ne renouvellent plus la source de profit. Le capital devient nécrophile, c’est-à-dire qu’il est attiré (par la loi d’attraction du profit maximal qui pilote toujours les investissements et désinvestissements) vers des investissements fondés sur la chute, sur la faillite, sur la dette, sur l’effondrement. Les capitaux qui n’ont cessé de contribuer au développement économique ne cessent plus de contribuer à l’effondrement économique général. Même si les dirigeants politiques du capitalisme faisaient de la morale aux capitalistes privés, ils ne pourraient pas aller contre les lois de ce système. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est agir, avec la masse d’argent dont ils disposent ou qu’ils peuvent faire semblant de posséder tant que les épargnants ne s’affolent pas, dans le sens inverse de ce qui est rentable. Les Etats agissent en contre-rentabilité. Ils investissent dans des entreprises proches de la faillite, ils soutiennent des Etats en faillite, ils aident des productions qui ne sont plus rentables au point de vue des critères capitalistes.

C’est en sens là que le système capitaliste est mort en 2008 : les intérêts privés ne font plus fonctionner le système, ce sont les institutions et les Etats qui le font tourner. Ce n’est plus l’économie qui enrichit les capitalistes, banquiers, boursicoteurs et financiers : ce sont les Etats !

Et, plus les Etats fournissent d’argent aux banquiers, spéculateurs et patrons des trusts, plus ceux-ci se servent de cet argent, non pour investir mais pour spéculer.

Samuel
Alors il suffirait que les Etats conditionnent leurs aides sur des investissements productifs au lieu de céder aux pressions des patrons et des marchés financiers !

Robert

Cela suffirait pour qu’un politicien fasse croire qu’avec lui, on va changer de politique au pouvoir, mais cela ne changerait rien à la situation actuelle du système, cela ne rendrait pas plus durablement rentables les investissements productifs. Ils ne seraient toujours rentables que si ce sont les Etats qui paient pour.

Or, cela ne peut pas durer éternellement.

Samuel

Qu’est-ce qui empêcherait le système de continuer très longtemps comme il le fait actuellement : une espèce de capitalisme d’Etat couplé au capitalisme privé ? Puisque les Etats arrivent à se débrouiller pour trouver ces masses d’argent à injecter, le système peut tenir des décennies comme cela ?

Robert

Impossible effectivement de dire combien de temps tout cet artifice va tenir. C’est du Madoff à l’échelle mondiale. Mais ces systèmes de dettes reportées ne peuvent que se casser la figure car ils augmentent sans cesse leur échelle et réduisent sans cesse leur base. Ils n’ont donc qu’une durabilité limitée.

Samuel

Mais rien ne prouve que le système ne trouvera pas alors une autre solution pour se maintenir. Par exemple, en ponctionnant davantage les classes populaires pour combler les trous ou même, de manière social-démocrate, en ponctionnant un peu aussi les classes riches…

Robert

Que les classes dirigeantes se maintiennent au pouvoir est une chose, que le système capitaliste conserve sa dynamique en est une autre. Pour cela c’est fini : le ressort est cassé.
Etre capable de combler des dettes est une chose, relancer la dynamique en est une autre.

Samuel

Si les classes dirigeantes ne croient pas à la capacité de relancer l’économie, pourquoi font-ils autant d’efforts dans le sens des sacrifices et d’efforts dans le sens de la relance ?

Robert

Tout d’abord, si les classes dirigeantes capitalistes s’orientent vers des dictatures, des fascismes et la guerre mondiale, il est clair qu’ils ne peuvent pas passer des politiques passées, en particulier dans les pays riches impérialistes, à celles-là d’un seul coup. Ce serait bien trop dangereux. Leur appareil étatique n’est pas prêt à réprimer violemment. La population n’est pas assez résignée, divisée, désorientée, désorganisée, pour agir de la sorte. Pour y parvenir, il faut commencer par donner le sentiment aux gens qu’on va les sauver à coups de quelques sacrifices qu’ils estimeront acceptables, puis recommencer à leur dire qu’on plonge et ainsi de suite plusieurs fois. Il faut les dégouter, les opposer les uns aux autres, entre catégories, entre pays, entre origines différentes, faire monter les nationalismes, la xénophobie, laisser grimper les groupes fascistes, déconsidérer complètement les syndicats, les faire se mouiller dans les sacrifices d’une part et démontrer leur inefficacité dans la rue d’autre part, etc… En somme, les sacrifices actuels ont d’abord un but politique dans l’aggravation de la lutte des classes.

Samuel

Comment faut-il alors que la classe travailleuse se défende dans la situation ? Dans tous les cas, crise conjoncturelle ou crise systémique, n’est-ce pas le même problème : il faut lutter et défendre pied à pied les emplois, les salaires, les conditions de travail, etc… Et combattre d’abord le fatalisme, ensuite la désorganisation, faire venir du monde dans les manifestations et les grèves et ensuite obliger la classe capitaliste à faire, elle, des sacrifices au lieu de les imposer aux exploités ? Et, si ces luttes défensives finissent par prendre de l’ampleur, les exploités prenant confiance dans leur propre force, alors il faudra développer un autre programme, le programme socialiste en somme… C’est ainsi qu’on pourrait repasser d’une période de recul à une période de progrès historique.

Robert
Non, justement, suivant la situation objective de la classe dirigeante, la perspective n’est pas la même pour les exploités.

La manière de voir que tu viens de développer, même si tu n’en as pas conscience, est exactement celle du réformisme. Et dans une situation comme la nôtre, c’est la position la pire, la plus dangereuse, celle qui mènera les luttes, même les plus radicales, dans le mur. En effet, elle aveugle les militants d’avant-garde et les masses sur la signification de la situation.

Tout d’abord, l’expression crise systémique peut témoigner d’une confusion. Dans un système qu’est-ce qu’une crise systémique ? Certains auteurs font exprès, pour radicaliser l’expression d’utiliser ce terme mais cela ne veut pas dire que, pour eux, le système soit définitivement remis en question. Ils veulent seulement dire que sa forme doit changer et qu’il faudrait le réformer, ce qui est à peu près exactement le contraire.

Trotsky, lui, opposait les crises conjoncturelles aux crises révolutionnaires. Ces dernières menant directement à la révolution sociale d’une part et au fascisme et à la guerre d’autre part, c’est-à-dire développant en même temps la révolution et la contre-révolution.

Samuel
Le temps qui s’est écoulé depuis la crise de 2008 n’est-il pas la preuve qu’on n’a pas mis le mot FIN au système d’exploitation qui domine le monde un peu prématurément ?

Robert

Bien sûr, tout le monde constate que l’injection massive de fonds par les banques centrales du monde entier a d’abord enrayé la chute brutale des bourses, des banques, des assurances et de tous les établissements financiers, chute qui menaçait d’entraîner à brève échéance une rupture complète de l’économie mondiale. Mais, depuis 2008, on constate également que rien n’est réglé, que le système est seulement en perfusion permanente.... Les investissements privés réels ont disparu. Plus que jamais, il ne reste que la spéculation et celle-ci se fait surtout sur des valeurs nocives, misant sur la chute de telle ou telle économie, sur les dettes de tel ou tel pays....

Samuel

Sur quelle analyse économique peut-on s’appuyer pour affirmer que le fonctionnement capitaliste n’est pas malade mais mort ?

Robert

Eh bien, c’est assez simple et ne nécessite pas de grands graphiques ni des fonctions compliquées. "Normalement", le capitalisme est fondé sur l’investissement privé des quantités de fois supérieur à l’investissement public. Il en reste plus que ce dernier qui investit à perte dans l’immobilier, dans la bourse, dans les banques... Normalement, les banques centrales prêtent à intérêt. Là, elles prêtent aux banques et aux institutions financières... sans intérêt. Normalement, les banques prêtent aux investissements des particuliers. Plus maintenant... Normalement, les Etats s’endettent mais pas pour des dizaines de générations à venir et là c’est le cas. Le système fait semblant de fonctionner grâce à ces injections sans limite d’argent bidon émis par les banques centrales. Cela ne peut pas durer bien longtemps et ils le savent...

Samuel

Je voudrais poser une question simple : quelle est la cause de la crise actuelle ?

Robert

Ce n’est pas une crise conjoncturelle. Ce n’est pas une crise américaine. Ce n’est pas une crise immobilière. Ce n’est pas une crise financière. Ce n’est pas une crise bancaire. Ce n’est pas une crise pétrolière. Ce n’est pas une crise de confiance. Ce n’est pas une crise inflationniste. Ce n’est pas une crise de l’endettement. Ce n’est pas une crise due à une simple récession. Bien sûr, il y a tout cela à la fois mais cela n’explique pas le fondement de la crise. C’est le système capitaliste tout entier qui est en crise. Le terme « systémique » pour caractériser la crise signifie que c’est le fondement, le principe même, du capitalisme qui est mort.
C’est l’accumulation du capital qui ne peut plus fonctionner. Et ce pour une raison simple. Le mécanisme d’accumulation du capital a atteint sa limite.

Cela signifie que le capitalisme n’a pas subi une maladie, ni un défaut, ni un comportement défaillant de tels ou tels de ses acteurs. Non, le capitalisme meurt parce qu’il a été au bout de ses possibilités. C’est son succès lui-même qui provoque sa fin. Il n’y a pas moyen d’inventer suffisamment d’investissement vu la quantité de capitaux existant dans le monde. Tous les cadeaux des Etats et des banques centrales au capital ne peuvent qu’être des palliatifs d’une durée de plus en plus limitée.

Le capital n’est pas simplement de l’argent. De l’argent, il y en a aujourd’hui et il n’y en a même jamais eu autant sur la planète. Mais le capital, c’est de l’argent qui participe à un cycle au cours duquel encore plus de travail va être transformé en argent. L’accumulation du capital est le but même de la société capitaliste. Produire et vendre des marchandises, exploiter les travailleurs, tout cela n’est qu’un moyen. Faire de l’argent, s’enrichir n’est aussi qu’un moyen. Le but même est de transformer cet argent en capital, c’est-à-dire trouver les moyens de l’investir et de lui faire rendre du profit, lequel profit doit lui-même encore être investi.

C’est ce mécanisme qui ne fonctionne plus. Il n’est pas grippé. Il n’est pas menacé. Il est mort. Il a été maintenu en survie pendant un temps déjà très long par des mécanismes financiers et eux-mêmes viennent d’atteindre leurs limites. On ne peut pas maintenir le mourant tellement longtemps même en inventant de nouvelles techniques de survie artificielle. Bien entendu, aujourd’hui tout le monde accuse le système financier et ses « folies », mais c’est oublier que ce sont ces prétendues folies, des politiques pratiquées parfaitement consciemment, qui ont permis au système de perdurer au-delà de ses limites.

Quand le fonctionnement n’est maintenu que par des intubations artificielles (à coups de centaines de milliards de dollars ou d’euros) qui permettent tout juste d’éviter la mort immédiate, c’est que le patient (Sharon par exemple) est très gravement malade. S’il s’agit de lui envoyer des doses phénoménales de sérum, de le nourrir et de le faire respirer artificiellement, on peut imaginer qu’il sortira à un moment du coma. Mais à condition que tous les hommes autour de lui ne soient pas dans le même cas. L’économie du Japon peut passer par un trou. Ou celle de l’Asie. Quand c’est l’économie mondiale c’est comme si tous les médecins autour de Sharon étaient eux aussi dans le coma ! Là, c’est fini.

Cela change considérablement la perspective. La nécessité de la révolution sociale ne provient plus seulement de la révolte contre le système mais du fait que le bateau coule. Qu’on le veuille ou pas, il va falloir construire autre chose.

Samuel

L’affirmation selon laquelle le capitalisme est mort n’est-elle pas un acte de foi ? N’est-ce pas la manière d’avoir pris "positivement" la crise de 2008, en somme, pour des révolutionnaires communistes, n’est-ce pas prendre ses désirs pour des réalités ?

Robert

Pour parler de mort, il faut savoir de quoi on parle. Nous ne sommes pas dans un monde virtuel et nous savons bien que la classe capitaliste est toujours au pouvoir dans le monde. Ce n’est donc pas de cela qu’il s’agit. D’autre part, nous n’avons pas dit que le capitalisme est train de mourir, qu’il est dans une phase mortifère, mais qu’il est mort, ce qui est très différent. Ce n’est pas un pronostic mais un constat : le fonctionnement capitaliste ne correspond plus aux critères de ce système fondé sur les investissements ou désinvestissements du capital privé...

Nous ne prédisons pas l’avenir. Nous ne savons pas quand le bateau va vraiment couler. Nous savons qu’il ne refonctionnera plus, que l’iceberg qu’il a heurté a introduit une voie d’eau définitive. Et c’est déterminant de le savoir pour la survie des passagers, en l’occurrence de l’humanité. Il est urgent de choisir un autre navire que celui du grand capital…

Samuel
Pourtant, on est toujours sous le capitalisme ! Alors, qu’entend-tu par mort du système ?

Robert

Tu as raison. Si tu traites le capitalisme comme un objet, il semble toujours là. J’avais fait remarquer qu’un arbre au bord d’une route semble vivant mais sans l’étudier de près, il est difficile de dire si c’est vrai ou illusoire. Le soleil semble toujours bien dynamique mais ce n’est pas le rayonnement extérieur qui va nous dire s’il fonctionne ou est arrêté mais les émissions de neutrinos du noyau... C’est une question philosophique...

Samuel

Je ne vois pas ce que la philosophie vient faire dans cette question purement économique et objective...

Robert

Eh bien, la philosophie est celle qui est nécessaire pour étudier un système dynamique fondé sur le désordre et faisant apparaître des structures par émergence et fondé aussi sur des contradictions dynamiques, c’est-à-dire dialectiques, enfin fondé sur des discontinuités et des sauts. Cette philosophie n’est pas celle qui sert à étudier des objets fixes....

Samuel

L’économie n’est pourtant pas de la physique ni de la philo...

Robert

Peut-être que si, justement ... Il est peut-être nécessaire de philosopher de manière scientifique, tout autant sur l’état du monde, que sur la matière et cela semble manquer tout autant aux participants... Plus les situations vont être critiques, plus la philosophie du bon sens va se retrouver en défaut et plus les gens, y compris les militants, vont se retrouver déboussolés parce qu’ils ne raisonnent pas en se fondant sur une philosophie sur laquelle ils ont réfléchi sérieusement, scientifiquement.

Dans la philosophie courante, on croit savoir distinguer simplement ce qui est vivant de ce qui est mort. Et pourtant le simple exemple des prions nous indique que la distinction n’a rien de simple. Ou encore l’exemple des virus... On croit savoir établir des frontières étanches entre concepts comme vivant et mort, comme entre une espèce et une autre ou comme matière et lumière, matière et vide mais la physique s’ingénie à franchir ces barrières...

Dans le domaine des sociétés humaines, les barrières sont du même type. Il est difficile de dire quand une société a chuté. Qui pourrait nous dire quand le tribalisme est mort, quand le féodalisme est décédé, quand le patriarcat a disparu, quand la supériorité chinoise sur le monde s’est éteinte, quand la politique des blocs a achevé sa vie. Dire cela n’est pas simplement constater que ce sont des processus complexes. Ce n’est certainement pas dire que c’était des processus continus. Au contraire, ce sont des grands chocs et des changements radicaux. Et leur étude est un domaine des sciences : celui des changements brutaux de structure appelé "transition de phase".

On appelle également le domaine scientifique et philosophique en même temps, celui des "systèmes auto-organisés". Cela s’oppose à la notion d’ordre préexistant. Dans de tels systèmes, c’est le désordre qui produit l’ordre. Les systèmes auto-organisés peuvent brutalement sauter d’un état à un autre et l’ordre qui apparaît est émergent.

Or, on ne raisonne pas sur des systèmes auto-organisés comme sur des structures fixes....

Le capitalisme est effectivement un ordre fondé sur le désordre. C’est la multiplicité des interactions sur les marchés qui produit l’ordre économique et social.

Il s’agit donc bel et bien de ce que les scientifiques appellent aujourd’hui un ordre émergent. Son fonctionnement n’est pas basé sur la continuité, la linéarité, la stabilité mais exactement sur le contraire.

L’ordre émergent est fondé sur des crises.

Samuel
Cela fait des années, depuis que je suis né qu’on me parle de crise du capitalisme et je me demande maintenant si je sais même répondre à cette simple question : c’est quoi une crise ?

Robert
Une crise c’est une rupture dans un fonctionnement. Elle peut provenir d’un choc extérieur ou d’une contradiction interne qui s’est développée jusqu’à devenir cataclysmique. Un tremblement de terre, un déclenchement volcanique, un effondrement de tas de sable, mais aussi le déclenchement d’une synapse ou d’un neurone fonctionnent comme des crises internes.
La crise est fondée sur des situations brutales que l’on peut qualifier d’événements. Mais tous les phénomènes ne sont pas des événements. Ce sont seulement ceux qui parviennent brutalement à une situation qualitativement différente qui le sont. La prise de la Bastille ou celle du château des Tuileries par le peuple révolutionnaire de Paris sont des événements de la révolution française. Pas la sortie de sa maison par Robespierre pour aller prendre son café !
Dans ce qui vient d’être dit, ce qui est à souligner c’est que les cassures brutales dans un développement peuvent provenir de ce développement lui-même, pourtant apparemment bien calme auparavant.
La cause en est que ce développement dynamique était déjà le produit d’une contradiction (ou de tout un réseau interactif de contradictions) entre deux ou plusieurs choses ou forces qui ne se supportent pas, se repoussent, mais et pourtant sont condamnés à rester ensemble, imbriquées l’une dans l’autre, qui forment un système jusqu’à une certaine limite et pendant un certain temps, jusqu’à ce que cette contradiction prenne un tour violent.

Samuel

Comment se fait-il que ce que tu dis, on ne le constate pas par ses propres moyens, en regardant le système ? Comme je le disais au début, j’ai l’impression en voyant la crise actuelle que je n’ai jamais compris le capitalisme. Par exemple, je croyais qu’il visait le progrès technique, commercial, le développement des échanges et de la production. Or, aujourd’hui, je vois des capitalistes privés s’en détourner complètement.

Robert
Tout d’abord, c’est que tu ne t’es jamais contenté de l’observer, tu y as vécu et tu as pensé que c’est lui qui te faisait vivre. Tes raisonnements et observations ne sont pas celles de quelqu’un qui raisonne mais qui dépend du système. Ensuite, ta position dans le système est déterminante. Salarié, tu es acheteur et vendeur, mais tu n’es que très marginalement investisseur. Sinon tu serais un capitaliste. Tu es consommateur de marchandises et tu vends ta force de travail. Si tu as fait quelques économies, on peut te faire croire que tu es un investisseur capitaliste mais ce n’est pas le cas. En tout cas, comme investisseur, et aussi comme auditeur des chroniques boursières, tu constatera que le capital ne gagne pas des profits seulement à la hausse des sociétés mais aussi en jouant à la baisse, en vendant massivement, y compris éventuellement en provoquant la chute, la destruction complète même, de sociétés, de banques, de pays. Le capitalisme n’a pas seulement cette capacité à construire, sa dynamique est dialectiquement contradictoire et c’est pour cela qu’il est aussi dynamique.

Mais ce n’est pas l’essentiel : la sphère qui dirige le système n’est pas celle où tu interviens par ton travail. Ton travail interviens dans un circuit fondamental : la création de plus-value, le fait que le capital s’agrandisse. Si tu es producteur, ton travail intervient dans la fabrication des marchandises, dans la transformation du capital argent en capital-marchandises. Tes achats interviennent dans la sphère des échanges de marchandises. Mais ce n’est pas là que se gèrent les évolutions du capital. Les échanges qui sont déterminants, depuis que le capitalisme a remplacé la société marchande, ce sont les échanges de capitaux. Quand un secteur chute ou grimpe, c’est un changement dans les échanges de capitaux. Ce secteur là nous est très peu connu et sa logique est très différente de celle de l’offre et de la demande de marchandises. Quand une entreprise automobile chute, on nous dit qu’elle a vendu moins de véhicules. Ce n’est pas exactement ainsi. Elle chute parce que les capitaux s’en détournent, s’en retirent pour aller investir ailleurs, ou pour spéculer. Cela peut être les patrons de l’entreprise elle-même qui agissent ainsi, comme c’est le cas actuellement. La vente de véhicules est d’autant moins déterminante qu’elle est plus ou moins favorisée par leurs investissements eux-mêmes. Et ils n’agissent que dans un sens : la recherche du profit maximal. Ils ne peuvent pas agir autrement. Il est parfaitement inutile de demander au système de se moraliser. Il est incapable de ne pas faire ce qui est rentable. Il suffit de voir que la drogue représente dans le monde presque une fois et demi les profits pétroliers pour comprendre qu’on n’est pas prêts, sous le capitalisme, d’en finir avec la drogue et que tous les capitalises en croquent. Du profit de la drogue évidemment…

Samuel

Tu parles comme si ce qui s’effondre ce n’était que le système des exploiteurs, comme si ce n’était pas nos emplois, nos logements, nos comptes en banque, nos salaires, nos villes, nos quartiers, nos services publics, notre vie et celle de nos familles !

Robert
Mais justement, l’une des vérités que le système t’a cachées et que tu t’es aussi caché à toi-même pour mieux accepter d’y vivre, c’est que tu n’es pas un possédant dans ce système. Tu ne possèdes que ta force de travail. Tu es un prolétaire. Tout le reste peut t’être repris du jour au lendemain, peut être détruit, peut être remis en question. D’abord tu ne possèdes pas un pays à toi. Ensuite, tu ne possèdes pas un Etat au service des citoyens de ce pays. Tu ne possèdes pas ton emploi même si tu es en CDI, même si tu es fonctionnaire. Tu ne possèdes pas une santé, une éducation, une sécurité sociale, des syndicats. Cette société n’est pas et n’a jamais été la tienne. Elle est aux mains de la classe capitaliste.

Tu peux te dire : ce n’est pas possible, ils ne vont pas laisser couler les banques puisque toi-même tu as dit qu’ils ne les abandonnent pas. Mais ce que j’ai dit, c’est qu’ils se préparent à te tuer parce qu’ils savent que, quand tu apprendras que la banques ont fermé leurs guichets, tu te révolteras… Bien sûr que, lorsque les gens vont s’affoler et vouloir retirer leur argent, ils vont fermer les guichets ! Bien sûr que quand les retraités vont se révolter parce qu’on interrompt complètement de payer leurs pensions de retraite, ils vont tirer dans le tas et les gens ne sont nullement prêts à penser que cet Etat qu’ils croient avoir élu n’était là que pour leur tirer dessus. L’essentiel de l’extrême gauche elle-même ne leur a pas dit et les autres forces politiques sont là quasi uniquement pour cultiver la tromperie selon laquelle l’Etat ce serait nous…

Toutes ces illusions, c’est dans les temps qui viennent que cela va se révéler mais cela a toujours été vrai. De même que se révélera que le but du capitalisme n’a jamais été de produire ou de produire sans cesse plus de marchandises, mais de produire plus de capital, ce qui est très différent. Tu ne possèdes même pas ton compte en banque, ton épargne, ton argent. Tu ne possèdes pas une certaine sécurité de relations sociales que tu croyais éternelle. Ces illusions tombent et cela fait mal. Je n’en suis pas plus satisfait que toi. J’essaie seulement de ne pas me raconter d’histoires. Quand le Titanic coule, on peut se dire que ce n’est pas possible, qu’ils ont tout prévu et qu’il faut encore leur faire confiance, mais cela n’est pas vrai.

Bien sûr, tu peux continuer à crier qu’ils ont besoin de ton travail, que ton usine est rentable, que sa fermeture est mauvaise pour l’économie, pour la population, pour la pays, tu ne fais là que t’accrocher à tes illusions et elles sont celles d’une autre époque. Tu vois, c’est très important de comprendre qu’on a changé de période !

Samuel

Quelles conclusions politiques tires-tu de ton interprétation de la situation ? En ce qui concerne les tâches de la classe travailleuse et celle des révolutionnaires ?

Robert

De cette vision de la crise actuelle découle l’alternative pour les classes ouvrières et les peuples. Entre le Capital et le Travail, il y a maintenant une question de vie ou de mort. Même si la classe ouvrière ne souhaite pas consciemment se préparer au renversement définitif du système et à la fondation d’une société reposant sur la satisfaction des besoins collectifs des peuples de la planète, c’est le capitalisme lui-même qui va la contraindre à choisir. Et il ne suffira pas, bien entendu, d’attendre la chute du capitalisme actuel car ce qui viendra ensuite peut tout à fait être bien pire : une nouvelle barbarie, qu’elle soit capitaliste ou pas. Cet effondrement économique, qui sera suivi d’un effondrement social et politique, moral même, ne signifie pas,, bien entendu, que la classe dirigeante et ses Etats vont céder la place d’eux-mêmes à une société au service des intérêts collectifs de la population. Si la société humaine doit bâtir un nouvel avenir, elle devra le faire consciemment. Les prétendues "réformes du système" et autres "régulations" ne sont que de la poudre aux yeux. Aucune mesure ne peut ni sauver le système ni sauver les populations. Plus tôt les travailleurs, les jeunes, les peuples se convaincront qu’il va falloir en finir radicalement avec les Etats qui ne défendent que le système, moins ils en paieront les conséquences.

Les mécanismes politiques et sociaux de domination sont désormais dépassés. On va voir du nouveau mais pas dans le sens du progrès. Les « démocraties » occidentales vont montrer toute leur barbarie aux populations qui y sont le moins préparées : celles de leurs propres pays. Les dictatures, les fascismes vont revenir au goût du jour.

Il est urgent de préparer l’avant-garde aux situations à venir. Il n’y a rien de plus urgent que de comprendre la crise actuelle et ses conséquences et de les faire comprendre autour de nous. Ce qui est à l’ordre du jour n’est pas seulement de se défendre contre des attaques. C’est de se défendre contre une attaque idéologique de grande ampleur. Les gouvernants vont tâcher de donner leur propre interprétation des événements pour nous convaincre qu’eux seuls peuvent faire revenir l’époque passée. Ils mentent. Elle ne peut pas revenir. Ils vont chercher ainsi à nous empêcher de nous organiser entre nous pour comprendre, discuter et répondre aux situations. La crise de confiance des peuples dans le système est dangereuse si les opprimés, si les peuples se mettent à s’organiser, et déjà à se réunir pour confronter les points de vue, pour donner leurs avis sur la signification de ce qui se passe et sur les moyens d’y faire face.

Ce que souhaite la classe dirigeante, c’est que chacun se retrouve face à ses peurs, face aux problèmes matériels touchant sa vie, celle de sa famille, et se demande seulement quel dirigeant bourgeois va pouvoir le sauver. Des sauveurs suprêmes, des Hitler ou des chefs civils ou militaires dictatoriaux prétendant tenir la solution, on va en voir défiler. La première des tromperies qui va se présenter à nous sera celle des réformistes de tous poils qui auront quantité de prétendues solutions pour sauver à la fois le système et la population. Le seul effet de leurs discours sera de démobiliser les opprimés et d’éviter tout risque révolutionnaire aux exploiteurs afin de leur permettre de préparer leurs vraies solutions violentes : dictatures et guerres. D’avance il faut se préparer à n’avoir confiance qu’en nous-mêmes.

Au lieu de se protéger, ce qui ne sera pas possible, il faut saisir l’occasion. Le capitalisme est atteint dans ses fondements. Profitons-en pour en finir avec ce système d’exploitation. Nous sommes des millions de fois plus nombreux que les exploiteurs et bien plus forts que le système si nous en sommes conscients. La fin du capitalisme ne sera une catastrophe et un recul massif que si nous nous contentons de nous défendre, catégorie par catégorie, pays par pays, groupe social par groupe social. Cela peut être le prélude d’une avancée historique de l’humanité si nous décidons d’en finir avec l’esclavage salarié.

Pour poursuivre la réflexion sur la crise

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