Accueil > 14 - Livre Quatorze : PROLETAIRES SANS FRONTIERES > Vive la révolte sociale mondiale...

Vive la révolte sociale mondiale...

samedi 2 janvier 2010, par Ramata, Robert Paris

Ce n’est pas seulement le Maghreb et le monde arabe qui est en révolte, c’est le monde entier, même si cela n’a pas encore explosé au même niveau partout.

La raison en est simple : c’est la crise du système de domination mondial qui entraîne jeunes, travailleurs et femmes dans la rue, dans la grève, dans la révolte, dans les émeutes aux quatre coins du monde !

Loin d’être finie, la révolte sociale du Maghreb et du monde arabe touche à tout le système et pas seulement à la domination de quelques dictateurs comme Ben Ali ou Moubarak ou encore Kadhafi qu’il serait relativement facile de remplacer.

Mais satisfaire les masses pauvres, la jeunesse, les milieux populaires de toute la région et même du monde, c’est irréaliste pour l’impérialisme en pleine période de crise mondiale systémique impossible à résoudre.....

La durée des révoltes de Tunisie, Egypte ou Algérie comme Libye et leurs multiples rebonds en disent long sur la profondeur des processus en cours...

Le nombre de pays déjà touchés, aussi différents que possible socialement et politiquement en dit long sur le caractère mondial de la révolution...

Le monde a déjà connu des révoltes comme en Algérie en 1988 et en 2001 ou en Argentine en 2001, mais jamais cela n’a pris ce tour mondial et durable.....

Il est clair que le capitalisme n’offre plus de perspective pour les travailleurs, pour la jeunesse, pour les milieux populaires, même s’il ne faut pas s’attendre que s’arrêtent les mensonges réformistes, des sociaux-démocrates, des syndicalistes, des associatifs et autres faiseurs de pseudo-transformations démocratiques pacifiques sans révolution ...

Une des caractéristiques de la situation est le fait que l’impérialisme lui-même et a fortiori les réformistes ont dû se dire en faveur de la révolution... !

Bien entendu, c’est uniquement pour essayer d’endiguer la situation et de tenter un atterrissage en douceur.

Il n’est pas prouvé qu’ils n’y parviennent pas mais ils ne sont pas du tout sûrs de leur coup ce qui change énormément la face du monde...

La peur des classes dirigeantes est évident et se traduit par de multiples promesses et prétendu cadeaux aux pauvres !!!

Voici les derniers développements au Maghreb et au Moyen-Orient, où une vague de contestation sociale et politique sans précédent est réprimée, parfois dans le sang, par des régimes autoritaires.

LIBYE - L’insurrection contre le colonel Mouammar Kadhafi est entrée mardi dans sa troisième semaine mais le dirigeant libyen s’accroche au pouvoir malgré la chute de plusieurs villes de l’ouest dans les mains de l’opposition et la pression croissante des Occidentaux.

YEMEN : Le centre de Sanaa a été envahi mardi par une manifestation massive, à l’appel de l’opposition, pour réclamer le départ du président yéménite Ali Abdallah Saleh qui a accusé Israël et les Etats-Unis "d’orchestrer" la révolte arabe.

BAHREIN : Une marche de protestation est prévue mardi à l’appel de mouvements de l’opposition, alors que le prince héritier Salman ben Hamad al-Khalifa a considéré lundi que le calme était revenu et que les conditions étaient réunies pour entamer des négociations avec l’opposition.

OMAN : Des blindés omanais ont dispersé mardi dans la ville de Sohar des manifestants qui bloquaient le port et une route conduisant à la capitale Mascate. L’opération s’est déroulée sans incident, alors que des échauffourées ont fait au moins un mort depuis samedi dans cette localité industrielle, à 200 km au nord de Mascate.

En proie à des protestations sociales pacifiques depuis mi-janvier, le sultanat d’Oman a basculé dans la violence cette semaine. La dispersion d’une manifestation de chômeurs dimanche par la police a provoqué la mort d’une personne. 20 personnes ont également été blessées, selon le ministre de la Santé. Mais ce sont six morts qu’il faut déplorer au terme de ces manifestations selon un médecin cité par l’AFP.

Ce mardi, des blindés ont dispersé sans violence des manifestants qui bloquaient le port de la ville de Sohar et une route conduisant à la capitale Mascate. Plusieurs petites manifestations ont également eu lieu dans d’autres villes du pays peuplé de trois millions de personnes, dont 20% d’étrangers.

Les principales revendications des manifestants sont d’ordre social. "Les manifestants réclament des emplois et des hausses de salaires et des prestations sociales. Car les emplois se font rares dans le pays, et les postes importants du secteur privé sont réservés aux étrangers expérimentés, au détriment des jeunes diplômés", explique à France24.com, le journaliste omanais Mouhamad Ben Ali Al Blouchi. S’ils réclament des poursuites judicaires contre des ministres qu’ils accusent de corruption, les manifestants affichent leur attachement au sultan Qabous, en brandissant des portraits du monarque absolu, au pouvoir depuis 1970.

Les Américains surveillent la situation de près

L’agitation dans cette monarchie pétrolière discrète et relativement prospère du Golfe, a de quoi surprendre. Elle est d’ailleurs passée presque inaperçue tant les regards sont tournés en ce moment vers la Libye du colonel Kadhafi. Il n’y a que les Etats-Unis pour suivre avec intérêt la situation de ce sultanat hautement stratégique. Et pour cause : partageant avec l’Iran le contrôle du détroit d’Ormuz, par où transite 40% du pétrole exporté par voie maritime dans le monde, le sultanat d’Oman est un allié incontournable des Américains dans la région.

Washington est d’autant plus attentif qu’au nord d’Oman, un soulèvement populaire secoue le Bahreïn, l’un des maillons les plus importants de la présence militaire américaine dans le Golfe. Jeudi, L’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées, et le général James Mattis, chargé des guerres en Irak et en Afghanistan, ont rencontré des responsables omanais dont l’identité n’est pas connue. Lundi, le département d’Etat américain a indiqué avoir encouragé le gouvernement d’Oman "à faire preuve de retenue et à trouver des solutions via le dialogue", pour satisfaire les revendications des manifestants.

Après avoir procédé à un remaniement ministériel en fin de semaine dernière, le sultan Qabous a annoncé une série de mesures, pour apaiser les tensions dans son pays, où les partis politiques sont interdits. Il a notamment ordonné le versement d’allocations mensuelles supplémentaires aux chômeurs, et la création de 50 000 emplois. En janvier, les autorités avaient fait passer le salaire minimum pour les Omanais travaillant dans le secteur privé de 364 dollars à 520 dollars par mois. En vain pour l’instant.

Pour la quatrième journée consécutive, des troubles ont eu lieu mardi à Sohar, principal port du sultanat d’Oman

Une personne a été blessée lorsque l’armée à tiré en l’air pour disperser une foule de 200 à 300 personnes, racontent des témoins, cités par Reuter’s.

Dimanche, au cours d’affrontements dans la même ville, une personne avait été tuée, selon les autorités, six selon des sources médicales.

ALGERIE :

Algérie - El Bouni, la commune la plus peuplée de la wilaya de Annaba, a été hier le théâtre de violentes manifestations qui ont vu des centaines de jeunes s’attaquer aux édifices publics et au mobilier urbain pour exiger des postes d’emploi. En effet, hier matin dès 8 heures, c’est une masse de jeunes chômeurs qui avaient envahi le siège de l’APC pour s’inscrire aux différentes formules d’emploi DAIP, CID ou CFI et tout allait bon train lorsque des altercations ont éclaté entre jeunes et employés. Ce qui a mis le feu aux poudres et tout a basculé pour se transformer en violente manifestation. Le siège de l’APC a été complètement saccagé, le mobilier détruit, les fenêtres brisées, les équipements informatiques piétinés et lancés dans les escaliers, les documents et pièces administratives fournies par les demandeurs détruites.

Les protestataires qui avaient pris en otages les employés et même des citoyens pris à l’intérieur de l’APC s’en sont pris ensuite au siège de la Protection civile situé un peu plus loin pour en interdire les accès.

Les lampadaires, les abribus et autres mobiliers ont subi le courroux de la foule qui n’a rien laissé sur son passage. Les riverains qui avaient observé la scène sont à leur tour intervenus pour empêcher le saccage des services de l’APC et un affrontement eu lieu entre les deux parties. Les gourdins sont entrés en action, des cris, des appels, du sang, et puis intervention des forces de sécurité dépêchées expressément sur les lieux.

Les heurts entre manifestants et policiers antiémeute ont duré des heures sans pour autant que la foule se soit dispersée. L’usage pourtant excessif de bombes lacrymogènes n’a pas réussi à arrêter les protestataires qui se regroupaient à chaque fois pour affronter les forces de sécurité.

Les principales voies de communication ont été coupées et des barrages improvisés et montés avec des objets composites ont été dressés, empêchant toute circulation dans les deux sens.

Il faut dire que la plupart des jeunes qui ont participé à cette protestation viennent de quartiers et de localités déshérités tels que Sidi Salem, Bouhamra, Essaroual ainsi que des bidonvilles avoisinants et c’était l’occasion pour eux d’exprimer leur colère.

Violemment. Ainsi le bureau du président de l’APC, celui du secrétaire général et les bureaux des employés ont été investis par les protestataires qui ont tout saccagé sur leur passage. Vers 14h30, les policiers ont pu maîtriser la situation sans toutefois réussir à enlever les barrages qui restaient encore dressés, bloquant ainsi la circulation.

CAMEROUN :

Burkina Faso : Koudougou à feu et à sang

Cinq tués dans de violentes manifestations après la mort suspecte d’un élève

Koudougou, la troisième ville du Burkina Faso, à 100 km à l’ouest de Ouagadougou, brûle depuis mardi. Des milliers de jeunes ont affronté jeudi la police. Bilan : cinq manifestants tués, de nombreux blessés graves, les locaux du gouvernorat et une douzaine de véhicules incendiés. À l’origine de cet accès de fièvre subit, la mort dans des conditions troubles, de l’élève Justin Zongo.

Situation quasi-insurrectionnelle à Koudougou et ses environs. Jeudi, deux élèves et un policier ont été tués à Poa et à Kindi, alors qu’au même moment les manifestants séquestraient les policiers de Réo, à une dizaine de kilomètres de Koudougou, d’où est parti, mardi, un vaste mouvement de contestation populaire suite à la mort « suspecte », dimanche, de l’élève Justin Zongo. Mercredi déjà, de violentes manifestations avaient opposé les forces de l’ordre à des milliers d’élèves et d’étudiants à Koudougou. Deux manifestants avaient été tués au cours des échauffourées qui ont fait de nombreux blessés de part et d’autre. Selon certains manifestants et des agents de santé, cités par le quotidien L’Observateur Paalga, la police aurait fait usage de balles réelles. Dans leur colère, les manifestants ont incendié une douzaine de véhicules appartenant à la police, à la gendarmerie et au gouvernorat de la région du Centre-Ouest dont ils ont réduit les bureaux en cendres.

Des versions contradictoires

À l’origine de cet accès de fièvre subit, la mort de Justin Zongo, décédé dans des conditions troubles. La famille du défunt, soutenue fortement par la rue, affirme que Justin Zongo a rendu l’âme suite aux sévices corporels que lui aurait fait subir la police. L’infortuné y avait été convoqué fin décembre début janvier, après la plainte déposée contre lui par Aminata Zongo, une de ses camarades de classe, avec qui il avait eu une altercation. La thèse de la bavure policière est formellement rejetée par les autorités locales qui évoquent plutôt la méningite, comme cause de la mort de Justin Zongo.

Dans un communiqué radiodiffusé mercredi, à l’issue de l’hebdomadaire Conseil de ministres, le gouvernement burkinabè a réaffirmé la thèse de la méningite et « condamné fermement ces actes de vandalisme ». Il a invité les étudiants au calme et à la retenue tout en promettant que « des enquêtes seront diligentées avec la contribution de toutes les parties afin de situer les responsabilités pour une suite judiciaire ». Ces appels au calme n’ont pas été entendus à Koudougou plus qu’ailleurs. L’embrasement a gagné d’autres villes dont notamment Ouagadougou et Ouahigouya, où des élèves ont investi les rues, obligeant le gouvernement à fermer les écoles jusqu’à lundi.

Leur presse (P. Boureima Salouka,
Afrik.com), 25 février 2011.

Manifestations à Koudougou

La contagion gagne Ouagadougou, Ouahigouya, Poa…

À la suite du décès d’un élève, imputé par ses camarades et sa famille à la police, Koudougou a connu mardi et mercredi 48 heures de manifestations qui se sont soldées par des morts et plusieurs blessés. Hier la tension était retombée dans le chef-lieu de la région du Centre-Ouest (dont le gouvernorat a été incendié) tandis que la contagion semblait gagner d’autres localités du Burkina, dont Ouagadougou, Ouahigouya ou encore Poa, où un élève a été tué.

Deux élèves et un policier morts à Poa et à Kindi

Koudougou s’est réveillée hier jeudi dans une sorte de torpeur, provoquée, entre autres, par le décès de deux manifestants. Comme nous le disions dans notre édition d’hier, le bilan est très lourd. Si un calme précaire règne à Koudougou, la contestation a gagné les autres localités de la province, où des manifestations sont organisées par les scolaires. Des scolaires, touchés par balles réelles tirées par des policiers, sont morts à Poa et à Kindi.

On ne sait vraiment pas ce que les jours à venir nous réserveront, tant la tension est palpable. Les rencontres succèdent aux rencontres à la recherche de la formule magique pour éteindre l’incendie de la contestation scolaire. Les étudiants sont également dans une dynamique de concertation pour faire le point des dégâts dans leurs rangs. Ces dégâts, on s’en doute, sont essentiellement humains. Au niveau du CHR de Koudougou, on a enregistré 30 blessés pour la journée du mardi 22 février et 64 autres pour la journée du mercredi ; soit 94 en deux jours de fronde. Ces blessés sont majoritairement des élèves et des étudiants. Trois étaient dans un état critique et ont été évacués à Ouagadougou.

Comme on le sait déjà, deux manifestants ont trouvé la mort : il s’agit d’Assad Ouédraogo, né le 5 août 1993, élève en classe de 3e au lycée municipal, et d’un autre toujours gardé à la morgue et dont on ignore l’identité. Par ailleurs, parmi les évacués à Ouaga, un étudiant de 1re année d’économie à l’Université de Koudougou aurait succombé. On a appris que deux agents, blessés grièvement, ont été évacués à Ouagadougou. Calme à Koudougou certes, mais les autres localités de la province du Boulkiemdé ont pris le relais. Dans presque toutes les localités, les scolaires sont descendus dans les rues et se sont heurtés aux agents de sécurité.

Là aussi, le bilan est macabre : à Kindi (50 km de Koudougou), un élève du nom de Michel Bouda, 16 ans, de la classe de 4e, a succombé, touché par des balles en plein cœur. Un autre, Bougouma Kuilga, de la classe de 5e, a été blessé à la main et soigné sur place au CSPS de Kindi. En réplique, les élèves ont fait le tour de la ville, saccageant des maisons et brûlant les biens mobiliers et immobiliers des policiers.

Autre point chaud, Poa (25 km de Koudougou) : Là-bas, un écolier du CE2 qui traversait la route pour faire une commission a été touché par des balles et en est mort. Un commerçant de Poa a reçu trois balles au niveau des membres supérieurs et à la poitrine. Le policier qui a tiré a été pourchassé et lynché alors qu’il avait trouvé refuge dans la maison d’un agent de santé. À Réo (15 km de Koudougou), des manifestants ont incendié le commissariat de police et le haut- commissariat.

À Nandiala (25 km de Koudougou) et à Kokologho (55 km de Koudougou), des manifestations ont été organisées avec fort heureusement des bilans moins dramatiques. Espérons que les différentes médiations entreprises par les autorités de la place, les sages de Koudougou et les leaders d’opinion permettront d’éteindre cette crise qui commence à se généraliser et à prendre des proportions inquiétantes. Quand nous tracions ces lignes, la tension n’était pas totalement retombée dans ces localités, surtout à Kindi, où les manifestants étaient toujours dans la rue et se livraient à la destruction de certains biens publics et privés.

Cyrille Zoma

… à Ouagadougou

L’onde de choc

Les élèves de la capitale se sont joints au mouvement de protestation de Koudougou consécutif au décès de Justin Zongo. Hier, jeudi 24 février 2011, plusieurs dizaines de lycéens sont allés réclamer « Justice, vérité et égalité » à leur ministère de tutelle puis au palais de justice.

« Justice », « lumière », « vérité ». Ce sont les mots qu’ont écrits à la craie sur le pavé de la cour et une partie de la terrasse du bâtiment abritant le ministère des Enseignements secondaire et supérieur et celui de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation les élèves qui ont envahi l’enceinte de leur ministère de tutelle hier, jeudi 24 février 2011, aux environs de 10 heures.

Auparavant, ils sont passés à la télévision nationale pour tenter de faire passer leur message. Ils sont même parvenus aux portes de l’immeuble abritant le ministère mais n’ont pas pu y pénétrer. Selon le directeur de la Communication et de la Presse ministérielle (DCPM) du ministère des Enseignements secondaire et supérieur, Aboubacar Sy, que nous avons joint au téléphone, les lycéens ont exigé de voir les ministres.

Ces derniers étant en réunion en ville, il aurait proposé aux manifestants de rencontrer leurs représentants en vue de recueillir leurs revendications afin de les transmettre à qui de droit. La désignation de ces représentants aurait été finalement réfutée par la foule réclamait haut et fort : « Vérité et justice ». Les lycéens ont ensuite quitté le ministère pour prendre la direction du palais de justice.

Lorsque nous les avons rejoints sur l’avenue Kwame-N’Krumah à la devanture du palais, nous avons été littéralement assailli, chacun voulant placer un mot ou sa phrase choc. « Il faut l’écrire dans votre journal : si justice n’est pas rendue, nous allons nous rendre justice nous-mêmes », crie l’un d’entre eux. « Si la justice ne fait pas bien son travail, nous allons passer d’un État de droit à un État d’exception », renchérit un autre. Aux autorités administratives de la région du Centre-Ouest, les élèves entendent donner une leçon de biologie : « On n’a jamais vu la méningite en février. S’ils n’ont pas fait la 3e, qu’ils viennent nous voir nous leur expliquerons comment se manifeste la méningite. »

À vue d’œil, les manifestants venaient de différents établissements de la capitale, car rien qu’à regarder les uniformes, on pouvait distinguer, entre autres, des élèves du lycée technique de Ouagadougou (LTO), du lycée Philippe-Zinda-Kaboré (LPZK), et du lycée Bogodogo. « La lutte continue tant que justice n’est pas faite ! », criaient-ils en quittant les lieux. Ambiance.

Hyacinthe Sanou

… à Ouahigouya

Des élèves dans la rue

Les élèves des différents établissements secondaires de la ville de Ouahigouya ont déserté les classes la matinée du jeudi 24 février 2011 pour demander des éclaircissements sur les circonstances du décès de leur camarade Justin Zongo à Koudougou et celui des deux étudiants de la même ville. Ils exigent également la libération des élèves incarcérés par suite des différentes manifestations à Koudougou.

Rassemblés à la place de la nation, les frondeurs ont multiplié les va-et-vient entre la résidence du gouverneur de la région du Nord, le siège du conseil régional, la direction régionale de la police nationale, le commissariat central et la mairie de Ouahigouya. Multipliant les slogans liberté et justice, les jets de pierres, brûlant par–ci par-là des pneus sur certaines chaussées, les élèves ont fait le « chaud » une heure durant sans être inquiétés par les forces de sécurité.

Après avoir cassé les vitres de la guérite du conseil régional, certains se sont introduits dans l’enceinte de la direction régionale de la police du Nord, où ils ont essayé de défoncer les fenêtres du bâtiment principal, pendant que d’autres cassaient les ampoules et brûlaient des pneus devant et à l’intérieur. Un chauffeur de l’Administration conduisant un véhicule fond rouge, qui a voulu se frayer un passage dans la foule, a vu briser les vitres de son véhicule. Acculée, la police a dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogène.

Après cette sortie, la police s’est repliée, les laissant faire le pied de grue à la résidence du gouverneur puis devant le commissariat central. Ils sont revenus aux environs de 11 heures contraindre les commerçants en face de la place de la Nation à fermer boutique avant de se disperser. Il faut signaler que cette manifestation des élèves a fortement perturbé la cérémonie d’ouverture de l’atelier de validation du rapport provisoire du plan stratégique décennal de modernisation de l’État et de son premier plan d’action.

La cérémonie d’ouverture, qui était prévue pour 8h30 à la salle de conférences du conseil régional du Nord, n’a pu se tenir. Les autorités ont préféré éviter la confrontation en ne se présentant pas à la cérémonie. C’est finalement aux environs de 13 heures que le ministre Soungalo Ouattara est arrivé sur les lieux de la rencontre. Aux dernières nouvelles, les autorités locales auraient rencontré les responsables des élèves afin de calmer les esprits.

TUNISIE : Deux ministres du gouvernement tunisien, issus de la dernière l’équipe du président déchu Ben Ali, ont démissionné lundi mais leur départ, après celui du Premier ministre la veille, est resté sans effet immédiat sur les protestataires qui campent toujours dans le centre de Tunis.

USA : Enjeux de pouvoir dans le Wisconsin

La semaine dernière, face à la politique du gouverneur démocrate Scott Walker, près de 100 000 manifestants sont descendus dans les rues afin de protester contre une nouvelle loi visant à réduire le déficit mais qui réduirait aussi à néant les négociations avec les représentants syndicaux en supprimant le collective bargaining,( les conventions collectives). Comme le dit Paul Krugman "Mainly, however, he has made it clear that rather than bargaining with workers, he wants to end worker’s ability to bargain.” Face à cela, il semble normal que les concernés manifestent et s’insurgent. L’originalité réside dans certaines phrases de la manifestation, Scott Walker est rebaptisé "Hosni Walker" et l’élu républicain Paul Ryan a lancé "It’s like Cairo has moved to Madison" ("c’est comme si le Caire était venu à Madison"). Outre le côté dictatorial de Scott Walker qui a envoyé des "state troopers" chercher les quatorze démocrates qui avaient démissionné la semaine dernière, la comparaison n’est pas fortuite puisque la décision politique révèle, au-delà des problèmes économiques, des enjeux de "pouvoir" qui renvoient aux problématiques des soulèvements arabes. En remettant en cause le pouvoir des syndicats, Scott Walker renforce le phénomène de ce que Paul Krugman appelle "une petite oligarchie dans laquelle une poignée de gens riches domine", phénomène qui est bel et bien présent aux Etats-Unis malgré la démocratie. L’importance des syndicats est de servir avant tout de pare-feu à un tel système, car ils sont symboliques d’un gouvernement du peuple par le peuple. Le pouvoir du peuple reste donc à défendre.

CHINE

La fausse "révolution du jasmin" chinoise

Seulement, il semble que le phénomène ne soit pas propre au Wisconsin. Le Washington Post titrait le 20 février "China tries to stamp out Jasmine revolution(" La Chine essaye d’écraser la révolution de Jasmin") pour qualifier les interventions "musclées" du Parti communiste chinois (PCC) en vue de réprimer les manifestations dans treize villes chinoises de quelques milliers de personnes revendiquant "de la nourriture, du travail, un logement et de la justice". Les messages incitant à la révolte sont apparus sur le site Boxun.com hébergé par les Etats-Unis. On trouve aussi sur Facebook un groupe de soutien à la révolution de Jasmin en Chine. Près d’une centaine d’activistes ont été arrêtés suite aux évènements et dimanche les recherches incluant le mot clef "jasmine" ont été bloquées sur Twitter, de même que l’envoi massif de textos n’a pu aboutir à cause de "problèmes techniques", selon les opérateurs téléphoniques. Même si les mouvements ont réuni peu de monde et que la propagation via les réseaux sociaux a rapidement été endiguée, l’appel à la révolte a bien dépassé le monde arabo-musulman. L’exemple chinois montre cependant les limites du phénomène révolutionnaire et de l’usage des réseaux sociaux à l’image des émeutes iraniennes en 2009. Lundi 28 février, un nouvel appel à manifester a été réprimé.

Les histoires américaines et chinoises, bien que très différentes, illustrent la propagation d’une "culture" révolutionnaire mais aussi sa fragilité. L’ "effet domino" est certes propre aux pays arabes mais revêt des formes très différentes. Certains manifestants au Maroc l’expliquent d’ailleurs clairement, ils réclament une "évolution" et non une "révolution" dans des témoignages retranscris dans un article du Monde du 20 février ; quant à la Libye et au royaume du Bahreïn, ce sont des pays riches qui refusent aujourd’hui des leaders corrompus, dépassés et installés depuis trop longtemps au pouvoir, comme le précise une analyse du Monde du 22 février. De même que beaucoup commencent à s’interroger sur la possible contagion de l’Irak depuis les manifestations de colère de ces derniers jours, mettant aussi en exergue la "spécificité irakienne". Ces exemples montrent que la puissance des symboles révolutionnaires transcende les frontières ; mais ils nous exhortent aussi à appréhender la suite des évènements avec minutie et en s’attardant sur les spécificités de chaque pays.

NEPAL :

L’exemple du Népal

Le 22 février un écrivain népalais raconte dans un éditorial au New York Times une histoire intéressante : lors d’un dîner à Katmandu, un ami journaliste suivant en direct les évènements en Egypte annonce le départ de Moubarak à la tablée. Même si personne n’avait de proches en Egypte, tous ont toasté unanimement à la victoire. Comme l’explique le journaliste, ce qui fait écho, dans ces révoltes si lointaines, c’est qu’elles rappellent leur propre histoire, leur lutte politique et leur volonté de changement. Comme le déclare l’un d’eux sur sa page Facebook "I don’t know, but I love to see people revolting against their leaders". Ils évoquent même les ressemblances avec leur histoire quand l’Inde et sa lutte pour la liberté en 1950 a inspiré le premier mouvement démocratique au Népal ou encore en 2006, lorsqu’ils se sont insurgés contre le roi King Gyanendra Shah afin de mettre fin au pouvoir monarchique. Cependant la différence pour les népalais est que cinq ans plus tard : "we have learned that it is easier to start a revolution than to finish one, overthrowing the monarchy was difficult, but institutionalizing democracy is harder still"( Nous avons appris qu’il est plus facile de commencer une révolution que d’en finir une, renverser la monarchie était difficile, mais institutionnaliser la démocratie l’est encore plus.), les Maoïstes et le parti démocratique étant en lutte pour le pouvoir. "De même que ceux qui auraient pu être les leaders d’un nouveau mouvement, ceux que vous appelez la génération Facebook, ont quitté le pays". Si les révolutions arabes les inspirent, elles les rendent aussi nostalgiques de cette époque (il y a cinq ans) où le désir de changement était encore très prégnant.

L’enthousiasme pour les révolutions est certes perceptible partout dans le monde actuellement, reste que les mouvements sporadiques interrogent les plus grands : où commence une révolution, où s’arrête-t-elle ?.

Messages

  • Vive la révolte sociale mondiale...

    Ce n’est pas seulement le Maghreb et le monde arabe qui est en révolte, c’est le monde entier, même si cela n’a pas encore explosé au même niveau partout.

    La raison en est simple : c’est la crise du système de domination mondial qui entraîne jeunes, travailleurs et femmes dans la rue, dans la grève, dans la révolte, dans les émeutes aux quatre coins du monde !

    Loin d’être finie, la révolte sociale du Maghreb et du monde arabe touche à tout le système et pas seulement à la domination de quelques dictateurs comme Ben Ali ou Moubarak ou encore Kadhafi qu’il serait relativement facile de remplacer.

    Mais satisfaire les masses pauvres, la jeunesse, les milieux populaires de toute la région et même du monde, c’est irréaliste pour l’impérialisme en pleine période de crise mondiale systémique impossible à résoudre.....

    La durée des révoltes de Tunisie, Egypte ou Algérie comme Libye en disent long sur la profondeur des processus en cours...

    Le nombre de pays déjà touchés, aussi différents que possible socialement et politiquement en dit long sur le caractère mondial de la révolution...

    Le monde a déjà connu des révoltes comme en Algérie en 1988 et en 2001 ou en Argentine en 2001, mais jamais cela n’a pris ce tour mondial et durable.....

    Il est clair que le capitalisme n’offre plus de perspective pour les travailleurs, pour la jeunesse, pour les milieux populaires, même s’il ne faut pas s’attendre que s’arrêtent les mensonges réformistes, des sociaux-démocrates, des syndicalistes, des associatifs et autres faiseurs de pseudo-transformations démocratiques pacifiques sans révolution ...

    Une des caractéristiques de la situation est le fait que l’impérialisme lui-même et a fortiori les réformistes ont dû se dire en faveur de la révolution... !

    Bien entendu, c’est uniquement pour essayer d’endiguer la situation et de tenter un atterrissage en douceur.

    Il n’est pas prouvé qu’ils n’y parviennent pas mais ils ne sont pas du tout sûrs de leur coup ce qui change énormément la face du monde...

    La peur des classes dirigeantes est évident et se traduit par de multiples promesses et prétendu cadeaux aux pauvres !!!

  • Salut tout le monde,
    le CCI organise une réunion sur toutes ces révoltes le samedi 12 mars à 15h au CICP (21 ter rue Voltaire, Paris ; métro rue des boulets).

    Voici le petit texte d’appel :

    SOLIDARITÉ DANS LA LUTTE AVEC LES RÉVOLTES DU MAGHREB

    En Tunisie et en Égypte, des révoltes qui ont fait preuve d’un courage inouï ont fait tomber des dictateurs. La misère que provoque l’aggravation de la crise du capitalisme est telle que les balles et les obus n’ont pas pu arrêter la colère des masses prolétarisées de ces pays.
    La massivité de ces révoltes et le risque de leur propagation à l’ensemble des pays arabes, et bien au-delà, sont un événement historique qui bouleversent la situation mondiale tant parce qu’il déstabilise l’influence des grands pays que parce qu’il indique aux prolétaires du monde entier que la lutte contre la misère capitaliste peut être victorieuse.
    Les Etats démocratiques n’ont soutenu ces révoltes qu’avec des mots ; en fait, ils ont laissé faire les forces de répression de la manière la plus cynique et la plus crapuleuse. Le seul soutien réel à ces révoltes ne peut venir que de la lutte des prolétaires de tous les pays – en particulier de ceux des pays développés - contre les mesures d’austérité que prennent les gouvernements. L’unité internationale des prolétaires en lutte contre la classe dominante est la seule perspective réaliste.
    C’est de tout cela que nous vous invitons à venir débattre avec nous.

    Fraternellement, Tibo (internationalism.org)

  • C’est fini tous les peuples du monde entier vous connaissent,des menteurs ,sans loi ni foi.
    Votre histoire a déjà commencée avec un génocide,vous avez une petite histoire,aucune civilisation.
    Toutes les guerres que vous avez fomentées et toutes les guerres que vous avez provoquées,vous ne les avez jamais gagnées. Le vietnam,la guerre de corée, l’afghanistan,l’iraq,la somalie...
    Je pense qu’ils ne seront jamais gagné une guerre car ils sous-estime leurs adversaires
    Quand à sarkozy,c’est un président incompétent,il n’a aucun carisme.Il a remplacé Super tony comme caniche.Mais dans le monde arabe,sarko est grillé.C’est la preuve que notre cher nicolas est un anti-arabe et anti-musulman.un conseil,mettez toujours sarko devany vous car dérrière vous risquerez d’etre trahi comme il a trahi Jacque Chirac,c’est génètique.

  • Burkina Faso : Koudougou à feu et à sang

    Cinq tués dans de violentes manifestations après la mort suspecte d’un élève

    Koudougou, la troisième ville du Burkina Faso, à 100 km à l’ouest de Ouagadougou, brûle depuis mardi. Des milliers de jeunes ont affronté jeudi la police. Bilan : cinq manifestants tués, de nombreux blessés graves, les locaux du gouvernorat et une douzaine de véhicules incendiés. À l’origine de cet accès de fièvre subit, la mort dans des conditions troubles, de l’élève Justin Zongo.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.