Grève des travailleurs du gaz et du pétrole
Grève des travailleurs de l’Opéra du Caire
Grève des journalistes et travailleurs de la presse
Grève des fonctionnaires
Grève du Textile
Grève des employés de banque
Grève des média
Grève du Tourisme
Grève de la sidérurgie







Grève partout ...
Des grèves ont éclaté dans toutes les branches de l’industrie : chez les travailleurs des télécom, les mécaniciens du secteur ferroviaire, dans les arsenaux de Port-Saïd, et aussi grèves de plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers d’usines de charbon, de coton, de textile, de médicaments, de ciment, etc.
L’armée égyptienne, aux commandes du pays depuis que le président Hosni Moubarak a démissionné et lui a remis le pouvoir, a appelé lundi citoyens et syndicats à cesser les grèves, au moment où les mouvements sociaux prenaient de l’ampleur.

Tantaoui, l’ami intime de Moubarak au pouvoir ou la tentation de la répression anti-ouvrière pour écraser le soulèvement prolétarien...
Le Conseil suprême des forces armées, qui a salué samedi la contribution de Hosni Moubarak à l’histoire du pays, n’a pas souhaité récupérer les milliards qu’il a volés ni supprimer l’état d’urgence, ni en finir avec l’ensemble des détournements de richesses organisés par l’armée et par bien d’autres profiteurs, ni supprimer les traités liant l’Egypte et l’impérialisme, ni programmer la fin de la misère, du manque d’emplois, de logements, de services publics, etc, etc...
Il n’a programmé qu’une seule chose : que rien ne change, ce qu’il appelle l’ordre !!!
Le Conseil suprême des forces armées "appelle les citoyens et les syndicats professionnels et ouvriers à assumer leur rôle de la meilleure manière".
"Nous espérons que tout le monde préparera le climat favorable à la gestion des affaires du pays en cette période délicate jusqu’à ce qu’elles soient remises au pouvoir civil légitime et élu par le peuple", a poursuivi le Conseil dans un communiqué lu par un militaire à la télévision d’Etat.
L’armée explique son appel par la nécessité de "réaliser la sécurité et la stabilité du pays et des citoyens et pour garantir que la production continue dans tous les organismes de l’Etat", dans un communiqué lu par un militaire à la télévision d’Etat.
Malgré l’injonction de l’armée, la révolution continue et toute l’Egypte entre en grève ...
De la sidérurgie aux média en passant par le secteur du Tourisme, et surtout la paysannerie, tout le prolétariat d’Egypte entre en lutte...
Au menu : revendications sociales et salariales et grogne contre la hausse des prix des produits de première nécessité. Grèves dans des secteurs aussi divers que l’industrie pétrolière, les médias, la sidérurgie ou l’industrie textile.
Les salaires dans la fonction publique sont insignifiants et se situent autour de 35 ou de 40 euros par mois. À titre indicatif le kilo de viande se vend à 9€ !
Même la police a défilé hier pour demander une hausse des salaires et scander à son tour : « Le peuple, la police, une seule main ! »
Les employés des société privées se mettent aussi en grève et arpentent les rues où sont domiciliées leurs entreprises respectives : « À bas ! À bas ! Mon-sieur ! Shé-rif ! » « Mais qui est Monsieur Shérif ? » demande une voisine. « Le patron ! » répond une salariée.
Les archéologues, les fonctionnaires du ministère de la Culture et les guides touristiques ont pris d’assaut ce matin le Haut Conseil des Antiquités présidé par Zahi Hawass qui, non solum a été maintenu au gouvernement sed etiam a été bombardé ministre des Antiquités. Colère et furie des personnes citées plus haut pour qui l’homme au chapeau est une icône de l’usurpation et de la corruption. Au pied de son bureau des centaines de manifestants crient : « Descends ! Descends ! » ou « Voleur ! Voleur ! Qu’as-tu fait de mon musée ! »
Le lendemain de la chute de Hosni Moubarak, première des revendications de la révolution égyptienne, les ouvriers d’Égypte poursuivent leurs grèves et leurs occupations pour revendiquer leurs droits volés sous la présidence de Moubarak et ses gouvernements successifs.
Ainsi, ce samedi 12 février,
— 4000 ouvriers des minoteries de l’est du Delta (Ismailiya, Mansoura, Suez, Port Said) se sont mis en grève pour une hausse de 70% de leurs salaires, « humaniser » leurs moyens de transports, réduire les sanctions, aligner tous les salaires sur ceux des CDI, départ du directeur financier.
— Les 1200 employés de la sucrerie de El Fayoum entament leur deuxième jour de grève pour relever leurs salaires (1200 LE pour un ouvrier qualifié) au niveau de ceux de la sucrerie El Nil (5000 LE pour le même poste) réintégrer les licenciés, dont le syndicaliste Ashraf Abd El Yunis, pour avoir défendu leurs droits, et juger les cadres qui ont détourné l’argent de l’entreprise, dont le PDG, qui a 80 ans, a amassé plus de 30 millions, se moque de son devenir et de celui de ses employés.
— Après avoir refusé une augmentation de 11%, les 10.000 employés de la poste poursuivent leur grève pour relever leurs salaires au niveau de ceux de leurs camarades aux télécommunications et relever les salaires des diplômes en formation permanente sur ceux des diplômes à l’embauche, embaucher les CDI, licencier les consultants issus de l’armée aux salaires exorbitants.
— Les milliers de salariés de la pétrochimie et du ministère de l’agriculture, poursuivent des grèves avec occupation, pour l’embauche des CDI et le remboursement des écarts de salaires avec les CDD depuis leur premier contrat.
— 9000 employés de l’usine d’aluminium de Naga Hamadi menacent de grève si le PDG n’est pas suspendu et jugé pour les fonds détournés à l’usine pour sa fortune personnelle.
— 1500 employés de l’hopital public de Kafr El Zayat ont cessé leur occupation le 11 février après avoir obtenu la démission de deux directeurs qui les humiliaient, leurs retards de salaires, l’embauche des CDI.
Des centaines de milliers de travailleurs d’Égypte se sont mis en grève ou ont occupé leurs entreprises au cours des jours précédents en solidarité avec la révolution et pour réclamer leurs droits volés sous le régime de Moubarak.
Vive la lutte des travailleurs d’Égypte ! Continuons ensemble pour rendre effectifs les mot d’ordre de la révolution égyptienne : « Changement, liberté, justice sociale ».
Ainsi, ce que l’on observe aujourd’hui n’est plus la foule compacte de Tahrir, mais des dizaines, voire des centaines de petits groupes plus déterminés que jamais à ce que, secteur par secteur, justice soit faite.
L’armée égyptienne, qui a pris les commandes du pays depuis la démission de l’ancien président Hosni Moubarak sous la pression populaire, a appelé, lundi 14 février, citoyens et syndicats à cesser les mouvements de grève qui prennent de l’ampleur dans le pays au nom de "la sécurité et de la stabilité du pays et des citoyens et pour garantir que la production continue dans tous les organismes de l’Etat".
"Il a été remarqué que certains secteurs de l’Etat organisent des protestations malgré le retour à la vie normale et des conditions où toutes les catégories du peuple sont censées être solidaires", notent les militaires. "Les Egyptiens honorables voient que ces protestations en ce moment délicat mènent aux conséquences négatives suivantes : l’atteinte à la sécurité de l’Etat ; la perturbation et l’entrave à la production et au travail dans des secteurs de l’Etat ; l’entrave aux intérêts des citoyens ; l’impact négatif sur l’économie nationale."
"QUI N’EST PAS EN GRÈVE ?"
Disant toujours s’exprimer au nom du peuple, l’armée évoque aussi la possibilité que la poursuite des mouvements sociaux puisse "préparer le terrain à des éléments irresponsables pour qu’ils commettent des actes illégaux, ce qui exige de tous les citoyens honnêtes de conjuguer leurs efforts pour amener la patrie à bon port". "Nous espérons que tout le monde préparera le climat favorable à la gestion des affaires du pays en cette période délicate jusqu’à ce qu’elles soient remises au pouvoir civil légitime et élu par le peuple", a poursuivi le conseil.
Les militaires "appellent les citoyens, les organisations professionnelles et les syndicats à jouer pleinement leur rôle". Depuis plusieurs jours, des employés des secteurs des transports, de la banque, du pétrole, du textile et même des médias officiels, et certains organismes du gouvernement sont en grève pour demander une augmentation salariale et de meilleures conditions de travail, selon le responsable de cette organisation indépendante. "Il est difficile de dire exactement combien de personnes sont en grève et où. Qui n’est pas en grève ?" a souligné, lundi, le chef du Centre des services pour les syndicats et les ouvriers.
Les choses n’ont pas traîné.
À peine le dictateur Moubarak chassé par le peuple et exilé à Charm-El-Cheikh, l’armée égyptienne a pris ouvertement le pouvoir qu’elle détient de fait, depuis 1952, après le renversement du roi Farouk par les officiers nationalistes révolutionnaires dont Gamal Abdel Nasser.
Le peuple a abattu une dictature de 30 ans, et l’État-Major rafle la mise.
Cherchez l’erreur…
C’est la révolution « ordonnée » et « crédible » dont rêvait l’Occident.
Mais à peine les occupants de la place Tahrir avaient-ils terminé leur Osterputz et rendu les lieux à l’infernale circulation automobile, qu’ils ont compris à quelle sauce ils étaient consommés.
Et ils sont revenus s’y installer bien décidés à ne pas se laisser voler leur victoire par d’ex-maréchaux à la soviétique. Et cette fois, l’armée, prétendue neutre, les a délogés vite fait. Faut pas pousser !
Et dans le même temps, les grèves se multiplient dans les entreprises, dont beaucoup sont précisément la propriété des militaires, de haut rang, il va sans dire.
Bref, la révolution confisquée, provisoirement, a encore des perspectives d’avenir.
Et ce n’est ni la dissolution de l’Assemblée, frauduleusement élue, ni la mini révision constitutionnelle annoncée, ni même la date, lointaine, des élections qui feront oublier le putsch à froid réalisé au nez et à la barbe du monde.
On est sûr que bientôt, le peuple demandera à l’armée : qui t’a fait Raïs ?
Si les militaires égyptiens avaient été vraiment des démocrates, ils auraient organisé une transition en y associant des représentants de tous les partis, de toutes les associations, et surtout de tous les occupants de la place Tahrir, et d’ailleurs qui représentent eux véritablement le pouvoir populaire.
Mais allez demander ça à des chefs militaires !
La classe ouvrière a convaincu les classes dirigeantes de se débarrasser de Moubarak mais c’est pour mieux écrser le mouvement de masse ouvrier.
Des appels ont commencé à circuler pour une grève générale et les premiers arrêts de travail ont été signalés dans les jours précédant le départ de Moubarak. Le 10 février des dizaines de milliers de travailleurs étaient en grève, la vague de grève la plus importante depuis les mouvements de grève dans le textile de 2007-2008 qui avaient été durement réprimés. Des grèves ont éclaté dans différentes administrations, dans les transports en commun du Caire et les chemins de fer. Dans la zone du canal de Suez 3000 ouvriers du pétrole se mettaient en grève. Dans la région industrielle de l’Egypte, le delta où se trouve l’essentiel de l’industrie égyptienne, on signalait une grève de 4000 ouvriers à l’usine chimique Al Nasr à Helwan, de 2000 ouvriers (en fait surtout des ouvrières) à l’usine textile de la même ville, 2000 également à l’usine Sigma Pharmaceuticals de Quesna ; à Al Mahalla, la capitale de l’industrie textile, l’épicentre des luttes de 2007-2008, une grève générale illimitée était déclenchée le 10 février à la Misr Spinning and Weaving Textils Factory, la plus grande usine d’Egypte, qui emploie 24 000 personnes, etc. Les revendications portent sur les salaires, très bas (le salaire minimum est de 70 dollars par mois), l’amélioration des conditions de travail, l’embauche définitive des travailleurs précaires, etc. Toutes ces grèves, dont nous n’avons probablement qu’un petit aperçu, se sont déclenchées indépendamment du syndicat officiel qui a comme fonction de maintenir la paix sociale et d’empêcher les luttes ouvrières. Encore partielles, elles sont de bonne augure pour l’avenir, à condition que les travailleurs réussissent à s’organiser sur des bases de classe, indépendamment non seulement des structures syndicales vendues aux patrons et à l’Etat bourgeois et en rejetant tous les faux frères qui voudraient les utiliser pour leurs objectifs bourgeois (comme ceux qui ont fait arrêter la grève de la Misr Spinning and Wearing Textiles Factory après le départ de Moubarak).
Alors que l’Arabie Saoudite et l’Autorité palestinienne, mortellement effrayées par le mouvement des masses, ont toute suite affirmé leur soutien à Moubarak, le gouvernement américain a multiplié les pressions pour une « transition politique et pacifique », c’est-à-dire pour que celui-ci cède la place, seule façon de prévenir des affrontements aux risques incalculables : le fusible Moubarak devait sauter pour protéger le capitalisme des décharges à haute tension qu’un déchaînement de la lutte des classes dans le plus grand pays du Moyen-Orient ne manquerait pas de produire, avec des retombées dans toute la région. Au sein du régime, les proches alliés de Moubarak ont sans doute caressé l’idée d’une alternative à l’iranienne ou à la chinoise : l’écrasement de la contestation, après que l’inévitable lassitude ait au moins momentanément calmé l’ardeur des manifestants. Les cercles bourgeois les plus influents, ceux qui sont le plus représentés parmi les chefs militaires, ont jugé ce scénario trop risqué, comme l’a trouvé de son côté l’impérialisme américain.
L’armée égyptienne a été rapidement mobilisée pour canaliser la foule, protéger les édifices, les biens et les services essentiels, tout en laissant la police se salir les mains dans la répression. Complètement absents des premières grandes manifestations, les Frères Musulmans, la seule force d’opposition importante que le gouvernement ait laissé se développer, ont essayé de prendre le train en marche : leur rôle sera irremplaçable demain pour maintenir l’ordre bourgeois. Aujourd’hui, les chefs militaires, après avoir annoncé la dissolution du parlement et la suspension de la constitution, promettent le retour du pouvoir aux civils dans 6 mois ; entre-temps ils élaboreront une nouvelle constitution.
Quelles que soient les formes que prendra le changement de régime, le pouvoir politique bourgeois demeure intact en Egypte ; pire, l’Armée, principal pilier de ce pouvoir, ressort momentanément auréolée de cette transition. Mais les prolétaires égyptiens apprendront vite, s’ils ne s’en doutent pas encore, que c’est contre eux que vont se mobiliser les successeurs de Moubarak, que c’est sur eux que va s’abattre à nouveau la répression de la police et de l’armée, et que pour défendre leurs intérêts ils devront lutter seuls, sans les petits-bourgeois démocrates, nationalistes ou religieux.
La révolution n’est pas finie !!
Il reste à mettre en grève les soldats !!!
L’Etat égyptien n’est pas celui du peuple travailleur !!
Il faut l’abattre !!!
Les mouvements sociaux se multipliaient à travers l’Egypte après le départ du président Hosni Moubarak, ont indiqué lundi des grévistes et un organisme indépendant spécialisé dans les affaires sociales.
Des employés des secteurs bancaire, du transport, du pétrole, du textile et même des médias officiels et certains organismes du gouvernement sont en grève pour demander une augmentation salariale et de meilleures conditions de travail, a affirmé à l’AFP le responsable du Centre des services pour les syndicats et les ouvriers (CTWS), Kamal Abbas.
« Il est difficile de dire exactement combien de personnes sont en grève et où », a-t-il dit, en se demandant « qui n’est pas en grève ? ».
Plusieurs syndicats étant présidés par des partisans du régime de Hosni Moubarak, les travailleurs ont peu de canaux officiels pour faire part de leurs doléances.
« En plusieurs endroits, les travailleurs veulent le limogeage de hauts responsables accusés de corruption », selon M. Abbas.
La différence de salaires entre la direction et les employés est l’un des principaux problèmes. De nombreux travailleurs demandent notamment une couverture médicale et leur titularisation, ont également indiqué des grévistes.
Au Caire, des milliers de travailleurs ont manifesté devant l’Union des travailleurs égyptiens, contrôlée par l’Etat, pour exiger la démission de son président Hussein Megawer, très impopulaire, et des membres de son conseil d’administration, qu’ils accusent de corruption.
Au moins 3.000 employés de l’Autorité des transports (publique) ont poursuivi leur grève pour le cinquième jour consécutif en exigeant le départ du conseil d’administration et de meilleurs salaires.
« Nous avons besoin de meilleurs conditions salariales. Ils nous envoient travailler avec des freins en mauvais état. Il n’y a pas d’entretien », a accusé l’un des manifestants.
Le personnel du ministère de la Main-d’Oeuvre a également protesté pour exiger le départ de la ministre Aïcha Abdel Hadi, membre du parti de M. Moubarak.
A Alexandrie, deuxième ville du pays, des milliers de personnels des banques, des hôpitaux, des magasins d’Etat et de l’industrie étaient en grève pour la troisième journée consécutive.
A Kerdassa, au sud de la capitale, plus de 5.000 ouvriers d’une grande entreprise textile ont entamé un sit-in pour réclamer de meilleurs conditions de travail et réclamer des contrats permanents et non plus provisoires.
D’autres mouvement sociaux ont été signalés à travers le pays dans les administrations ou le secteur privé.
Le mouvement ouvrier égyptien
Tout comme en Tunisie, le processus actuel en Égypte a été préparé par plusieurs vagues de luttes ouvrières qui ont secoué le pays depuis 2006 (voir ci-dessous les articles de Atef Saïd et Sellouma). Dans un article publié plusieurs jours avant la chute de Moubarak, l’intellectuel marxiste Samir Amin affirmait que la jeunesse diplômée urbaine était la composante essentielle du mouvement en Égypte, appuyée par des secteurs des classes moyennes cultivées et démocratiques et il ajoutait que « les choses pourraient changer si la classe ouvrière et les mouvements paysans entrent en scène, mais pour le moment cela ne semble pas être à l’agenda ».
Or, à partir du dimanche 6 février, avec l’appel au retour à la normalité et au travail martelé par le régime lui-même, un tournant a commencé à s’opérer avec l’entrée progressive du prolétariat égyptien sur la scène des événements. L’une après l’autre, plusieurs villes du pays ont vu s’engager des grèves et des occupations d’entreprises.
Dans une interview publiée le dimanche 6 février, Hossam el-Hamalawy, journaliste, bloggueur du site 3arabawy et membre du Centre d’études socialistes au Caire pointait déjà quatre premiers foyers : « Cela fait déjà deux jours que les travailleurs ont déclaré qu’ils ne retourneront plus au travail jusqu’à la chute du régime. Il y a quatre foyer de lutte économique. Une grève à l’usine sidérurgique à Suez, une fabrique de fertilisants à Suez, une usine de textile près de Mansoura à Daqahila, où les travailleurs ont expulsés le manager et autogèrent l’entreprise. Il y a également une imprimerie au sud du Caire où le patron a été viré et qui fonctionne en autogestion. »
Comme l’a informé le journal « Al-Ahram Online », les luttes ouvrères ont surtout commencé à gagner en intensité dans la ville-clé de Suez, avec en pointe les travailleurs du textile qui ont organisé une manifestation rassemblant 2000 travailleurs pour le droit à l’emploi à laquelle se sont joints 2000 jeunes. Dans le courant les jours suivants, les travailleurs ont occupé l’usine textile « Suez Trust » et 1000 ouvriers de la fabrique de ciment Lafarge entraient en grève tandis que leurs collègues de la cimenterie de Tora organisaient un sit-in pour protester contre leurs conditions de travail.
Dans le ville industrielle de Mahalla, l’étincelle est partie avec plus de 1500 ouvriers de l’entreprise Abu El-Subaa, qui ont manifesté en coupant les routes afin d’exiger le paiement des salaires. Ce sont ces mêmes travailleurs qui organisent régulièrement des sit-in depuis deux ans pour leurs droits.
Plus de 2000 travailleurs de l’entreprise pharmaceutique Sigma dans la ville de Quesna, se sont déclarés en grève afin d’exiger de meilleurs salaires et le versement de leurs bonus, suspendus depuis plusieurs années. Les travailleurs demandent également la destitution de la direction de l’entreprise qui menait une politique de répression brutale des activités syndicales.
Le mardi 8 février, les enseignants universitaires ont réalisé une marche de soutien à la révolution qui a rejoint les occupants de la Place Al-Tahrir. Les travailleurs des télécommunications du Caire ont alors entamé une grève au Caire, tandis que plus de 1500 travailleurs du secteur du nettoyage et de l’embellissement des espaces publics ont manifesté face au siège de leur administration à Dokki. Leurs revendications incluaient une augmentation salariale mensuelle pour atteindre 1200 livres égyptiennes. Ils demandaient aussi la généralisation des contrats à durée indéterminée et le renvoi du président du conseil d’administration.
L’éviction des bureaucrates syndicaux liés au régime et la conquête des libertés syndicales sont également au cœur des ces luttes ouvrières : d’après Al-Ahram, « le Vice-président du Syndicat des travailleurs égyptiens est séquestré depuis lundi (7 février) par des employés qui exigent sa démission immédiate ». Le mercredi 9 février, des journalistes se rassemblèrent au siège de leur syndicat pour exiger la destitution de leur responsable syndical nommé par le régime, Makram Mohamed Ahmed.
Le personnel technique ferroviaire à Bani Souweif engagea une grève qui s’étendit à tout le reste du secteur. Au moins deux usines d’armement à Welwyn se mirent en grève tandis que plusieurs milliers de travailleurs du secteur pétrolier ont organisé une manifestation face au Ministère du Pétrole à Nasr City et à partir du jeudi 10 février, ils furent rejoints par des collègues venant du reste du pays [Pour un tour d’horizon des différentes grèves recensées le 10 février].
C’est surtout à partir du mercredi 9 février que la vague de grèves se généralise dans tout le pays après l’annonce faite par Moubarak d’une augmentation des salaires de 15% pour les fonctionnaires. Ce jour-là également, les trois premiers syndicats indépendants du régime (celui des collecteurs d’impôts, des techniciens de la santé et de la fédération des retraités) ont manifesté ensemble face au siège de la Fédération égyptienne des syndicats afin d’exiger des poursuites judiciaires contre son président corrompu et pour la levée de toutes les restrictions imposées à l’encontre de la création de syndicats indépendants. Ce sont ces trois premiers syndicats autonomes qui, ensemble avec des travailleurs indépendants d’autres secteurs, ont créé le 30 janvier dernier la première Fédération égyptienne des syndicats indépendants (voir leur déclaration ci-dessous).
Il faut souligner ici le remarquable manifeste des métallos de la ville sidérurgique d’Helwan, qui ont organisé une grande marche le vendredi 11 février jusqu’à la place Al-Tahrir. Ce manifeste demandait :
« 1) Le départ immédiat du pouvoir de Moubarak et de tous les représentants du régime et la suppression de ses symboles ;
2) La confiscation, au profit du peuple, de la fortune et des propriétés de tous les représentants du régime et de tous ceux qui sont impliqués dans la corruption ;
3) La désaffiliation immédiate de tous les travailleurs des syndicats contrôlés par le régime ainsi que la création de syndicats indépendants et la préparation de leurs congrès afin d’élire leurs structures organisationnelles ;
4) La récupération des entreprises du secteurs public qui ont été privatisées, vendues ou fermées et leur nationalisation au profit du peuple, ainsi que la formation d’une administration publique pour les diriger, avec la participation des travailleurs et des techniciens ;
5) La formation de comités pour conseiller les travailleurs dans tous les lieux de travail et pour superviser la production, pour la fixation et la répartition des prix et des salaires ;
6) Convoquer une Assemblée constituante représentant toutes les classes populaires et tendances afin d’approuver une nouvelle constitution et élire des conseils populaires sans attendre le résultat des négociations avec le régime actuel. »
Mais ce qui aura sans doute été déterminant dans la chute de Moubarak, c’est qu’à partir du jeudi 10 février les travailleurs de la Compagnie du Canal de Suez des villes de Suez, Port-Saïd et Ismaïlia ont lancé une grève avec occupation illimitée des installations portuaires, menacant de perturber ainsi le trafic de navires. Plus de 6000 travailleurs se sont rassemblés également devant le siège de l’entreprise jusqu’à la satisfaction de leurs revendications salariales, contre la pauvreté et la déterioration des conditions de travail. Le canal de Suez est une source vitale de devises étrangères pour l’Égypte et un milllion et demi de barils de pétrole y transitent quotidiennement. Sa fermeture obligerait les cargos à faire le tour de l’Afrique et donc à rallonger leur voyage de sept à dix jours, ce qui aurait un impact sur les prix du pétrole et tous les échanges commerciaux en Europe et dans le monde.
Il ne fait aucun doute que cette vague de grèves massives et la perspective d’un canal de Suez bloqué ont été les éléments décisifs qui ont précipité la chute de Moubarak en renforcant la pression de Washington et des chefs de l’armée, peu rassurés quant à capacité et à l’obéissance des troupes du rang d’écraser ces grèves par une répression sanglante.
Quelles perspectives ?
Comme l’évoque Hossam El-Hamalawy, les grèves se poursuivent et se multipllient toujours dans tout le pays et dans tous les secteurs. Comme dans toute lutte ouvrière contre une dictature, les revendications sociales pour les salaires, les conditions de travail sont étroitement liées aux demandes pour les libertés syndicales et démocratiques, contre un régime corrompu et parasitaire qui accapare au profit d’une élite minoritaire les richesses, plongeant dans la misère l’immense majorité sociale.
Tout comme en Tunisie, la chute du dictateur provoque en Égypte une explosion de luttes sectorielles, d’autant plus fortes qu’elles furent depuis trop longtemps contenues et étouffées par l’absence de liberté syndicale. Ces luttes ouvrières exacerbent à leur tour les contradictions de classe, y compris au sein de la coalition anti-Moubarak, entre les tenants d’une révolution démocratique et sociale qui va jusqu’au bout, jusqu’à la satisfaction de l’ensemble des exigences populaires, et les secteurs bourgeois ou petits-bourgeois qui veulent au contraire y mettre un terme le plus rapidement possible.