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Editorial - Le prolétariat d’Egypte a fait chuter Pharaon - Lui seul peut en finir avec le système - Ce n’est qu’un début, le combat continue...

dimanche 13 février 2011, par Robert Paris

C’est le peuple qui a gagné...

et c’est l’armée qui est au pouvoir...

L’unité du peuple travailleur et de l’armée, oui, mais seulement avec les soldats...

Si l’armée a démis Moubarak, c’est pour se donner les moyens d’interdire les rassemblements ouvriers et les grèves. Si la classe ouvrière doit mener la révolution sociale vers son succès, elle doit s’appuyer sur les soldats pour démettre les généraux.

Editorial - Le prolétariat d’Egypte a fait chuter Pharaon - Lui seul peut en finir avec le système - Ce n’est qu’un début, le combat continue...

Moubarak est tombé. Si, aujourd’hui, tous s’en félicitent, y compris les grandes puissances comme la France ou les USA meilleurs amis jusque là du dictateur, il ne faut pas oublier qu’elles prétendaient toutes que "l’Egypte n’est pas la Tunisie", sous-entendant ainsi que l’armée pouvait lâcher Ben Ali mais pas Moubarak, ou encore prétendant que le premier était corrompu mais pas le second !

Et, sur un point, elles ne se trompaient pas : la révolution ne copie pas d’un pays à l’autre. La révolution a eu, en Egypte, une ampleur et une profondeur encore plus grande dans le prolétariat qu’en Tunisie, mettant en mouvement toute la classe ouvrière et la paysannerie.

Car l’Egypte est un des pays les plus prolétarisés du monde avec un prolétariat très concentré dans un petit nombre de villes et qui a mené depuis 2005 de grandes luttes où il s’est organisé de manière autonome des syndicats réformistes. Mercredi dernier, de manière massive, spontanée et autonome (sans consigne ni d’un El Baradei, ni des Frères musulmans, ni de personne), les travailleurs de tous les secteurs (du Textile au canal de Suez en passant par les cheminots et le personnel hospitalier) ont débuté une grève de masse impressionnante. Des mutineries de soldats commençaient à être connues et l’appareil de l’armée, le véritable pouvoir en même temps que le plus grand capitaliste du pays, était directement menacé d’implosion. Il est devenu clair aux classes dirigeantes que le maintien de Moubarak n’était plus pour elles une protection mais un grand danger... Si bien qu’au bout de dix-huit jours de révolte sociale et d’une journée de mobilisation générale des prolétaires d’Egypte, le "raïs" est tombé...

Et maintenant ce sont tous les autres, les Bouteflika, Khadafi, Saleh, Hussein et Mohamed VI qui se demandent qui sera le prochain de la liste...

C’est la crise mondiale du système capitaliste entamée en 2008, et pas seulement des circonstances propres à tel ou tel pays, qui est en train de frapper et elle remet à l’ordre du jour la révolution prolétarienne... malgré les discours de tous ceux qui prétendaient l’avoir définitivement enterrée !

Et, dans le Maghreb et le monde arabe, la révolution frappe le maillon faible de la chaîne impérialiste, des pays qui sont gouvernés sur un mode ultra dictatorial, militaire et policier, très dépendant de l’impérialisme, et qui maintiennent les populations dans une misère invraisemblable pour mieux faire profiter le système capitaliste mondial.

La Tunisie ou l’Egypte ne sont nullement des pays hors du système ni en marge mais parfaitement intégrés au capitalisme mondial. Les dictatures qui y gouvernent ont été voulues et mises en place sous l’égide de l’impérialisme et pour son plus grand profit. Et c’est la crise de sa domination qui les a précipités dans la révolution. Et, quand la révolution sociale commence à frapper à la porte, les puissants savent que nul ne peut prétendre savoir où elle va s’arrêter.

Dès les premiers combats, en Tunisie et en Egypte, on a vu les masses populaires faire renaître des comités de quartiers, des conseils ouvriers, des formes d’armement élémentaires des masses qui caractérisent les révolutions sociales.

Bien sûr, les commentateurs ont bien essayé de comparer ce qui se passe au Moyen-Orient et au Maghreb à la chute du mur de Berlin. Mais il ne suffit pas de mentir pour transformer la réalité... Les grandes puissances et les profiteurs et bureaucrates de l’Est s’étaient entendus pour en finir avec le régime des blocs. Ils l’avaient fait parce qu’ils craignaient que cette chute soit provoquée par une situation à la polonaise avec des comités ouvriers s’étendant sur tout le pays, même si la formation d’un syndicat et la répression avait fait rentrer le pays dans l’ordre. Par contre, la révolution actuelle les surprend et les inquiète considérablement. Ils ne l’ont ni souhaitée ni préparée. Ils essaieront seulement de la faire échouer en tentant de lui donner de fausses perspectives, tout en continuant à la réprimer.

« Le Pharaon est mort. Je rêve ? J’ai peur de rêver ? », lance un jeune place Tahrir. Non, il a raison, ce n’est pas fini et, pour que le rêve devienne réalité, il ne faut pas applaudir la mise en place du pouvoir militaire voulu par Moubarak même si celui-ci prétend s’ouvrir à l’opposition ou organiser des "élections libres"....

Le conseil militaire qui gouverne prétend d’abord rétablir l’ordre (l’ordre ancien) et la sécurité (celle des riches)... Et il l’a montré dès le premier jour en évacuant par la force des manifestants et en réprimant violemment une grève pour les salaires.

Même si la dictature de Moubarak a fédéré contre elle toutes les révoltes, cette révolution sociale pose des questions bien plus profondes, mettant en cause fondamentalement la dictature sociale de l’Egypte, un pays où se côtoient grandes fortunes et grandes misère. Ce n’est pas un hasard si c’est la classe ouvrière qui a mis fin à la dictature, car c’est elle qui, depuis 2005, la remet en question par des grèves et des mobilisations dont celles du Textile sont les plus connues. C’est d’ailleurs la grève des ouvriers du textile de 2008 qui avait lancé la liaison via internet entre les grévistes. Les blog, ce sont des travailleurs qui les ont utilisé en premier en Egypte, au prix de la liberté et de la vie parfois...

La misère, le chômage et le manque de logements sont des maux criants en Egypte et ce n’est pas le remplacement de Moubarak par un pouvoir militaire ou civil qui va changer cela car ce que veulent les militaires en mettant en place le nouvel ordre, c’est justement stabiliser la dictature sociale, des exploiteurs contre les exploités, c’est-à-dire le contraire de ce que veut le peuple travailleur !

L’armée est toujours au pouvoir ainsi que les exploiteurs. L’Egypte est à la frontière entre une révolution sociale s’attaquant aux classes dirigeantes et détruisant l’Etat dictatorial de la bourgeoisie et une contre-révolution sanglante de l’armée... On ne peut pas rester longtemps devant un tel abime... La révolution ne fait donc que commencer en Egypte !!

Comme elle ne fait que commencer en Tunisie et dans l’ensemble du Maghreb et du monde arabe, comme le montrent les dernières manifestations en Algérie, au Yémen, en Jordanie et au Maroc....

C’est bien ce que craignent toutes les bourgeoisies du monde comme le montre la dernière déclaration du chef du gouvernement français. Il ne se félicite pas de la chute de Moubarak mais félicité ce dernier "de la décision courageuse de quitter le pouvoir" ! Et il s’empresse auprès du roi, dictateur d’Arabie saoudite pour l’assurer de son soutien, lui qui venait juste d’exprimer son rejet de la solution chute de Moubarak !

C’est dire que les prétendues préoccupations démocratiques des grandes puissances sont surtout la préoccupation d’empêcher les peuples de Tunisie et d’Egypte notamment d’aller vers un véritable changement social.

A l’inverse, pour les travailleurs de France et du monde, nos espoirs doivent aller vers la poursuite de la lutte jusqu’à éradication de la dictature sociale et vers la prise de pouvoir par les comités d’ouvriers, de paysans et de soldats...

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  • Le prolétariat d’Egypte a fait chuter Pharaon - Il peut en finir avec le système - Ce n’est qu’un début, le combat continue

  • C’est la crise mondiale du système capitaliste entamée en 2008, et pas seulement des circonstances propres à tel ou tel pays, qui est en train de frapper et elle remet à l’ordre du jour la révolution prolétarienne... malgré les discours de tous ceux qui prétendaient l’avoir définitivement enterrée !

  • "Le Pharaon est mort. Je rêve ? J’ai peur de rêver ?"

    Dieu est mort , je l’ai tué ; mon chef aussi, mon mari, mon maton, mon mac, mon patron, mon banquier, le procureur, le flic, le casque bleu, le mafieu, le directeur, son adjoint, le maire, le député , le ministre, le père est définitivement enterré car c’est moi qui l’est fait tombé.

    Mais est ce que le système lui est détruit ? ou est ce qu’il va tomber après un choc aussi puissant ?
    Pourquoi ? Car quel est ce monde nouveau sans ces pharaons, sans ces croyances dans l’autorité suprème, sans perspectives ?

    Pourquoi Degaulle n’est pas parti en 68 ?
    CE qui se passe en ce moment vaut 1000 fois ces évènements qui dèjà sont un moment incontournable dans l’histoire du prolétariat en France.

    Les militants qui sont tous communistes trotskystes maoiste gauchiste etc..le sont à cause de 68, alors que dire dans des situations comme celles de 2011 dans le monde : les prolos sont en train d’écrire l’histoire, peut être avec des mots désordonnés, mais ils ont arrêté de subir !

    Le pire des camps de concentrations avec sa hierharchie nazie et ses relais parmi les prisonniers, ne peut pas résister à une révolte de ces humains qu’on essaye de déshumaniser.
    L’insurrection de Sobibor nous montre que la pire dictature, peut s’éffondrer en quelques secondes et les anciens tortionnaires implorés les révoltés de leur pardon.

    Imaginons maintenant que la planète devienne un immense Sobibor ou chaque camp de concentration, chaque usine, mine, champ, prison, se libére de leur Nazis.
    Imaginons des armées d’esclaves qui marchent partout, en Algérie, en Arabie, en IRan, en Israel, en Chine, aux USA etc...

    Car au fond pourquoi cette révolte, révolution, insurections, soulèvement, que sais je encore, pourquoi le fait que des masses ouvrières et d’autres dits "privilégiés " en temps "normal", monte à l’assaut des Pharaons, nous fait autant plaisir à tous !
    Quel est cet espoir profond qui a été réveillé en chaque exploité et qui est combattu avec férocité par tous les " analystes" qui tentent de relativiser et de transformer l’avenir en une grille évènementielle : "si les gens ont fait ceci, alors il manque cela et cela aboutira automatiquement à ça" etc...

    Les classes dirigeantes elles mêmes sont extrémements prudentes et même craintives en ce moments, car elles ne savent rien sur leur avenir : économiques, sociales et politiques.

    Le prolétariat a commencé réellement son offensive et si Moubarack est parti c’est bien pour permettre à toutes les autres dictatures et démocraties en faillite sociales complètes, de reprendre un peu leur souffle ; car l’onde de choc du séisme égyptien, fait le tour de la planète.

  • Voici venu avec les premiers jours du printemps,

    le temps du plaisir de la célébration du printemps égyptien ;

    avec un concert de l’artiste Hisham Gad.

    C’est son héritage musical transmis par l’Egypte

    qu’il nous donnera à entendre en partage !


    Espace le Scribe l’Harmattan

    Samedi 7 mai 2011 à 20h 30

    Concert

    Le Printemps Egyptien

    Hicham Gad chante

    Sayed Darwich / Fouad Najm / Cheikh Imam …

    Fatima Charii chante l’Egypte

    et la nouvelle chanson

    Le printemps d’Egypte, O Sidi Bouzid,

    Paroles et musique de Osama Khalil

    Quand Hicham Gad et Fatima Charii chantent Le printemps égyptien,

    ils chantent l’Egypte, la Liberté !

    Chanteur et musicien, Hicham Gad s’est fait connaître dès son arrivée à Paris par sa manière d’interpréter les chansons populaires de Sayed Darwich, les chansons révolutionnaires de Fouad Negm et Cheik Imam, mais aussi les grands classiques de la chanson arabe Abdelwahab, Abdelhalim et Farid.

    C’est son héritage transmis par l’Egypte qu’il continue à faire vivre en le revisitant dans une progression musicale réussie.

    Il chante aujourd’hui la révolution, il la célèbre avec d’autres artistes, dans de nombreux concerts de soutien au peuple égyptien. Ainsi, en plein printemps arabe, il chante l’hommage rendu à Ahmed Fouad Najm, lors d’une soirée inoubliable à l’Institut du Monde Arabe à Paris.

    En découvrant les marionnettes dans son quartier natal de Choubra au Caire, il a suivi des cours d’art dramatique de théâtre, de mise en scène, de cinéma,de musique et de chanson. Avide de se nourrir d’art, c’est un artiste accompli complet, touche à tout.

    Avant de se faire un nom, Hisham Gad a fait preuve de beaucoup détermination enchaînant répétitions et représentations, en un travail vocal exceptionnel ; son style élégant autant en réinterprétation, qu’avec des compositions originales, ont conquis un large public passionné par les chants de rêve et d’espoir. Quel plaisir que celui d’avoir à entendre, aussi, durant cette soirée Fatima Charii, la merveilleuse chanteuse marocaine à la voix d’or, interpréter les plus belles chansons du pays du Nil.

    Une belle occasion de l’entendre chanter en duo avec Hicham Gad, la chanson Le printemps d’Egypte, O Sidi Bouzid, paroles et musique du poète et philosophe Osama Khalil entourés de leurs amis musiciens Meher Melki, Salem Benouni, Samir Homsi et Ahmed Lasfer.

    Une soirée et un concert qui promettent d’être exceptionnels, comme ce printemps naissant.

    Fatima Charii

    Très tôt, Fatima manifeste un intérêt pour le chant et la musique. Elle chante Fairouz et Oum Kaltoum. Au conservatoire de Rabat elle apprend à jouer du Qanoun. Le timbre particulier de sa voix se pare d’un voile transparent et on entend alors, une voix dans un souffle sublime chargé d’émotion qui résonne au profond de votre intime.

    Chanteuse principale de l’Ensemble Takht Attourath (Orchestre du patrimoine) elle s’est produit au Festival de Musique arabe à Jérusalem en 1999.

    Airs du Désert, c’est le nom du duo musical qu’elle forme avec le musicien Hadi El Rharbi. Des musiques inspirées par l’histoire musicale d’un Magreb aux influences venues du Machrek, de la Méditerranée et de toute l’Afrique ! que l’on retrouve dans leur premier album Les Airs du Désert.

    Fatima Guemiah

    Hicham Gad / Chant

    Fatima Charii / Chant

    Meher Melki / Luth

    Salem Benouni / Violon

    Samir Homsi / Luth / Percussion

    Ahmed Lasfer / guitare

    Sayyid Darwish

    né en 1892 à Alexandrie fut un compositeur lyrique à une époque où venait de naître le théâtre lyrique en Égypte. Parmi ses compositions on trouve Bilady, Bilady, Bilady, l’hymne national de la République Arabe d’Égypte. Ce compositeur essentiel symbolise idéalement une transition entre la musique arabe traditionnelle et moderne, à la fois influencé par l’Occident, l’opéra italien et les opérettes et marqué par l’apparition des moyens modernes d’enregistrement. Ce novateur réussi à révolutionner la musique arabe sans en bouleverser ses structures profondes.

    Cheikh Imam

    Est né dans une famille pauvre dans le village d’Aboul Namres. À l’âge de 1 an, il devient aveugle. En 1962, il rencontre le poète Fouad Najm avec lequel il devient ami. Il commence à écrire des chansons révolutionnaires ce qui lui coûte de nombreux séjours en prison. Dans les années 80, il est invité par le ministère de la Culture français pour donner des concerts et effectue des tournées en Europe. "Les nuits des amandiers" Ed. Absolute - CD audio réédité en 2006.

    Ahmed Fouad Najm

    Cet Ambassadeur des pauvres, selon les Nations Unies (2007), est connu pour ses poèmes révolutionnaires, et pour ses critiques virulentes envers les présidents égyptiens et les chefs arabes, ce qui lui a coûté 18 ans de prisons. Mais cela ne l’a pas empêché d’écrire des poèmes même en prison. Il a travaillé notamment avec son ami, Cheikh Imam.

    Paf 10 €

    Réservation souhaitée : Tél 06 99 42 87 65 - Tél 09 81 62 06 38

    www.20six.fr/scribecosmopolite06

    Espace Le Scribe l’Harmattan Osama Khalil – Directeur

    19 rue Frédéric Sauton - 75005 Paris

    Métro : Maubert Mutualité / Saint- Michel

    _____________________

    Le lien sur DAILY MOTION pour la chanson Le printemps d’Egypte, O Sidi Bouzid :

    http://www.dailymotion.com/video/xigj2r_le-printemps-d-egypte-et-de-la-tunisie-live-23-avril-11-wmv_news

    Le lien sur YOU TUBE pour la chanson Le printemps d’Egypte, O Sidi Bouzid :

    http://www.youtube.com/watch?v=37ozhGVGqts

    Peuple d’Egypte, voici ta promesse

    Ô Sidi Bou Zid

    Les soldats du ciel

    Les voilà de ton côté

    Peuple d’Egypte

    Te voici

    Fidèle à ta promesse

    O Sidi Bou Zid

    Ta brise est de jasmin

    Le ciel de Kassereine

    Respire ton parfum

    Du Maghreb à Bahrein

    Les peuples sont levés

    Ils n’ont jamais cédé

    Sur la place Tahrir

    Croix et croissant

    Contre tyran

    Et courtisans

    Jeunesse en fleurs

    Crie en chantant

    Dégage ! assez !

    La coupe a débordé

    O Sidi Bou Zid

    Ta brise est de jasmin

    Le ciel de Kassereine

    Respire ton parfum

    Du Maghreb à Bahrein

    Les peuples sont levés

    Ils n’ont jamais cédé

    Gardien d’Egypte !

    Tu n’es qu’un larron !

    Tu l’as longtemps pillée

    Tu l’as trop mal aimée

    Quitte la notre terre !

    Et va mourir ailleurs

    Avec nos frères et sœurs

    Nous y vivrons ensemble

    O Sidi Bou Zid

    Ta brise est de jasmin

    Le ciel de Kassereine

    Respire ton parfum

    Du Maghreb à Bahrein

    Les peuples sont levés Ils n’ont jamais cédé

    Osama Khalil

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    Fatima Guemiah
    Communication Presse
    Espace le Scribe l’Harmattan
    Tél 01 53 10 88 34 - Tél 06 62 04 42 24

    http://picasaweb.google.com/fatima.guemiah

    http://www.20six.fr/scribecosmopolite06

  • Egypte : révolution et luttes sociales

    Si l’on retient de la révolution égyptienne de 2011 la figure du jeune internaute branché, si l’on découvre, en 2013, celle, plus sombre, du jeune cagoulé vêtu de noir, il en est une que la plupart des médias ignorent alors même que son rôle est incontestable dans le cycle de mobilisations que connaît l’Egypte depuis deux ans, et au-delà depuis la fin des années 1990 : celle du petit salarié, qu’il soit ouvrier, fonctionnaire ou employé.

    Moins médiatiques que les affrontements entre militants politiques et forces de l’ordre, plus constantes et régulières que les épisodes protestataires qui se déploient dans les rues, les mobilisations du monde du travail sont l’autre face, tout aussi cruciale et tout aussi expressive, de cette révolution.

    La force et l’acuité des luttes qui se déclinent en termes économiques et se conjuguent au présent de la question sociale ne sauraient être occultées dans la compréhension de la geste révolutionnaire.

    Elles en sont un des réfracteurs et entretiennent un rapport homothétique, dans la forme et le fond. Elles sont aussi le soubassement, voire une des clés d’explication des flambées de violence, de colère et protestations que la moindre étincelle politique suffit à allumer dans l’Egypte d’aujourd’hui.

    Une révolution ne relève pas de la théorie de la génération spontanée. L’égyptienne ne déroge pas à la règle ; si la contestation qui s’est cristallisée le 25 janvier 2011 par l’occupation de la place Tahrir fut imprévisible, elle ne s’inscrit pas moins dans un cycle de protestations indépendantes des formations politiques et à l’initiative des ouvriers et des jeunes.

    OCCUPATION DE TOUTE UNE VILLE

    Pour la seule année 2007, l’Egyptian Workers and Trade Union Watch dénombre 580 actions revendicatives (en 2004, il s’agissait de 191 actions). En septembre 2007, 22 000 ouvriers de l’usine de textile Ghazl Al-Mahalla, fleuron de la troisième ville du pays, Mahalla Al-Koubra, se mettent en grève pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail et un salaire minimum.

    Pour la première fois en Egypte, un ouvrier du comité de grève élu, Sayyid Habib, déclare lors d’un meeting : "Nous défions le gouvernement (...) Nous nous battons pour nos droits et la chute du gouvernement." La politisation des revendications sociales est explicite.

    Quelques mois plus tard, c’est de la même usine, en avril 2008, qu’une grève conduit à l’occupation de toute une ville. Elle reste, aujourd’hui encore, un souvenir vivace chez les militants syndicaux et politiques tant la répression est féroce (affrontements avec les forces de police faisant un mort et 331 arrestations) et tant elle marque une étape dans la synchronisation des luttes sociales et politiques.

    Le 1er mai 2010, un rassemblement d’ouvriers de diverses usines se forme devant le Parlement et entonne des slogans sans ambiguïté : "Un salaire minimum juste ou que le gouvernement rentre à la maison", "A bas Moubarak et tous ceux qui augmentent les prix". Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, de l’étroite imbrication des mouvements sociaux dans la trame révolutionnaire.

    Il nous suffit de mentionner que c’est au coeur même de l’occupation de Tahrir, durant ces dix-huit jours qui conduisent au départ du président Hosni Moubarak, que se crée, le 30 janvier 2011, le premier syndicat indépendant de l’Egypte : la Fédération égyptienne des syndicats indépendants (Efitu), qui appelle immédiatement à une grève générale, très suivie.

    Pourtant, l’événement est l’un des moins médiatisés du soulèvement populaire. Il n’empêche, l’un des acquis de la révolution est bien là, dans la fin du monopole de l’omnipotente Fédération des syndicats égyptiens (ETUF) fondée par Nasser.

    La liberté syndicale est reconnue par décret le 12 mars 2011, et en août la direction nationale de l’ETUF est dissoute, ce qui était la toute première revendication de l’Efitu. Mais cet acquis est fragile et ambivalent. Liberté syndicale reconnue mais action collective criminalisée : c’est également par décret qu’en mars, le Conseil suprême des forces armées chargé de la transition assortit toute incitation à l’organisation de sit-in ou d’actions perturbant le travail des autorités publiques d’une amende de 5 537 euros.

    LA CHUTE DU RÉGIME DE MOUBARAK N’A PAS APAISÉ LA COLÈRE

    La sanction est de 55 377 euros et d’au moins un an de prison pour toute action de violence conduisant à "la destruction des moyens de production" ou "susceptible d’atteinte à l’unité nationale, à la sécurité publique et à l’ordre social". L’imprécision des termes est propice à l’interprétation la plus extensive, comme en témoigne la condamnation à la prison, par un tribunal militaire, le 29 juin 2012, de cinq ouvriers de la compagnie de gaz et de pétrole Pétrojet, coupables d’avoir campé deux semaines devant le ministère du pétrole, pour demander la titularisation de 200 employés au statut précaire.

    La chute du régime de Moubarak n’a pas apaisé la colère, loin s’en faut. Des grèves récurrentes bloquent les usines et les rues du centre-ville. Dans les secteurs industriel et tertiaire, une amélioration des conditions de vie et une refonte du droit du travail égyptien sont revendiquées.

    En 2011, selon l’ONG Sons of the Land Association for Human Rights, plus de 1 400 actions collectives ont eu lieu impliquant au moins 60 000 travailleurs, soit deux à trois fois plus qu’auparavant. Du jamais-vu dans l’histoire de l’Egypte. Pour le seul mois de septembre 2012, le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux recense près de 300 actions collectives ouvrières.

    Les revendications restent les mêmes (salaire minimum et conditions de travail), auxquelles s’ajoutent des demandes politiques : l’exigence que des directeurs de sites ou de services soient "dégagés", que les "petits Moubaraks" de toute sorte subissent le même sort révolutionnaire.

    En cela, les ouvriers égyptiens partagent avec le peuple le bénéfice acquis lors du soulèvement : le pouvoir de dire, la reconquête de leurs voix, à défaut de leurs droits. En effet, ils sont rares les exemples de changement de direction, peu nombreux durant la gestion de la transition par l’armée, de plus en plus rares sous le règne des Frères musulmans.

    Evoquons aussi la déconnexion grandissante entre les expressions et formulations de la question sociale et les traductions politiques des tourments transitionnels. Force est de constater que les luttes sociales, avec tout ce qu’elles comportent de revendications socio-économiques, viennent s’échouer au pied de l’arène politique.

    UN PEUPLE EN PAUPÉRISATION CHRONIQUE

    Non seulement peu de partis mentionnent les intérêts des travailleurs et des ouvriers, mais encore les nouveaux syndicats connaissent des conditions de travail précaires ; faute de ressources, la plupart ne disposent ni de locaux ni de cadres.

    Un an après le départ d’Hosni Moubarak, l’Efitu a beau revendiquer regrouper 200 syndicats et 2 millions de membres, elle est le théâtre de scissions tonitruantes ; bien expert celui ou celle qui pourrait en établir la puissance réelle.

    Soyons justes : les dimensions économico-sociales ne sont pas absentes des programmes des partis politiques, anciens ou nouveaux, et le très bon score du candidat nassériste Hamdeen Al-Sabahi, fondateur du parti Al-Karama, à la présidentielle, où il parvient à capitaliser 20,7 % des suffrages exprimés au premier tour, s’explique par sa proximité avec les mouvements sociaux.

    Reste que Khaled Ali, l’ancien directeur du centre égyptien pour les droits économiques et sociaux et leader syndical, n’a récolté que 0,6 %. La compétition pour les sièges parlementaires n’a guère été plus favorable : en comptant large, 25 députés du premier Parlement postrévolutionnaire peuvent être considérés comme proches de la cause ouvrière.

    Signe des temps ou paradoxe dramatique d’un pays qui connaît une situation économique catastrophique et dont tous les indicateurs financiers sont au rouge ? Quoi qu’il en soit, au désastre de l’économie égyptienne et au désarroi d’un peuple en paupérisation chronique, le pouvoir en place reste, dans le meilleur des cas, sourd, à tout le moins peu réceptif et, dans le pire, répressif.

    En effet, il est faux de croire que le projet politique des Frères musulmans est un véritable projet de société dans le sens plein du terme : s’il est bien sociétal, connu - ô combien - pour ses aspects relatifs aux moeurs et à l’édiction de la morale, il est plus que superficiel sur la question sociale et euphémistique sur la fracture sociale.

    Cependant, les Frères ont des considérations plus nettes et plus précises qu’on ne le croit sur le volet économique. Le credo néolibéral, avec ce qu’il implique de privatisations dans l’éducation, la santé, les transports et l’énergie n’est pas, pour eux, une découverte des injonctions du FMI.

    Ils l’endossent et le revendiquent explicitement dans leur programme qui fut le seul, lors de la campagne présidentielle, à encourager les investissements étrangers dans les infrastructures principales et la libéralisation centralisée des échanges commerciaux.

    "PAIN, DIGNITÉ, JUSTICE SOCIALE"

    Le slogan de la révolution "Pain, dignité, justice sociale" garde toute sa pertinence, deux ans après. Si la violence des black blocs (fondés sur le modèle des groupes radicaux européens) a pu surprendre, si celle des forces de l’ordre a pu rester intacte, elles n’en demeurent pas moins sans commune mesure avec la violence sociale qui perdure, au-delà et à côté de la révolution.

    La dynamique et l’enjeu de cette dernière ne sont réductibles ni au clivage simplifié entre laïc et islamiste, ni à la seule alternative entre pacifisme et violence, ni, encore, au trompe-l’oeil de la distinction entre Etat civil et Etat militaire.

    Assia Boutaleb, maître de conférences à Paris VIII

    Assia Boutaleb, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris-VIII - Saint-Denis, a soutenu une thèse sur les processus de légitimation en direction de la jeunesse dans l’Egypte d’Hosni Moubarak. Ses travaux portent sur l’autoritarisme, les processus révolutionnaires et les configurations transitionnelles en Egypte et dans le monde arabe

  • Elle s’appelait Shaimaa al-Sabbagh. Elle est morte au Caire, tuée par un tir d’arme à feu, au pied de la gerbe de fleurs qu’elle venait de déposer. Une gerbe de fleur en hommage à la révolution commencée quatre ans plus tôt sur cette même place Tahrir. Aujourd’hui, la révolution est morte. La liberté aussi. Shaimaa aussi. "Al-Sissi le sanguinaire !"

    La police égyptienne dément, explique qu’elle a tiré avec des gaz lacrymogènes. On parle de tir de chevrotine. Depuis l’éviction de Morsi, 1 400 militants islamistes et plus de 15 000 personnes ont été arrêtés, certains condamnés à mort. Le spectre de l’islamisme et du débordement salafiste instrumentalisé par l’armée sert maintenant à faire partir le spectre de la révolution. "La chasse aux barbus" est ouverte et beaucoup s’en accommodent très bien. Et cela couvre la chasse aux révolutionnaires... Le pouvoir militaire ne laisse que le choix : mourir sous la dictature de l’armée ou sous celle de la charia.

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