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Sahara : répression violente d’une révolte sociale

mardi 30 novembre 2010, par Robert Paris

L’Etat marocain qui a réprimé dans le sang une révolte au Sahara voudrait faire croire qu’il s’agissait d’une action politique du Polisario et de l’Algérie alors qu’il s’agissait d’une révolte contre la misère...

Un défenseur des droits des sahraouis a déclaré à Paris : 40 corps de Sahraouis ont été retrouvés, écrasés par les camions des forces de la police et de la gendarmerie marocaines qui ont donné l’assaut lundi à l’aube contre le campement de la Liberté d’El Ayoun, alors que 17 autres Sahraouis, ont été retrouvés morts, tués par balles et enfouis dans des citernes , et je viens d’apprendre à l’instant même que quatre jeunes sahraouis ont été violemment et sciemment écrasés par des engins des forces d’occupation marocaine soutenus par des colons marocains.

Les forces armées, déployées en nombre, les carcasses d’immeubles et de voitures calcinés, attestent que la situation n’est pas encore revenue à la normale. Le chef-lieu du Sahara Occidental n’est pas sorti de ce cauchemar, qui a creusé, plus profondément que lors des précédentes violences de 1999, le fossé séparant les habitants se revendiquant Marocains et ceux qui demeurent attachés à leur identité sahraouie et à l’idée d’une indépendance de ce territoire annexé par le régime chérifien en 1975.

L’enquête judiciaire vient de débuter avec l’inculpation de 96 prévenus, accusés d’avoir participé aux émeutes. Le bilan des violences est, lui, toujours l’objet d’une bataille de communiqués entre le Maroc et le Front Polisario, le mouvement indépendantiste parrainé par l’Algérie. Les autorités marocaines, noms à l’appui, avancent le chiffre de dix morts parmi leurs forces de l’ordre et celle de deux civils sahraouis.

Pour le Polisario, ces derniers ne sont que les victimes visibles d’une répression qui aurait fait des dizaines de morts et des centaines de blessés sahraouis. Mais, bien que l’on ne puisse exclure de nouvelles découvertes macabres, les chiffres du Polisario, qui ont varié tout au long de la semaine, n’ont, eux, toujours pas été étayés.

Tout avait pourtant commencé calmement quand, le 10 octobre dernier, une poignée de jeunes Sahraouis de Laâyoune ont planté leurs tentes à 7 km à l’est de la ville, en plein désert. Les autorités locales ont, curieusement, laissé faire.

Depuis le 10 octobre 2010, 20 000 Sahraouis avaient dressé un campement de tentes à Gdeym-Izik, baptisé « Camp de la Dignité » à 15 km de la ville de Laâyoune pour protester contre leur marginalisation, le pillage des ressources naturelles de leur pays qu’ils refusent et dont ils ne bénéficient pas, exiger leurs droits sociaux et économiques et les libertés fondamentales.

Dix jours plus tard, le camp Gdeim Izik rassemblait quelque 3000 tentes. Peut-être 12.000 à 15.000 personnes s’y côtoyaient le week-end. Il y avait des familles, heureuses de retrouver la vie dans le désert et les coutumes ancestrales sahraouies, les initiateurs du projet, réunis dans une coordination, dont l’objectif affiché était de faire aboutir des revendications sociales, et tous ceux attirés par cette perspective de décrocher une aide de l’État. Et puis, aussi, des bandes de trafiquants équipés de 4×4, et un noyau dur de militants du Front Polisario. Ce sont ces deux derniers groupes qui avaient pris le contrôle du camp.

Après les avoir assiégés pendant 3 semaines, les forces marocaines sont intervenues avec une brutalité particulière aux premières heures du 8 novembre, détruisant le campement, faisant de nombreuses victimes parmi les femmes, les enfants et les personnes âgées.

S’agissant des derniers évènements, de jeunes Sahraouis décident d’ériger un camp de toile, à une vingtaine de kilomètres de Laâyoune, et d’y tenir une sorte de sit-in permanent. Leurs revendications portent sur le droit à l’emploi et au logement, la liberté d’expression, la « reconnaissance de leur dignité »... Durement frappée par le chômage (30%, alors que la moyenne nationale est de 9%), la population du Sahara vit très mal l’afflux de Marocains du Nord, à commencer par les fonctionnaires, chouchoutés par le gouvernement. Au fil des jours, le camp grossit, jusqu’à rassembler quelque 15.000 occupants.(1) Les gens présents dans ce camp, installé dans la banlieue de Laâyoune, n’avaient à l’origine aucun esprit belliqueux, comme le reconnaît le journal marocain Emarrakech.info, Un premier incident grave s’est déroulé le 25 octobre, quand un adolescent de 14 ans a été tué lors d’une échauffourée avec les forces de l’ordre. Le 8 novembre, le Maroc envahit le camp.(2)

Selon le Maroc, douze personnes ont été tuées lors du démantèlement du camp. Le Front Polisario qui réclame l’indépendance du Sahara occidental et s’est prononcé pour la tenue d’un référendum d’autodétermination, a fait état pour sa part de « dizaines de morts » et de plus de 4500 blessés au cours des violences qui ont suivi le démantèlement. Ces jeunes se sont révoltés d’une façon spontanée, en tout cas sans avoir été manipulés par le Front Polisario qui a vite fait de « récupérer » le mouvement. Même Aminatou Haïdar, la « Gandhi sahraouie ». est restée muette Elle avait fondé le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme (Codesa) qui s’accompagne d’un rejet catégorique de la violence. De nombreuses organisations internationales ont protesté contre ces meurtres, tortures et emprisonnements aussi bien en France qu’en Espagne, Italie. Des marches de protestation sont organisées et qui demandent une enquête internationale qui n’a eu aucune chance d’aboutir, car la résolution du Conseil de sécurité a été bloquée par le veto de la France qui joue vis-à-vis du Maroc le même rôle protecteur que les Etats-Unis vis-à-vis d’Israël. Ainsi, le 17 novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies s’est contenté de « déplorer la violence ».

« Réduire au silence les Sahraouis, hommes, femmes et enfants, veut dire les tuer. Les paroles de M Kouchner le rendent complice des assassinats de femmes et d’enfants sahraouis de ces derniers jours. La démocratie marocaine assassine à huis clos, les journalistes et les observateurs sont interdits d’entrer au Sahara occidental occupé. La cruauté, la violence déchaînée et bestiale des autorités marocaines sur les Sahraouis c’était hier et avant-hier, et ça continue. Des Sahraouis sont morts, morts violentes, coups et balles : 11 morts annoncés par le ministère de l’Information sahraouie, puis 8 corps découverts près de la rivière Saguia el Hamra et dans la ville. 18 corps de femmes. 25 corps découverts dans un trou près des campements détruits...Et 723 sont blessés, 163 arrêtés et 159 portés disparus. (...) La France hypocrite valide les transferts des fonds par millions d’euros de l’Europe au Maroc, pour son bon voisinage, son accord de pêche, son statut avancé..(...)La France fière doit agir en urgence pour assurer la protection du peuple sahraoui et son indépendance sur sa terre . » (3)

On peut discuter, lit-on dans le journal El Periodico de Catalunya, du nombre de victimes, mais nul ne met en doute la brutalité avec laquelle ont agi les autorités marocaines quand elles ont fait évacuer à l’aube le campement de khaïmas [tentes de nomades] d’Agdaym Izik, à dix kilomètres de Laâyoune. Depuis que l’Espagne, en 1975, aux dernières heures du franquisme, a abandonné à son sort son ancienne colonie, on n’avait jamais vu une mobilisation sahraouie aussi massive et prolongée dans le temps. (...) A cet égard, rappelons le procès de militants sahraouis qui avaient visité le camp et les agressions contre deux journalistes espagnols qui couvraient l’événement, l’interdiction de voyager faite à plusieurs journalistes espagnols, l’expulsion du Maroc de la chaîne Al Jazeera en raison de ses informations sur le Sahara et l’expulsion de Laâyoune du député européen, Willy Meyer [un député français a lui aussi affirmé avoir été expulsé du Maroc le 8 novembre]. Après 35 ans de conflit, le Maroc ne peut pas continuer à vouloir régler le problème par la répression et la censure.(4) Pour rappel, le Sahara occidental est un territoire de 266.000 kilomètres carrés. Dès 1965, l’ONU pousse l’Espagne à décoloniser ce territoire, Hassan II, rappelons-le, avait au début une position proche de celle de l’Algérie tant que le territoire était sous le joug espagnol. Volte-face avec la complicité de l’Espagne.

La décolonisation bâclée a amené le roi Hassan II à faire une marche verte sous les yeux des garnisons espagnoles qui quitteront le pays en février 1975. Le Front Polisario créé suite à l’invasion du Maroc mène une « guerre des sables » gelée depuis le cessez-le-feu de 1991 et le déploiement d’une force onusienne. Mais elle reste sans solution. Le Maroc a souvent joué le rôle de gendarme des intérêts de la France en Afrique, ainsi que celui de temporisateur dans le Proche-Orient.

Naturellement, ce pays fait l’objet de convoitise. En 1975, un avis consultatif de la Cour internationale de justice confirme l’existence de liens historiques entre les populations du Sahara occidental et le Maroc, ainsi que l’ensemble mauritanien, mais conclut qu’ils ne sont pas de nature à empêcher un référendum d’autodétermination, en y rendant inapplicable la notion de terra nullius. Dans les années 1980, avec l’aide d’Israël et des Etats-Unis, le Maroc érige un mur qui sépare le territoire en deux. Le Sahara occidental figure sur la liste des territoires non autonomes, selon l’ONU depuis 1963. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu de 1991, le statut final du Sahara occidental reste à déterminer. En 2000, avec le soutien de la France, il renie sa signature et déclare le référendum infaisable. Ce pays se comporte comme Israël. D’ailleurs, c’est ce que pense James Baker, l’ancien envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental. En 2002, un avis de droit de Hans Corell, vice-secrétaire général aux questions de droit, conclut que le Maroc n’est pas la puissance administrante du territoire. En 2006 Kofi Annan avait indiqué qu’aucun État membre de l’ONU ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. En avril 2007, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une nouvelle résolution (n°1754) qui engage les parties à négocier « en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».

suite à venir

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  • L’Etat marocain qui a réprimé dans le sang une révolte au Sahara voudrait faire croire qu’il s’agissait d’une action politique du Polisario et de l’Algérie alors qu’il s’agissait d’une révolte contre la misère...

    Un défenseur des droits des sahraouis a déclaré à Paris : 40 corps de Sahraouis ont été retrouvés, écrasés par les camions des forces de la police et de la gendarmerie marocaines qui ont donné l’assaut lundi à l’aube contre le campement de la Liberté d’El Ayoun, alors que 17 autres Sahraouis, ont été retrouvés morts, tués par balles et enfouis dans des citernes , et je viens d’apprendre à l’instant même que quatre jeunes sahraouis ont été violemment et sciemment écrasés par des engins des forces d’occupation marocaine soutenus par des colons marocains.

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