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L’évolution politique de l’Egypte du XIXème siècle à Nasser (2)

mardi 28 septembre 2010, par Alex

Suite de L’Egypte nassérienne, Chapitre V (Hassan Riad, 1964)

2. La société de l’époque coloniale :

 la formation d’une bourgeoisie nouvelle, d’origine aristocratique

 la première génération de l’intelligentsia égyptienne

 la vie politique dans la société coloniale de l’entre deux guerres

 les origines du communisme égyptien

(Suite à venir : 3 - L’issue nasserienne)

Dans cette partie, Hassan Riad décrit la formation de la bourgeoisie égyptienne. Elle est numériquement faible et très conservatrice socialement car elle n’est qu’une aristocratie terrienne citadine qui s’est embourgoisée pour s’adapter à la domination des puissances coloniales.

Les courants politiques (le Wafd, le parti communiste, les frères musulmans) sont animés essentiellement par la petite bourgeoisie. L’auteur cherche les racines sociales de ces courants, de leur évolution. Il détermine le caractère de classe du Wafd, le principal parti de gouvernement, issu de la révolution de 1919. Les luttes des masses pauvres ne sont pas au centre de ces analyses, l’isolement des militants communistes par rapport aux masses pauvres, aux ouvriers d’usine est d’ailleurs souligné à plusieurs reprises dans le paragraphe Les origines du communisme égyptien.
L’auteur sous-entend que c’est la conséquence de la répression (années 20) mais aussi de tendance opportunistes (années 40-50). On sent un certain découragement quand Il va même jusqu’à affirmer que le prolétariat égyptien n’a jamais cessé d’être réformiste.

Il reconnait que des occasions ont été manquées : Et les communistes venus des couches intermédiaires, assez nombreux, auraient peut-être pu transmettre aux masses le message révolutionnaire de l’intelligentzia. S’ils n’y sont pas parvenus, c’est que de nouvelles illusions nationalistes avaient pris le relais des anciennes illusions wafdistes, à partir de 1952 notamment, renforçant le courant petit-bourgeois traditionaliste qui peu à peu s’organisait en une force autonome dont allait sortir la révolution nassérienne

L’intérêt des analyses de ces courants politiques est qu’elles en cherchent les racines en termes de classes sociales. Elles tordent le cou aux caricatures staliniennes du marxisme qui ont eu cours en Egypte. L’auteur fait comprendre que ces analyses, sous un habillage marxiste, n’ont servi qu’à justifier le soutien que des communistes égyptiens ont apporté à des partis bourgeois. Le raisonnement sur la nature de classe du Wafd est particulièrement intéressant à suivre à ce sujet.

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2. LA SOCIETE DE L’EPOQUE COLONIALE

La formation d’une bourgeoisie nouvelle, d’origine aristocratique

C’est dans le cadre colonial entre 1880 et 1920 que s’est constituée la bourgeoisie égyptienne, d’origine aristocratique et qui, pour cette raison, portait en elle, dès le départ, toutes les tares de l’aristocratie turque : misère culturelle et vernis européen, soumission à la domination étrangère, mépris du peuple égyptien.
La bourgeoisie égyptienne a toujours appartenu à l’élite dirigeante. Elle n’était que la branche cadette de l’aristocratie qui a marqué le pays tout entier de son empreinte. C’est cette aristocratie qui régentait la campagne, grâce
au soutien actif des omdeh, au conformisme des couches intermédiaires et à l’apathie des masses pauvres. A la ville, représentée par à peine quelques dizaines de milliers de personnes, elle donnait également le ton en fournissant les cadres de l’Etat et les professions libérales dans leur ensemble, à l’époque peu nombreuses. L’ancien Tiers-Etat d’artisans et de marchands avait complètement disparu ; ses descendants avaient été réduits à l’état de petits fonctionnaires ou rejetés dans la misère absolue. La liquidation de la dernière maison commerciale égyptienne, celle d’Omar Effendi, vendue à la firme étrangère Orosdi Back à la fin du siècle, marque la définitive disparition économique de l’ancien Tiers-Etat national réformiste.

Il est relayé par les étrangers qui affluent par dizaines de milliers. L’Egypte est alors menacée d’une véritable colonisation de « petits blancs », à la manière nord-africaine, qui sera évitée de justesse par un concours heureux de circonstances : la résistance de la grande propriété aristocratique empêchait l’implantation d’étrangers dans les campagnes, tandis que le mépris que nourrissaient les responsables britanniques à l’égard des colons, pour la plupart méditerranéens, et Peuropéanisation rapide des élites égyptiennes, qui se révélaient capables de fournir les cadres de l’Etat modernisé, ruinèrent les espoirs poli¬tiques des immigrants. Ceux-ci devront se contenter de faire du commerce, sans aspirer à diriger le pays. Firmes d’exportation du coton, maisons d’importation, grands magasins, banques et assurances, tels furent les domaines lucratifs qui leur étaient réservés.

C’est dans cette ambiance que s’est constituée la pre¬mière génération bourgeoise moderne égyptienne : bourgeoisie très concentrée, très peu nombreuse, très forte¬ment liée à l’aristocratie dont elle était issue. En effet, à partir de quels autres éléments une classe bourgeoise aurait-elle pu se constituer ? Les classes moyennes étaient composées d’étrangers (7) : encore vers 193-8, les professions libérales, les employés et jusqu’aux épiciers étaient presque exclusivement étrangers. La société urbaine égyptienne se réduisait à quelques dizaines de milliers de prolétaires du tabac, des textiles et des industries agricoles créés par les capitaux étrangers, aux fonctionnaires de l’Etat, héritiers misérables de l’ancien Tiers-Etat, aux masses déshéritées qui affluaient des campagnes. Dans ces conditions, la première génération bourgeoise s’est constituée entre 1914 et 1925 à partir de l’aristocratie foncière. Des hauts fonctionnaires, riches propriétaires par surcroît, se sont intéressés au commerce et à l’industrie ; ils ont imité les étrangers les plus riches. Ce fut le cas, on l’a vu, d’Ali Yehia ou de Farghaly, s’associant à des financiers étrangers établis dans le pays et investissant leur fortunne dans le commerce du coton, ou bien encore de la Banque Misr, au capital de laquelle avaient souscrit presque toutes les familles aristocratiques.

Ce premier développement capitaliste s’est opéré sans conflits sérieux avec l’étranger. De par ses origines aristocratiques, de par son mode de vie, la génération bourgeoise d’alors ne pouvait envisager de heurts violents. L’objectif était d’obtenir très modestement l’abrogation des capitulations qui entravaient l’industrie locale. (8)

La première génération de l’intelligentsia égyptienne

Après l’avortement de la Renaissance du XIXème siècle, la société égyptienne cesse de penser. L’aristocratie et la bourgeoisie qui en est issue se contentent d’un vernis européen, la petite-bourgeoisie de bavardages de café, le prolétariat n’existe pratiquement pas, les masses populaires déshéritées, de plus en plus nombreuses, sont déshumanisées, réduites à la recherche quotidienne de la piastre qui permettra de survivre.

L’exemple typique de la décadence de la musique carac-térise cette évolution. Autrefois, au xixème siècle encore, il y avait deux musiques : le durr aristocratique et le mawal populaire. Mais l’aristocratie a oublié depuis longtemps le durr et le Sayyid Darwich, le promoteur de la renaissance musicale égyptienne de la première après-guerre, affirmera péremptoirement, un peu comme les populistes russes au xix6 siècle, qu’il « suffit d’aller écouler le peuple et de mettre en musique ce qu’il chante ». Si les élèves de Sayyid Darwich s’étaient contentés de procéder à des enregistrements fidèles des chansons paysannes, le folklore égyptien, à défaut d’un art plus élaboré, en aurait hérité quelque chose. Mais les élèves de Darwich sont des petits-bourgeois qui méprisent le peuple et n’apprécient de la musique occidentale que la musique légère, faute d’avoir assimilé véritablement la culture européenne. Ce qui en a résulté est une musique dite « égyptienne », hybride et dégradée (9).

Toutes les conditions étaient donc réunies dans l’Egypte coloniale pour que se constitue, en quelque sorte par réaction, une intelligentzia, c’est-à-dire un groupe d’hommes qui recherchent la vérité en dehors d’une société inculte à laquelle il leur est impossible dle s’intégrer, même matériellement, faute d’un développement suffisant (10).

Ceux qui, dans ces conditions, remettaient en question l’ordre existant pouvaient aller 1res loin. A une époque on les classes dirigeantes acceptaient le joug étranger cl se contentaient d’un vernis de politesse, où les masses petites-bourgeoises, qui toléraient encore la domination politique étrangère, en rejetaient néanmoins le système de valeurs, ces penseurs isolés se dressaient contre la domination étrangère au nom du système des valeurs du monde moderne qu’ils adoptaient après s’être délivrés du carcan des traditions.

Chacun dans son domaine avance plus ou moins dans ce sens, assimile plus ou moins les valeurs du monde moderne, selon qu’il se libère plus ou moins de toute attache traditionaliste avec la société. Le scientisme et le matérialisme naïf de celle époque nous semblent aujourd’hui dépassés (11). Pourtant, combien plus audacieuse était cette pensée que les écrits, cependant postérieurs de trente ans, des Frères Musulmans ou des Officiers Libres. Dans d’autres domaines, on est allé moins loin. C’est ainsi, par exemple, que l’action libératrice de la femme est restée finalement très superficielle, à cause de la volonté des « féministes » de ne pas rompre avec la société civile et les traditions, mais seulement d’en rénover la forme (12). Beaucoup de coptes dans cette intelligentzia égyptienne : la laïcisation de l’Etat a toujours exercé un grand attrait dans les milieux coptes pour lesquels elle paraît être le seul moyen efficace de liquider les barrières et les discriminations religieuses, sans doute aussi parce que les copies exercent traditionnellement des fonctions intellectuelles dans la société égyptienne. Les plus avancés parmi celle première génération de l’intelligentzia rejoindront en 1919 le communisme (13).

C"est dans ce cadre qu’il faut replacer le premier parti nationaliste, égyptien, celui de Mustapha Kamil et de Mohamad Farid, dont l’histoire s’étend de 1900 à la guerre. Créé par des hommes qui appartiennent à la première génération de l’intelligentzia par leur forme d’esprit et par leur détachement ascétique des richesses matérielles (14), le parti nationaliste ne saurait être considéré comme le parti de la bourgeoisie égyptienne : la grande bourgeoisie égyptienne de l’époque, c’est une aristocratie embourgeoisée qui accepte le joug étranger. Il n’est pas non plus le parti de la « bourgeoisie rurale », des couches moyennes de la campagne ; ces dernièresont en effet leur propre organisation : le parti Umma., jalousement conservateur en matière idéologique et sociale, soutien fidèle de l’efficace administration anglaise ce qui prouve qu’à cette époque déjà les classes moyennes rurales se sentaient solidaires de l’aristocratie face au danger que représentaient les masses grandissantes de paysans sans terre. Le parti nationaliste ne saurait davantage être considéré comme le parti de la petite-bourgeoisie : ses attitudes résolument modernistes — bien que, sur le plan de la pensée philosophique et politique, ses dirigeants fussent, dans l’ensemble, très timides — ne sont pas celles des petits fonctionnaires de l’Etat dont est composée la petite-bourgeoisie de l’époque.

Parti bourgeois néanmoins dans ce sens très précis que
son idéologie moderne se nourrit de la tradition européenne bourgeoise. Parti qui, donc, faisant appel aux notions fondamentales d’indépendance, de liberté, de démocratie, aurait été véritablement le parti de la bourgeoisie dans d’autres conditions, si la bourgeoisie égyptienne avait eu une autre histoire, si sa formation n’avait pas été réduite au processus mesquin de l’embourgeoisement de quelques aristocrates. L’écho du parti nationaliste trouvera, néanmoins, malgré la misère de la société égyptienne, l’apathie des masses pauvres, l’inconsistance de la petite-bourgeoisie, l’attitude réactionnaire des classes moyennes rurales, la trahison ouverte de l’aristocratie et de la bourgeoisie qui en est issue, des résonances nombreuses. Aux moments critiques (15), le Parti devient la Nation, qu’il symbolise dans ses potentialités.

Mais l’histoire du parti nationaliste sera finalement courte. C’est au moment même où la Nation tout entière se soulève contre la colonisation, en 1919, qu’il disparaît pour laisser la place à un parti représentant plus fidèlement la société égyptienne de l’époque, le Wafd.

La vie politique dans la société coloniale de l’entre-deux guerres

Le Wafd couvrira l’histoire de l’Egypte de 1919 à 1952 (16).

Une certaine conception marxiste a amené la gauche égyptienne à se poser le problème de la signification de classe du Wafd et à le considérer comme le « parti de la bourgeoisie nationale anti-impérialiste » . On expliquait ainsi l’histoire d’une période remplie de luttes entre la monarchie soutenue par les partis de l’aristocratie, qui accepte ouvertement le protectorat britannique, et le Wafd, qui se pose en champion do la cause de l’indépendance.

On considérait les hésitations et les reculs du Wafd comme le reflet naturel des atermoiements de toute bourgeoisie « coloniale », à la fois « anti-impérialiste » et peu soucieuse de se laisser entraîner trop loin par le peuple. II fallait pourtant tenir compte de certains faits troublants : la plupart des grands hommes d’affaires égyptiens, les Ali Yehia, Farghaly, les hommes de la Banque Misr, ne soutenaient-ils pas la monarchie et ses partis ? Le syndicat du patronat égyptien, la Fédération égyptienne des industries, n’était-il pas présidé par Sedki Pacha, l’ami du roi Fouad et des Anglais, l’implacable adversaire du Wafd ? N’était-ce pas ce même Sedki Pacha qui avait, en 1930, en accord avec le roi, mis sur pied un système douanier protectionniste ? D’un autre côté, la direction du Wafd n’était-elle pas truffée de grands propriétaires terriens, les Serag el Dine, les Badrawi, dont on ne pouvait évidemment avancer qu’ils avaient des intérêts économiques différents de ceux des autres grands propriétaires, lesquels soutenaient les partis traditionnels de la monarchie ?

Pour expliquer ces faits, on en est venu, dans les milieux marxistes, assez tardivement d’ailleurs, à formuler une thèse nouvelle : que la bourgeoisie égyptienne n’était pas une classe homogène, qu’il y avait en Egypte deux groupes sociaux bourgeois dont les intérêts étaient supposés inconciliables : une grande bourgeoisie « monopoliste » , alliée fidèle de l’aristocratie et des Anglais, et une bourgeoisie « moyenne », nationaliste. La ligne de partage entre la grande bourgeoisie monopoliste et la bourgeoisie moyenne nationaliste n’était pas clairement définie. On se contentait en général de donner les hommes de la Banque Misr en exemple de la grande bourgeoisie monopoliste.

Or c’est précisément cette thèse des deux bourgeoisies égyptiennes dont nous mettons en doute l’exactitude. Les conditions historiques qui ont présidé à la constitution de la bourgeoisie en Egypte furent très particulières. Pendant longtemps, on l’a vu, la bourgeoisie fut réduite en Egypte à une classe d’intermédiaires, uniquement étrangère. Par la suite, lorsqu’une bourgeoisie vraiment égyptienne a commencé à se constituer, elle s’est formée à partir de l’aristocratie foncière. C’est sans doute pourquoi celte classe nouvelle, gardant des attaches profondes avec celle aristocratie, n’a jamais adopté de positions nationalistes conséquentes. Pourtant, ses intérêts se heurtaient à ceux de l’industrie anglaise. Ce n’est pas sans réticences que l’on a accepté, à Londres, l’établissement en Egypte d’un système douanier protectionniste. Mais, pour obtenir cette liberté, les nouveaux industriels égyptiens n’hésitèrent pas à provoquer l’investissement de capitaux britanniques dans leurs entreprises. Qu’il y ait donc eu à la fois heurts et collaboration, cela ne devrait pas étonner. Ce qu’il faut voir, c’est que ces heurts et cette collaboration avaient lieu entre la Grande-Bretagne et la bourgeoisie égyptienne dans son ensemble, considérée non seulement comme un groupe social homogène, mais encore comme la branche cadette de l’aristocratie à laquelle elle ne cessait d’appartenir. Il n’y avait pas d’un côté l’aristocratie et la grande bourgeoisie alliée à la Grande-Bretagne et de l’autre la bourgeoisie « moyenne », nationaliste. L’analyse de la structure de l’industrie et du commerce en Egypte que nous avons faite plus haut réduit à néant ce mythe de la bourgeoisie « moyenne ». A un pole, quelques dizaines de grandes entreprises, propriété collective des grandes familles aristocratiques en association avec le capital étranger d’Egypte et le capital européen, à l’autre pôle des artisans misérables. Entre les deux, rien qui mérite le nom de bourgeoisie moyenne, car il n’y a pas d’entreprises moyennes, familiales, qui puissent lui donner une assise économique. Les quelques entreprises moyennes que l’on peut trouver par-ci par-là appartenaient toutes à des étrangers.

Mais alors, si le Wafd n’était pas le parti de la bourgeoisie nationaliste ou, tout au moins, un parti composite dont l’aile droite aurait représenté l’alliance de la grande bourgeoisie monopoliste et de l’aristocratie, pas différente en cela dans son recrutement des partis monarchistes, mais dont la masse aurait représenté tout de même la « bourgeoisie nationale égyptienne », alors qu’était-il ?

Une coterie de familles d’aristocrates et de grands bourgeois ? D’abord, il faudrait expliquer pourquoi certaines familles d’aristocrates et de grands bourgeois étaient wafdistes au lieu d’être monarchistes. Si, en effet, les grandes familles turques qui peuplaient la Cour étaient toutes dévouées au monarque autoritaire qu’était Fouad, incapable de supporter un Parlement wafdiste, un grand nombre de grands propriétaires avaient soutenu sur leurs terres les candidats du Wafd. Peut-être l’explication devra-t-elle être cherchée, au moins partiellement, dans l’origine nationale des hommes. Ceux qui, dans l’aristocratie foncière, soutenaient le Wafd étaient très souvent des grands propriétaires d’origine indigène qui, pour cette
raison, avaient d’autant moins accès à la Cour que moins européanisés que les Turcs, ils y faisaient figure de « paysans ». Sans doute les self made men, les « capitalistes de la campagne », à l’origine régisseurs de grands domaines, sympathisaient-ils avec le Wafd pour les mêmes raisons. A la ville, le Wafd rencontrait des sympathies dans la haute finance, particulièrement chez les coptes, qu’attirait notamment son libéralisme en matière religieuse.

Mais le Wafd n’était pas seulement une coterie d’aristocrates et de grands bourgeois.

Tout d’abord, c’est un fait qu’il jouissait à la campagne du soutien de l’ensemble des couches intermédiaires et des couches inférieures des privilégiés (fermiers riches). Dans quelle mesure ces classes rurales s’opposaient-elles à la grande aristocratie, voilà une question fondamentale que l’on ne saurait éluder. Jusqu’à un certain point, il semble bien que les classes moyennes rurales convoitaient - bien timidement — les terres de l’aristocratie. Voilà sans doute pourquoi l’anti-monarchisme du Wafd, si modéré fut-il, trouvait un écho favorable dans les milieux qui avaient déjà soutenu au xix ème siècle les officiers d’Orabi et les Azharistes réformistes conlre le Khédive. Il faudrait cependant éviter de donner à cette adhésion des classes moyennes rurales une signification erronée. En fait si elles adoptaient une telle attitude à l’égard de l’aristocratie — acceptant en définitive d’obéir à des grands propriétaires qui refusèrent toujours d’envisager la moindre réforme agraire —, c’est bien parce que, malgré tout, ces classes moyennes rurales et les aristocrates se sentaient sol¬daires face au danger que représentaient les masses grandissantes de paysans pauvres. En termes marxistes, dans les conditions de surpeuplement très particulières de l’Egypte, la contradiction entre la « bourgeoisie rurale » et les grands propriétaires fonciers n’était que secondaire, la contradiction principale se situant entre les masses privées de terres et l’ensemble des autres couches sociales rurales. Les couches moyennes constituaient en quelque sorte la réserve de la réaction.

A la ville, le Wafd était la seule organisation politique qui présentât l’aspect d’un véritable parti, capable d’entraîner l’adhésion des fractions les plus actives de la population. Mais si les classes moyennes rurales qui adhéraient au Wafd pouvaient, à la rigueur, être qualifiées de « bourgeoisie nationale », ce n’était pas le cas des milieux wafdistes urbains. Car il ne s’agissait pas d’une véritable bourgeoisie égyptienne moyenne, qui n’existait pas, mais
simplement de petits-bourgeois : avocats, médecins, fon-tionnaires, professeurs, artisans, voire ouvriers.

La question se pose de savoir pourquoi des petits-bourgeois pouvaient s’associer avec une coterie aristocratique et grande bourgeoise et jusqu’à quel point ces petits-bourgeois pouvaient déterminer les attitudes wafdistes.

Cette association « contre nature » ne saurait s’expliquer que par l’histoire. De 1900 à 1914, le mouvement nationaliste n’est, nous l’avons vu, ni le parti de la bourgeoisie en formation, ni celui des classes moyennes rurales, ni celui de la petite-bourgeoisie, timorée et apolitique. Mais peu à peu les choses commencent à changer. Les fonctions bureaucratiques sont en nombre limité, les étrangers accaparent les activités les plus lucratives. Aussi les fils toujours plus nombreux de la petite-bourgeoisie égyptienne, composée à l’époque presque exclusivement de fonctionnaires de l’Etat, commencent-ils à s’agiter. Les
appels de l’intelligentzia nationaliste commencent à avoir
une résonance dans des milieux jusque-là soumis. La guerre de 1914 accélère la crise tandis que les restrictions d’importation renforcent les industries et que l’aristocratie « embourgeoisée » s’enrichit. Le régime de la domination étrangère s’aggrave avec la proclamation du protectorat. Les lourdes impositions du temps de guerre, la mévente du coton, les sévices de l’Egyptian Labour Corp rejettent les classes moyennes rurales dans une opposition de plus eu plus violente. La guerre a créé les conditions d’un front unique allant de la petite-bourgeoisie urbaine et des « lasses moyennes rurales à la grande bourgeoisie aristocratique.

La révolution éclate en 1919. Mais la direction de cette révolution ne reviendra pas, on l’a vu, à l’intelligentzia du parti nationaliste. Elle sera assumée par l’ancien dirigeant du parti Umma, un fils de paysans riches, Saad Zaghlul. Le Wafd qui sort de cette révolution n’est pas encore un parti politique. Il est véritablement, comme son nom l’indique, la « délégation » de la Nation.

Cependant, rapidement, la vague révolutionnaire s’apaise :
l’aristocratie et la bourgeoisie craignent que la révolution
nationale ne dégénère en révolution sociale, d’autant que
l’aile gauche de l’intelligentzia rallie à cette époque le
communisme. Quant aux classes moyennes de la campagne,
elles retournent à leur apolitisme traditionnel dès que
cessent les impositions du temps de guerre. C’est alors
que le Wafd devient un vrai parti politique. Le groupe
d’hommes qui avaient animé la révolution était devenu des
politiciens de métier, sans attaches définies avec une quelconque classe sociale possédante. Ils avaient gagné la sympathie de la masse petite-bourgeoise des citadins, dont ils étaient eux-mêmes pour la plupart issus, et peuvent désormais aspirer à jouer un rôle dirigeant dans le pays ; mais pour cela ils doivent être anti-monarchistes, c’est leur seule raison d’être. Cela leur vaut également - - et d’autant plus qu’ils ne représentent pas un véritabe danger pour le régime social — l’amitié d’une fraction de l’aristocratie et de la bourgeoisie aristocratique, pour les raisons que nous donnions plus haut et la sympathie - d’ailleurs assez platonique — des classes moyennes rurales. Point n’est besoin, pour expliquer le Wafd, d’inventer une bourgeoisie moyenne pour qui n’existait pas de base économique véritable. C’est une interprétation simpliste du marxisme de vouloir qu’à chaque époque chaque parti politique soit l’expression d’intérêts économiques de classe précis.

La timidité du Wafd provient de sa nature de parti purement politique. Il n’est pas le parti d’une bourgeoisie égyptienne hésitante. La bourgeoisie égyptienne, en fait, n’hésite pas : elle participe avec le roi, les grands propriétaires et les Anglais à l’administration du pays. Le Wafd, c’est seulement une association de clans qui appartiennent à ces classes dirigeantes et de polilticiens qui bénéficient de la sympathie des classes moyennes rurales et des masses petites-bourgeoises urbaines, unies, pour des raisons historiques de nature extra-économiques, dans une opposition commune à la monarchie.

Inconsistance de Wafd ? Oui, certes. Inconsistance qui est à la mesure de celle de la petite-bourgeoisie des effendis, ces héritiers misérables de l’ancien Tiers-Etat disparu. Nourris d’un ersatz de culture traditionnelle et réactionnaire dans son contenu, bien que modernisée dans sa forme, distribuée au compte-gouttes par des écoles à peine plus nombreuses que par le passé (17) les effendis se réunissent dans les cafés où ils bavardent de la « révolution nationale » et écoutent les démagogues. Or, ceux-ci, Saad Zaghlul ou Mustapha Al Nahas, sauront accepter en dernier lieu tous les compromis conformes aux intérêts de l’aristocratie, de la grande bourgeoisie et des Anglais. Non, le Wafd n’est pas le parti d’une classe
sociale qui a un intérêt réel à la destruction du système social et du régime « semi-colonial » ; il doit seulement, pour survivre, faire face à la monarchie jalouse de son pouvoir absolu et pour cela faire appel au sentiment nationaliste de la petite-bourgeoisie complexée et timorée.

C’est ce qui explique que le Wafd se révélera finalement, sur le fond des problèmes principaux, aussi conservateur que. les partis de la monarchie, et qu’il n’ait jamais songé, par exemple, à une réforme agraire. C’est aussi ce qui explique que les Anglais n’aient jamais été dupes de sa démagogie nationaliste. L’altitude des interlocuteurs wafdistes, tout au long de la série de négociations anglo-égyptiennes qui occupent celle période (18), en fait foi. Le Wafd n’envisage pas un seul instant que l’Egypte puisse cesser d’être un Etat client de la Grande-Bretagne, il réclame seulement que l’on satisfasse la vanité des petits bourgeois égyptiens, que l’on cesse de les humilier. Et les négociateurs wafdistes ne manquent pas d’expliquer aux Anglais qu’ils sont leurs meilleurs amis en Egypte, qu’ils sauront mieux les servir que le roi, parce qu’ils peuvent faire accepter au pays ce que la monarchie, impopulaire, ne saurait faire admettre.

Tel sera encore leur langage en 1950-51, lors des négo-ciations qui ont précédé le dénonciation par l’Egypte du traité de 1936 : le Wafd accepte alors l’adhésion de l’Egypte à un pacte militaire régional patronné par l’Occident et réclame seulement en échange une satisfaction de prestige : que le roi soit nommé commandant en chef de la base « anglo-égyptienne » du canal de Suez. Tel sera encore le langage des Officiers Libres de 1952 à 1955 (19).

Sans doute l’habileté de l’interlocuteur britannique consistera-t-elle à mettre à profit l’existence d’une monarchie
prête à accepter ouvertement la présence étrangère pour ne faire au Wafd que le minimum de concessions, fussent-elles purement formelles. Mais quand un danger grave menace réellement l’édifice tout entier, la Grande-Bretagne saura trouver rapidement les termes d’un compromis. Ainsi en fut-il en 1936 (20) et en 1942 devant la « menace fasciste », comme en 1945, devant la « menace soviétique » (21).

Les concessions successives de la Grande-Bretagne, comme le développement relativement rapide de l’industrie légère entre 1920 et 1945, œuvre de la bourgeoisie aristocratique de la Banque Misr, et la modernisation progressive de l’Etat, en offrant finalement des situations acceptables aux petits-bourgeois agités, facilitaient les compromis, les relations et la cohésion entre les cadres et les troupes du parti d’une part, recrutés dans les couches intermédiaires de la ville et de la campagne, et la direction aristocratique et bourgeoises d’autre part. Grâce à cette cohésion, le système fonctionnait malgré les crises : pendant vingt-cinq ans, l’alternance des Parlements wafdistes et des dictatures royales suffit à assurer la pérennité (les intérêts étrangers comme ceux de l’aristocratie. La petite-bourgeoisie vivait satisfaite dans l’attenle du prochain gouvernement du Wafd. Et celui-ci, venu au pouvoir, ne réalisait rien mais engageai ! des batailles de prestige jusqu’au moment où il se laissait chasser par un coup d’Etat royal.

Cette image sévère du Wafd doit être quelque peu atténuée par le rappel du rôle démocratique progressif que certains éléments de sa « gauche » ont joué. Car il est évident que la grande majorité des cadres de ce parti, issus de la petite-bourgeoisie, et notamment les intellectuels qui lui apportèrent leur soutien, étaient sincères. Impressionnés par la puissance de l’aristocratie, de la bourgeoisie et des Anglais, constatant les faiblesses de la petite-bourgeoisie et de la paysannerie moyenne, l’apathie des masses pauvres, ils justifiaient leurs concessions par les « nécessités tactiques ». Mais ils étaient sincèrement démocrates. C’est sans doute pourquoi c’est tout de même le gouvernement wafdiste qui décréta en 1936, sous l’impulsion de son ministre de l’éducation, Taha Husayn, l’enseignement primaire obligatoire et gratuit ; qui, en 1942, promulgua la première législation sociale en Egypte et autorisa les syndicats ouvriers. Et l’on doit constater que les communistes ont toujours bénéficié, sous les régimes wafdistes, d’un statut relativement acceptable de semi-légalité.

Peu à peu, d’ailleurs, à partir de la deuxième guerre mondiale, l’influence du communisme se faisant de plus en plus sentir, une aile gauche prend consistance et s’affirme authentiquement démocratique et antiimpérialiste (22). Mais dès lors que la petite-bourgeoise wafdiste de gauche prend consistance, la crise du régime est ouverte.

Le jeu combiné de la pression démographique et de l’essoufflement du développement économique, c’est-à-dire finalement la croissance numérique galopante des masses déshéritées, quji finissenl par représenler 50 % de la population des villes et 80 % de celle des campagnes, l’appauvrissement des couches intermédiaires, d’une part, l’apparition du communisme sur la scène politique et la crise du système colonial en Asie, d’autre part, sont responsables des ruptures de la seconde après-guerre. L’étape du développement économique harmonieux dans le cadre du système colonial et des compromis successifs avec la Grande-Bretagne tire à sa fin.

L’agent actif de cette prise de conscience, c’est incontestablement le communisme égyptien. C’est lui qui a radicalisé la vie politique, polarisé les idéologies, remis en question les traditions et poussé jusqu’à ses limites l’œuvre de la première génération de l’intelligentzia.

Les origines du communisme égyptien

Les communistes égyptiens aiment à se reconnaître pour ancêtres les grévistes des manufactures de tabac, dont l’action remonte au début du siècle. Ils sont peut-être là victimes de l’abstraction qui consiste à penser que le prolétariat est révolutionnaire par essence, quelles que soient les conditions particulières de la société, alors que le prolétariat égyptien n’a jamais cessé d’être réformiste, comme on le verra plus loin. Révolutionnaires en ce sens qu’ils rejettent hardiment les traditions, qu’ils sont les seuls ou presque à avoir fait l’effort d’assimiler les valeurs de la civilisation moderne, les communistes égyptiens le sont pourtant incontestablement. Et en cela le communisme égyptien, qui est le fruit de la deuxième génération de l’intelligentzia, constituée pendant et après la deuxième guerre mondiale, est le vrai continuateur de l’œuvre de la première génération.

Déjà, au lendemain de la première guerre mondiale, un parti communiste s’était créé, auquel avaient adhéré les éléments les plus avancés de la génération de l’intelligentzia de l’époque. Mais la force des traditions, dont iJ faut rechercher l’origine dans l’échec de la Renaissance du xixème siècle et que les concessions successives des Anglais comme de développement économique de l’entre-deux guerres ont entretenues dans la petite-bourgeoisie, a privé les communistes égyptiens de l’appui des couches intermédiaires. Sortis dans l’ensemble de l’inlelligenlzia, ils restaient isolés du peuple. Le premier parti communiste égyptien s’est ainsi peu ù peu étiolé, jusqu’à ce que la répression des années 1925-.30) parvienne à le liquider.

Il fallut attendre la deuxième guerre mondiale pour le voir renaître. Les illusions qui avaient permis à la bourgeoisie et à l’aristocratie wafdistes d’éloigner la petite-bourgeoisie de toute réflexion sérieuse commençaient alors à se dissiper. Et les communistes venus des couches intermédiaires, assez nombreux, auraient peut-être pu transmettre aux masses le message révolutionnaire de l’intelligentzia. S’ils n’y sont par parvenus, c’est que de nouvelles illusions nationalistes avaient pris le relais des anciennes illusions wafdistes, à partir de 1952 notamment, renforçant le courant petit-bourgeois traditionaliste qui peu à peu s’organisait en une force autonome dont allait sortir la révolution nassérienne. Mais c’est aussi que l’effort essentiel de recrutement populaire avait été dirigé dans les villes en direction du prolétariat et de la petite-bourgeoisie, et que les masses les plus misérables et les plus nombreuses de la campagne et des villes avaient été presque totalement négligées.

Libérés de la tradition sur le plan de la pensée philosophique, les communistes égyptiens sont restés longtemps timides sur le plan de la pensée et surtout de l’action politique. De 1940 à 1948, le communisme égyptien est apparu comme l’aile gauche du Wafd, sorte de mouve¬ment national réformiste conséquent (23). Peu à peu, la vie politique devait se charger d’apprendre aux communistes qu’on ne pouvait s’en tenir à de telles positions si l’on voulait gagner les masses populaires, comme elle devait se charger de leur démontrer l’inconsistance et l’esprit réactionnaire et traditionaliste du Wafd. Et ce n’est pas par hasard qu’ils remettent en honneur le premier parti nationaliste de Mustafa Kamil et de Mohammad Farid, dont la pensée et l’action, résolument modernistes, furent trahis, selon eux, par le Wafd.

Quant au prolétariat égyptien, il ne fut pas pour grand-chose dans la formation du communisme égyptien. L’histoire mouvementée du syndicalisme égyptien (24) représente incontestablement une difficulté pour les spécialistes étrangers. Comment expliquer, en effet, l’échec de toutes les tentatives de regroupement des forces syndicales à l’échelle nationale ? Comment concilier les dires des uns, qui affichent des effectifs de l’ordre du demi-million, et les affirmations des autres selon lesquels il n’y a de syndicats en Egypte que sur le papier ? Qui croire ? Ceux qui, se fondant sur des conversations qu’ils ont eues avec les délégués égyptiens dans des congrès internationaux, pré-tendent que le syndicalisme égyptien est modéré, gouvernemental, wafdiste hier et nassérien aujourd’hui ? Ou bien ceux qui, sortis de la clandestinité, affirment que ces délégués sont des « jaunes » impuissants et qu’il existe à côté d’eux un réseau de syndicalistes véritables, révolutionnaires le pins souvent, réformistes parfois, mais toujours anti-gouvernementaux, hier plus avancés que le Wafd, aujourd’hui hostiles à la dictature militaire ?

Pour comprendre la situai ion syndicale, il faut d’abord accepter de reconnaître quelques vérités fondamentales et, au premier chef, que le prolétariat égyptien est réfor-miste, tout simplement parce que les ouvriers d’usine sont, dans la société égyptienne, des privilégiés quand on com¬pare leur sort à celui des masses urbaines les plus pauvres, qui sont aussi les plus nombreuses. C’est sans doute pourquoi le recours simultané à un parternalisme limité et à la répression la plus sévère à l’égard des ouvriers révo-lutionnaires a réussi à empêcher le prolétaire d’éprouver le besoin de sortir du cadre étroit de l’entreprise, de se hisser, par l’union, au niveau d’une force politique natio¬nale. D’autant plus que les ouvriers les plus combatifs, qui auraient peut-être pu élever le niveau de la lutte revendicative, sont très rapidement devenus des révolu¬tionnaires au contact de l’intelligentzia marxiste. Ils ont alors admis le postulat que le prolétariat devait être révo¬lutionnaire par nature. Ne parvenant pas à entraîner im¬médiatement les masses ouvrières dans cette voie, ils les ont abandonnées dans les usines à elles-mêmes, se consa¬crant pour leur part à la « vie politique ».


La radicalisation de la vie politique et la polarisation idéologique

Nicolas Berdiaev a montré que l’intelligentzia russe du xix" siècle avait été soit « occidentale », rejetant les valeurs traditionnelles et exprimant le désir de faire la Russie en conformité avec le modèle européen capitaliste, soit « slavisante », rejetant la solution capitaliste et affirmant sa volonté de modeler l’avenir conformément au génie du peuple russe ; jusqu’au moment où le bolchevisme est venu faire la synthèse des deux courants : modernisation profonde du pays non par le capitalisme, mais par le communisme. Un peu de la même manière, en Egypte, la première génération de l’inlclligentzia ne concevait pas d’autre solution que le capitalisme. Son « occidentalisme » prenait le contrepied du traditionalisme des penseurs de la Nahda. La synthèse a été l’œuvre
de la seconde génération de l’intelligentzia, qui se fixe pour
objectif de rénover profondément la société, et qui pour
cela n’hésite pas à s’attaquer aux traditions, mais en
fondant son espoir sur l’action du peuple égyptien, donc en
rejetant une solution capitaliste strictement imitée de l’Europe. C’est pourquoi très rapidement l’intelligentzia prend
une coloration de « gauche », communiste ou communi-
sante, devenant ainsi le porte-parole de l’Egypte moderniste tout entière.

Parallèlement, il se développait dans la petite-bourgeoisie un courant hostile à l’assimilation des valeurs du monde moderne dont on rejetait, avec les communistes, la domination politique. Ce courant idéologiquement réactionnaire, même lorsqu’il fut politiquement « anti-impérialiste », et dont les Frères Musulmans ont été longtemps les représentants, a été repris par les Officiers Libres (25).

Les conditions matérielles de la petite-bourgeoisie ont commencé à se détériorer sous l’influence de la pression démographique, lorsque le développement économique de type libéral a commencé à s’essouffler, à partir de 1945 (26). L’Egypte étouffait dans les cadres de l’époque coloniale. Paradoxe intolérable : dans un pays qui manquait de cadres, on constatait un chômage massif des diplômés, dont le nombre commençait à devenir respectable (27). Les horizons étaient toujours bouchés, car l’égyptianisation des emplois (28) et le développement économique restaient insuffisants.

La petite-bourgeoisie a donc fourni les cadres et les troupes de tous les mouvements politiques : le Wafd, les Frères Musulmans, l’éphémère parti socialiste (29), le mouvement communiste. Ce sont ces troupes et ces cadres qui, influencés par les mots d’ordre radicaux des communistes, ont poussé les classes bourgeoises à des attitudes plus fermes. C’est dans ce sens que la « pression des masses »
a été une incontestable réalité à laquelle n’ont pu résister ni Nahas ni, plus tard, Nasser (30).

La radicalisation de la vie politique n’est pas le seul titre dont peut s’enorgueillir le communisme égyptien. La polarisation des idéologies en est un autre.

Lorsque la seconde génération de l’intelligentzia est apparue sur la scène, pendant la guerre, la culture était morte en Egypte, et l’œuvre modernisatrice de la première génération de l’intelligentzia avait avorté, comme avait avorté celle de la renaissance du Tiers-Etat du xixème siècle. L’occidentalisme de la première génération s’était essoufflé, avait conduit au formalisme. Peu à peu, d’ailleurs, les hommes de cette génération avaient rejoint les rangs de la bourgeoisie. Après avoir été des révoltés en marge de la société, ils étaient devenus des personnages officiels. L’évolution d’un Salama Musa, reniant ses aspirations socialistes, celle de Taha Husayn, reniant son interprétation critique du Coran qu’il avait dépouillé de son caractère sacré en retrouvant l’origine de sa langue dans la poésie arabe ante-islamique, sont caractéristiques. Issue fatale dès lors que l’occidentalisme était resté superficiel, que l’on s’était refusé de faire l’effort d’assimiler sérieusement les valeurs du monde moderne par crainte de la révision. Cet occidentalisme de surface recouvre en réalité la paresse et la crainte de s’engager dans des voies nouvelles. Significatif de cette attitude, l’ouvrage de Taha Husay, publié en 1938 et consacré à l’« avenir de la culture en Egypte » (31), dans lequel l’auteur défend, ou plutôt se contente d’affirmer la thèse selon laquelle la pensée égyptienne ne devait rien à l’Orient, qu’elle s’inscrivait dans la lignée gréco-européenne. Occidentalisme de surface qui recouvre désormais un vide culturel réel. Position facile qui permet de se donner une satisfaction à bon marché : puisque nous n’avons jamais été des « Orientaux », nous avons toujours été les égaux des « Occidentaux », dont nous n’avons rien à apprendre : cela correspond aux « bonnes manières » de l’aristocratie. Formalisme « occidental » des nouvelles de Mahmud Taymur, de la musique symphonique de Abu Bakr Khayrat. Echec que symbolise 1’ « autocritique » de Taha Husayn qui passera, vingt ans plus tard, à l’éloge du traditionalisme « arabiste » du nouveau régime, après avoir publiquement rejeté les valeurs du monde gréco-européen.

C’est contre cette misère culturelle grandissante que les premiers représentants de la seconde génération de l’intelligentzia ont forgé leurs armes. Ce furent d’âpres combats d’isolés où l’on affirmait résolument la nécessité d’apprendre, d’assimiler la culture étrangère sans pour autant mépriser le passé national : s’attaquer à l’œuvre de révi¬sion des traditions sans pour autant imiter aveuglément l’Europe dont l’histoire est différente de la nôtre. Le rôle bienfaisant d’initiateurs de certains intellectuels étrangers établis en Egypte est à signaler ici (32). Dans tous les domaines de la pensée et de l’action culturelle, dans des domaines aussi variés que ceux des arts plastiques, de la musique, de la littérature, de la philosophie, on se met à la tâche (33). Les résultats furent bien sûr, inégaux selon les domaines et les hommes, mais ils ne furent presque jamais négligeables. Bien sûr, un grand nombre des hom¬mes qui mènent le combat sur le front des arts, de la littérature, de la philosophie ou de l’action sociale ne partagent pas les convictions politiques des communistes. Certains mômes affichent des positions politiques franche¬ment anti-communistes. Mais ce n’est pus un hasard si les dirigeants mililairos i-i’’:icli<niii:iircs de l’Kgyple actuelle confondent dans une même haine les militants communistes et les intellectuels non traditionalistes, fussent-ils anti-communistes.

Face à cet essor, dû à l’intelligentzia marxisante, la tendance traditionaliste réactionnaire affirmait ses positions politiques et philosophiques par la plume de Sayyid
Qutb (34). Celui-ci est presque l’unique représentant « philosophique » de ce courant qui rejette ouvertement et d’une manière absolue toutes les valeurs du monde non islamique. Et si pauvre qu’ait été la production de ce courant, qui n’a fourni ni un seul artiste ni un seul écrivain, et dont le seul ouvrage « théorique » est celui de Qutb, repris et commenté sans fin, il ne faut pas, pour autant, en sous-estimer l’importance : la Frères Musulmans d’abord, les Officiers Libres ensuite, ne sont souvent pas allés plus loin dans leurs lectures. La progression numérique prodigieuse des diplômés des universités égyptiennes, au détriment des diplômés de l’étranger, préparait un terrain favorable (3&). Mal rémunérés, « complexés » à l’égard de l’intelligcntzia nouvelle, les diplômés égyptiens ont confondu dans leur haine la domination étrangère et les valeurs culturelles du monde moderne.

Dans ces conditions, des tentatives de compromis idéologique comme celle de Muhammad K’halid vers 1950 (36), ne pouvaient être que malheureuses et on ne s’étonnera pas que l’auteur de cette tentative de synthèse des traditions et de la rénovation ait rejoint, quelques années plus tard, le camp des traditionalistes du nouveau régime.

Notes

(7) II y avait 210000 étrangers en Egypte en 1917, autant en 1938. Ce chiffre peut paraître faible eu égard à la population totale du pays. Mais il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas eu de colonisation agricole en Egypte, comme ce fut le cas en Afrique du Nord. A côté d’une dizaine de milliers de familles de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie égyptienne, il y a une quarantaine de milliers de familles de petits-bourgeois étrangers, analogues, dans leur comportement, aux « petits blancs » de partout. Ils accaparent les meilleures places tandis que la petite-bourgeoisie égyptienne, beaucoup plus nombreuse numériquement, doit se contenter des seuls débouches de la fonction publique.

(8) Les capitulations interdisaient à l’Egypte de percevoir des droits de douane. Le premier système douanier égyptien date de 1930. Il a été l’œuvre de l’un des grands hommes de la bourgeoisie égyptienne, Ismuil Sedkt Pacha, à l’époque président du Conseil.

(9) « La musique avec Umm Kulthum, Abd al Wahab, le théâtre
avec Yusuf Wahba, ayant échappé à la société villageoise et à l’esthé-
tique aristocratique, étaient tombés dans le professionnalisme, la pu-
blicité et le formalisme..., le goût avai disparu, comme en témoigne
cet extraordinaire engouement pour la verroterie et l’ameublement italianisant. » (BERQUE, op. cit.)

(10) Nous partageons ici l’opinion de Nicolas Berdiaiev selon lequel
l’intelligentzia n’est pas une classe sociale mais un groupement d’in-
dividus, venus d’horizons sociaux différents, que rapproche leur refus
commun de s’intégrer à une société qu’ils méprisent.

(11) A l’extrême pointe de ce mouvement se situent Chibli Chu-
mayyil et Salama Musa. Et, quelle qu’ait été l’évolution ultérieure de- Salama Musa, comment ne pas partager l’inquiétude de son testament Ahndith ilal Chabab qui reproche aux générations actuelles d’être moins révolutionnaires que celles d’hier ?

(12) Parmi ces féministes, citons Qasem Amin, Hoda Cha’rawi et Lutfi al Sayyid.

(l13) Notamment Salama Musa et Abdallah Enan.

(14) Issu d’une famille très riche, Mohammad Karid est mort dans la misère après avoir financé toute sa vie son parti.

(15) Notamment lors des incidents de Denchaway, en 1906 : des officiers anglais aynt trouvé la mort dans une partie de chasse, une répression impitoyable s’abattit sur tout le pays, frappant de préférence l’intelligentzia nationaliste.

(16) Pour l’histoire de cette période, on pourra se reporter au livre de Marcel Colombe, l’Evolution de l’Egypte, 1924-1950, dans lequel on trouvera une bibliographie complète du sujet et aux ouvrages (non traduits) de l’historien égyptien Abd Al Rahman .

(17) II n’y a, en 1927, que 97000 diplômés du certificat d’études primaires, 54 000 bacheliers du secondaire et 32 000 diplômés des facultés égyptiennes et étrangères.

(18) Elles portaient sur les intérêts que la Grande-Bretagne s’était
réservés dans la déclaration par laquelle elle avait octroyé l’indépendance à l’Egypte : le Soudan, le canal de Suez, les communications impériales et la protection des étrangers installés dans le pays.
(19) La Grande-Bretagne accordera aux officiers qui furent les auteurs du coup d’État de 1952 les satisfactions de prestige qu’elle
avait refusées deux ans plus tôt au Wafd, lors de la dénonciation
du traité de 1936. Mais, sur le fond des problèmes, l’accord de 1953
sur le Soudan et celui de 1954 sur le canal de Suez (alliance militaire
anglo-égyptienne pour la durée de sept ans, présence de « techniciens » britanniques auprès du commandement égyptien de la base « commune » du canal donnaient toute satisfaction aux thèses britanniques. Ce traité d’alliance militaire anglo-égyptien de 1954 sera
d’ailleurs dénoncé par l’Egypte deux ans plus tard, à l’occasion des événements de 1956

(20) Le traité anglo-égpytien de 1936 devait régler pondant vingt
ans les intérêts réservés à la Grande-Bretagne en Egypte. Sa négociation, qui traînait depuis 1924, fut brusquement accélérée par la menace
que l’Italie, installée depuis un an en Ethiopie, faisait peser sur l ’Egypte.

(21) En fait, la « menace » que les officiers Invoquaient pour obtenir rapidement satisfaction était intérieure : il s’agissait de l’agitation nationaliste, qu’ « exploitaient » les communistes.

(22) Des hommes comme Muhammad Mandur, Aziz Fahmi el Ahmad Abu al Fath ont exprimé cette tendance, du moins à cette époque

(23) Il n’existe pas d’histoire correcte du mouvement communiste égyptien, mais seulement un ouvrage de « petite histoire », riche en détails peu significatifs et pas toujours exacts de W. Laqueur : Communisme in the Middle East. Le mouvement communiste égyptien n’a réalisé son unité qu’en Janvier 1958. Quatre organisations avaient été créées pendant la deuxième guerre mondiale : le Mouvement égyptien de libération nationale (en arabe Hadeto), le groupe Fajr al Jadid et le groupe « Avant-garde du peuple n (eu arabe, Tali’a al Chaab). Le M. IX L. N. a éclaté en 1948 en plusieurs organisations ; la plupart se sont regroupées en 1954 sous le nom de Parti communiste unifié. Le groupe Fajr al Jadid s’est appelé successivement « Démocratie populaire « (Al Dirnuqratia al cha’abiga) puis « Avant-garde ouvrière » (Tali’a al Ummal), enfin en 1957 « Parti communiste des ouvriers et des paysans ». Le groupe « Avant-garde du peuple » s’est scindé en 1947 en deux tendances ; l’une a adhéré au M. D. L. N. et l’autre au Fajr al Jadid. En 1949, une nouvelle organisation a vu le jour sous le nom de « Parti communiste égyptien ». En janvier 1958, le nouveau parti communiste regroupera les trois grandes organisations : le parti communiste égyptien, le parti communiste unifié (cx-M. I). L. N.) et le parti communiste des ouvriers et des paysans (ex-Fajr al Jadld). Il n’entre pas dans notre intention de prendre position entre ces diverses organisations ni d’en retracer l’histoire. On peut dire, néanmoins, que l’ensemble du mouvement avait, au moins jusqu’en 1948, un caractère nettement populiste. Nous en don-nous comme preuve la théorie du « parti des forces nationales démocratiques » (Nazariya hizb al quwa al wataniya al dimuqratiya) qui était, à cette époque, la théorie officielle du M.D. L. N. et d’après laquelle le parti communiste ne pouvait être, dans les conditions de l’Egypte, le « parti de la classe ouvrière », mais devait être une sorte de front de toutes les forces de gauche. L’autre grande organisation communiste de l’époque, le Dal Chin (Dimuqratia Cha’abia), avait un caractère ouvrier plus marqué dans son recrutement. Néanmoins, il restait, dans ses analyses et dans ses attitudes, plus populiste lui aussi que véritablement prolétarien. C’est à partir de 1948 que le mouvement communiste a envisagé de s’affirmer révolutionnaire et prolétarien. C’est à cette époque que la théorie du u parti des forces nationales démocratiques » fut abandonnée par le M. D. L. N. et que celle du parti de la classe ouvrière fut admise, au moins par une fraction du M. D. L. N. après son éclatement. La nouvelle organisation communiste qui a vu le jour en 1949, le parti communiste égyptien, admettait dès le départ une plate-forme de classe révolutionnaire : l’analyse des classes sociales en Egypte qui a servi de document de base à cette organisation était inspirée de la théorie de la Démocratie nouvelle de Mao Tsé-Toung.

(24) Rien de sérieux n’a été publié à l’étranger sur le syndicalisme égyptien. En Egypte même, c’est seulement dans la presse communiste qu’on lui a accordé l’attention qu’il méritait. Parmi les journaux progressistes qui ont paru également en Egypte, citons Al Fajr al Jadid, Um Durtnan et Al Tali’a (période 1945-46), Al Jamahir (1946-47), Al Mallayin, Al Katib et Actualités (pour la période 1950-54), enfin et surtout le grand quotidien Al Missa (1956-58). Il n’est évidem¬ment pas possible de citer ici toute la presse clandestine communiste. D’après les sources gouvernementales officielles, il y avait, en 1957, environ 1 300 organisations syndicales de base en Egypte, groupant environ 400 000 syndiqués : 200 000 ouvriers, dont la moitié dans le textile et 70000 dans les transports, 120000 employés du commerce et de la banque. Les fonctionnaires de l’État n’ont pas le droit de se syndiquer. Les organisations syndicales de base n’ont pas le droit de se fédérer ou de coordonner leur action. Depuis 1958, elles ont été dissoutes et reconstituées dans le cadre de l’Union nationale, parti unique autorisé, sous le nom de « Egyptian Trade Union Congress » (E. T. U.C.).

(25) L’expression de l’adhésion des Officiers libres à la tradition
se trouve clairement exprimée dans la Philosophie de la Révolution,
oeuvre du président Nasser lui-même, et dans les écrits d’autres compagnons de la première heure, notamment ceux d’Anwur Al Sndat et de Kamal Al Uin Husayn.

(26) L’inflation des années de guerre a réduit considérablement le
pouvoir d’achat des classes moyennes. Les prix ont triplé en une
dizaine d’années, les traitements des cadres moyens de l’État et
des employés du secteur privé, c’est-à-dire de la petite bourgeoisie,
n’ont jamais rattrapé le retard, tandis que les salaires des catégories
inférieures et ceux des ouvriers ont en gros suivi la hausse des
prix.

(27) En 1947, il y avait 370 000 diplômés du certificat d’études pri¬
maires, 170000 bacheliers de l’enseignement secondaire, 57000 diplômés des universités. En 1956, il y avait déjà près de 200 000 élèves
dans les écoles secondaires et 87 000 étudiants dans les universités
du pays.

(28) II y avait encore, en 1947, 147 000 étrangers en Egypte.

(29) Dans certains ouvrages considérés en Europe comme sérieux,
on parle à peine de cet extraordinaire phénomène que fut l’aventure
du parti socialiste en 1950-51. L’adhésion massive de la petite bour¬
geoisie et, pour la première fois dans l’histoire de l’Egypte depuis 1919, des couches intermédiaires de la campagne, a donné au
parti socialiste le caractère d’un grand parti national réformiste de
gauche. Son organe était devenu le plus grand journal du pays :
le tirage de l’Ichtiraqiya dépassait celui de l’Ahram, Or ce succès
fabuleux tenait au programme de ce parti, inspiré de celui du parti
communiste égyptien : République démocratique, Héforme agraire
et Neutralisme. Cet immense mouvement a préparé les conditions
du coup d’État de 1952. La répression l’a dissous dès janvier 1952
et le parti communiste égyptien a recueilli à ce moment la presque
totalité de ses cadres.

(30) J. Berque (op. cit.) diagnostique cette radicalisation de la vie
politique par la généralisation de l’emploi du mot « isti’mar » -
impérialisme — à l’origine réservé au monde marxiste, puis finalement repris par toutes les forces politiques du pays.

(31) Mustaqbal al thaqafa fi Miçr.

(32) Ce sont des étrangers qui ont introduit en Egypte la pensée
moderne, tant dans sa version marxiste que dans ses versions « occi¬
dentales ». Un monde dont on retrouve un écho dans certains romans
de Cosseri.

(33) II faudrait citer au moins ici, dans le domaine littéraire,
Abd al Rahman al Charqawi, Abd al Rhaman Al Khamissi, Yusuf
Idris, Muhammad Çidqi’ et surtout Najib Mahfuz. Dans le domaine
de l’histoire, Chuhdi ATTIA (Tatawnr al haraka al wataniga al miçriga
1883-1956, le Caire, 1957), Fawzi Girgis (Dirasat fi tarikh Miçr al
siyasi min al mamalik ilalgum, 1958), Ibrahim Amer (Muchqila Miçr
al Qaumiffa, 1957) et Çubhi Wahida (Fi usul al masala al miçriga’,
1950). En philosophie, Abu Seif Yusuf, Mahmud al Alim, Ismail al
Mahdawi, Anwar Abdel Malek, Adib Dimitri. La critique littéraire a
souvent donné lieu à des analyses sociales qui bouleversaient les
idées traditionnelles du lecteur égyptien. Dans ce domaine, citons
l’œuvre de Luis Awad, Mahmud al Alim, Abd al Azim Anis, Ali al Ra’i,
Ahmad Ruchdi Çalih, Lutfl al Khuli. Dans le domaine des arts, Inji
Efflatun, Yusuf al Sikini, Muhammad Oweis, Ezz al Din Hammuda,
Ramses Yunan, Lutfalla Sulaiman, Georges Heneyn, iMahmud Said.
On trouvera une liste plus complète dans les Temps modernes,
n°173-174 (Abel MONTASSER : « La répression anti-démocratique en
Egypte ». Parmi les maisons d’édition qui ont joué un rôle dans
la popuilarisation de la pensée moderniste démocratique, citons Dar
al Nadim, Dal al Fikr, Al Dar al Miçriya lil Kutub, Al Muassassa
al Quaamyia lil nachr wal tawzi, Dar al Dimuqratiya al Jadida.

(34) Al adala al Ijtim’iya fi al Islam

(35) En 1947, il n’y avait plus que 8000 diplômés de l’étranger, contre 20000 en 1927

(36) En 1050, un cheikh d’Al Azhar publie un ouvrage intitulé
Min huna nabda (Nous commencerons par là). L’auteur s’emploie à
justifier le programme « minimum » des communistes : Réforme
agraire, République démocratique etc., par des considérations sur l’Islam primitif. La méthode employée est donc « traditionaliste », et finalement très voisine de colle do Sayyid Qutb — elle se fonde
sur l’exégèse des textes coraniques — bien que les résultais soient
diamétralement opposés.

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