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Chronologie syndicale des luttes ouvrières en France et dans le monde - Les raisons de la défaite -

lundi 4 octobre 2010, par Robert Paris

Un exemple de prétendu leader syndicaliste CGT pseudo-radical, Bernard Thibaut avec ses petits amis du pouvoir Sarkozy et Hortefeux qu’il prétend combattre de toutes ses forces...

Malgré des mobilisations parfois réussies, les attaques patronales et gouvernementales de ces dernières années ont toutes été des succès. Les entreprises qui licencient, comme New Fabris ou Continental, ont connu des grèves (grèves massives avec occupation et parfois des cadres et dirigeants séquestrés et menaces de faire exploser l’entreprise éventuellement), mais, au final, les salariés sont licenciés, et les sous qu’ils ont gagné durement ne sont rien face au coût de la vie et rien face aux profits des capitalistes. Certains syndicats parlent de victoire et certains des salariés qui ont mené ces luttes ressentent honnêtement une victoire mais elle est bien amère... Pour le reste, le résultat de la stratégie de journées d’action suivies de négociations avec l’Etat et les patrons est un recul sur toute la ligne. Les services publics sont progressivement attaqués et privatisés. Le chômage et la misère augmentent. Les retraites, la santé, la sécu sont mis en cause. Et la crise est loin d’être finie. C’est par la grève et dans la rue que les travailleurs peuvent démontrer que la retraite à 60 ans ne se discute pas !!! Et le mouvement de 2003 sur la défense des retraites nous a suffisamment montré que les centrales syndicales peuvent faire descendre du monde dans la rue pour une promenade mais qu’ensuite elles se retirent et abandonnent le combat..

La stratégie actuelle des centrales syndicales est tout entière résumée dans cette récente déclaration de la CGT sur les retraites qui annonce que le gouvernement devra accepter de discuter de la retraite à 60 ans. C’est une stratégie de discussion face à des patrons et à un gouvernement qui attaquent...

1968 : la mobilisation trahie

En mai 1968, tout en organisant de fait la grève générale afin d’empêcher de se laisser déborder par le mouvement spontané, la CGT a dans le même temps démobilisé en s’opposant à l’occupation massive et effective des usines comme en juin 1936. Du coup, il ne lui a pas été trop difficile de faire reprendre le travail malgré la minceur des concessions patronales et gouvernementales, malgré aussi l’échec politique puisque le ras-le-bol du régime gaulliste qui était pour une bonne part dans le déclenchement de la révolte n’eut aucun débouché immédiat. Qui a donné un coup d’arrêt à la grève générale ouvrière de mai-juin 1968 ? Les syndicats et, en premier, la CGT.

En 1967 et pendant les premiers mois de 1968, une série de grèves, d’occupations et de confrontations avec les forces de l’ordre" montra que la classe ouvrière devenait de plus en plus combative.

En février 1967, à l’usine Rhodiaceta de Besançon, 3200 travailleurs firent grève contre les menaces de chômage ; le mouvement s’étendit rapidement aux autres usines Rhodia, notamment à Lyon, et aux filiales Cellophane et Nordsyntex. La majorité des grévistes refusa un accord avec le patronat et maintint la grève. 300 gardes mobiles occupèrent alors l’usine.

A la rentrée de la même année, des grèves éclatèrent au Mans et à Mulhouse en protestation contre les ordonnances et le chômage. Au Mans les CRS encerclèrent la ville. A Mulhouse, la préfecture fut attaquée par les manifestants.

En janvier 1968 à Caen, les 4800 travailleurs de l’usine SAVIEM se mirent en grève pour une hausse de salaires, passant rapidement à l’occupation de l’usine. Armés de frondes et de matraques, les jeunes travailleurs (la moyenne d’âge était de 25 ans) participèrent à plusieurs affrontements avec les CRS. Liée au soutien massif venu d’autres travailleurs de la ville, cette volonté de lutte montra clairement que des sections de la jeunesse ouvrière étaient prêtes à en découdre avec le patronat.

En 1966, les salaires des travailleurs français étaient les plus bas de la CEE, les semaines de travail les plus longues (jusqu’à 52 heures dans certaines branches !), et les impôts les plus élevés.

Pour mieux faire face à la fin des "trente glorieuses" qui s’annonçait à l’échelle mondiale, notamment lors de la crise de l’étalon-or, de la dévaluation de la livre britannique en 1967, et de la levée des contrôles douaniers au sein de la CEE prévue pour juillet 1968, le gouvernement Pompidou prépara de nouvelles attaques.

A partir de mars 1967, il commença à rédiger des ordonnances pour faire passer les pires attaques, notamment contre la Sécurité Sociale et l’emploi.

Les syndicats montrèrent à plusieurs reprises leur capacité à mobiliser les travailleurs, notamment autour de la Sécurité Sociale. Ainsi, le 13 décembre 1967, des millions de travailleurs participèrent à une journée d’action organisée par toutes les centrales syndicales pour protester contre le chômage et les attaques.

Malgré le succès de cette journée, la quatrième protestation du genre, les syndicats ne proposèrent rien, sinon une nouvelle journée d’action... en mai 1968.

C’est la lutte des étudiants qui allait démontrer que le pouvoir fort dont parlaient les syndicats pour refuser d’entrer en lutte était un mythe. Le 11 mai, le général De Gaulle cédait au mouvement étudiant.

Le 13 mai entre 600.000 et 1 million de manifestants défilèrent dans une énorme manifestation de solidarité entre syndicats et étudiants. Partout dans le pays, des millions de travailleurs firent grève, suivant les mots d’ordres des centrales syndicales. Le mouvement, d’abord limité aux seuls étudiants, devint un mouvement de classe et un mouvement national.

Cela aurait pu être la fin de l’histoire. Les dirigeants syndicaux espéraient utiliser l’élan des étudiants pour renforcer leur campagne contre les ordonnances sur la Sécurité Sociale, mais sans chercher à se servir des moyens politiques d’occupation et de manifestation employés par les jeunes. Loin de là. C’est sous la forme d’une pétition que les syndicats lancèrent leur campagne, le 15 mai !

Pourtant, à Sud-Aviation (Nantes), où un conflit salarial qui devrait duré plusieurs mois, les travailleurs, encouragés par la victoire étudiante décidèrent d’en découdre. Le 14 mai, ils lancèrent une occupation et enfermèrent le directeur et ses sbires dans leurs bureaux.

Le lendemain la grève éclatait à Renault Cléon. Le 16 mai, c’était le tour de Renault Billancourt, à l’époque le symbole de la classe ouvrière autant que celui de sa direction stalinienne. Encore une fois, ce furent les jeunes travailleurs qui lancèrent le mouvement, contre la pression des dirigeants syndicaux.

Très rapidement, la classe ouvrière presque toute entière se mit en grève. Parmi 15 millions de travailleurs, près des deux-tiers firent grève. Plus de 4 millions pendant trois semaines, plus de 2 millions pendant un mois.

Les revendications étaient diverses : hausses de salaires, contre l’autoritarisme des patrons, pour la défense de la Sécurité Sociale. La grève toucha toutes les couches de la société.

Puis, Michelin, Peugeot, Citroën, les ports et les mines déclarèrent la grève totale. Les journaux, puis l’ORTF, l’Opéra, l’Odéon, les chauffeurs de taxi et même les laboratoires du Commissariat à l’Energie Atomique de Saclay où des conseils ouvriers furent organisés, se mirent de la partie. De même, certains secteurs paysans soutinrent la grève.

Pompidou entama les négociations de Grenelle. Les dirigeants syndicaux se sentaient à l’aise. Ils comprenaient bien le sens de la négociation, et, eux aussi, voulaient qu’elle aboutisse, pour mieux retrouver leur emprise sur les travailleurs et leur rôle d’interlocuteur auprès du gouvernement.

A partir du 27 mai, la tâche des dirigeants syndicaux fut de vendre l’accord. A Billancourt, Séguy, dirigeant de la CGT, fut hué par les jeunes travailleurs qui rejetèrent la pauvre augmentation de 7% et le retrait de certaines attaques contre la Sécurité Sociale ou l’âge de la retraite, fruits pourris des compromissions des directions syndicales.

Partout ce fut la même histoire : la reprise ne se faisait pas. Craignant le débordement, le 29 mai, le PCF et la CGT appelèrent une nouvelle fois à manifester. 600.000 personnes descendirent dans la rue, scandant "gouvernement populaire".

Cela signifiait que la gauche et les syndicats indiquaient que la voie n’était pas dans la grève générale ouvrière mais dans les élections... C’était surtout la voix de salut pour le pouvoir !

La première urgence était d’assurer le contrôle des travailleurs sur leur propre mouvement, pour faire barrage à toute tentative de la bureaucratie ouvrière de vendre la grève. Il fallait lutter pour des assemblées générales dans les entreprises et pour l’élection de comités de grève, élus et révocables. (extrait de P.O.)

Séguy qui participait aux négociations de tromperie ci-dessus, estimait, dans une interview au journal L’Express en 1978, « en mesure dans le mouvement syndical, comme nous en avons fait la démonstration en Mai 68, de maîtriser toute velléité de débordement ou d’irresponsabilité gauchiste ».

En fait, la CGT qu’il dirigeait avait sauvé les classes dirigeantes et l’Etat d’une situation dangereuse....
1973 : dans la foulée de la radicalisation, les débordements comme LIP et la grève des banques

Après 68, une génération de militants ouvriers proches de l’extrême gauche a donné aux luttes un caractère plus offensif, moins respectueux du cadre imposé par les centrales syndicales comme à LIP autogérée par les salariés ou dans la grève des banques avec un comité national de grève. D’autres grèves ont également marqué cette nouvelle radicalité. La grève des LIP relayée au niveau national aurait permis que des grèves contre les licenciements ne se déroulent pas dos au mur, comme cela a été le cas dans les années 70 pour la lutte contre les fermetures dans la sidérurgie lorraine.
1981 : vague rose, vague de recul des grèves

Mais cette radicalité ouvrière va se défaire avec l’arrivée de la gauche au gouvernement en 1981. Celle-ci va parvenir à faire semblant de concentrer les aspirations populaires. Le niveau des luttes descend considérablement. Au bout d’une année, le gouvernement de gauche sait qu’il peut commencer une offensive anti-ouvrière et qu’il n’y aura pas de répondant. Les attaques anti-sociales commencent avec le gouvernement Rocard et ne vont plus cesser.
1982 : le soutien syndical devient critique verbale

La CGT, qui a soutenu la gauche gouvernementale, critique le plan d’austérité mais sans mobiliser les travailleurs contre lui. La CFDT soutient le plan d’austérité !

1984 : les luttes contre les licenciements dans la sidérurgie lorraine

Le vendredi 13 avril, les syndicats organisent une grande marche des sidérurgistes sur Paris. Loin de s’appuyer sur la colère des sidérurgistes et d’en faire une marche contre les licenciements, contre le patronat et le gouvernement, les syndicats lui donnent un caractère régional avec, en tête de cortège, majorettes en costume régional et croix de Lorraine. Et pourtant, ce plan Acier est décidé quelques mois seulement après les licenciements massifs chez Talbot à Poissy et, le 13 avril, c’est Citroën qui annonce près de 6 000 suppressions d’emplois. Les confédérations n’ont pas appelé l’ensemble des travailleurs à venir à la manifestation, très encadrée par le service d’ordre syndical et qui traverse des quartiers déserts de Paris.
1985 : syndicats auxiliaires du gouvernement de gauche

La CGT de l’usine automobile Talbot de Poissy, récemment imposée au patron de choc par la grève, choisit de casser la lutte contre les licenciements pour aider les copains du gouvernement....

La trahison de la grève de Talbot par la CGT et le PCF a mis un coup d’arrêt aux grèves radicales des OS immigrés qui se développaient depuis mai 68, entraînant une division durable. C’est un tournant important du mouvement ouvrier en France. Sur la grève Talbot et les autres mouvements aux USA et en Angleterre du milieu des années 80
1986 : les coordinations

Novembre 1986 marque une rupture pour le mouvement ouvrier, après l’anesthésie générale de 1981 avec la gauche gouvernementale. La droite, revenue aux affaires en mars 1986, a lancé des attaques tous azimuts. Quatre puissants mouvements vont la faire reculer : les étudiants à l’automne 1986, les cheminots en décembre 1986, les instituteurs au printemps 1987, les infirmières à l’automne 1988. Un nouveau cycle de luttes s’annonce alors, marqué par l’avènement de pratiques de démocratie directe et d’auto-organisation. C’est le temps des « coordinations ». Il y aura des suites : à la SNECMA et Air France...
1993 : remontée des luttes

La grève Air France, comme l’année suivante le mouvement contre le CIP, ont représenté une accentuation de la lutte des classes mais jamais, au cours de ces événements, les syndicats n’ont fait plus qu’accompagner derrière le mouvement.
1994 : le génocide rwandais

Quel rapport avec le syndicalisme en France me direz-vous ? Justement, aucun ! Les centrales syndicales n’ont jamais estimé de leur rôle de dénoncer les crimes de l’impérialisme français, faisant de leur silence une véritable complicité. L’exemple particulièrement criminel et sanglant d’un président de gauche avec un gouvernement de droite, armant et organisant une contre-révolution fasciste en est une illustration particulièrement scandaleuse. Cela continue bien sûr aujourd’hui avec l’absence de toute dénonciation de l’intervention militaire des grandes puissances en Haïti. Les centrales syndicales dans un pays riche comme la France sont partie intégrante de l’ordre impérialiste.

La même année, le CIP, ou "SMIC jeune" de Balladur, est renvoyé à la poubelle par la mobilisation de la jeunesse : un mois de manifestations massives dans tout le pays. Les syndicats n’interviennent qu’en ponctuant la mobilisation par des "journées" de manifestations massivement suivies. Elles n’ont nullement voulu ce mouvement et n’ont fait que le suivre de loin.... Elles chercheront encore moins à en faire un point d’appui des luttes ouvrières.
1995 : la grève générale évitée

En 1995, il y a eu séparément une grève se généralisant dans le privé (par exemple Renault, Thomson, SNECMA, Danone, etc..., au printemps 1995) et une grève se généralisant aussi dans le public en octobre. Les syndicats, après avoir approuvé les mesures prévues par Juppé, ont œuvré consciemment et efficacement à diviser et affaiblir. Au début, elles ne prévoyaient même pas une véritable réaction. Par exemple, Jean-Paul Roux, le dirigeant du syndicat indépendant l’UNSA, déclarait : "On ne peut pas faire la grève du siècle tous les mois, beaucoup de fonctionnaires ne peuvent se permettre de perdre 2 jours de salaire à 6 semaines d’intervalle à l’approche de Noël". Grâce aux syndicats, le gouvernement a pu se contenter d’un petit recul alors qu’il faisait face à une remontée des luttes sociales. Certains syndicats comme la CGT et FO se sont portés à la tête de la lutte des salariés du public alors qu’ils avaient signé les projets de réforme de Juppé qui s’est suffisamment plaint de leur retournement. Alors que Nicole Notat et la CFDT se rangeaient aux côtés du gouvernement Juppé contre les cheminots et les postiers), en décembre 1995, Bernard Thibault avait lui-même bradé la grève dont il apparaissait comme le principal leader, en appelant à la reprise, sans consulter aucun gréviste, dès la signature d’un accord avec le ministre des transports de l’époque. Cette grève, de la part des dirigeants de la CGT comme de Marc Blondel qui dirigeait FO, était surtout une façon de s’imposer comme interlocuteurs au gouvernement Juppé-Chirac, à qui ils démontraient, en s’appuyant sur la colère des cheminots, que ce n’était pas en collaborant avec la seule CFDT que l’on pouvait marchander le calme social.

Les grèves ouvrières en 1995

1996 : la lutte des sans-papiers

Loin d’être à l’initiative ou même en soutien, les centrales syndicales ont laissé les sans-papiers « de Saint-Bernard » mener seuls leur lutte jusqu’à l’occupation du gymnase Japy puis de l’église Saint-Bernard.
1997 : la fermeture de Vilvoorde

Renault-Vilvoorde a fermé en 1997 et les salariés de Belgique ont fait appel à la solidarité des travailleurs français, une sympathie existant bel et bien ici. Mais, en Belgique comme en France, il n’y avait qu’une seule chose que craignaient vraiment les centrales syndicales : le coup de colère des salariés et ils se sont bien gardés de le favoriser ! On reverra une situation semblable lors de la fermeture de PSA-Ryton en Angleterre...

1999 : les syndicats appuient les contre-réformes du gouvernement « de gauche »

A la SNCF, la CGT (avec la CFDT) s’oppose en mai 1999 à la grève contre les modalités de mise en application des 35 heures.

Pour son 46ème congrès, la CGT, avec Bernard Thibault, a engagé sa mutation vers un syndicalisme de "proposition", sur la même voie que la CFDT.

Quels sont les enjeux du nouveau profil unitaire et consensuel des deux principales confédérations françaises ?

Bernard Thibault, à la suite de Nicole Notat, invoque "la crise du syndicalisme" et la baisse des effectifs pour se convertir à un syndicalisme plus "moderne", plus "ouvert", plus enclin au "débat", et ne jure plus que par la négociation.

Sur l’annualisation et la flexibilité, la CGT a déjà multiplié les gages, en ayant signé à ce jour plus de 20 % des accords. Au congrès, Maryse Dumas comme Bernard Thibault ont évoqué les "propositions" de la CGT concernant la rédaction de la future loi sur les 35 heures, en se gardant de s’opposer à l’annualisation – Maryse Dumas tenant même à s’incliner devant le fait accompli.
2000 : la flexibilité ... de gauche

A partir de 1985 : avec l’assaut sur la flexibilité du travail notamment, des efforts considérables avaient été déployés par le patronat et le pouvoir politique. Ils remettent en cause, soit par voie législative, soit par voie contractuelle, la plupart des acquis sociaux (la loi quinquennale de 1993 et les remises en cause des différents éléments de la protection sociale constituent des pièces maîtresses de l’offensive). La grève de 1995 avait renvoyé la flexibilité version Juppé à la poubelle. A partir de janvier 2000, la déréglementation est mise en place par voie réglementaire. La loi Aubry des 35 heures permet la casse programmé du code du travail et des conventions collectives nationales, et ainsi de la quasi-totalité des acquis sociaux arraché au grand capital. Cette flexibilité est présentée par le syndicats comme une "avancée historique des 35 heures" !
2001 : une tentative de généralisation de la lutte contre les licenciements qui n’est pas soutenue par les centrales syndicales

En 2001 les grèves de Lu-Danone et de Marks & Spencer notamment tentent de trouver un prolongement dans d’autres entreprises comme AOM-Air Liberté-Air Littoral, et au travers de manifestations communes mais les centrales syndicales font la sourde oreille... Leur appel aboutit pourtant le 9 juin 2001 à une manifestation de plus de 20 000 personnes à Paris démontrant la volonté et la nécessité de construire des courants unitaires et combatifs à la base.
2002

La politique de la CGT en 2002
2003 : les syndicats empêchent une mobilisation sur les retraites, sujet pourtant explosif

C’est l’Enseignement qui est en tête avec une action importante de la base mais les centrales syndicales gardent la main mise sur la base ouvrière et le mouvement ne s’étend pas.

6 janvier, puis premier février, etc … Les syndicats laissent les journées d’action pour les retraites, très réussies, sans lendemain…

2003 est un pic des grèves en France contre le projet Fillon de retarder les départs en retraite de tous les salariés (vers les 42 ans et plus d’années de cotisation). mais cela ne mène à rien !

Le succès de la journée d’action du 13 mai (deux millions de manifestants) a, comme on dit poliment, « dépassé les espoirs » des directions syndicales, en particulier du fait de la bonne participation des travailleurs du secteur privé. L’empressement de Chérèque à signer une version à peine améliorée du projet de Fillon semble dicté par la volonté de briser au plus vite l’élan d’un mouvement dont l’énorme potentiel s’est clairement manifesté.

De nombreux secteurs ont reconduit la grève du 13 mai sans réel soutien des dirigeants syndicaux, comme par exemple à la RATP. Le soir du 13 mai, Bernard Thibault a déclaré « comprendre l’émotion » des cheminots qui venaient de décider de reconduire la grève pour le 14 mai. Après quoi ceux-ci ont été abandonnés à leur propre sort, c’est-à-dire sans que leur soient données de perspectives sur une généralisation du mouvement.

Le 25 mai, la CGT clôturait le ban par une manifestation imposante mais conçue comme une fin... Plus exactement, elle avait décidé que c’était fini. Ce qui ne l’empêchait pas de faire crier aux manifestants : "Grève générale" !!!!

2004, la dispersion des luttes

Thibault s’est, à la rentrée de septembre 2004, posé spectaculairement en interlocuteur du pouvoir pour résoudre les crises en négociant par dessus la tête des salariés le retrait de l’opposition de la CGT au plan de licenciements à Perrier. C’est du côté de Bercy, par-dessus la tête des militants de Perrier, et même contre les dirigeants de la Fédération CGT de l’Agroalimentaire, selon Le Monde, que Thibault a cherché une issue à la crise, en réalité la reddition de la CGT. Cela s’est négocié entre lui, la direction de Nestlé Waters France et le ministre des finances et de l’industrie Sarkozy, qui s’est fait le malin plaisir de jouer l’arbitre.

À peine la CGT avait-elle annoncé, le 27 septembre, qu’elle allait retirer son veto, que la direction de Nestlé montait les enchères. Ce n’était pas suffisant, il fallait que la CGT signe le plan. Les gros yeux de Sarkozy à la direction de Nestlé ont suffit à faire rentrer les choses dans l’ordre. Dans l’ordre patronal. Car Nestlé ne s’engage à rien.

La CGT et l’affaire Perrier

Après les journées du 20 janvier à EDF-GDF, celle du 21 à la SNCF et celle du 22 dans les hôpitaux et dans les aéroports de Paris, une « semaine d’action » est prévue par les syndicats à partir du lundi 26 dans toute la Fonction publique mais… pour des actions à la carte. Le jeudi 5 février, ce sera au tour des salariés de La Poste.

Le 20 juillet 2004, le gouvernement adoptait la loi de réforme de la Sécu, dans un grand silence syndical. pas de proposition de réaction, quelle qu’elle soit ...

Octobre 2004 : "Un accord historique et prometteur", a déclaré le ministre des transports De Robien, se réjouissant de la signature, le 28 octobre, par six syndicats, et surtout par la CGT, de l’accord imposant de nouvelles restrictions au droit de grève à la SNCF, accord dit d’ « amélioration du dialogue social et prévention des conflits ». Historique ? Le terme est exagéré : l’histoire syndicale (celle de la CGT comme des autres) est truffée d’autres accords, signés par des syndicats en échange de la reconnaissance de leur rôle d’interlocuteurs privilégiés, du renforcement de leur monopole de représentation des travailleurs ou de quelques sièges dans des commissions. Mais la signature d’un tel accord anti-grève de la part de la CGT est, tout de même, une première. C’est de la part de Bernard Thibault un geste politique vis-à-vis du gouvernement et du Medef, dont le ministre a toutes les raisons de se féliciter. Car il s’accompagne de l’affirmation que le « dialogue social » serait préférable au conflit, au moment même où à la SNCF comme à la Poste, sur fond de ce prétendu « dialogue » avec les bonzes syndicaux, les suppressions de postes tombent à tour de bras. Un service minimum par consentement mutuel en quelque sorte. Et Thibault a répondu « oui » par avance, déclarant le 10 novembre au journal France soir que l’accord à la SNCF « change la culture de l’entreprise : auparavant, il fallait en passer par la grève avant que des discussions sur les revendications puissent s’engager. Notre souhait est de parvenir à des accords similaires dans d’autres entreprises de transport en région ».

2005 : la grève trahie

Le choix de la CGT de la SNCM, la direction nationale ayant pesé de tout son poids, de cesser la grève a été assez soudain pour surprendre de nombreux grévistes, qui étaient décidés à tenir malgré le chantage au dépôt de bilan et aux licenciements, fait par le gouvernement sous le couvert de lois présentées comme inexorables. C’est la CGT qui a organisé le vote de reprise du travail. Deux piles de bulletins furent posés sur l’estrade où se tenaient les dirigeants syndicaux. Ils avaient été préparés de façon très particulière puisque l’un des bulletins portait « Oui à la reprise de l’activité. Pour éviter le dépôt de bilan » et l’autre « Non à la reprise de l’activité = dépôt de bilan » !. Ainsi celui qui votait « non » à la reprise du travail avait le sentiment qu’il votait pour le dépôt de bilan.

Jean-Paul Israël, dirigeant CGT de la SNCM : "Face aux ministres, on pouvait se battre mais face à la justice, nous aurions pris des risques. Pour continuer à exister, il fallait lever le pied mais cela ne veut pas dire que le combat en restera là."

Politiques syndicales dans la grève de la SNCM

En 2005, un nouveau pic de grèves est atteint notamment par les appels intersyndicaux à des journées de mobilisation sur les questions générales du pouvoir d’achat, du service public et des conditions de travail. Ces journées sont l’occasion de fortes manifes­tations (1 million le 10 mars et le 10 octobre). Mais la stratégie de la multiplication des journées d’action par les directions syndicales s’essouffle à chaque fois. Plus exactement, la stratégie syndicale réussit parfaitement à permettre des lâchers de vapeur et négocier ainsi leur rôle de tampon social avec l’Etat et les patrons.

Les syndicats qui n’ont rien fait pour qu’une liaison entre le mouvement ouvrier et les jeunes de banlieue se réalisé découvrent la "violence des banlieues" et Bernard Thibaut affirme que "rein ne se résoudra dans la violence". A chacun d’interpréter s’il s’agit de la violence de la misère et de l’absence d’avenir ou celle des voitures brûlées ?

2006 : mouvement anti-CPE

Alors que la jeunesse est mobilisée et appelle le mouvement ouvrier à la rejoindre dans la grève et dans la rue, les centrales syndicales maintiennent profil bas et inaction quasi totale.... Le 18 mars, ils appellent cependant à une journée d’action bien suivie mais c’est plus une fin qu’un début de quoique ce soit. Ils sauvent ainsi le gouvernement et évitent une radicalisation de l’ambiance sociale.
2007 : trahison syndicale de la lutte des cheminots sur les « régimes spéciaux »

Les syndicats ont réussi à isoler et trahir la grève des cheminots pour la défense des régimes spéciaux de retraite. Après dix jours, sans aucune perspective sur laquelle se baser pour battre le gouvernement du président Nicolas Sarkozy, les assemblées générales qui se sont tenues dans toute la France ont voté pour la reprise du travail. De larges poches de résistance, quelque 10 pour cent, soit près de 14 000 cheminots, étaient encore en grève.

Les 18 et 19 octobre démarre une grève pour défendre la retraite des cheminots. Loin de chercher à l’appuyer, moins encore à l’étendre, elle est brisée par les syndicats dont la CGT.

A la Gare de Lyon, bastion de la CGT, deux des trois assemblées générales ont voté pour la poursuite de la grève, « au grand dam des délégués CGT », rapporte Libération.

Les travailleurs venus faire pression sur la réunion entre les syndicats de la RATP, la direction et le gouvernement, mercredi dernier, étaient furieux. Libération rapporte, « Des sifflets. Puis des huées. Dans le hall du siège de la RATP, hier en fin de matinée, le responsable de la CGT redescendu de la négociation tripartite, a du mal à terminer son compte-rendu. "Trahison !", "Vendu !", lance une grande partie de l’assemblée, pourtant composée en majorité de cégétistes. L’ambiance est électrique. De petits groupes se forment, s’engueulent. Assis à l’écart, Jean-Pierre a "envie de vomir". »

On peut lire dans la presse : "Bernard Thibault, Didier Le Reste (cheminots), Frédéric Imbrecht (énergie) et Gérard Leboeuf (RATP) s’expliquent ouvertement. Il faut entendre Didier Le Reste expliquer qu’il n’avait jamais été question de contester le passage aux 40 ans ! Il faut entendre Frédéric Imbrecht expliquer qu’en tant qu’organisation majoritaire (et responsable) il fallait engranger des résultats pour être crédible… Il a l’air malin, à l’heure où les négociations sont suspendues faute de résultat dans le domaine de l’énergie ! Il faut entendre Bernard Thibault assurer que le mouvement a déstabilisé les projets gouvernementaux !"

La grève des ouvriers de Peugeot en 2007

En 2007, avec l’élection de Sarkozy, on aurait pu s’attendre à un durcissement des réactions des dirigeants syndicaux vis-à-vis du gouvernement. Il n’en a rien été, bien au contraire. Sarkozy a parlé de dialogue, mais ni plus ni moins que les autres gouvernants avant lui. Les dirigeants des centrales ont semblé charmés. Thibault reconnaît qu’« il y a dialogue », qu’il ne s’agit pas de « protester a priori ». Mailly explique : « Nous jugerons donc aux actes. En fonction des choix retenus sur tous ces points, tout est possible, le meilleur comme le pire. » Inutile de parler de Chérèque, amoureux transis.

À propos du « service minimum » dans les transports, Thibault a déclaré : « Dès lors que le président de la République nous dit son intention de ne pas vouloir remettre en cause le droit de grève et qu’il n’y a aucune raison de lui faire des procès d’intention, on va essayer de le suivre. Mais ce sont les textes qui vont nous permettre de vérifier dans les actes qu’ils sont bien conformes au dialogue ». La CFDT en rajoutait : c’est dans toute la fonction publique qu’il faudrait « poser le problème de l’anticipation des conflits ».

Pas un mot pour dénoncer des négociations envisagées entreprise par entreprise, qui permettront de mettre quelques entraves supplémentaires au droit de grève. Ni le fait qu’en saucissonnant ainsi les accords, cela rendra plus difficile aux travailleurs de les combattre ensemble.

Si les syndicalistes veulent des négociations, Sarkozy va leur en donner : outre celles relancées avec le Medef, trois conférences sociales sont envisagées à la rentrée (sur l’égalité salariale hommes-femmes, l’amélioration des conditions de travail et le pouvoir d’achat). D’autres encore pour 2008 : contrat de travail, « démocratie sociale », retraites...

2008 : la crise du capitalisme et les syndicats, avec les gouvernants, au chevet du malade

La crise financière, bancaire et économique trouve les centrales syndicales tout à fait prêtes à se mobiliser... pour défendre le système. Elles n’auront pas un geste déplacé vis-à-vis des banquier, fiannciers et industriels, ne dénonceront pas les aides massives de l’Etat qui vont se faire aux dépens des travailleurs et des milieux populaires et qui nécessiteront ensuite des coupes sombres dans les effectifs de la fonction publique.

« Je veux rendre hommage aux syndicats, qui ont eu une attitude responsable lors des conflits sociaux récents, même s’ils n’étaient pas d’accord, ce qui est leur rôle » a assuré Sarkozy lors d’un entretien télévisé en Mai 2008, réitérant l’hommage en question à plusieurs reprises ! Cette déclaration d’amour n’est pas que platonique. C’est Sarkozy lui-même qui avait lancé la discussion entre « partenaires sociaux » sur la « représentativité syndicale », afin de « revivifier la démocratie sociale ». Il s’est d’ailleurs réjoui, dans une tribune du Monde du 18 avril intitulée « Pour des syndicats forts », de la conclusion de la discussion par une « position commune »

Par exemple à Continental où les syndicats ont signé un accord sur les 40 heures payés 35 heures soi-disant « pour sauver l’entreprise » et qui n’a pas empêché la fermeture. Il en va de même pour l’accord cautionné également par les syndicats à Arcelor-Mittal. Ce sont les syndicats de Caterpilar qui ont accepté les 600 licenciements, sous prétexte que le patron était passé d’un projet de 600 à 730 licenciements puis de nouveau à 600. Jusqu’à la dernière minute, le syndicat CFTC majoritaire dans l’usine Continental de Claroix se disait « sûr de l’avenir du site » et « faisait confiance à la direction et à Sarkozy ».

La loi d’Août 2008 sur la représentativité des syndicats, vient surtout officialiser un nouveau tournant de la CGT. Dans le détail la loi, rend de plus en plus technique, le fonctionnement des syndicats, leur rôle auprès des salariés, et accroît la dépendance financière et législative auprès de l’Etat.

Dans une interview accordée au Financial Times le 18 avril, le dirigeant CGT (Confédération générale du travail) Jean-Christophe Le Duigou a fait l’éloge de Sarkozy en disant, « Il comprend que nous devons donner une place au dialogue. […] Tout le monde pense que les choses doivent changer. » Sarkozy qui avait reconnu dans un éditorial du Monde le 18 avril que toutes ses réformes avaient été préparées à l’avance avec les syndicats, avait fait leur éloge lors de l’interview télévisée du 24 avril : « Je veux rendre hommage aux syndicats. […] On ne peut pas gouverner un pays sans de forces syndicales responsables. »

Cela se passait au moment où la bourgeoisie française était confrontée à des manifestations répétées de lycéens s’opposant aux suppressions de postes et aux réformes des programmes dans l’Education nationale ; à des travailleurs sans-papiers dans les secteurs de la restauration et du bâtiment réclamant leur régularisation ; à des grèves de travailleurs portuaires dans les principaux ports commerciaux. Dans une série inhabituelle de grèves du secteur privé, les travailleurs de Coca-Cola, des magasins Carrefour, de Virgin Megastore, de la Redoute ont fait grève contre l’inflation et pour des augmentations de salaire, et les travailleurs d’Airbus ont fait grève contre la vente de leurs usines en France et en Allemagne.

Après l’interview télévisée de Sarkozy, dans laquelle il avait annoncé sa détermination à poursuivre ses réformes, les syndicats se sont sentis obligés d’organiser un semblant d’opposition concertée. Mais ils ont compté sur des tactiques bien éprouvées pour diviser le mouvement : appeler régulièrement à des actions d’une journée sur des questions séparées, diviser les manifestations entre les différentes fédérations syndicales, sans cesser en même temps de négocier avec les représentants de l’État.

L’objectif était d’empêcher que les grèves ne se rejoignent et ne puissent perturber l’économie et ne présentent devant la classe ouvrière la possibilité d’une lutte unie contre l’ensemble du programme économique de Sarkozy.

Le 1er mai, 200 000 travailleurs ont défilé dans tout le pays, bien que les syndicats Force ouvrière et la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) aient organisé des défilés séparés. Les syndicats avaient prévu pour le 15 mai une manifestation conjointe des travailleurs de la fonction publique contre les suppressions de postes dans l’enseignement et la fonction publique.

Quand le 7 mai, le ministre du Travail Xavier Bertrand a confirmé son projet de faire passer de 40 à 41 années la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite complète, les syndicats n’ont pas appelé les autres travailleurs touchés par cette mesure, dont les cheminots, les travailleurs du transport aérien, de l’énergie, de Telecom et de la poste, à rejoindre l’action du 15 mai, mais ont plutôt appelé à une journée d’action séparée le 22 mai. Durant la manifestation du 15 mai, plus de 300 000 personnes ont défilé et un million de travailleurs ont fait grève ; cela a été suivi par la manifestation pour les droits à la retraite le 22 mai où 700 000 personnes ont défilé dans tout le pays.

Le jour suivant, les syndicats signaient un accord sur le « dialogue social » et les conditions d’emploi dans le service public. En signant un accord que les grèves des travailleurs du secteur public avaient pour but d’empêcher, les syndicats ont, dans les faits, torpillé la mobilisation des travailleurs du secteur public. Le 24 mai, une manifestation contre les suppressions d’emplois dans l’éducation n’a réuni que 7000 personnes à Paris.

Au moment des grèves croissantes des marins-pêcheurs les 26 et 27 mai sur la question du prix des carburants, les syndicats ont décidé de ne pas appeler à d’autres grèves contre les suppressions de postes dans l’éducation, au motif qu’il était nécessaire de laisser lycéens et enseignants travailler pour les examens de fin d’année. Une déclaration commune des syndicats de l’éducation des différentes confédérations syndicales déclarait qu’elles « renvoyaient la question d’une suite à leur mouvement après les vacances d’été ». Le 10 juin, la mobilisation des fonctionnaires et des cheminots contre les suppressions de postes, la réforme des retraites et la réforme du fret à la SNCF a eu lieu alors que se déroulaient des grèves de travailleurs dans les ports commerciaux stratégiques contre la privatisation, ainsi que des grèves de pêcheurs, de transporteurs routiers et d’ambulanciers et fermiers contre la hausse des prix du gazole. Mais les syndicats n’ont aucunement cherché à organiser une grève plus large du secteur des transports contre la privatisation et la hausse du prix des carburants.

Le 11 juin, les syndicats ont signé un accord sur « seize points de convergence » avec le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos, torpillant la relance du mouvement des lycéens après les grandes vacances ce qu’ils avaient faussement suggéré être en train d’envisager le 27 mai. Les 12 et 13 juin, le parlement votait des lois de réforme et de déréglementation du marché du travail, la précédente ayant été signée par les syndicats en janvier. Ces actes montrent de plus en plus clairement aux travailleurs que les syndicats ne s’opposent pas sérieusement au gouvernement, lequel n’a aucune intention de céder devant des grèves isolées.

La manifestation du 17 juin pour les droits de retraite et contre le démantèlement de la semaine de 35 heures, démantèlement auquel les syndicats eux-mêmes avaient participé dans une « position commune » avec les organisations patronales en avril, a rassemblé 500 000 travailleurs dans tout le pays. Des manifestants interviewés par le WSWS remettaient en question les motifs des syndicats et l’utilité des luttes qu’ils menaient. Après la manifestation, le dirigeant de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) François Chérèque a expliqué « Nous voulons reprendre le dialogue » avec les employeurs, tandis que le dirigeant de la CGT Bernard Thibault suggérait une autre mobilisation, mais étrangement proposait de la remettre à après les grandes vacances, soit en octobre.

Le discrédit des syndicats est source de grande inquiétude pour le gouvernement de Sarkozy qui craint de perdre sa méthode la plus efficace pour briser l’opposition de la classe ouvrière.

2009

Le début de la grève générale en Guadeloupe à la télé

Alors que la Guadeloupe est déjà en grève générale depuis 9 jours, les syndicats organisent une journée d’action le 29 janvier mais ne font aucun lien avec la situation qui monte Outremer. Plus tard, Bernard Thibaut expliquera que cela n’a rien à voir et qu’il n’est pas question d’appeler à la grève générale en France ....

La lutte sociale en janvier 2009

« Le Monde » écrivait en janvier 2009 : « A l’Elysée comme au Parti socialiste, dans les syndicats comme dans les milieux patronaux, tout le monde redoute une explosion du chaudron social. »

Quelle perspective s’ouvrait en février 2009 ?

Nouvel Observateur de mars 2009 : Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault ne croit pas à une contagion de la situation antillaise en métropole car elle "n’est pas comparable", selon lui. Les conflits sociaux qui touchent l’outremer ne sont pas transposables en métropole, car la situation n’est pas comparable, estime le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault dans un entretien au Parisien publié mardi 10 mars. "Le conflit n’est pas transposable", affirme Bernard Thibault. "La situation n’est pas comparable. Les Antilles sont gangrenées par un taux de chômage de 20%, les prix y sont deux ou trois fois plus élevés et les salaires de 15% inférieurs à ceux de la métropole", explique-t-il. Concernant la journée d’action du 19 mars, Bernard Thibault, faisant référence au succès du 29 janvier, "attend au moins autant de personnes que la dernière fois" dans la rue. »

Et en mars 2009 ? Qui a refusé de donner une suite à la journée nationale d’action du 19 mars 2009 ? Tous les appareils syndicaux unis en l’occurrence !

La grève à Continental contre les licenciements

De janvier à juin 2009, se déroule le mouvement des enseignants-chercheurs dans lequel les syndicats sont restés en marge sans être capables ni de le diriger, ni de l’arrêter, ni de s’en désolidariser ouvertement....

La grève à Toyota en avril 2009

Le journal économique les Echos du 10 avril 2009 titre : "L’exécutif cherche à associer les syndicats à la gestion de la crise". "François Fillon revient sur le paritarisme mais aussi « la consolidation de la place de la représentation du personnel dans l’entreprise ». Il reprend également le sujet de la « gouvernance des entreprises », avec une « meilleure association des représentants des salariés en amont des opérations de restructuration et à la stratégie économique ».

Le premier mai 2009, de nombreux travailleurs étaient dans la rue mais on ne pouvait remarquer que la suite des journées de grève était une journée fériée ! Pour faire reculer l’Etat et les patrons, ce n’était pas exactement à la mesure ... Thibaut affirmait qu’il n’est pas possible de demander aux travailleurs de faire grève générale vu qu’ils ont de grosses difficultés financières… !

Juin 2009 : une fin en queue de poisson

La suite n’allait pas être plus brillante ! Le 13 juin 2009, l’éteignoir syndical des promenades étalées dans le temps avait fini de produire ses effets. Alain Minc, proche conseiller de Nicolas Sarkozy déclare dans "Le Parisien Dimanche" : "Je constate que ce printemps 2009, leur (des syndicats) sens de l’intérêt général a été impressionnant pour canaliser le mécontentement. L’automne a été d’un calme absolu. Je dis : chapeau bas, les syndicats !"

Avec l’été 2009, se multiplient les mouvements localisés où les salariés d’une entreprise luttent seuls face à un patron qui licencie. Le cas est fréquent chez les sous-traitants de l’Automobile. Les salariés en colère bloquent leur patron ou leurs cadres dirigeants.

La lutte des New Fabris, le film

On remarquera dans ce film qu’avant même la décision de l’AG, le dirigeant (pourtant catalogué radical) du syndicat a décidé que la grève est finie....

Les syndicats ont refusé de tenter de centraliser les luttes contre les licenciements du privé sans parler de les lier à celles contre les suppressions d’emplois du public. Du coup, les entreprises du type Continental, Caterpillar et autres se retrouvent dos au mur, les salariés étant contraints d’accepter d’être jetés à la rue contre une petite somme (toute petite) et les syndicats locaux criant victoire…

Quelle politique patronale face aux luttes radicales contre les licenciements ?

Août 2009 : la grève en Martinique et à Tahiti

Les mêmes syndicats, moins FO et la CFTC, ont appelé à une nouvelle « journée d’action interprofessionnelle » le 7 octobre, « pour le travail décent ». Pour compléter, les bureaucraties syndicales, depuis la rentrée, ont multiplié des initiatives dispersées pour « éviter que les expressions de radicalité fassent tâche d’huile » : à partir du 1er octobre, un mouvement limité aux travailleurs immigrés sans papiers (les syndicats ne s’adressent pas à leurs collègues de travail qui ont la nationalité française ou des titres de séjour) ; une journée d’action limitée aux « entreprises qui licencient », le 17 septembre, au Palais Brongniart (qui n’héberge plus la Bourse de Paris depuis… 1980) ; à la Poste, le 22 septembre et le 24 novembre ; aux hôpitaux le 30 septembre, le 20 octobre et le 15 décembre ; à la SNCF, le 20 octobre ; à l’Éducation nationale, le 24 novembre ; à la fonction publique territoriale, le 18 novembre ; au Pôle Emploi, le 20 octobre, etc.

Au lieu de défendre le service public de La Poste par une lutte ou une grève, il a été mis en place une comédie en octobre 2009, c’est la "votation citoyenne".

Le 2 novembre 2009, la collaboration de classe battait son plein et l’entente entre les dirigeants syndicaux et Sarkozy. Ce dernier installait un « comité organisateur des états généraux pour une politique industrielle » présidé par un patron de Sanofi-Aventis, comprenant Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, des représentants du patronat français, des parlementaires UMP, PS… La défense de « l’industrie française » désigne comme ennemi commun l’étranger (inclus les travailleurs des autres pays), elle débouche fatalement sur des concessions des producteurs aux exploiteurs (pour assurer l’avenir des entreprises nationales).

Du côté des sans-papiers, on assiste de la part de la CGT à la récupération de la lutte des sans-papiers, au travers de grèves des sans-papiers et de constitution de dossiers, pour obtenir en accord avec Sarkozy à une reconnaissance de la CGT comme seul interlocuteur chargé par les préfectures de filtrer les dossiers suivant des critères inférieurs à ceux en vigueur dans les préfectures jusque là. Il en découle une occupation de la Bourse du Travail de Paris par des sans-papiers rejetés par la CGT, elle-même achevée par une intervention musclée du service d’ordre le CGT.

La CGT a en effet mené une politique dans cette grève qui démolit le rapport de force qui avait été construit à partir de la lutte des Saint-Bernard. Il collabore avec le pouvoir et nous ramène au "cas par cas" rejeté définitivement par le mouvement des sans-papiers !
2010

La CGT de Renault qui ne signait traditionnellement que rarement les accords avec le patron, qui avait refusé de signer le Contrat Social de Crise, plan d’austérité prévoyant notamment du chômage partiel et couvrant d’autres licenciements chez les sous-traitants et précaires, n’avait pas été signé par la CGT en 2009. Ce syndicat le signe en 2010 ! Et, pour faire bonne mesure, il ne vote pas contre les fermetures de sites de Renault : CTR (Rueil), Robinson, Boulogne. La plupart des autres syndicats ont voté contre : un comble !

En 2010, les journées d’action de 2009 étalées continuent mais, quel progrès !, elles sont sectorisées… Les ports et docks sont appelés à la grève le 4 janvier, la Guadeloupe le 9 janvier, l’aviation civile les 13 et 14 janvier, la fonction publique le 21 janvier, les infirmières et personnels de santé le 26 janvier, France Télévision le 28 janvier, l’Education le 30 janvier. Lorsque, par hasard, les hospitaliers étaient appelés en même temps que les enseignants, les confédérations leur ont donné des rendez-vous différents pour manifester !
Mobilisation pour les retraites en 2010 ?

Voilà ce que nous écrivions au début du mouvement :

Les syndicats nous appellent à une journée nationale et de manifestations le 23 mars 2010. Cela serait bien entendu indispensable et important vu l’ampleur des attaques qui menacent nos retraites. Le gouvernement vide les caisses, amplifie les suppressions d’emplois en supprimant des emplois dans le public et en organisant les suppressions d’emplois des prestataires de l’Automobile par exemple. Il prévoit, soi-disant pour renflouer les caisses, d’imposer des retraites sous-payées, des cotisations salariales en hausse et une retraite à 60, 61 ans ou plus… Mais, le texte même des appels syndicaux en dit long sur leur absence de combativité sur le fond. Au lieu d’écrire tout simplement : pas touche aux régimes de retraites, ils écrivent : « pas de réforme sans un débat national ». Mais on sait que ces fameuses « réformes » sont des destructions ! Pas besoin d’en débattre ! Ou encore, ils écrivent « Reconnaissance de la pénibilité d’abord ». Pas d’accord ! Ne commençons pas par édicter des exceptions mais la règle : 60 ans pour tous sans aucune réduction de pension ! Et qu’on ne nous refasse pas le coup des retraites de 2003….

Avec la soi-disant grève générale des raffineries de fin février 2010, on assiste à une de raffinerie...dans la tactique pour renouveler le jeu patron/Etat/syndicat qui commençait à s’user.

Pour en dire plus, il faut rentrer dans bien des détails scabreux...

Les travailleurs de cette raffinerie sont véritablement pris en otage, leur site menacé leur dit-on de fermeture puis on leur dit non puis oui, puis pas tout de suite puis pas avant cinq ans, puis toutes les raffineries sont menacées, puis le gouvernement affirme qu’aucune ne l’est, puis le dirigeant de Total, nullement indépendant du pouvoir, déclare qu’il verra, qu’il tentera de sauver des emplois, de proposer des alternatives, puis, puis, ...

Visiblement déjà tout ce petit monde joue un jeu. Lequel ? Ils veulent provoquer une lutte ou quoi ?

Puis la lutte démarre. Ou du moins ce qui est présenté comme tel.

Contre qui lutte-on devrait-on demander dans chaque lutte. Et ici plus que jamais !

Total, c’est la même chose que le gouvernement et ils ne disent jamais la même chose tout en faisant semblant de se concerter. Vous avez dit bizarre...

Les syndicats jouent un autre jeu, tout aussi compliqué. ils appellent une raffinerie, tout Total, toutes les raffineries, plus aucune, de nouveau Total, de nouveau plus aucune, finalement la seule paraît-il menacée. Oulala ! ça donne mal à la tête aux concernés, aux grévistes, aux non-grévistes qui ne savent pas si on les appelle encore ou non...

Quelle impression cherche-t-on à donner ? Que les syndicats ont mené une lutte alors qu’il y avait arrangement dès le départ, cela y ressemble bien.

Généraliser les luttes n’entre pas dans la stratégie de ces centrales. Quand elles font semblant, c’est assez désordonné et peu convaincant.

Et Sarkozy n’est-il pas en train de remercier ces syndicats en leur donnant le droit de se présenter comme une direction radicale.

Dans tout cela, il semble bien que personne ne se soucie du vrai problème : les menaces qui pèsent sur les salariés menacés de licenciements !!!!

Pour finir, la CGT annonce que la grève générale des raffineries est finie avant d’avoir commencé, sans consulter ni les sections syndicales, ni les travailleurs, sans que les travailleurs de la raffinerie en question n’aient obtenu de réelles garanties, sans rien... Chapeau bas, la CGT : pour les raffineries dans les manipulations, c’est fort...

a CGT a estimé, mardi 23 février, que les conditions d’une suspension de la grève dans le groupe Total, qui dure depuis mercredi dernier, étaient réunies. "La CGT considère que des avancées significatives obtenues par la mobilisation des salariés crée les conditions d’une suspension", a déclaré à la presse Charles Foulard, coordinateur de la CGT pour le groupe Total. De même, FO appelle à la suspension du mouvement, a indiqué son négociateur, Claude Maghue. La direction et les syndicats, après neuf heures de négociations, sont arrivés à un "relevé de conclusions" qui "sera soumis à la signature des organisations syndicales".

Et le 11 mars, on peut lire dans Le Figaro :

"La CGT du groupe Total a indiqué jeudi qu’elle ne reprendrait pas d’éventuelle grève en soutien aux salariés de la raffinerie de Dunkerque (Nord) avant le jugement d’un recours du comité central d’entreprise (CCE) contre sa fermeture. Le dépôt de ce recours est "en cours" et la CGT espère une décision de justice "dans une quinzaine de jours", a déclaré à l’AFP Charles Foulard, coordinateur CGT pour le groupe.

"Nous poursuivons la suspension du mouvement de grève nationale jusqu’au jugement en référé, qui sera un point d’appui", a-t-il indiqué, après une grève très suivie d’une semaine fin février qui avait menacé les approvisionnements des stations-services.

La CGT de la branche pétrole a déjà appelé à la grève les salariés des 13 raffineries françaises (dont 6 possédées par Total) le 15 avril, date d’une table ronde nationale sur l’avenir du raffinage en France. Selon Sud, majoritaire à la raffinerie de Dunkerque, cet appel n’était "pas l’urgence" alors que les salariés de l’établissement sont en grève depuis deux mois, mais le syndicat a dit vouloir être "constructif" avec la CGT, majoritaire dans le groupe pétrolier. "

En somme, trahison des salariés sur toute la ligne...

Mouvement des retraites de 2010

23 mars

L’intersyndicale (qui regroupe presque la totalité des syndicats français, des plus ouvertement ’collaborationnistes’ avec le gouvernement aux prétendus ’radicaux’) appelle à une première Journée d’Action.

800 0001 manifestants descendent dans la rue. L’atmosphère est plutôt atone, la résignation domine. Il faut dire que la réforme des retraites est préparée depuis de longs mois, et même de longues années. Les politiques, les médias, les "spécialistes" en tous genres n’ont eu en effet de cesse de répéter que cette réforme était indispensable, incontournable, qu’il en allait de la survie même du "régime par répartition" et de "l’équilibre budgétaire national". D’ailleurs le mot d’ordre des syndicats n’est pas "retrait de l’attaque sur les retraites" mais "aménagement de la réforme". Ils appellent à se battre pour "plus de négociations" Etat-Syndicats et pour une réforme "plus juste, plus humaine".

Bref, tous, Etat, Patrons, Syndicats, affirment que ce sacrifice est "une nécessité salutaire". Face à ce rouleau compresseur, le mécontentement est grand, mais les têtes basses.

26 mai

Rebelote. On prend les mêmes et on recommence. L’intersyndicale appelle à une seconde Journée d’Action selon les mêmes modalités et mots d’ordre.

Il y a une très légère hausse des participants (1 million) mais l’atmosphère est toujours marquée par le manque d’espoir.

24 juin 2010

Les syndicats pensent porter l’estocade, le coup de grâce… au mouvement. Une troisième Journée d’Action est programmée. Compte tenu de l’ambiance relativement morose des deux précédentes, cette journée de veille de vacances doit être une sorte de "manifestation enterrement". La mécanique est bien huilée : une Journée d’Action de même ampleur que les précédentes signifierait que "l’affaire est pliée". Avec les deux mois de congés d’été qui suivent, le but est de faire perdre toute miette d’espoir sur un quelconque possible développement de la lutte. Les syndicats avaient même déjà, certainement, préparés leur discours : "Nous avons essayé, mais la combativité n’est pas suffisamment présente dans les rangs ouvriers". Découragement garanti !

Cette technique a déjà été éprouvée maintes fois par le passé, souvent avec réussite. Mais… patatras… le jour-dit, le 24 juin, 2 millions de travailleurs, de chômeurs, de précaires descendent dans la rue !

Au-delà de la massivité, l’ambiance, elle aussi, change : la colère, le ras-le-bol sont grandissants. Depuis l’accélération de la crise en 2008, la pauvreté et l’injustice ne cessent de croître. Cette réforme des retraites devient le symbole de cette dégradation brutale des conditions de vie.

Juillet-Août

La Journée d’Action du 24 juin a regonflé le moral du prolétariat. L’idée qu’une lutte d’ampleur est possible gagne du terrain. Les syndicats sentent évidemment eux aussi le vent tourner, ils savent que la question "Comment lutter ?" trotte dans les têtes. Ils décident donc d’occuper immédiatement le terrain et les esprits, il n’est pas question pour eux que les prolétaires se mettent à penser et à agir par eux-mêmes, en dehors de leur contrôle. Ils annoncent donc dés le lendemain du 24 juin une nouvelle Journée d’Action pour la rentrée (le 7 septembre).

Pour être bien sûrs d’endiguer la "réflexion autonome", ils vont jusqu’à faire passer des avions au-dessus des plages tirant des banderoles publicitaires appelant à la manifestation du 7 septembre !

Mais un autre événement, un fait-divers, vient durant l’été alimenter la colère ouvrière : « l’affaire Woerth » (il s’agit d’une connivence entre les hommes politiques actuellement au pouvoir et l’une des plus riches héritières du capital français, Madame Betancourt, patronne de l’Oréal, sur fond de fraudes fiscales et d’arrangements illégaux en tous genres). Or, Eric Woerth n’est autre que le ministre chargé de la réforme des retraites. Le sentiment d’injustice est total : la classe ouvrière doit se serrer la ceinture pendant que les riches et les puissants mènent "leurs petites affaires".

7 septembre

Cette Journée d’Action s’annonce d’emblée comme très suivie. Pourtant, c’est la première fois qu’une manifestation est organisée si tôt dans l’année scolaire. Avant même le 7 septembre, devant l’ampleur de la grogne dans les rangs des prolétaires, les syndicats promettent d’organiser sans attendre une nouvelle manifestation un samedi pour que "tout le monde puisse participer".

Le 7 septembre : 2,7 millions de manifestants. La coupure de l’été n’y aura donc rien fait, la rentrée s’annonce chaude et part sur les mêmes bases qu’elle a fini. Des appels à la grève reconductible commencent à fleurir.

Face à l’ampleur de la grogne et à la massivité de la mobilisation, l’intersyndicale réagit immédiatement :elle annule, mine de rien, la manifestation du samedi, écarte la possibilité d’une grève reconductible et annonce dans la foulée une nouvelle Journée d’Action pour dans… 15 jours (le 23 septembre) ! Il s’agit de casser la dynamique, de temporiser. Ce "sens de la responsabilité" de l’intersyndicale sera d’ailleurs salué par les plus hauts représentants de l’Etat français.

23 septembre

3 millions de manifestants dans les rues ! Le mouvement enfle donc encore. Pour la première fois, les cortèges hésitent à se disperser. Plus exactement, dans de nombreuses villes, quelques dizaines de personnes par-ci, quelques centaines par-là, restent discuter à la fin de la manifestation. Des tracts d’interprofessionnelles commencent à appeler à la prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes2. Dans quelques villes, la CNT AIT organise des Assemblées Populaires pour "libérer la parole" (le CCI se joindra ensuite à cette excellente initiative). A partir de ce moment, ces assemblées de rue auront un succès certain, parvenant à regrouper chaque semaine plusieurs dizaines de participants, notamment à Toulouse3.

Cette volonté de s’auto-organiser exprimée par des minorités révèlent que l’ensemble de la classe commence à se poser des questions sur la stratégie syndicale, sans oser tirer encore toutes les conséquences de leurs doutes et questionnements. 2 octobre

Première manifestation organisée un samedi. Il n’y a pas d’évolution réelle du nombre de participants. Seulement, au sein de ces 3 millions de manifestants, se retrouvent côte à côte, avec les "coutumiers du pavé", des familles et des travailleurs du privé ne pouvant habituellement se mettre en grève.

Plusieurs tentatives d’organiser des Assemblées de rue en fin de manifestation échouent :

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A Paris, un tract est distribué par l’interprofessionnelle Turbin (du nom de son mail, turbin@riseup.net) appelant à se rassembler sous ses banderoles ("La meilleure retraite, c’est l’attaque" et "Prenons nos luttes en main"), sous un kiosque, au point d’arrivée du cortège. Preuve que cette information a bien circulé, au point de rendez-vous seront effectivement présents des dizaines… de policiers (avec une caméra !). Faute d’endroit adapté pour mener une discussion, l’assemblée ne peut se tenir. Le cortège de l’interprofessionnelle décide alors de continuer la manifestation. Une cinquantaine de personnes repartent et agrègent sous leurs banderoles, en une heure, près de 300 personnes. *

A Tours, le comité "Pour l’Extension des luttes" appelle par tracts à "garder la rue". *

A Lyon, quelques dizaines de manifestants expriment le souhait de ne pas se quitter immédiatement, de rester là pour discuter, en assemblée de rue, et réfléchir collectivement à comment poursuivre et développer le mouvement. Ce sont les sonos de la CGT (principal syndicat français) qui seront finalement fatales à cette initiative, le bruit assourdissant empêchant tout réel débat.

Ces tentatives avortées révèlent à la fois l’effort de notre classe à prendre SES luttes en main et les difficultés encore présentes dans la période actuelle (principalement le manque de confiance en eux-mêmes qui inhibe les exploités).

Par contre, à Toulouse, les assemblées populaires continuent à se tenir. L’initiative prend même de l’ampleur puisque la CNT-AIT et le CCI, à la fin de la manifestation, plantent une banderole sur le lieu d’arrivée, sur laquelle on peut lire « SALARIES, CHÔMEURS, ETUDIANTS, RETRAITES, PRENONS NOS LUTTES EN MAINS ! », et organisent dessous une assemblée de rue. Ce débat regroupe quelques dizaines de personnes.

12 octobre

Cette nouvelle Journée d’Action rassemble 3,5 millions de personnes en lutte ! Record battu !

Plus important encore, l’atmosphère est relativement effervescente. Les Assemblées Générales interprofessionnelles commencent à se multiplier, on peut en compter plusieurs dizaines dans toute la France. Elles regroupent chaque fois entre 100 et 200 participants. La politique de l’intersyndicale y est de plus en plus ouvertement critiquée, de nombreux tracts de ces interprofessionnelle affirment même qu’elle nous mène volontairement à la défaite4. Preuve de cette dynamique, à Toulouse, en plus des Assemblées Populaires organisées par la CNT AIT (et, dans une moindre mesure, le CCI), un appel est lancé pour organiser une assemblée de rue tous les jours devant la Bourse du Travail à 18 heures [elle continue à se réunir encore aujourd’hui, 20 octobre] et à lancer des appels par tracts.

La grève reconductible est finalement décidée par la majorité des syndicats. Compte tenu de ce marathon (le mouvement a commencé il y a 7 mois !) et des nombreux jours de grève posés par les travailleurs lors des Journées d’Action à répétition, cette grève reconductible arrive très tard. Les salaires des ouvriers sont déjà largement amputés. C’est en tout cas le calcul que font les syndicats. Et pourtant, ce mouvement, lui aussi, sera relativement bien suivi.

Chez les cheminots et les enseignants de la région parisienne, de nombreuses AG syndicales sont organisées. La division et le sabotage confinent d’ailleurs ici au ridicule. A la SNCF, les AG syndicales sont organisées par catégories (les roulants d’un côté, les contrôleurs de l’autre, les administratifs dans un autre coin encore) ; dans certains hôpitaux, chaque étage à sa propre AG ! De plus, elles ne sont absolument pas souveraines. Par exemple, Gare de l’Est, à Paris, alors que la reconduction de la grève doit être votée jeudi 14 au matin, les permanents syndicaux la vote entre eux la vielle, le mercredi. Cette stratégie a un double effet :

*

elle vide de son intérêt l’AG, les personnels ne s’y rendent donc pas puisque tout est déjà décidée ; *

elle permet aux médias de présenter les votes de la reconduction de la grève comme le fruit d’une extrême minorité, ceci dans le but de rendre le mouvement impopulaire.

D’ailleurs, les syndicats tirent là sur leur plus grosse ficelle : paralyser les transports (à partir du 12 octobre, de nombreux trains ne circulent plus et le blocage des raffineries fait planer la menace de la pénurie d’essence) pour créer des tensions au sein de la classe ouvrière et dresser ceux qui veulent (doivent) aller travailler contre les grévistes.

16 octobre

Second samedi de manifestation. Une nouvelle fois, près de 3 millions de personnes se retrouvent à battre le pavé.

Le fait nouveau vient du côté de la jeunesse : les lycéens, entrés à leur tour dans la lutte quelques jours plus tôt, pointent le bout de leur nez au sein des cortèges.

Le lundi suivant, près de 1000 établissements sont bloqués et de nombreuses manifestations lycéennes spontanées voient le jour. L’UNL, principal syndicat lycéen (et non étudiant), qui a lancé ce mouvement, avoue lui-même être dépassé par l’ampleur de la mobilisation.

L’Etat exploite la présence de quelques jeunes casseurs dans les rangs lycéens pour réprimer très violemment certains "bloqueurs" et jeunes manifestants (un enfant de 17 ans a failli perdre un œil à la suite d’un tir de Flash-Ball à Montreuil, en banlieue parisienne). Les forces de l’ordre attisent d’ailleurs elles-mêmes la colère par de véritables "provocations policières". Le but est clair : faire dégénérer le mouvement en le faisant plonger dans la violence aveugle et l’affrontement stérile aux flics. Par-là même, l’Etat cherche à tout prix à rendre la lutte impopulaire, à faire peur aux jeunes, à leurs parents et à toute la classe ouvrière.

18 octobre.

Les étudiants, qui avaient été au cœur du mouvement victorieux contre le CPE en 2006, semblent commencer à rentrer dans la danse. Quelques facultés (à Paris, Toulouse et Rennes notamment) annoncent leur blocage, mais cela demeure pour l’instant relativement minoritaire.

19 octobre.

La menace du blocage des raffineries, qui planait depuis le 12 octobre, est effectivement mise à exécution. En général, sans même de décision en AG, les troupes de la CGT paralysent les sites, sous l’ordre de leur syndicat. Très vite, l’essence manque dans de très nombreuses stations (entre 1000 et 2000 selon les estimations).

La mobilisation croît aussi à la SNCF, de plus en plus de trains sont annulés.

Malgré cette paralysie des transports, le mouvement ne devient pas impopulaire. Même les médias, habituellement si doués pour passer à l’antenne des micro-trottoirs bidons où les "usagers" crient toute leur haine d’être coincés sans train dans une gare, doivent avouer cette fois que ces mêmes "usagers" sont solidaires du mouvement, qu’ils prennent leur "mal en patience" et qu’ils soutiennent pleinement les grévistes car "ils se battent pour tout le monde". Certaines AG syndicales et quelques interprofessionnelles décident même de soutenir les bloqueurs des raffineries (qui subissent de nombreux assauts, parfois brutaux, de la police pour "libérer les raffineries", "rétablir l’ordre" et "stopper les voyous" (dixit le Président de la République, Nicolas Sarkozy) en allant physiquement épauler les piquets.

Résultat, malgré la pénurie d’essence et le manque de trains, malgré les intimidations et la répression, 3,5 millions de manifestants sont encore et toujours dans la rue le 19 octobre. Cela montre la profondeur de la colère qui gronde dans les rangs ouvriers !

Face à l’ampleur de cette nouvelle mobilisation, l’Etat resserre encore un peu plus l’étau de la matraque et du Flash-Ball. En particulier, à Lyon, un déploiement massif de flics attend l’arrivée du cortège de manifestants. Véritable défi, ces agents attisent volontairement la haine chez les jeunes. Une poignée cède à cette provocation. La répression s’abat alors dans un déchaînement de violence, les flics tapant sur tout ce qui bouge : jeunes à "l’allure de casseurs" (des jeunes beurres à casquette quoi), ou jeunes tout court, mais aussi sur des têtes grises (le cortège de Sud aurait fait les frais de ce matraquage en règle). L’Etat a certainement senti qu’il avait été trop loin ce coup ci car certains ministres lancent des "appels au calme" (dirigés à leurs propres troupes en réalité). La manifestation parisienne s’est déroulée ensuite "sans heurts", comme l’a fortement souligné la presse).

Pour résumer, le mouvement se développe comme une lame de fond depuis 7 mois. La colère est immense. Les revendications contre la réforme des retraites tendent à passer au second plan : les médias reconnaissent que le mouvement se "politisent". C’est toute la misère, la précarité, l’exploitation, etc. qui sont ouvertement rejetées. La solidarité entre les différents secteurs, aussi, s’accroît. Mais, pour l’instant, la classe ouvrière ne parvient pas à prendre réellement en mains SES luttes. Elle le souhaite de plus en plus, elle s’y essaye de-ci de-là par des tentatives minoritaires, elle se méfie de façon croissante de l’intersyndicale, mais elle ne parvient pas encore réellement à s’organiser collectivement à travers des Assemblées Générales autonomes et souveraines, et donc en dehors des syndicats. C’est pourtant de telles AG qui avaient constituées le cœur du mouvement contre le CPE en 2006 et qui lui avaient donné sa force. La classe ouvrière semble encore manqué de confiance en elle. Le déroulement à venir de la lutte va nous dire si elle va parvenir à dépasser cette difficulté cette fois-ci. Ce sera sinon pour la prochaine fois ! Le présent est riche de promesses pour l’avenir des luttes. CCI

1 Tous les chiffres de participation sont ceux donnés par l’intersyndicale. Entre les chiffres syndicaux et ceux de la police, il y a parfois un écart de 1 à 10 ! Les médias parlent d’ailleurs de "guerre des chiffres". Cette gué-guerre permet de faire croire à une opposition radicale entre les syndicats et l’Etat (alors qu’ils ne font que jouer d’un instrument différent au sein du même orchestre et au service de la même partition) et brouille les pistes. Personne ne sait vraiment combien de personnes participent aux manifestations. Nous avons toujours retenu les chiffres de l’intersyndicale, qui sont certainement tout de même les plus proches de la réalité, car cela permet de dégager les tendances, savoir si cela diminue ou augmente.

2 Des exemples de ces tracts sont publiés sur notre forum, sous le fil "Prenons nos luttes en main" (http://fr.internationalism.org/foru...).

3 Voici, par exemple, l’un de ces appels à ces Assemblées populaires : "Cette rentrée est marquée par les manifestations massives attisées par la réforme des retraites. C’est par centaines de milliers que nous participons à ces rassemblements organisés par les syndicats. Combien y vont sans fatalisme ? Combien ne rentrent pas chez eux frustrés ? Les expériences passées ont amplement montré que ces journées d’action à répétition ne sont rien d’autre que de stériles promenades. Si nous ne réagissons pas, si nous ne prenons pas la parole pour décider ensemble de comment faire pour mener et développer notre lutte, l’ensemble des attaques contre nos conditions de vie - dont celle sur les retraites - nous seront imposées, et d’autres suivront. C’est pour cela que nous invitons à venir débattre pour briser l’atomisation à laquelle nous sommes contraints. Que se passe t-il lorsque ceux, forcés au silence et à l’isolement, s’assemblent et se mettent à parler ? Faut-il encore attendre le « bon contexte » ou une permission pour cela ? Retrouvons-nous le lundi 11 octobre à 13h sur les marches extérieures de l’Arche pour débattre, ensemble et maintenant, des façons de mener et de développer une réponse. Enrayons la dispersion ! Profitons de ce moment pour créer un réel lieu de discussion fraternel, ouvert à tous !."

4 Lire notamment le tract "ADRESSE A TOUS LES TRAVAILLEURS" signé "Des travailleurs et précaires de l’AG interpro de la Gare de l’Est" (disponible sur notre forum : http://fr.internationalism.org/foru...). Ce tract affirme par exemple : "Laisser les Chérèque (CFDT), Thibault (CGT) et Cie décider à notre place, c’est se préparer à de nouvelles défaites" et "La forme que le mouvement prendra est notre affaire. C’est à nous tous de le construire sur nos lieux de travail avec des comités de grève, dans nos quartiers au travers d’Assemblées Générales souveraines. Ils doivent réunir le plus largement possible la population travailleuse, coordonnés à l’échelon nationale avec des délégués élus et révocable. C’est à nous de décider des moyens d’actions, des revendications… Et à personne d’autre."

La pire des erreurs serait de croire que devant une attaque en règle, les directions syndicales finiront pas se décider à véritablement riposter. On ne peut pas confier notre sort à ceux qui acceptent de négocier des reculs sociaux. Pour riposter, il faudra reconstruire les liens d’un secteur à l’autre, en commençant par inviter dans toute entreprise en lutte les salariés des entreprises voisines pour reconstruire les AG interprofessionnelles comme en 1995. Ensuite, il va nous falloir bâtir un réseau de comités de lutte. C’est la première tâche des militants conscients de la classe ouvrière. Sans ces comités à la base, se fédérant, élisant des délégués, les travailleurs se retrouveraient démunis si la lutte prend de l’ampleur. En cette période de crise du système capitaliste, nous ne pouvons faire confiance à ceux qui sont liés au système, à ces dirigeants réformistes qui ont laissé se détruire les retraites et la sécu, qui croient au système capitaliste et nous ont conseillé de croire à des promesses patronales ou gouvernementales. Avec la crise, les travailleurs ont besoin de peser politiquement et socialement pour entraîner non seulement tous les secteurs de la classe ouvrière, mais aussi de nombreux secteurs de la petite bourgeoisie la moins aisée qui seront également frappés. Travailleurs, soyons à la tête de la révolte des paysans, des pêcheurs, des petits artisans. Pour cela, une seule solution : que les travailleurs, organisés dans des comités à l’échelle du pays, affirment leurs propres perspectives pour toute la société. C’est cela l’avenir !

Certaines trahisons historiques montrent que, même lors d’une lutte de classe de grande ampleur, les syndicats prennent politiquement le parti de la bourgeoisie, menant Lula ou Lech Walesa au pouvoir ou encore le leader des mineurs sud-africains à devenir milliardaire. La direction du syndicat NUM, le syndicat des mineurs, qui avait organisé la fin de la lutte contre l’apartheid en accord avec les patrons des trutss, a été bien payé de ses efforts : 1,5 milliard de francs… investis dans une holding du trust minier Anglo American. Son ancien secrétaire général, Cyril Ramaphosa, devenu milliardaire, résuma bien le singulier destin de ces chefs syndicalistes : « Voilà les syndicats qui se mettent aux affaires pour leur propre compte. (…) Je n’ai aucun scrupule moral à m’engager dans cette voie nouvelle, parce que j’y travaillerai avec des camarades et que nous nous conformerons à certains principes. Inutile de nous voiler la face : ce faisant, nous allons bien sûr nous enrichir. Mais en même temps, nous dirons que nos syndicats aussi doivent pouvoir s’enrichir. Bientôt le NUM nagera dans les millions. »

La suite de Chronologie syndicale des luttes ouvrières en France et dans le monde - Les raisons de la défaite : lire ici

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