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La République Soviétique de Hongrie (1919) : un texte d’Alan Woods

jeudi 26 août 2010, par Alex

La République Soviétique de Hongrie (1919) : un texte d’Alan Woods. 1ère partie : le royaume de Hongrie avant 1914

La République Soviétique de Hongrie dura 133 jours du 21 mars au 1er aout 1919. Elle est un des chapitres de la vague révolutionnaire qui déferla sur les pays vaincu à la fin de la première guerre mondiale.

Elle présente de nombreuses analogies avec la révolution russe de 1917. On peut mettre en rapport les périodes suivantes :

1) La révolution russe de février 1917/ révolution des chrysanthèmes en octobre 1918.

2) La révolution d’octobre 17/ la prise du pouvoir par Bela Kun le 21 mars 1919

Au cours de ces deux périodes les mêmes problèmes sont au cœur du processus de la révolution :

1) le lien entre les paysans sans-terre et la classe ouvrière ;

2) la question nationale

3) l’intervention des armées soutenues par l’impérialisme ;

4) les liens avec les partis sociaux-démocrates, le rôle des soviets.

Pourtant, alors que les bolcheviks gagnèrent sur tous ces points pour la révolution russe, les révolutionnaires de Hongrie ne tinrent que 133 jours. Des questions fondamentales auxquelles seront confrontés encore dans l’avenir des dirigeants révolutionnaire d’un état ouvrier se sont posées en Hongrie, comme en Russie.

Le texte complet en anglais d’Allan Wood The Hungarian Soviet Republic of 1919 : The Forgotten Revolution (La République Soviétique Hongroise de 1919 : la révolution oubliée) écrit en 1979 est disponible sur le site anarcho-communiste lib.com, avec en préface comme commentaire : Le texte de Wood souffre des habiituelles erreurs d’analyse des Trotskyistes, mais est inclus comme référence sur ces événements peu connus

Ici aussi quelques commentaires mineurs (en italiique) sont inclus. C’est l’impérialisme français, représenté par le général Berthelot surnommé affectueusement « papa Berthelot » qui a soutenu l’écrasement de la révolution hongroise. Il est logique qu’à l’école, en France, l’histoire de cette partie de l’Europe soit déformée, occultée. Léon Blum présentait le Traité de Versailles de plutôt bon. Il est donc important de bien préciser certain vocabulaire concernant surtout la question nationale.

En cette période de crise, les exutoires nationalistes risquent de refaire surface, il est utile de connaitre le fond des clivages nationaux qui pourraient resurgir violemment car les blessures du traité de Versailles ne sont pas cicatrisées.

La première partie du texte retrace l’histoire du royaume de Hongrie avant 1914. LA fin de cette période illustre ce que Trotsky a nommé dévelppement combiné, ainsi que ce que Lénine appelait la voix prussienne dans le passage du féodalisme au capitalisme dans les campagnes. Le problème des nationalités est aussi décrit.

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Texte Alan Woods (novembre 1979)

LE 21 mars 1919, la République Soviétique Hongroise (Hungarian Soviet Republic) fut proclamée. Le 1 er aout, 133 jours plus tard ce chapitre héroïque de l’histoire de la classe ouvrière hongroise prit fin avec l’entrée de l’armée blanche roumaine. Le prolétariat hongrois aurai-il réussi, l’isolement de la République Russe des travailleurs aurait prit fin

Le nom exact du régime mis en place le 21 mars 1919 n’est heureusement pas celui employé par Woods, mais celui de République Soviétique de Hongrie. Le Conseil révolutionnaire gouvernemental (ou Conseil des commissaires du peuples) , dans son décret sur la constitution (2 avril 1919), parle bien de République des Conseils de Hongrie. L’adjectif « hongrois » aurait donné un caractère nationaliste à l’appellation. Ces précisions sont loin d’être techniques car la question des nationalités est, avec la question agraire , le point sur lesquels les révolutionnaire hongrois de 1848 ou 1918-19 on butté. Dans les frontière du royaume de Hongrie de 1914 , seule la moitié de la population était hongroise. De même la République russe des travailleurs n’est pas un nom officiel. A partir de janvier 1918, le nom exact de la partie majoritairement russe de l’ancien empire du tsar est République socialiste fédérative soviétique de Russie. Cette confusion dans le vocabulaire occulte la question nationale, qui fut un des moteurs qui aboutit à la destruction des deux empires : celui des Tsars et celui de l’Autriche –Hongrie des Habsbourg. Woods explique bien ce problème des nationalités plus bas

La brève expérience de la République Bavaroise des Conseils qui dura du 7 avril au 1 er mai 1919 était le signe que la vague montante de la révolution se répandait de l’est vers l’ouest avec ce qui semblait alors une force irrésistible. Si l’état ouvrier hongrois avait réussi à se stabiliser pour seulement quelques mois de plus, les flammes de la révolution auraient enveloppé Vienne et Berlin, où la classe ouvrière était déjà dans état de fermentation révolutionnaire.

Le triomphe de la révolution allemande aurait changé le cours de l’histoire mondiale. Cependant ça ne s’est pas produit, et la révolution hongroise de 1919 est entrée dans les annales de l’histoire comme un nouvel épisode héroïque tel que la Commune de Paris en 1871.

Cependant, à partir de l’étude des causes de son échec, la RSH peut nous aider, un demi-siècle plus tard, à enrichir notre compréhension des processus qui aboutissent à la transformation socialiste de la société, pour être mieux armés dans la lutte pour le socialisme aujourd’hui.

En 1919 la Hongrie montrait toutes les caractéristiques d’une structure archaïque restée plus ou moins inchangée à travers les siècles. La réaction sanglante qui suivit la défaite de la Révolte des paysans de 1514 est incarnée dans le Code Tripartitum de Werboczi qui divisa le peuple hongrois en castes fixes de petite et haute noblesse, avec le clergé d’un côté et la plèbe de l’autre.

Werboczi (1458-1541) était un propriétaire terrien, juriste. Son Code Tripartitum (1514) est une compilation des lois, coutumes en usage depuis le XIème siècle dans le royaume de Hongrie, qu’il rédigea à le demande du roi Vladislas II. Il resta un ouvrage de référence, de source du droit jusqu’en …. 1945 ! Dans ce code est proclamé le principe de l’égalité de tous les nobles, grands et petits, exemptés d’impôts, ayant le roi pour seul supérieur. C’est l’ensemble des nobles, qu’il faut entendre désormais par le terme de la nation. Tous les habitants du royaume de Hongrie, exceptés le clergé et les habitants des villes royales étaient des serfs. Un rideau de fer est donc dressé entre deux parties de la population, avec un renforcement du servage. Depuis la fondation de la monarchie hongroise le pouvoir du roi rivalisait avec celui des trois couches privilégiées : les magnats (ou baron, oligarchie), la gentry (petite noblesse) et les prélats. Le roi contrait le pouvoir des magnats par une alliance avec la petite noblesse. Le code Tipartitum dénie donc aux magnats et prélats le droit de s’ériger en ordre séparés, il confirme donc l’alliance entre la petite noblesse et le roi. Pendant 150 ans la Hongrie croupit sous le joug turc. En 1687 la couronne hongroise est déclarée être l’apanage par héritage selon la descendance mâle des Habsbourg d’Autriche. Les hongrois luttèrent pendant des générations pour faire reconnaître leur droit à exister en tant que nation.

Comme il a été précisé plus haut, le terme de nation est le terme dont les nobles se désignaient. Présenter toutes les luttes anti-turques ou anti-autrichiennes comme des luttes du peuple hongrois avec la signification moderne du terme est abusif. C’est à l’ère des réformes vers 1830 que des personnalités comme Istvan Szechenny, Lajos Kossuth, inspirés par l’exemple de la révolution française veulent donner un sens différent : que la nation hongroise devienne l’ensemble des locuteurs du hongrois, bourgeois et paysans compris . C’est important à souligner car les luttes des nobles et des rois hongrois sont présentés aujourd’hui en Hongrie comme celles de tous les hongrois

La plus sérieuse tentative de rejeter le joug autrichien eut lieu lors de la vague révolutionnaire qui balaya l’Europe en 1848. Mais la faible bourgeoisie hongroise et la noblesse molle se révélèrent incapable de libérer la Hongrie de l’oppression étrangère. Après la défaite de 1848 l’oppression nationale atteint son apogée – 10 000 hongrois furent exécutés. La presse hongroise fut supprimée et les écoles passèrent sous le contrôle autrichien. Les domaines des rebelles hongrois furent donnés aux aristocrates de la cour de Vienne. Des milliers de policiers et de mouchards se répandirent sur tout le pays. La nation hongroise subit l’humiliation de la censure Habsbourgeoise et de la germanisation.

Sur ce survint l’ascension de la Prusse et la défaite humiliante de l’ Autriche par Bismarck en 1866. Assagi par ce coup , l’empereur François-Joseph se montra plus de compréhensif envers la noblesse hongroise. Ainsi naquit le fameux Accord, ou Compromis de 1867.

L’accord consistait en ce que l’empire des Habsbourg aurait dorénavant deux « peuples dirigeants » : les autrichiens et les hongrois, deux peuples de seconde classe, les croates et les polonais et six peuples sans droits, les tchèques, slovaques, roumains, ruthènes, slovènes et serbes.

La classe dirigeante (hongroise) supportait les Habsbourgs et en revanche avait la permission d’exploiter et d’opprimer les nationalités vivant leur moitié d’empire.

La société hongroise était caractérisée par son extrême arriération, des relations semi-féodales et la concentration du pouvoir entre les mains d’un petit nombre de riches nobles. 5 % de la population possédaient 85% de la terre. Théoriquement le servage avait été aboli mais en pratique, les 20 millions d’acres représentés par les grands domaines étaient travaillés par des « travailleurs domaniaux » dont la condition sociale différait très peu de celle des serfs.

Ces grands domaines ne pouvaient être ni vendus ni divisés. Un exemple du caractère féodal de la loi hongroise était que la famille Eszterhazy possédait encore 100.000 acres, qui était transmis au fils ainé à perpétuité.

Comme indication du retard du développement social hongrois, la majorité des « domaines grevés » furent créés à partir de 1869, c’est-à-dire pendant la période où dans la majeure partie des pays d’Europe disparaissaient les dernières traces des terres féodales.

Cette référence à la plupart des pays d’Europe est discutable. Justement en Allemagne le caractère féodal de la propriété restait très marqué en Prusse orientale, terre des Junkers. Un terme plus précis pour caractériser l’évolution de s rapports à la campagne, est le vocabulaire introduit par Lénine. A partir de 1870 le capitalisme envahit les campagnes dans tous le pays où le capitalisme commençait à se développer, même dans les pays retardataires comme la Russie. Lénine décrit deux types d’évolution bourgeoise dans les rapports sociaux des campagnes : la voie américaine et la voie prussienne. La voie américaine consiste en la création d’une couche de petits cultivateurs libres, elle ouvre la voie au développement du capitalisme. Elle est favorable aux petits et moyens paysans, elle l’imposent le mieux par une révolution comme en France en 1789, ou aux USA suite au Homestead act de 1862 pendant la guerre de secession. La voix prussienne correspond à un développement du capitalisme à la campagne, mais moins efficace car imposé par en haut par l’état, en faveur des grands propriétaires féodaux qui se recyclent en capitalistes.

Trois quart des paysans étaient des paysans pauvres ou des laboureurs, entre 2,5 et 4 millions vivaient dans la misère. Il était courant de se lever à deux ou trois heures du matin en période de récolte, et de travailler jusqu’à neuf ou dix heures du soir, de se nourrir de croutons de pain et de bacon rance, de dormir dans un trou creusé dans un champ avec une houe. Il n’y avait pas de congés.

Une famille paysanne moyenne vivait dans une hutte d’une seule pièce, souvent partagée par deux familles ou plus, parfois avec 20-25 personnes dans la pièce. Six enfants sur dix mourraient avant un an. La tuberculose, causée par la faim, était si commune qu’elle était connue comme la « maladie hongroise ».

La seule fois de sa vie ou le paysan ordinaire portait des chaussures était à l’armée, où il subissait des injures et des violences racistes de la part du sergent instructeur autrichien. Le fouet et les coups étaient aussi la règle au domaine. Selon une loi « libérale », les serviteurs du domaine pouvaient , entre 12 et 18 ans, être battus par le propriétaire mais avec des coups « n’occasionnant pas de blessure autre que celles qui guériraient sous huit jours ».

Une minorité de paysans détenaient de petits lopins de terre d’un acre environ. Mais ces petits tenanciers ne pouvaient soutenir leur famille par le produit de leur travail et devaient louer leur force de travail. Au bas de l’échelle se trouvaient les « csiras », gardiens de vaches. « Le travail des Csiras est le plus dur. Généralement après quatre ans, un travail difficile dans l’atmosphère de fumier des étables, ses poumons sont détruits. Si un csiras a de la chance il s’en va avant de cracher le sang. Mais beaucoup restent, deviennent des épaves et vont au village vivre en mendiant. « 

La faim de terre, tout comme la question nationale a toujours été la force motrice de la révolution en Hongrie, avec une histoire de révoltes paysannes réprimées avec la plus cruelle barbarie. Dans la révolution de 1848 il y eut la tentative de distribuer les pâtures communes entre les paysans et confisquer les grands domaines. Mais la victoire des Habsbourgs signifiait la victoire des grands propriétaires qui en conséquence formèrent un solide rempart de la réaction en Hongrie, devenant les agents locaux de l’impérialisme sur le sol hongrois.

La question des minorités nationales

La situation explosive dans les campagnes de Hongrie vers la fin du XIXème siècle est bien expliquée dans un rapport officiel de la puissante association de propriétaires terriens OMGE, datant de 1894 : « la population de la Grande Plaine est constituée de fonctionnaires civils, de paysans riches et d’un prolétariat agraire, qui vivent isolément les uns des autres, se haïssent les uns les uns les autres. Les fonctionnaires regardent les districts agricoles hongrois comme des colonies, leur travail comme un service colonial. Les paysans riches sont figés dans un inébranlable conservatisme, les travailleurs agricoles se souviennent des grandes révolutions historiques et voient le futur sans-espoir. Cependant leurs ambitions révolutionnaires sont encore vivantes. « 

Les bureaucrates du gouvernement qui ont fait ce rapport ne se trompaient pas. Les vagues de grèves des laboureurs qui balayèrent le pays dans les premières années de ce siècle, et qui conduisaient souvent à des batailles rangées avec la police, culminèrent avec la grève de 10000 travailleurs domaniaux en 1905 et la grève générale de 100 000 « laboureurs libres » en 1906, qui fut cassée seulement par l’appel des grévistes au service militaire. La seule fuite possible face à cette misère écrasante était l’émigration. Entre 1891 et 1914 près de deux millions de hongrois (dont 80% de paysans pauvres) quittèrent le pays, entassés comme du bétail sur des bateaux à destination des USA.

Le problème social était exacerbé et compliqué en Hongrie par l’existence de minorités nationales. En 1910, sur 21 millions d’habitants de Hongrie, il y avait 10 millions de hongrois, 2,5 millions de croates et slovènes, 3 millions de roumains, le reste étant constitué de slovaques, serbes, ukrainiens et autres peuples plus petits. Donc pour la Hongrie le problème national ne se limitait pas à sa dépendance semi-coloniale par rapport à l’Autriche, mais incluait le problème de l’oppression nationale des éléments non-hongrois vivant dans les frontières de la Hongrie. Au lieu de parler de Hongrie il serait là encore plus juste d’employer le nom officiel de l’époque : Royaume de Hongrie. Il est clair que son territoire ne correspond pas à celui de la nation hongroise. C’était un royaume multinational. Or aujourd’hui ce territoire rebaptisé Grande Hongrie par les nationalistes est présenté comme celui des frontières naturelles d’un état-nation hongrois qui aurait été démembré par le Traité de Trianon en 1920. .Parfois des hongrois ayant étudié au-delà du bac ne savent pas aujourd’hui que moins de la moitié de la population du royaume de Hongrie de 914 était hongrois. Cette nostalgie pour la monarchie est visible sur le drapeau hongrois actuel, qui reprend celui de l’entre deux-guerre, lui-même repris de la période 1867-1914, faisant apparaitre les armoiries de la monarchie hongroise.

La discrimination systématique contre les minorités apparait le plus clairement dans le domaine de l’éducation.

En 1900, 39% de la population était illettrée. Mais le chiffre pour les slovaques était de 50%, pour les serbes 58%, pour les roumains 80%, les ukrainiens 85%. Les salaires en Hongrie étaient 33% plus bas qu’en Autriche, 50% plus bas qu’en Allemagne. Mais en 1913 les salaires des travailleurs non-hongrois étaient inférieurs de 30% à ceux des travailleurs hongrois.

La faible et retardataire bourgeoisie hongroise s’était montrée incapable, tout au long de son histoire, de s’attaquer à un seul de ces problèmes fondamentaux. La raison n’est pas difficile à trouver. Bien qu’étant la moitié la plus arriérée de l’Empire, la Hongrie était déjà entrée résolument dans un processus de développement du capitalisme au tournant du siècle. A côté des grands domaines seigneuriaux, une industrie capitaliste moderne surgissait, soutenue par des capitalistes étrangers.

Les banques dominaient l’économie hongroise et à travers elles s’exerçait la mainmise du capital financier autrichien, allemand, français, britannique et américain. Le développement du capitalisme liait encore plus la Hongrie à l’impérialisme Austro-hongrois . D’autre part l’aristocratie féodale était aussi étroitement imbriqué avec le grand business et aux banques.

En 1905 il y avait 88 comtes et 64 barons dans les conseils d’administration des groupes d’industrie, de transport, de banque. L’un d’eux, le comte Istvan Tisza, était président de la plus grande banque commerciale du pays.

Pour toutes ces raisons, toute tentative de détruire la séculaire, humiliante dépendance par rapport l’Autriche et déraciner les rapports féodaux au village présupposait une lutte ouverte contre le capitalisme qui pouvait seulement être menée par la classe ouvrière en alliance avec les paysans pauvres et les fermiers-laboureurs.

A la veille de la révolution, la Hongrie constituait la moitié la plus arriérée de l’empire d’Autriche-Hongrie, mais pour cette même raison, c’est dans cette partie que les tensions sociales atteignirent le plus rapidement le point d’ébullition, et où les classes dirigeantes étaient les moins capables de résister à l’assaut des changements sociaux. Le prolétariat était une minorité de la société, essentiellement composé de paysans pauvres. Mais la nature oppressive des relations sociales au village signifiait que la paysannerie représentait un allié révolutionnaire puissant pour la classe ouvrière.

La République Soviétique de Hongrie (1919) : un texte d’Alan Woods. 2ème partie : du début de la guerre en 1914 à la vague de grève de 1917

Dans cette deuxième partie on voit que la Hongrie, la partie la plus pauvre de l’empire d’Autriche-Hongrie, comme la Russie, voit un effondrement progressif de l’état vers la fin de la guerre. Le coup de grâce est donné par l’impact de la révolution russe d’octobre 17. La Russie était dans le camp opposé, mais la politique des bolcheviks à Brest-Litovsk crée les bases pour que les travailleurs qui se tuaient les uns les autres lorsqu’ils étaient menées par leurs bourgeoisie, commencent à s’unir politiquement après que la classe ouvrière a pris le pouvoir en Russie. Car leur objectif est le même en 1917 : avant tout mettre fin à la guerre. Avec un décalage de quelques mois, la situation en Hongrie est parallèle à celle de la Russie : en 1917, suite à une vague de grève qui commence à ébranler le pouvoir, Karoly, un "Kerenski russe" pointe son nez, anticipant l’effondrement de l’empire Austro-hongrois ...

L’éclatement de la première guerre mondiale

Le traitement brutal et dégradant des minorités nationales tout au long de l’histoire hongroise s’avérera être le talon d’Achille de la classe dirigeante hongroise. Il y avait besoin d’une force sociale capable de galvaniser ces forces dans l’assaut final contre l’oligarchie régnante.

En vertu de son rôle clé dans la production, sa cohésion, organisation et conscience de classe, seule la classe ouvrière, malgré son infériorité numérique, était capable de jouer ce rôle.

Le prolétariat hongrois était une classe plus récente et moins puissante que ses cousins autrichiens et allemands. En 1910 seulement 17% de la population travaillait dans l’industrie, et 49% parmi eux dans les usines de moins de 20 ouvriers.

Mais à Budapest et ses environs, la grande industrie se développait, nourrie par une large infusion de capital étranger.

Plus de 50% de l’industrie y était concentrée. De plus le développement inégal de l’industrie est illustré par le fait que 38% de la force de travail était concentrée dans des usines de plus de 500 ouvriers. Ces bastions géants du travail allaient jouer un rôle décisif dans les événements de 1918-1919. 82 cartels géants contrôlaient l’ensemble de l’industrie (26 d’entre eux hongrois, 56 austro-hongrois).

A la veille de la première guerre mondiale, la Hongrie était clairement en situation de dépendance semi-coloniale par rapport à l’Autriche et l’Allemagne, constituant une colonie agricole qui exportait de la nourriture en Autriche en échange de produits industriels. Les intérêts de la bourgeoisie hongroise étaient inextricablement liés à ceux de l’état policier bureaucratique Austro-hongrois et l’oligarchie des grands propriétaires, dont l’expression politique était le Parti libéral.

Derrière le clinquant de la phraséologie nationaliste par lequel le bourgeois hongrois s’évertuait à maintenir sa base dans les masses, la réalité de son impuissance absolue et de sa dépendance servile envers l’impérialisme austro-hongrois se révéla brutalement en 1914.

LA guerre impérialiste jeta toute la société dans le creuset. Supporté avec enthousiasme par l’oligarchie et l’Eglise, la guerre contre la Sibérie reçue la bénédiction du parti de 1848, le parti de la bourgeoisie « libérale » qui avait depuis longtemps abandonné ses rêveries de jeunesse pour lier son sort à celui des brigands impérialiste de Vienne et Berlin.

Au début de la guerre, comme dans les autres pays, la classe ouvrière fut paralysée par la première vague d’enthousiasme patriotique. Les leaders sociaux-démocrates, en dépit de leurs précédentes phrases « de gauche » empruntées à ceux qu’on appelle les « austro-marxistes », prirent en marche le train du patriotisme. Il justifiaient la guerre comme « défense de la démocratie contre la barvbarie russe » et même « pour une journée de travail plus courte et de meilleurs salaires », pr^chant la collaboration et la « paix des classes ».

Mais avec la guerre qui se prolongeait, la douloureuse réalité revint chez les ouvriers et les paysans. La « guerre pour une journée de travail plus courte » signifiait pour les travailleurs trimer 60 heures par semaine. Les enfants de 10-12 ans travaillaient 12 heures par jour et encore plus à l’usine. Le profits montaient en flèche et les salaires chutaient régulièrement. En 1916 la monnaie valait 51% seulement de son cours d’avant-guerre, chutant brutalement par la suite. Les perturbations de la guerre causaient l’effondrement de l’industrie.

Les conditions au front étaient pires. Des centaines de milliers de soldats hongrois périrent misérablement lors du froid et neigeux hiver 1914-15 dans les montagnes de Carpates. Sur une armée de neuf millions, plus de cinq millions furent tués, blessés, faits prisonniers ou portés disparus à la fin de la guerre. Parmi eux deux millions de hongrois.

Le mécontentement dans la composante hongroise de l’armée Austro-hongroise conduit à des cas où les troupes étaient amenées au combat en sandwich entre des soldats allemands et autrichiens avec des mitrailleuses braquées dans leu dos. La désertion atteint des proportions massives à l’approche de la fin de la guerre.

Effets de la révolution d’Octobre

Tout au long de 1915 et 1916 il y eut une permanente augmentation du nombre de grèves. L’épuisement, la lassitude des masses face à la guerre fut aggravé dans le cas de la Hongrie par un brulant sentiment d’oppression national. L’agitation croissante dans les usines, les casernes, les quartiers ouvriers provoqua des dissensions dans les rangs de la classe dirigeante.

Dès 1915 le comte Karoly fonda son Parti de l’Indépendance, pacifiste et anti-germanique et tenta de rentrer en contact avec les alliés, indiquant que les plus clairvoyants représentants de la bourgeoisie, sentant la probabilité d’une défaite allemande, étaient près à se jeter dans les bras de l’impérialisme franco-anglais et se hisser au pouvoir appuyés par les baïonnettes des alliés plutôt que celles des allemands.

La Révolution de février en Russie donna une puissante impulsion au mouvement révolutionnaire en Hongrie. Le 1er mai 1917 une vague de grèves et de manifestation massive aboutit à la chute du gouvernement réactionnaire du comte Tisza le 23 mai. A un nouveau gouvernement fut formé par le comte Eszterhazy, qui tenta de louvoyer entre les classes avant que la situation devienne incontrôlable. LA coalition gouvernementale fut élargie pour inclure différents groupes bourgeois, alors que le SPD parti social-démocrate soutenait le gouvernement de l’extérieur.

Les travailleurs interprétèrent à juste titre ce pas comme un signe de faiblesse et profitèrent de l’avantage. Le nouveau gouvernement fut accueilli par une vague de grève, qui éclatèrent spontanément, malgré l’opposition des dirigeants syndicaux « modéré ». L’un d’eux, Samu Jasza, admit plus tard que « déjà en 1917 il y eut beaucoup de grèves bien que les syndicats insistaient pour qu’il n’y ait pas d’arrêts de travail ». Ces pauvres dirigeants ouvriers furent obligés d’être à la remorque, pour ne pas perdre toute leur influence sur les travailleurs.

La victoire de la Révolution d’Octobre en Russie eut l’effet d’une décharge électrique ne Hongrie. La magistrale agitation anti-guerre de Trotsky à Brest-Litovsk lors des négociations de paix reçut une réponse immédiate des travailleurs, soldats et paysans exténués. La revendication d’une « paix sans annexions et sans indemnités » eut de l’écho dans les usines, les villages et les tranchées ». Sous la pression irrésistible des masses, le parti anti-guerre de la bourgeoisie, conduit par Karoly, le « Kerenski » hongrois, trouva un nouveau courage pour appuyer leur demande.

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