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Qui était Sekou Touré ? Un dirigeant socialiste africain ?

lundi 9 août 2010, par Robert Paris

Sékou Touré, en Guinée, premier pays d’Afrique noire à s’extraire de la zone d’influence française. Au moment où la Guinée dit « non » à la France de De Gaulle, Sékou Touré est très clair sur le sens de sa démarche : « Il n’y a pas de dignité sans liberté : nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. »

Sa très vive intelligence ne suffit pas à Sékou pour accéder aux postes de responsabilité auxquels il aspire dans la fonction publique coloniale. Il reste donc simple responsable des postes, mais s’investit dans le syndicalisme en devenant un des meneurs de la jeune génération guinéenne et il participe à la fondation du Rassemblement démocratique africain sous la bannière duquel il se fait élire à la mairie de Conakry en 1956. Il devient peu après vice-président du conseil de gouvernement.

Lors de la visite effectuée par le Général de Gaulle à Conakry pour défendre son accord d’union-partenariat entre la France et ses colonies promises à l’indépendance, les choses ne se passent pas comme prévu. Emporté par sa fougue et la chaude ambiance qui agite la population, Sékou Touré tient à De Gaulle un discours très offensif, à l’opposé de ce qu’il avait prévu de dire, selon ses propres dires ultérieurs. De Gaulle, arrivé avec de bonnes intentions, réplique vertement « Si vous voulez l’indépendance, vous allez l’avoir ! » On dit qu’il gardera une haine indéfectible à l’égard de Sékou qui, d’une certaine façon, sortira grandi de cet accrochage. Évidemment, les Guinéens disent non au référendum sur l’union-partenariat avec la France et choisissent l’indépendance totale, qu’ils obtiennent le 2 octobre 1958 avec Sékou Touré à la tête du pays.

Les Français quittent alors la Guinée de façon très inélégante, en envoyant un sous-marin de Dakar pour vider les caisses du Trésor Public, en rapatriant immédiatement tous les fonctionnaires, et prenant des dispositions pour bloquer toutes les actions guinéennes sur la scène diplomatique internationale. Il faut que les autres pays africains comprennent bien où est leur intérêt ! Sékou Touré n’aura ainsi pas d’autre choix que de se tourner vers le bloc soviétique qui est évidemment tout disposé à l’aider, sous certaines conditions bien sûr. Peu à peu tout le pays se marxise en façade, changeant même de nom pour devenir la « République populaire révolutionnaire de Guinée » dans laquelle j’utiliserai quotidiennement, pendant quelques années, le titre de « Camarade directeur général de l’Entreprise Jean Lefèbvre » avec la signature de mon courrier précédée de la mention obligatoire « Prêt pour la Révolution » que les Guinéens, par souci d’efficacité sans doute, réduiront très vite à PPR…

Pendant ce temps, le « camarade président », titre souvent raccourci en « Prési », met progressivement en place un régime laissant assez peu de place à la contestation et beaucoup à l’adulation. À partir de 1979, les circonstances m’amènent à déménager et à quitter la banlieue ouest de Ratoma pour me rapprocher du centre et venir occuper, au cœur de la « Cité ministérielle », la maison que me laisse mon ami N’Faly Sangaré. Cette résidence, assez grande, a des avantages et des inconvénients. Parmi les avantages, le calme et la sécurité car personne n’aurait l’idée de venir trainer dans un quartier où vivent surtout des pontes du régime, et aussi la grande proximité de la résidence de l’ambassadeur des États-Unis, ce qui nous permet immédiatement de faire un branchement pirate sur leur alimentation électrique…

Parmi les inconvénients – et je dirais surtout pour l’ambassadeur américain dont la villa le surplombe -, il y a la proximité du camp Boiro. Camp militaire le plus proche du centre-ville, théoriquement destiné à abriter la garde présidentielle, il va de fait rapidement devenir une machine à exterminer les opposants du régime grâce à quelques innovations – comme la baignoire ou la diète noire – qui donnent des frissons dans le dos. En lisant tout à l’heure dans Wikipedia « Aujourd’hui ce “Camp” riche en histoire est très mal connu du grand public. Et pourtant, en lui seul le Camp Boiro concentre l’histoire de la Guinée. », j’ai eu un malaise. Cela m’a rappelé « Hitler, connais pas » qui, en 1963, avant même que je parte en garnison en Allemagne avaient déjà oublié le nom de celui qui avait failli mettre toute la planète à feu et à sang. Que nous avons la mémoire courte !…

Diallo Telli à Paris, en 195

Qui était Sekou Touré ? Première partie

Qui était Sekou Touré ? Deuxième partie

Qui était Sekou Touré ? Troisième partie

Qui était Sekou Touré ? Quatrième partie

Qui était Sekou Touré ? Cinquième partie

Qui était Sekou Touré ? Sixième partie

Qui était Sekou Touré ? Septième partie

Qui était Sekou Touré ? Huitième partie

Qui était Sekou Touré ? Neuvième partie

Qui était Sekou Touré ? Fin

Très rapidement, Sékou Touré s’initie au marxisme-léninisme en se joignant à un groupe de militants actifs de Conakry (capitale de la Guinée) constitué de communistes français. Vient ensuite le mouvement syndicaliste où il s’impliquera à fond pour cette cause et dont il comprendra très tôt le remarquable outil de promotion sociale qu’il constitue. Il devient donc en quelque sorte la vedette des congrès syndicaux.

Il se fait d’ailleurs élire en 1945, secrétaire général du syndicat du personnel des PTT. Pour freiner son influence syndicale, on lui accorde et surtout lui facilite l’entrée au poste de comptable du Trésor du Cadre supérieur en 1947. C’est vers la fin des années quarante que Sékou Touré fait son entrée sur la scène internationale ayant à peine trente ans. Par sa formation, il aidera et apportera un appui matériel et moral important à la grève des cheminots de 1947. Obtenant gain de cause de la direction générale des chemins de fer, cet événement se révèle être un triomphe personnel pour Sékou Touré. Le syndicalisme se révèlera être un excellent moyen pour lui de s’assurer le contrôle des masses.

De fil en aiguille, Sékou Touré se taille une place sur la scène politique. On le retrouve en 1945 à la tête d’un petit mouvement politique dénommé Union patriotique. Il est pratiquement le leader de l’organisation liée aux communistes. C’est environ sept ans plus tard qu’il est élu secrétaire général du Parti démocratique de Guinée (PDG). Un peu plus tard (1955), il devient membre du Comité de coordination du Rassemblement démocratique africain (RDA) et deux ans après, il occupe le poste de vice-président de cette même organisation.

C’est en 1958 que Sékou Touré prend définitivement sa place sur la scène politique et c’est plus précisément le 28 septembre 1958 lorsque le général de Gaulle affirme que le droit à l’indépendance figurera dans la nouvelle Constitution. Face à un « non » important concernant la signature d’accords d’association avec la Communauté, Sékou Touré est vite abattu. Il s’attendait à tout sauf, à une telle réplique.

Après ce fameux « non », il ne reste plus qu’à Sékou Touré de proclamer la République (2 octobre 1958). Il commence à cet instant à imposer ses lois et ses règles et annonce officiellement que le parti impose sa dictature. Suite à cela, plusieurs restrictions sont infligées à la population guinéenne. Pour s’assurer d’avoir toujours le pouvoir absolu, le nouveau dictateur de la Guinée pratiquera de nombreux maniements de complots vrais et imaginaires et il n’hésitera pas à renier de vieux compagnons. La véritable mise en place de la dictature en Guinée se fait sans doute entre 1962 et 1963.

On découvre un complot en 1969 et c’est exactement à cette époque que Sékou Touré en profite d’avantage pour régler définitivement le cas des hommes qui s’opposent à lui ou qui nuisent à son autorité. Il met à mort plusieurs personnalités civiles et militaires impliquées dans le complot dans un endroit appelé Camp Boiro où les condamnés à mort sont exécutés ou meurent tout simplement de faiblesse dans les cellules du camp. On compte entre dix milles et trente milles hommes qui auraient disparu au total au Camp Boiro, et ce, entre 1965 et 1984. Malheureusement, la liste n’est qu’une approximation et on pense que le nombre de victimes serait encore beaucoup plus élevé.

On parle donc de 26 ans environ de dictature sous le règne de Sékou Touré. Ce dernier décèdera le 26 mars 1984, à Cleveland aux États-Unis. Il aurait rendu l’âme à la suite d’une attaque cardiaque ayant dépassé légèrement le cap des soixante ans.

Les illusions perdues

La popularité de la jeune République de Guinée n’était pas entièrement imméritée. Le « NON » du peuple guinéen à la Constitution gaulliste et à la Communauté était un défi à l’impérialisme français. L’effervescence révolutionnaire, la sensibilisation des masses africaines aux mots d’ordre révolutionnaires, leur impatience même, tout ce contexte entourait le concept d’indépendance d’une sorte d’auréole mythique. L’indépendance s’identifiait à la rupture avec les anciens colonisateurs avec pour nécessaire corollaire la conscience pour les Africains de leur dignité, et le relèvement de leur niveau de vie. Aussi le processus dont l’histoire doit être faite un jour, qui contraignit Sékou Touré à opposer le refus du peuple guinéen aux offres de De Gaulle était-il salué à juste titre comme l’étape la plus importante dans la voie de l’émancipation du continent africain. La Guinée devenait la plaque tournante des rencontres entre révolutionnaires de toutes tendances certes, mais unies dans la même illusion. La première république indépendante de l’Afrique occidentale allait-elle s’engager dans la voie du socialisme, de la nationalisation des moyens de production et du pouvoir ouvrier ? Il n’est pas jusqu’aux professions de foi « marxistes » de Sékou Touré qui n’aient contribué à nourrir de nombreuses illusions.

Celles-ci viennent de prendre fin avec l’arrestation des principaux dirigeants du Syndicat des enseignants, turbulent, toujours critique, qui est devenu la pointe avancée de la Confédération générale des syndicats de Guinée. Ils sont accusés par le gouvernement d’avoir fait circuler un « tract subversif et mensonger », d’avoir travaillé en liaison avec « le groupe anti-parti » de Moscou et de Dakar, et d’avoir travaillé en collaboration avec l’ambassade de France et les ambassades de l’Est. Traduits du jour au lendemain devant cette caricature de tribunal qu’est la Haute-Cour, une vingtaine de militants syndicalistes accusés de « subversion marxiste-léniniste » sont frappés de lourdes peines de prison.

L’absurdité de l’acte d’accusation est manifeste et le peuple guinéen ne s’y est pas trompé. C’est que cette fois-ci l’opposition à Sékou Touré est le fait de militants qui tous ont eu un passé de luttes anticolonialistes. Le secrétaire du Syndicat, Koumenian Meita, est un vieux lutteur qui, au moment de la « loi-cadre », réclamait la complète indépendance et animait de son dynamisme l’ensemble du Syndicat ; Ray Autra Mamadou, un des fondateurs de la section guinéenne du Rassemblement Démocratique Africain fut expulsé par les colonialistes français et bénéficiait d’un prestige incontesté dans toute l’Afrique occidentale. Djibril Tamsir Niane, un jeune historien auteur des premiers travaux d’histoire africaine, est unanimement respecté de la jeunesse guinéenne. D’autres moins connus certes, ont tous joué un rôle dans la lutte anti-impérialiste. L’amalgame de Sékou Touré, les provocations, le vocabulaire entièrement emprunté à l’arsenal du stalinisme, sans doute réminiscences des quelques maigres leçons qu’il avait assimilées à l’école de la CGT, ne pouvaient que provoquer le sarcasme et la colère. Pour la première fois, Sékou Touré a à faire face à un mécontentement explosif qui s’est traduit par des manifestations de rue. L’ensemble des élèves de Guinée ont fait grève pour protester contre l’arrestation de leurs dirigeants. Dans d’autres centres du pays, à Kindia, à Labé, des remous populaires ont donné lieu à l’intervention brutale de la police et de l’armée. La jeunesse guinéenne, choyée et flattée par le régime, a couvert les murs d’inscriptions ; « Sékou, tu nous as menti », « Moins de camions, plus de riz ! », etc, etc.

Remarquons que la collusion des « comploteurs » avec l’impérialisme français, n’a été avancée par Sékou Touré que plusieurs jours après. Sans doute le fait de proclamer que les accusés étaient en liaison avec les ambassades de l’Est était-il à double tranchant. Car s’il est vrai que les pays « socialistes » n’ont pas répondu aux espoirs que le peuple guinéen plaçait en eux, ils restaient pour la jeunesse guinéenne notamment, des pays « non-occidentaux », anti-impérialistes. Les dirigeants guinéens ont dû penser qu’il fallait aussi mettre l’ancien colonisateur dans la conjuration et réussir à rendre plus plausible l’acte d’accusation lancé contre les syndicalistes. Cet amalgame improvisé montre en tous cas que Sékou Touré a dû manoeuvrer pour conduire la répression et qu’il a dû frapper très fort.

Tout ceci sur un fond de marasme économique profond. Le revenu annuel moyen du paysan et de l’ouvrier guinéens est sûrement le plus bas de l’Afrique occidentale. La pénurie est générale, ce qui n’est pas un reproche en soi, mais elle est aggravée et rendue intolérable par la corruption, les multiples dépenses improductives (construction de villas ministérielles, salaires exorbitants des hauts fonctionnaires, Mercedès des ministres et des directeurs de cabinet qui sillonnent insolemment les rues, etc...). Le déficit de la balance commerciale s’aggrave d’année en année. Or, au début de 1961, le, plan triennal démarrait avec toute la publicité nécessaire, et la presse stalinienne et de gauche en particulier débordait en commentaires et en prévisions pour justifier les uns « l’expérience guinéenne », les autres « la démocratie nationale ». Qu’en est-il en ce début de 1962 ? Le plan a tout simplement volé en morceaux, faute d’investissements. La gabegie, le luxe des administrateurs y ont fait leur oeuvre, et le fiasco du « Comptoir du Commerce extérieur » a creusé un déficit de 10 milliards de francs guinéens. Un décret gouvernemental a prononcé la dissolution du monopole du commerce extérieur et les opérations d’exportation et d’importation sont transférées au ministère du Commerce et de l’Industrie. La monnaie guinéenne créée en 1960 se déprécie à vive allure et cela en grande partie, par la faute des « économistes » « marxistes » qui foisonnent en Guinée et qui ont convaincu les dirigeants que l’argent n’avait nul besoin d’un étalon-or ! On se demande même si les dirigeants de Guinée connaissent exactement le volume des billets en circulation. Ne pouvant rien acheter avec du papier déprécié, même à l’effigie de Sékou Touré, les paysans soussous et foulahs ont préféré exporter frauduleusement leur riz et leur bétail au Sénégal ou au Mali pour avoir des francs C.F.A. garantis par 1a Banque de France !

L’aluminium (les réserves de bauxite) constitue la richesse industrielle de la Guinée (un milliard de tonnes, le plus fort potentiel mondial). Le complexe de Fria (trust Pechiney) est contrôlé par cinq groupes financiers et bénéficie d’exonérations d’impôts très importantes. Les mines de fer de Kaloum sont toujours entre les mains de monopoles financiers dont le Bureau Minier français et l’affaire a été jugée tellement rentable que les mêmes monopoles ont encore réinvesti 50 millions de Nouveaux Francs.

L’incident qui s’est produit entre Sékou Touré et « les Bauxites de Midi » qui exploitent les réserves de bauxite des îles de Los et de Boké, mérite d’être rappelé en quelques mots, ne serait-ce que pour montrer la dépendance de la Guinée à l’égard des caprices des monopoles impérialistes. La société avait préparé un projet qui devait permettre la production de l 500 000 tonnes de bauxite. Mais dès 1959 le rythme des travaux se ralentit et s’arrêta. Les pourparlers ayant échoué entre la Société et Sékou Touré, le gouvernement guinéen mit fin le 28 novembre 1961 aux activités des Bauxites du Midi. Quelle a été la raison de ce remue-ménage ? Tout simplement que le marché mondial est saturé d’aluminium et que les Bauxites du Midi ont jugé qu’il fallait résoudre les contradictions classiques du capitalisme monopolisateur sur le dos de l’économie guinéenne. Depuis neuf mois, Sékou Touré engage des conversations avec les trusts américains de l’aluminium qui ont des visées sur le Konkouré et qui aspirent à remplacer l’impérialisme français en Guinée. Il vient d’envoyer un message à Kennedy dont on ignore la teneur et qui a certainement trait aux projets miniers des trusts américains de l’aluminium.

Dans ces conditions, l’arrestation des syndicalistes arrive à point nommé pour servir les desseins de Sékou Touré et de la couche petite-bourgeoise qu’il représente. Les principaux journaux américains ont salué le « marxiste » Sékou Touré pour la fermeté dont il vient de faire preuve à l’égard de ceux qui exigent des mesures de rupture avec l’impérialisme. Le « New-York Herald Tribune » du 23-24 décembre 61 écrit : « Les négociations sont en cours depuis les neuf derniers mois entre la Guinée et les États-Unis pour arriver à un nouvel accord concernant l’exploitation des réserves d’aluminium du Konkouré. La volonté que manifeste Sékou Touré (expulsion de l’ambassadeur soviétique Solod, accusé d’avoir trempé dans le « complot des enseignants » ) doit pouvoir simplifier la tâche de l’administration Kennedy pour obtenir son soutien en vue de la réalisation de nouveaux projets ». Les observateurs américains ne se sont pas trompés sur leur appréciation.

Au récent congrès extraordinaire du p.d.g. (parti démocratique de guinée) qui s’est tenu à labé, tous les délégués sont montés à la tribune pour dénoncer l’idéologie « marxiste-léniniste », et réclamer les mesures les plus sévères contre les syndicalistes enseignants. il a été question de réviser leur procès et de les condamner à mort, d’envoyer des « commissaires politiques » dans les écoles, de surveiller tous les intellectuels suspects, et aussi d’instaurer le contrôle du « parti » sur la confédération générale des travailleurs guinéens. et cette décision, qui vise moscou et prague, de rompre toutes relations diplomatiques avec les pays qui apportent leur soutien a une quelconque opposition. et moscou s’est dépêché d’envoyer mikoyan à conakry pour recoller les pots cassés ! et un émissaire est parti à pékin voir mao tsé toung lui demander de calmer les « marxistes-léninistes » guinéens. pour ceux qui ont tendance à opposer la chine « révolutionnaire » à moscou « réformiste », soulignons que pékin qui parle de révolution mondiale, n’a pas bougé le petit doigt pour protester contre l’arrestation des militants syndicalistes.

Ces mesures prises au Congrès de Labé ont pour but de semer la peur parmi les étudiants guinéens de l’extérieur. Elles, ont été efficaces, puisque la plupart ont malheureusement capitulé et n’ont pas eu le courage d’être solidaires jusqu’au bout de leurs frères, Un exemple parmi tant d’autres : les étudiants guinéens de Prague rappelés à Conakry à la suite du message de solidarité qu’ils avaient adressé aux membres du Bureau des enseignants arrêtés, ont envoyé une lettre de capitulation au gouvernement de Sékou Touré et ont été autorisés à repartir pour la Tchécoslovaquie. Toutes ces capitulations successives soulignent le désarroi de l’intelligentsia guinéenne que ne guide pas l’idéologie de Lénine. Il n’est plus davantage nécessaire de souligner la responsabilité criminelle de la bureaucratie contre-révolutionnaire de Moscou et de Pékin.

Il ne fait pas de doute que tôt ou tard, la Guinée réintégrera l’orbite de l’impérialisme français. Ce n’est pas par hasard que Mendès-France et Mitterrand ont été reçus comme des chefs d’État en septembre dernier et que l’ancien gouverneur de Guinée, Roland Pré, a vu Sékou Touré faire son éloge au Congrès du Parti Démocratique de Guinée ! Or le même Roland Pré, responsable d’expulsions et de répressions, met à l’heure actuelle toute son expérience de « vieux colonial » au service des monopoles financiers dont il est l’astucieux conseiller dans la revue « Industrie et Travaux d’Outre-mer ».

Les jeux ne sont certes pas faits. Si les couches petites-bourgeoises qui détiennent l’appareil d’État en Guinée se comportent d’ores et déjà comme la courroie de transmission des besoins de l’impérialisme mondial, il reste qu’elles auront à compter avec les résistances grandissantes des ouvriers et des paysans. Le glissement dans le giron de l’impérialisme se fera avec des zigzags à droite et à gauche sur le plan de la politique extérieure, et l’on verra encore plus d’une fois Sékou Touré comme Nasser, procéder à ces tournants qualifiés de « révolutionnaires ». C’est que les groupes de Casablanca et de Monrovia manoeuvrent dans un continent dont le potentiel révolutionnaire est loin d’être entamé malgré des reculs importants dans une série de pays.

La tâche des révolutionnaires africains est claire. Il s’agit dans les quelques années à venir de se préparer à temps, à donner une direction marxiste, révolutionnaire, aux masses ouvrières et paysannes africaines et de les mener à la conquête du pouvoir d’État, cette fois pour leur propre compte. La formation de partis marxistes-révolutionnaires est une nécessité objective. En Afrique comme partout ailleurs, ces partis ne rempliront leur tâche historique qu’en partant des rapports de classe à l’échelle internationale pour formuler leur stratégie et leur tactique, qu’en prenant comme critères permanents les besoins de la classe ouvrière à l’échelle internationale.

Or si dans les pays « avancés », le poids du stalinisme et de la social-démocratie continue à peser sur le réveil du mouvement ouvrier, dans les pays arriérés, les opportunistes petits-bourgeois, soutenus parla bureaucratie stalinienne de l’Ouest et de l’Est et par l’aile « gauche » des pays impérialistes, constituent un obstacle à l’éducation révolutionnaire des masses africaines. Aussi, n’est-il pas inutile de répéter ce qu’a écrit Lénine dans ses « Thèses nationales et coloniales » adoptées au deuxième Congrès de l’Internationale communiste en 1920 : « Il est nécessaire de combattre énergiquement les tentatives faites par des mouvements émancipateurs qui ne sont en réalité ni communistes, ni révolutionnaires, pour arborer les couleurs communistes ; l’Internationale communiste ne doit soutenir les mouvements révolutionnaires dans les colonies et les pays arriérés, qu’à la condition que les éléments des plus purs partis communistes - et communistes de fait - soient groupés et instruits de, leurs tâches particulières, c’est-à-dire de leur mission de combattre le mouvement bourgeois et démocratique. L’Internationale communiste doit entrer en relations temporaires et former aussi des unions avec les mouvements révolutionnaires dans les colonies et les pays arriérés, sans toutefois jamais fusionner avec eux, et en conservant toujours le caractère indépendant de mouvement prolétarien, même dans sa forme embryonnaire. »

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