Editorial 02-05-2010 - Palestine : les faux amis et les vrais ennemis

Palestine : les faux amis et les vrais ennemis

Le mitraillage par l’armée israélienne de la flottille humanitaire qui visait à dénoncer le blocus de Gaza a permis aux Palestiniens de se découvrir beaucoup plus d’ « amis » qu’ils ne se seraient attendus à avoir dans le monde. Les peuples sont certes véritablement choqués de façon légitime mais ce n’est pas le cas des gouvernants et des classes dirigeantes du monde qui versent des larmes de crocodile. On pourrait croire à leurs déclarations indignées que la plupart des gouvernants sont devenus des amis des Palestiniens et sont choqués par la violence de l’armée israélienne contre des civils pacifiques comme par le blocus de Gaza. Il dure pourtant depuis des années sans que tous les pays qui s’indignent aujourd’hui n’aient levé le petit doigt pour le faire lever. Il aurait pourtant été facile à ces pays de faire parvenir à Gaza de la nourriture et des marchandises, en particulier celles servant à la reconstruction. Mais comment s’étonner qu’elles ne l’aient pas fait puisqu’elles ont laissé Israël détruire Gaza sous les bombes lors de l’opération « plomb durci », qui était aussi une opération visant des civils désarmés. Nétanyahou, chef de l’Etat israélien, a la mauvaise foi de dénoncer l’hypocrisie de toutes les puissances qui le critiquent : la politique meurtrière de l’Etat d’Israël n’est possible que grâce à cette hypocrisie de la « communauté internationale » qui n’a cessé de revendiquer en paroles pour les droits des Palestiniens et laisser ces droits être piétinés en fait.

La première des hypocrisies mensongères, cependant, est celle du gouvernement israélien. Ce dernier affirme que le peuple d’Israël vient d’être attaqué, non par une flottille civile humanitaire, mais par des terroristes, qualifiés tantôt de suppôts du Hamas, tantôt d’agents du pouvoir iranien, tantôt de marionnettes du gouvernement islamiste turc, tantôt de terroristes d’Al Qaïda, ce qui est très différent.

Ce discours, qui n’est destiné à convaincre que le peuple d’Israël ou encore la diaspora juive dans le monde, brode sur le thème : le peuple juif attaqué ne sera défendu que par lui-même et ne se laissera plus faire, quitte à braver l’impopularité internationale. Ce discours vise à faire croire que l’objectif des classes dirigeantes israéliennes est seulement de défendre la sécurité menacée des Israéliens. C’est sur cette base que le gouvernement d’extrême droite de Nétanyahou est soutenu même par le parti travailliste israélien qui ne rechigne pas avec un pacte avec l’extrême droite… Les gouvernants israéliens ont convaincu d’année en année la population de leur pays que tout le peuple palestinien, et tous les peuples arabes, tous les Musulmans même, étaient les ennemis de tout le peuple israélien. En réalité, la sécurité des Israéliens est menacée d’abord et avant tout par les objectifs financiers de leur bourgeoisie qui tire des profits importants de la guerre, des productions et des ventes d’armes et du soutien américain. Les USA ne soutiennent pas Israël parce que ce serait la nation juive mais parce que cet Etat a accepté de devenir l’ennemi numéro un du monde arabe, canalisant sur lui toutes les haines en lieu et place de l’impérialisme US. Ce sont les intérêts de l’impérialisme dans tout le Moyen-Orient que défend l’Etat d’Israël et pas les intérêts de leur propre peuple.

La politique d’Israël à Gaza n’est pas seulement violente et terroriste contre le peuple travailleur palestinien, enfermé dans une véritable prison à ciel ouvert, sans communication avec l’extérieur, sans activité économique, sans aucun espoir. C’est l’Etat d’Israël qui a systématiquement favorisé le développement du Hamas pour entretenir la division entre Palestiniens, pour isoler le Fatah et l’Autorité palestinienne, pour éviter les demandes de négociations avec les Palestiniens et pour obliger les Etats du monde occidental à se solidariser avec Israël dans sa guerre contre l’islamisme. La dernière action contre la flottille humanitaire n’a fait que contribuer une fois de plus à favoriser le Hamas dans l’opinion palestinienne.

Du côté palestinien, les faux amis des opprimés de Palestine sont légion aussi. L’Etat turc qui dénonce aujourd’hui le blocus était hier encore le principal allié d’Israël avec les USA. L’Etat égyptien, allié des USA et d’Israël et leur partenaire commercial, a lui aussi enfermé le peuple de Gaza puisqu’il avait fermé la porte de Gaza vers l’Egypte, interdisant les Palestiniens de résider en Egypte et bloquant les envois humanitaires et de reconstruction pour satisfaire les Israéliens. Le gouvernement turc, qui s’affiche aujourd’hui par démagogie contre Israël, est certes d’affichage islamiste mais à a maintenu ces dernières années les accords avec Israël qui font de la Turquie le principal allié militaire et commercial de ce pays à part les USA. L’indignation des Etats du monde arabe est tout aussi hypocrite que celle des Etats du monde occidental. Le Hamas d’extrême droite et le gouvernement israélien qui ne l’est pas moins peuvent bien se renforcer mutuellement, ils ne sont ni l’un ni l’autre des défenseurs des intérêts de leurs peuples.

Le peuple travailleur palestinien, pas plus que le peuple travailleur israélien, n’a rien de bon à attendre des classes dirigeantes, ni occidentales, ni arabes, ni même palestiniennes, comme toutes ces dernières années de lutte sans succès l’ont amplement montré. Il a des vrais amis dans le monde : ce sont les peuples et les travailleurs de tous les pays, y compris des travailleurs israéliens même si ces derniers sont actuellement trompés par leurs classes dirigeantes. La haine prétendue des Juifs et des Arabes est un mensonge inventé par les classes dirigeantes pour contraindre les peuples à se solidariser avec les objectifs de leurs Etats et de leurs classes dirigeantes. La défense des droits du peuple palestinien passent par la lutte pour le renversement de toutes les classes dirigeantes du Moyen-Orient, qu’elles soient d’origine juive ou arabe.

L’indépendance dont les Palestiniens opprimés ont besoin, c’est non seulement celle d’un territoire et d’un Etat indépendant de celui d’Israël, mais c’est surtout l’indépendance politique et sociale vis-à-vis des classes dirigeantes arabes, y compris palestiniennes, vis-à-vis de la bourgeoisie en général. C’est cette indépendance-là qui est la mère de toutes les libertés !